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Federal Court

 

Cour fédérale

 


Date : 20110617

Dossier : T-16-11

Référence : 2011 CF 720

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2011

En présence de monsieur le juge Lemieux 

 

ENTRE :

 

DENIS LANDRY

Gaétan Landry

Christian Trottier

Lucien Millette

Dave Lefebvre

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

Yvon Savard

Louise Bernard

Diane M’Sadoques

et

Raymond Bernard

Nayan Bernard

Keven Bernard

Jacques Bernard

Réjean Bonneville

Jules Bernard

Catheline Bernard

Nelson Lefebvre

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


I.          Introduction

[1]               Le 14 novembre 2010, le demandeur Denis Landry a été élu Chef et les autres demandeurs ont été élus conseillers de la bande des Abenakis de Wôlinak (la Première Nation). Cette élection a été contestée par les candidats défaits dont Raymond Bernard, l’ancien Chef et certains autres conseillers sortant (les défendeurs). Selon le Code électoral coutumier de la Première Nation, le bien-fondé de cette contestation a été tranché par un comité d’appel de trois membres constitué par le Conseil sortant qui avait déclenché l’élection suite à l’annulation par un comité d’appel de l’élection tenue le 13 juin 2010 (la première élection). En l’espèce, le comité d’appel était constitué d'Yvon Savard, président, ainsi que de Louise Bernard et Diane M’Sadoques, membres (le tribunal).

 

[2]               Le 21 décembre 2010, le tribunal décide majoritairement, M. Savard étant dissident, d’annuler l’élection du 14 novembre 2010 et d’ordonner la tenue, dans les plus brefs délais, d’une nouvelle élection. Il a aussi décrété que le Conseil sortant doit demeurer en place jusqu’à ce que les résultats du nouveau scrutin soient connus. Les demandeurs, par voie de cette demande de contrôle judiciaire, veulent que cette Cour casse la décision du comité d’appel.

 

II.         Les Faits

[3]               La population de la Première Nation est toute petite; une centaine de personnes vivent sur la réserve et environ quatre cents habitent hors réserve.

 

[4]               Les élections au Conseil de la Première Nation sont régies, non pas selon les dispositions du Code prescrit par la Loi sur les Indiens, mais d’après le Code électoral (le Code) approuvé par référendum des membres de la Première Nation et, par la suite, par le Ministre des affaires indiennes (le Ministre) le 29 mai 2009.

 

[5]               Les articles 8.2 et 8.7 du Code sont d’importance déterminante pour l’enjeu de cette cause; l’article 8.2 prévoit qu’un candidat à l’élection ou un électeur ayant voté peut interjeter appel au comité d’appel si cette personne a des motifs raisonnables de croire :

a)      qu’il y a eu manœuvre corruptrice ou frauduleuse en rapport avec une élection à un poste;

b)      qu’il y a eu violation du présent code qui puisse porter atteinte au résultat d’une élection à un poste;

c)      qu’une personne présentée comme candidat à une élection était inéligible à ce poste.

 

[6]               L’article 8.7 du Code dispose :

Lorsque le comité d’appel a lieu de croire :

 

a.                   qu’il y a eu manœuvre corruptrice ou frauduleuse à l’égard d’une élection,

 

b.                   qu’il y a eu violation du présent code qui puisse porter atteinte au résultat d’une élection, ou :

 

c.                   qu’une personne présentée comme candidat à une élection était inéligible à la candidature,

 

le comité d’appel peut rejeter l’élection en tout ou en partie et ordonner une nouvelle élection ou un nouveau scrutin à l’égard de l’un ou de plusieurs postes.

 

Lorsque le comité d’appel n’a pas lieu de croire que les allégations des appelants sont fondées, il informe alors par écrit les appelants, les candidats, le président d’élection et le nouveau Conseil de la Première nation des Abénakis de Wôlinak de sa décision de rejeter l’appel.

 

Toute décision du comité d’appel est finale et sans appel.

 

[7]               Le Président d’élection, Robert St-Ours (le Président), avait fait rapport sur l’élection du 14 novembre 2010 comme suit :

1.         la liste d’électeurs comportait 492 électeurs dont 333 trousses de votes postaux avaient été envoyées hors réserve; 42 trousses de votes postaux ont été remises à des électeurs sur réserve pour un total de 375 de trousses de votes postaux.

2.         209 trousses de votes postaux ont été reçues par le Président avant la date limite du 14 novembre 2010; 5 trousses ont été reçues après cette date et donc sont rejetées; 13 avis d’électeurs non conformes sont rejetés; 4 bulletins de votes postaux reçus seuls dans l’enveloppe retour sont rejetés.

3.         La distribution des votes :

·      Pour 192 votes par la poste, le taux de participation était de 39% et pour 71 votes sur place, le taux de participation était de 14%.

·      Le total des votes est de 263 votes pour un taux de participation de 53%.

4.         Le résultat du scrutin :

(1)          Poste de chef

Denis Landry – 145 votes – élu

Raymond Bernard – 70 votes

Jacques Bernard – 41 votes

 

(2)          Poste de conseiller non autochtone

Gaétan Landry – 165 votes – élu

Réjean Bonneville – 64 votes

 

(3)          Poste de conseillers autochtones

Lucien Millette – 148 votes – élu

Dave Lefebvre – 133 votes – élu

Christian Trottier – 128 votes – élu

Catheline Bernard – 110 votes

Nelson Lefebvre – 53 votes

Jules Bernard – 51 votes

Keven Bernard – 35 votes

Nayan Bernard – 35 votes

 

[8]               M. Savard est un ancien fonctionnaire du ministère des Affaires indiennes; il était à sa retraite et résidait en Floride durant tout son mandat de Président du comité d’appel constitué pour l’élection du 14 novembre 2010. Qui plus est, il avait conseillé la Première Nation lorsqu’elle avait décidé de se pourvoir d’un Code électoral coutumier, nouvellement adopté et approuvé par le Ministre en 2009, sous lequel la première élection avait été conduite.  M. Savard était le Président de ce premier comité d’appel qui a annulé la première élection; Diane M’Sadoques avait été membre de ce même comité d’appel.  Diane M’Sadoques est employée depuis 19 ans par le Grand Conseil de la Nation Waban-Aki; elle agissait à titre de secrétaire du comité d’appel qui nous concerne. Louise Bernard est le troisième membre; elle est la sœur de Raymond Bernard.

 

III.       Le déroulement de l’appel

     Les appels

[9]               Vers le 21 novembre 2010, le comité d’appel reçoit un appel en date du 16 novembre 2010 logé par tous les candidats défaits demandant que celui-ci «enquête sur les procédures et les irrégularités que nous avons constatées :

  1. Beaucoup de déclarations d’électeurs ont été attestées par les mêmes témoins, comme Denis Landry et Lucien Millette et nous soupçonnons même qu’il y ait eu pression de leur part sur les électeurs, certains de ceux-ci étant vulnérables et peu scolarisés.
  2. La réceptionniste du conseil a reçu des enveloppes de vote postal complétées, ce que nous avons trouvé bizarre, et nous ne pouvons pas vérifier si ces enveloppes ont bel et bien été remises au président d’élection.
  3. La liste des électeurs a été remise aux candidats qui l’ont demandée, alors que les électeurs n’avaient pas donné leur approbation à la divulgation de leur adresse et numéro de téléphone au président d’élection.
  4. À la fin du dépouillement nous avons constaté que les représentants des candidats ont remis les listes des électeurs ayant voté ou non au candidat Lucien Millette; le président d’élection aurait dû garder ces informations confidentielles.
  5. La confidentialité n’a pas été respectée pour toutes ces raisons; nous demandons que l’élection soit annulée immédiatement et que vous ordonniez une autre élection  immédiatement.  La situation est très urgente, car avant l’élection il y a des Landry qui ont fait circuler l’information que s’ils sont élus ils se serviraient de l’argent du conseil de bande pour défendre leur cause, car ils ont été rayés définitivement du registre des affaires indiennes du Canada il y a environ un mois. »

 

[10]           Le 19 novembre 2010, Kevin Bernard, candidat au poste de conseiller et électeur, fait appel pour les motifs suivants :

  1. « en septembre dernier, de l’intimidation a été faite à ma conjointe par l’ancien directeur général du Conseil de bande de Wôlinak, Bernard Ross afin que je me joigne à l’équipe de Denis Landry, sous prétexte que le Chef sortant ne ferait rien pour les jeunes de la communauté. De plus, Bernard Ross a spécifié à Karine Rouleau [sa conjointe] qu’à son retour de congé de maternité, il n’était pas certain qu’elle pourrait reprendre son emploi avec un conseil de bande présidé par l’ancien Chef, Raymond Bernard.
  2. en vertu du code d’appartenance de 1987, SEULS les membres inscrits au Registre des Indiens ont droit de vote aux élections. Si l’on considère que 108 membres de la famille Landry ont perdu leur statut en 1995 pour falsification d’extrait de naissance et que cette décision du registraire du Ministère des Affaires indiennes a été reconfirmée en 2010, cela suppose que ces membres, leurs conjoints et leurs enfants n’auraient pas dû avoir droit de vote. Il faut aussi souligner que le code 1987 est toujours en vigueur.  Pour ces raisons, nous demandons au comité d’appel d’annuler immédiatement l’élection du 14 novembre 2010. »

 

[11]           À ces deux contestations s’ajoutent trois affidavits et une lettre reçue par le comité d’appel :

(i)          Celui de Nelson Lefebvre, membre statué, qui allègue :

1.      «J’ai demandé à la réceptionniste du Conseil de bande, madame Lucie Landry, de me remettre 2 trousses de vote postal. Elle m’a dit qu’elle allait envoyer un courriel au président d’élection monsieur Robert St-Ours et attendre sa réponse.

2.      Elles ne m’ont pas été remises en main propre, mais déposer en courrier interne au Conseil de bande par la réceptionniste.

3.      Je n’ai jamais vu le courriel d’autorisation du président d’élection et j’ignore si des trousses de vote postal ont pu être remises par la réceptionniste, Lucie Landry, de son propre chef

(ii)         L’affidavit de Réjean Bonneville est semblable à celui de Nelson Lefebvre. Son paragraphe 1 est identique sauf qu’il dépose avoir demandé à Lucie Landry de lui remettre 5 trousses de vote postal. Il ajoute «Elle me les a remises ensuite». Quant au deuxième paragraphe, il est différent. Il atteste «quand je suis allé les reporter, dûment complétées et scellées, elle les a déposées sur son bureau».

(iii)       Dans son affidavit affirmé le 24 novembre 2010, Marielle Béliveau affirme qu’elle n’a «pas donné au président d’élection, monsieur Robert St-Ours, la permission de divulguer mon nom, mon adresse et mon numéro de téléphone aux candidats de la campagne électorale menant au scrutin du 14 novembre 2010 ».

(iv)       La lettre que le comité d’appel a reçue a été écrite par Manon Bernard.  Elle se plaint du fait que Lucie Landry avait donné ses informations personnelles « à tous ceux qui se sont présentés à l’élection du 14 novembre 2010. »

 

Les répliques aux contestations

[12]           Selon l’alinéa 8.4 du Code, les élus avaient le droit de réponse écrite aux motifs invoqués dans les deux plaintes. Les suivantes ont été déposées au comité d’appel sous déclaration solennelle :

1.      Celle de Denis Landry en date du 9 décembre 2010. Sa réponse est la suivante :

a.       « En ce qui concerne l’intimidation qu’aurait subie la conjointe de Keven Bernard de la part de Bernard Ross, un ancien employé du Conseil de bande :

                                                               i.      ni Keven Bernard ni sa conjointe ne disent en quoi a consisté l’intimidation; la conjointe de Keven Bernard, la personne concernée, est encore plus vague que Keven Bernard sur ce point;

                                                             ii.      à supposer même qu’il y aurait eu intimidation, ni moi ni les autres candidats n’avons quelque chose à voire avec cet événement.

b.      En ce qui concerne mon droit de voter et celui des autres membres non-statués de la bande des Abénakis de Wôlinak :

                                                               i.      moi-même et les autres membres non-statués auxquels Keven Bernard fait référence sommes sur la liste de bande des Abénakis de Wôlinak, et nous avons le droit d’y être en vertu de l’article 8.2 a) du Code de citoyenneté, en tant qu'Abénakis, descendant d’un Abénakis ayant eu domicile sur la réserve des Abénakis de Wôlinak;

                                                             ii.      moi-même et les autres membres non-statués auxquels Keven Bernard fait référence sommes donc des «électeurs» au sens de l’article 1.3 du Code électoral, et nous étions inscrits sur la liste électorale pour l’élection du 14 novembre 2010;

                                                            iii.      il serait d’ailleurs absurde d’avoir prévu, à l’article 2.1 du Code électoral, que le poste de Chef puisse être occupé par un électeur non-statué et d’avoir créé spécifiquement un poste de conseiller non-statué, si les électeurs non-statués n’avaient pas droit de vote!»

c.       Quant aux motifs allégués au soutien de la contestation déposée par Raymond Bernard, Réjean Bonneville, Keven Bernard, Nayan Bernard, Jacques Bernard, Jules Bernard, Catheline Bernard et Nelson Lefebvre, Denis Landry répond :

                                                               i.      «En ce qui concerne le premier motif, portant sur les déclarations d’électeurs que j’ai signées, je ne devrais même pas avoir à y répondre car les appelants admettent eux-mêmes qu’il s’agit de «soupçons» de leur part et non de faits, et de plus ils ne nomment pas les électeurs sur qui j’aurais fait «pression», et ne précisent pas non plus de quel genre de «pression» il s’agit;

                                                             ii.      Toutefois, par souci de transparence, j’affirme que je n’ai fait aucune «pression» sur les électeurs dont j’ai attesté la déclaration d’électeur;

                                                            iii.      En ce qui concerne le deuxième motif, portant sur les enveloppes de vote postal reçues par la réceptionniste du Conseil, et les «soupçons» des appelants quant à savoir si ces enveloppes ont été remises au président d’élection, encore là on ne devrait pas avoir à répondre à de simples soupçons, et de plus la question ne me concerne aucunement, ni aucun des candidats à l’élection, mais par souci de transparence je joins à la présente la déclaration solennelle de la réceptionniste du Conseil – pièce P-2 à ma déclaration solennelle – qui atteste qu’elle a remis au président d’élection toutes les enveloppes de vote postal qu’elle a reçues;

                                                           iv.      En ce qui concerne les troisième et quatrième motifs, portant sur la confidentialité de la liste électorale, je remarque que le reproche, si reproche il y a, s’adresse non pas aux candidats élus mais plutôt au président d’élection et de plus, même à supposer que les divulgations alléguées aient constitué une erreur, il ne s’agit pas d’un motif d’annulation d’élection prévu à l’article 8.2 du Code électoral. »

                                                             v.      Il indique que par le passé des contestations d’élections basées sur les mêmes motifs (absence de droit de vote des membres non-statués ont été rejetés) et il dépose à l’appui une lettre du 1er septembre 1998 du directeur général d’inscription au ministère;

                                                           vi.      Il réfute l’allégation de Keven Bernard que le ministère avait reconfirmé en 2010 la perte du droit de vote de la famille Landry.

d.      M. Landry demande au comité d’appel de rejeter les contestations aux motifs que celles-ci «ne démontrent aucunement l’un des trois motifs d’annulation prévue à l’article 8.2 du Code électoral» et en particulier «comment, pour chacun des motifs qu’ils allèguent, le résultat du vote a été affecté» ajoutant «ces contestations sont plutôt fondées sur des suppositions, des soupçons et du ouï-dire sans détails contrairement aux exigences de l’article 8.2 du Code électoral.  Il avait aussi demandé le rejet des contestations aux motifs quelles n’avaient pas été faites selon la forme exigée par le Code. [Je souligne]

 

[13]           La réponse de Gaétan Landry vise l’allégation concernant le droit de vote des membres de la famille Landry. Sa réponse est semblable à celle de Denis Landry sur ce point. Il ajoute que les deux contestations ne soulèvent aucun des motifs que l’article 8.2 permet de soulever et plus particulièrement «ils n’expliquent pas en quoi les événements allégués ont pu influencer le résultat du vote. »

 

[14]           La réponse de Lucien Millete reprend celle de Denis Landry sur les déclarations d’électeurs et la remise des listes d’électeurs.  Selon lui, il ne s’agit que de «soupçons», d’allégations de «pressions» sans preuve, sans définitions, et sans identifier les électeurs «vulnérables et peu scolarisés» concernés. Il nie avoir «fait aucune pression sur les électeurs qu’il a attestées.» Il remarque aussi que les contestataires mentionnent «que la liste des électeurs a été remise «aux candidats qui l’ont demandée». Il reconnaît qu’après le dépouillement des votes, ses représentants lui ont remis la liste des électeurs ayant voté ou non ajoutant : « comme les représentants des autres candidats leur ont aussi remis cette même liste, mais je ne vois rien dans le Code électoral qui interdit cela et s’il y a un reproche à faire à quelqu’un en ce qui concerne la confidentialité, le reproche ne s’adresse pas aux candidats, mais au président d’élection. »  Il souligne que les contestataires «n’expliquent pas en quoi la réception de listes électorales par les candidats après le dépouillement des votes aurait pu influencer le résultat du vote. »

 

[15]           Dave Lefebvre et Christian Trottier, chacun élu conseiller lors des élections du 14 novembre 2010, ont des réponses semblables; ils soulèvent deux points : d’une part, aucune des deux contestations ne répond aux exigences de fond et de forme de l’article 8.2 du Code et, d’autre part, aucune des allégations ne les concerne.

 

[16]           Louise Landry était la réceptionniste du Conseil de la Première Nation durant la période des élections. Dans sa déclaration solennelle, elle affirme qu’elle a reçu un certain nombre d’enveloppes de bulletins de vote pour le Président d’élection, en provenance d’électeurs (résidants sur la réserve) s’étant prévalus de ce mode de votation par bulletin postal. Elle déclare que toutes ces enveloppes étaient scellées et elle les a toutes déposées diligemment dans le tiroir prévu à cet effet dans le bureau du Président d’élection situé dans les locaux du Conseil.

 

V.        Le dossier du tribunal

[17]           L’article 8.5 du Code prévoit :

8.5  Dossier d’appel

 

Tous les détails et toutes les pièces déposées conformément aux dispositions du présent article constitueront et formeront le dossier d’appel.  Une fois la procédure d’appel complétée, le dossier d’appel est archivé au Conseil de la Première nation des Abénakis de Wôlinak.

 

[18]           En l’espèce, le contenu du dossier du tribunal revêt une importance particulière étant donné que son président résidait en Floride tout le temps que le tribunal fonctionnait.  Ce dossier contient les échanges de documents et de courriels entre M. Savard et Diane M’Sadoques ainsi que les commentaires entre les membres eux-mêmes.

 

[19]           Ce dossier démontre que M. Savard rédigeait les projets de communications entre le comité et les particuliers.  Je cite comme exemple l’accusé de réception de contestations (dossier pages 12, 14 et 15) qui avisait les contestataires des dates limites pour faire parvenir leur réponse le 24 décembre 2010.

 

[20]           Le dossier contient aussi les échanges que M. Savard avait avec les tiers parties.  À la page 22 du tribunal se trouve copie du courriel qu’il a envoyé le 1er décembre 2011 au président d’élection dans laquelle il lui demandait ses commentaires sur les contestations avec copie de ce courriel à Mme M’Sadoques ainsi que la réponse de M. St-Ours que M. Savard a reçue et transmise à Mme M’Sadoques (voir dossier pages 24 et 63).

 

[21]           Je reproduis les commentaires du président d’élection :

Premièrement, la personne que j’avais embauchée pour m’assister dans le processus a démissionné la veille de l’assemblée de présentation.  J’ai donc dû composer avec cette réalité à pied levé.

 

Je n’ai jamais remis de liste électorale à qui que ce soit.  La question a été soulevée au début par un candidat.  J’ai répondu que je vérifierais à partir du code électoral.  Les personnes m’ont fait remarquer que le chef sortant avait accès à la liste électorale et que des documents étaient envoyés aux électeurs.  J’ai ajouté que ce qui était bon pur un devait être bon pour l’autre, mais je n’ai jamais demandé à ce que ce soit fait.

 

J’ai contrôlé toutes les remises de trousses postales.  J’ai effectivement laissé des trousses cachetées à la réception pour accommoder les électeurs compte tenu de ma présence une demi-journée par semaine.  Quant aux enveloppes retournées par Réjean Bonneville, il pouvait les mettre à la poste, les enveloppes étaient affranchies.  Il prétend qu’il ne peut savoir si les enveloppes de retour ont été remises au président d’élection.  Il existe un moyen de vérifier.  Il s’agit de poser la question au président d’élection.  Je peux vous affirmer que j’ai en main les avis d’électeur de Réjean Bonneville et de sa famille, confirmant que j’ai bel et bien reçu les dites enveloppes.

 

Pour ce qui est de la confidentialité, je suis tenu de m’assurer que le vote est confidentiel.  Tous les représentants témoins peuvent savoir qui a voté, mais ne peuvent savoir pour qui ces électeurs ont voté.  J’aurais préféré que les listes demeurent dans la salle.

 

Après le dépouillement, vers minuit 20, j’ai demandé aux gens d’attendre, je suis allé aux toilettes.  En sortant le policier m’informe qu’il y a des gens dehors.  Je suis sorti.  On m’a demandé les résultats.  J’ai répondu que je les donnerais d’ici une dizaine de minutes.  À ce moment les représentants des candidats sont sortis.  Je leur ai demandé de retourner à l’intérieur.  Afin que je puisse personnellement faire l’annonce.  Les deux personnes qui m’assistaient, ont ramassé les documents durant ce temps.

 

Je ne crois pas que le fait qu’un des représentants sorte avec une liste d’électeurs ayant voté entache l’obligation de confidentialité du scrutin selon le code électoral.

 

Le président d’élection doit s’assurer que les électeurs obtiennent toute la confidentialité par rapport à leurs choix de vote et cette obligation a bel et bien été respectée. (Dossier page 63) [Je souligne]

 

 

[22]           Le 14 décembre 2010, M. Savard  fait parvenir aux deux autres membres du tribunal le résultat de ses recherches, analyse, commentaires et conclusions relatifs aux deux appels.  Afin de gagner du temps et de possiblement rendre une décision avant les Fêtes et dans l’expectative d’un consensus entre les membres du comité, M. Savard avait préparé le tout sous forme de réponse aux appelants.  Il souligne à ses collègues « que notre rôle en tant que comité d’appel est de déterminer si l’un ou l’autre des motifs invoqués a pu contrevenir à l’article 8.2 du Code » [ajoutant] « Or, pour ma part, vous constaterez à la lecture de mon analyse et de mes conclusions que je n’ai trouvé aucun motif pouvant contrevenir l’article 8.2 et qu’en conséquence je suis d’avis que les appels doivent être rejetés.  J’ose espérer que vous partagez mon point de vue. » (Dossier page 65 à 76). [Je souligne]

 

[23]           Cette journée même Diane M’Sadoques transmet à M. Sarvard les commentaires que le comité avaient reçus de Denis Landry (dossier pages 77 à 86), de Lucie Landry (dossier page 87), de Lucien Millette (dossier page 88 et 89) de Gaétan Landry (dossier pages 90 et 91) de Christian Trottier (dossier page 92), et de Dave Lefebvre (dossier page 93).

 

[24]           Le 15 décembre 2010 Mme. M’Sadoques envoit à M. Savard ses commentaires et analyse quant à la tenue de l’élection, à la contestation déposée, aux commentaires du président d’élection et ceux des demandeurs (dossier pages 95 à 98).  Pour l’essentiel, les commentaires de Mme. M’Sadoques sont identiques à ceux que l’on retrouve à l’appui de sa décision.  Je remarque qu’en faisant parvenir leurs commentaires à M. Sarvard Mesdames M’Sadoques et Bernard ne concluaient pas, à cette époque, que l’élection devait être annulée.

 

[25]           Le dossier du tribunal révèle que ce n’est que le matin du 21 décembre 2010 que M. Savard a réalisé que l’argumentaire de ses deux collègues visait l’annulation de l’élection.  Il procède durant la journée du 21 décembre 2010 à réviser la documentation afin de refléter une décision partagée.

 

[26]           Il envoit le courriel suivant le 21 décembre 2010 (dossier du tribunal page 142) :

Je suis extrêmement surpris d’apprendre que des policiers sont déjà chez-vous pour aller livrer les lettres; d’abord les lettres en question doivent, pour respecter l’esprit de la politique, être envoyées sous pli recommandé; de plus, ce n’est pas du tout l’entente que nous avions prise ce matin au téléphone lors de notre conférence téléphonique; je devais vous faire parvenir dès que possible en début d’après-midi un projet de lettre contenant les deux argumentaires relatifs au traitement des 2 appels que le comité a reçus.  On devait ensuite en discuter si vous n’étiez pas d’accord; je ne sais pas exactement ce qui vous poussent à agir de façon aussi précipitée présentement; je pensais même au contraire qu’il fallait prendre bien notre temps; car, moi, si je jugeais que les faits étaient assez clairs pour rejeter les 2 appels, ma suggestion, que vous avez refusée, de désigner un enquêteur indépendant aurait pu vous permettre d’éviter de prendre une décision que je juge déraisonnable

 

Je vais néanmoins vous faire parvenir mon projet de lettre dans la prochaine demie heure; mais je vous signale que ce ne doit pas se terminer là; car une fois qu’on sera d’accord sur le projet de lettre, il faudra ensuite en préparer une autre à l’intention des candidats élus et du président pour leur faire part de la décision de la manière prescrite au Code électoral.

 

Enfin, j’espère que vous aurez la décence et la courtoisie élémentaire, si vous faites des modifications, de me faire parvenir le projet dans sa forme finale.  [Je souligne]

 

VI.       La décision du tribunal

[27]           Le 21 décembre 2010 vers 16 heures, le comité d’appel rend une décision partagée. Cette décision indiquait qu’elle était accompagnée, en annexe, de l’argumentaire de la majorité et celui d’Yvon Savard, dissident. Une partie de celui de M. Savard, par inadvertance, était manquante; il est remis aux parties deux jours plus tard.

 

[28]           Dans sa décision, la majorité du comité d’appel estime, qu’après avoir analysé le contenu des documents de contestation, elle a reconnu que des irrégularités se sont produites lors de l’élection et que certains des motifs allégués par les appelants étaient fondés.  « Les motifs majeurs étaient à l’effet que la liste des électeurs contenant les adresses et coordonnées téléphoniques des membres a été remise aux candidats qui l’ont demandée (contrevenant à l’article 5.1) et que la liste des électeurs ayant voté ou non ait été remise à l’un des candidats (contrevenant aux articles 5.18 et 7.1).  La majorité des membres du comité d’appel en est venue à la décision qu’en vertu de l’article 8.7b) du Code, ils se voient dans l’obligation d’annuler l’élection et d’ordonner la tenue, dans les plus brefs délais, d’une nouvelle élection. »

 

 

L’argumentaire de la majorité

[29]           L’argumentaire de la majorité précise pourquoi elle a décidé que l’élection devait être annulée.

1.         Le Code électoral prévoit que le Président d’élection fournit, sur demande de tout électeur résidant sur la réserve, les documents visés (trousse électorale de vote postal), documents qui doivent être envoyés par la poste ou remis à chacun des électeurs. La majorité constate : … Dans ses commentaires, le président d’élection admet qu’il a laissé des trousses à la réception. Lucie n’était pas autorisée à les distribuer (affidavit Réjean Bonneville, point 1 et Nelson Lefebvre point 1).

 

 

2.         Il y a eu une correction/révision de la liste électorale. La majorité s’exprime ainsi :

 

«3 membres ont été inscrits le 12 oct. Les mêmes 3 membres furent retranchés le 20 oct. Pourtant au scrutin l’un deux a pu voter. (raison donnée par le Président : le CBW payait de l’éducation à cette personne depuis des années … raison non valable puisqu’un allochtone résidant sur réserve peut faire une demande de BS sans être membre de la Bande et celle-ci ne peut le refuser. Après discussion avec le Président [d’élection], celui-ci admettait que la personne n’était pas inscrite sur la liste des électeurs.»

 

 

3.         Sur les directives du président d’élection, la majorité écrit :

 

«Le président d’élection doit, avant l’ouverture du scrutin, remettre au président du scrutin, la liste électorale, les bulletins de vote, les accessoires nécessaires au marquage des bulletins de vote, et une quantité suffisante de directives de votation. Cette directive est sûrement là pour le cas ou il y aurait plusieurs bureaux de scrutin, mais ce n’y est pas spécifié. S’il n’y avait pas eu de présidente de scrutin de nommée, cette directive n’aurait pas été respectée.»

 

4.         Sur la liste de ceux qui ont voté, la majorité souligne :

 

«Le président doit garder en sa possession les bulletins, les listes électorales et tout autre … Dans ses commentaires le président admet qu’une liste des électeurs ayant voté est sortie et qu’il ne croit pas que la confidentialité du vote ne soit entachée … Ce n’est pas des élections provinciales ou il y a 5000 votes … sur 263 votes, il est très facile de déterminer qui a voté pour qui.»

 

 

 

5.         Sur la liste remise au candidat, la majorité constate :

«Pour ce qui est de la liste des membres (liste de noms seulement), celle-ci peut être remise aux candidats mais pas la liste avec adresses et numéros de téléphone. Le fait que la liste avec coordonnées ait été distribuée par la réceptionniste m’amène à soupçonner qu’il y aurait peut-être eu manœuvre de pression quant au résultat du vote

 

 

6.         La majorité s’interroge qui a été nommé par le président d’élection  pour l’assister comme président du scrutin.

 

 

7.         Sur la contestation de Raymond Bernard et autres, la majorité écrit:

 

Point 1)     soupçons de pression. Le fait que la liste avec coordonnées ait été distribuée par la réceptionniste m’amène à soupçonner qu’il y aurait peut-être eu manœuvre de pression d’une part et d’autre quant au résultat de vote.

 

Point 2)     Liste des électeurs remise aux candidats. La seule liste qui peut être donnée aux candidats est la liste de noms seulement (sans coordonnées)

 

Point 4)     Liste des électeurs ayant voté ou non a été donnée à Lucien Millette. Sur 263 votes, il est très facile de déterminer qui a voté pour qui. Le secret du vote n’a pas été respecté.

 

8.         Sur la déclaration de Denis Landry, la majorité fait les commentaires suivants :

 

Point 4.11 – à la réponse de M. Landry «à supposer même qu’il y aurait eu intimidation, ni moi ni les autres candidats n’avons quelque chose à voir avec cet événement», la majorité estime que «M. Ross est l’associé de Lucien Millette, qu’il a été soumis à une démission plutôt qu’à un congédiement de ses fonctions comme directeur général du Conseil et prévoit devenir consultant du Conseil avec le nouveau conseil.» M. Ross admet qu’il a effectivement parlé à Karine Rouleau et s’excuse si ses propos ont pu être interprétés comme de l’intimidation. La majorité conclut :

            «S’il s’excuse pour l’interprétation, connaissant M. Ross, je crois qu’il l’aurait vraiment intimidée».

 

Point 5a)d) Soupçons de pression  Le fait que la liste avec coordonnées ait été distribuée par la réceptionniste m’amène à soupçonner qu’il y aurait peut-être eu manœuvre de pression quant au résultat du vote.

 

9.         Sur la déclaration de Lucien Millette, (1) quant à l’intimidation de Karine Rouleau, la majorité apporte le même raisonnement qu’elle avait déjà avancé dans sa discussion du point 4.11 de la déclaration réponse de M. Denis Landry; (2) il s’avère ainsi pour la question de pression découlant de la disponibilité à tous candidats des listes d’électeurs avec adresses résidentielles et numéro de téléphone; (3) Les deux membres majoritaires réfutent en faisant référence à l’article 7.1 du Code, le fait que M. Millette aurait eu en main, après le scrutin la liste d’électeurs qui avaient voter ou non; (4) sur le point 12, la majorité écrit :

 

             … elle ne tient pas compte que certains candidats élus n’ont rien à voir avec aucun des motifs allégués dans les contestations. Est-ce que ça veut dire qu’il admet que certains autres candidats élus ont à voir avec les motifs allégués.  Le président d’élection n’a pas suivi correctement les procédures. »

 

L’argumentaire d’Yvon Savard

[30]           Je reproduis les commentaires d’Yvon Savard sur chaque point soulevé par la majorité ainsi que la conclusion qui en découle. Il adresse ses commentaires directement à la majorité.

 

Point No : 1 – Déclarations d’électeurs attestées par les mêmes témoins

     Il cite l’article 5.9.1d) du Code et réplique:

 

Comme vous êtes vous-mêmes en mesure de le constater, il n’y a, ni dans cet énoncé ni ailleurs dans le Code électoral, aucune restriction qui vienne limiter le nombre de déclarations qu’un même témoin peut attester.

 

     Sur le point que la majorité invoque à savoir «qu’il pourrait y avoir eu des pressions», M. Savard écrit :

 

… je ne peux pas me prononcer à ce sujet car votre hypothèse est uniquement basée sur des soupçons; vous comprendrez qu’en campagne électorale, pression et sollicitation pourrait être facilement confondues et je ne suis pas en mesure de statuer sur des allégations basées uniquement sur des soupçons qui sont d’ailleurs démentis sous serment par les intéressés dans la documentation qu’ils nous ont fournie;

 

 

Point No : 2 – Enveloppes de vote postal reçues à la réception

 

     «Le président d’élection nous a affirmé que dans les cas cela s’est produit, la réceptionniste du bureau avait instruction de déposer ces enveloppes dans un tiroir particulier de son bureau; et, dans les cas où cela s’est produit, cela aurait pu être évité si ces enveloppes, qui étaient préaffranchies, avaient été mises à la poste directement par les personnes concernées pour être dirigées au casier postal retenu à cet effet à St-Grégoire.

 

     Quant à votre questionnement à savoir si ces enveloppes ont bel et bien été remises au président d’élection, je suis en mesure de vous confirmer, après vérification avec le président d’élection, que tous les électeurs concernés ont bien été enregistrés sur la liste du président d’élection comme ayant exercé leur droit de vote lors du scrutin du 14 novembre. Et, de plus, nous avons une déclaration solennelle assermentée de Madame Lucie Landry qui confirme qu’elle a bel et bien déposé ces enveloppes dans le tiroir que le président d’élection lui avait indiqué.»

 

 

Point No : 3 – Remise de la liste d’électeurs à certains candidats

 

     «Selon les informations obtenues, le président d’élection savait que des membres du personnel de l’Administration en place avaient remis de telles listes non seulement à Lucien Millette mais à d’autres candidats également; de plus, la raison pour laquelle le président ne s’y est pas objecté, c’est qu'après avoir vérifié, il s’est fait dire que cette façon de faire était admise ayant déjà eu cours de façon régulière par le passé.»

 

     Si cette pratique ne contrevient pas au Code électoral, elle préoccupe néanmoins le comité d’appel dans la mesure où certaines personnes se sont plaintes qu’elle permettait de divulguer des informations de nature personnelle comme leur adresse et leur numéro de téléphone.

 

     Cette façon de faire fera donc l’objet d’une recommandation au Conseil de bande de la part du comité mais ne constitue pas pour autant un motif pouvant justifier l’annulation de l’élection en vertu de l’article 8.2 du Code électoral.»

 

 

Point No : 4 – Remise de la liste des électeurs au candidat Lucien Millette

 

     «Vous dites ici qu’à la fin du dépouillement nous avons constaté que les représentants ont remis la liste des électeurs ayant voté ou non au candidat Lucien Millette, le président aurait dû garder ces informations confidentielles.

 

     Selon la déclaration solennelle de Monsieur Lucien Millette, d’autres candidats auraient aussi reçu une liste d’électeurs.

 

     Voici la version intégrale du président d’élection à ce sujet :

 

«Pour ce qui est de la confidentialité, je suis tenu de m’assurer que le vote est confidentiel. Tous les représentants témoins peuvent savoir qui a voté, mais ne peuvent savoir pour qui ces électeurs ont voté. J’aurais préféré que les listes demeurent dans la salle.

 

Après le dépouillement, vers minuit 20, j’ai demandé aux gens d’attendre, je suis allé aux toilettes. En sortant le policier m’informe qu’il y a des gens dehors. Je suis sorti. On m’a demandé les résultats. J’ai répondu que je les donnerais d’ici une dizaine de minutes. À ce moment les représentants des candidats sont sortis. Je leur ai demandé de retourner à l’intérieur. Afin que je puisse personnellement faire l’annonce. Les deux personnes qui m’assistaient, ont ramassé les documents durant ce temps.

 

Je ne crois pas que le fait qu’un des représentants sorte avec une liste d’électeurs ayant voté entache l’obligation de confidentialité du scrutin selon le code électoral.

 

Le président d’élection doit s’assurer que les électeurs obtiennent toute la confidentialité par rapport à leurs choix de vote et cette obligation a bel et bien été respectée.»

 

     Je suis d’accord avec le président d’élection et je suis d’avis que la confidentialité du vote n’a pas été entachée et que le secret du vote tel qu’il est stipulé à l’article 6.5 du Code électoral a été intégralement respecté.

 

     Je reconnais cependant que certaines irrégularités se sont produites au niveau de la procédure en ce qui concerne la transmission et la divulgation d’informations qui doivent êtes faites par le président d’élection; ces irrégularités feront l’objet de recommandations particulières au Conseil de bande mais elles ne constituent pas pour autant un motif pouvant justifier l’annulation de l’élection en vertu de l’article 8.2 du Code électoral.» [Je souligne]

 

 

Point No : 5 – Respect de la confidentialité et statut de la famille Landry

 

     Pour les motifs qu’il avait exprimés auparavant à la majorité, M. Savard est «d’avis que pour l’essentiel le secret du vote a été intégralement respecté».

 

     Sur la question du statut de la famille Landry, il aborde un point particulier :

 

Pour ce qui est de l’information que vous avez entendue à l’effet que des fonds de la Bande pourraient servir à défendre la famille Landry, je ne peux pas me prononcer sur ce genre d’hypothèse qui, de toute façon, ne peut pas constituer un motif d’appel en vertu du Code électoral.

 

     Enfin en ce qui concerne la perte de statut de la famille Landry, M. Savard dit avoir effectué des vérifications à ce sujet. Il estime, contrairement à ce que la majorité avait affirmé, qu’aucune décision finale n’a été rendue par le ministère dans cette cause. Il ajoute :

 

De toute façon, l’argument que la famille Landry n’a pas droit de vote a déjà été rejeté en 1998 par deux instances différentes : soit un appel rejeté par M. Ralph Brant du Ministère des Affaires Indiennes daté du 1er septembre 1998 de même qu’un jugement de la Cour fédérale du Canada rendu le 18 juin 1998 par le juge Richard dans la cause Fortin contre le Conseil de bande de Wôlinak.

 

De plus nous tenons à vous faire remarquer qu’à Wôlinak, le droit de vote est accordé, en vertu de votre Code d’appartenance, aux membres de la Bande et non pas juste aux personnes qui possèdent le statut d’Indien.

 

Il était donc tout à fait légitime pour les membres de la famille Landry d’être inscrits sur la liste électorale et d’exercer leur droit de vote lors du scrutin du 14 novembre.  [je souligne]

 

     Les deux points manquants dans l’argumentaire de M. Savard en réponse à la contestation de Keven Bernard

 

 

[31]           Le dossier du tribunal révèle que les deux points manquants de l’argumentaire de M. Savard lorsque la décision du comité d’appel a été émise le 21 décembre 2010, découle d’un projet de décision une semaine auparavant que M. Savard avait rédigé pour adhésion du comité d’appel par ses trois membres, ce qui ne fut pas le cas. Les deux points étaient en réponse à la contestation de Keven Bernard qui avait soulevé deux éléments. Voici le point de vue de M. Savard. Il adresse ses remarques à Keven Bernard.

Point No : 1 – Allégation d’intimidation

D’entrée de jeu, il est important de souligner ici que la personne qui, supposément, aurait été victime d’intimidation ne fournit elle-même aucun détail à l’appui de sa déclaration.

 

J’ai néanmoins contacté la personne visée par cette allégation et la version que j’ai obtenue diffère quelque peu de votre énoncé; en l’occurrence, M. Bernard Ross admet qu’il a effectivement parlé à Madame Rouleau et qu’il lui a fait part de la philosophie du Chef d’alors, Raymond Bernard; philosophie qui consistait à surveiller les jeunes à l’emploi de la communauté d’un peu plus près; qu’à cause de leur manque d’expérience, il fallait, selon lui, les avoir à l’œil. M. Ross affirme de plus que ses propos pourraient même être corroborés par un témoin qui était présent lors de cette conversation.

 

Si ce genre de propos de la part de Bernard Ross a pu être interprété comme de l’intimidation, il s’en excuse, et il continue de soutenir qu’il n’a jamais intimidé ni tenter d’intimider qui que ce soit.  [Je souligne]

 

Point No : 2 – Code d’appartenance et perte de statut de la famille Landry

En vertu du code d’appartenance de 1987, vous affirmez que seuls les membres inscrits au registre des Indiens ont droit de vote aux élections; or la définition de ce registre à l’article (I) stipule qu’il s’agit du registre qui est tenu au Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien et dans lequel est consigné le nom de chaque personne ayant droit d’être inscrite comme indien en vertu de la Loi. Depuis que vous avez adopté votre Code d’appartenance en 1987, c’est la définition contenu à l’article K de ce Code qui s’est toujours appliquée en ce qui concerne les élections à Wôlinak; il s’agit ici du Registre de la bande qui contient les noms de tous les membres de la Bande, qu’il soit indien ou non. Ceci est d’ailleurs corroboré dans votre Code électoral, adopté en 2008, à l’article 2.1 qui prévoit qu’un des 4 postes de conseiller devra être occupé par un électeur non-autochtone tandis que le poste de Chef pourrait, quant à lui, être occupé par un électeur qu’il soit de statut autochtone ou non.  [Je souligne]

 

M. Savard aborde un deuxième élément : la perte de statut de la famille Landry. En somme, il retient le même point de vue qu’il avait déjà exprimé au point no 5 ci-haut.

 

En guise de conclusion sur la contestation de Keven Bernard, M. Savard invoque l’article 8.2 du Code électoral et écrit :

Or, après avoir soigneusement analysé et vérifié les motifs que vous avez soulevés, j’ai fait part au comité de mes constatations à l’effet;

 

a)             qu’il n’y avait pas eu manœuvre corruptrice ou frauduleuse en rapport avec l’élection aux postes à pourvoir;

b)             qu’il n’y avait pas eu de violation du code électoral qui puisse porter atteinte au résultat de l’élection à aucun des postes à pourvoir;

c)             qu’aucune des personnes qui se sont présentées comme candidat à cette élection étaient inéligibles à le faire.

 

Je recommandais donc au comité qu’en conclusion on ne pouvait pas souscrire à votre requête sur la base des motifs invoqués; et, en conséquence, statue que les résultats de l’élection du 14 novembre sont maintenus.

 

De plus, nous tenons à vous assurer qu’après vérification, nous avons constaté que le Président d’élection, malgré quelques irrégularités mineures et involontaires de sa part survenues au cours du processus s’était acquitté objectivement de ses fonctions conformément au mandat que lui avait confié le Conseil de Bande.

 

Nous vous prions, monsieur, de bien vouloir accepter l’expression de nos salutations les meilleures.

 

 

VI.       Les prétentions des parties

 

(a)   Les demandeurs

 

[32]           Les demandeurs soutiennent que la décision de la majorité du comité d’appel doit être cassée pour les motifs suivants :

 

1.                  Une crainte raisonnable de partialité existe du fait de la composition des deux membres de la majorité;

2.                  Les plaintes des défendeurs sont irrecevables parce qu’elles n’étaient pas conformes aux exigences de forme du Code;

3.                  La conclusion de la majorité qu’il y a eu violations du Code électoral portant atteinte au résultat du vote est erronée;

4.                  À sa face même, les faits relatés dans la plainte de Keven Bernard ne correspondent pas à de l’intimidation;

5.                  Le dossier d’appel ne comporte absolument aucune preuve de manœuvres frauduleuses susceptible de porter atteinte au résultat de l’élection;

6.                  Les membres de la famille Landry avaient le droit de vote du simple fait que le nom de chacun d’eux apparaissait sur la liste d’électeurs;

7.                  L’autorisation de voter, donnée par le président d’élection à un membre non-inscrit sur la liste électorale, n’était pas un motif avancé dans l’une ou l’autre des deux plaintes déposées au comité d’appel par les défendeurs;

 

(b)  Les défendeurs

[33]           Dans leur dossier réponse, les défendeurs soumettent que la décision de la majorité du comité d’appel doit être maintenue essentiellement pour les raisons suivantes :

1.                  Les demandeurs n’ont pas les mains propres parce qu’ils « ont collectivement failli aux règles d’équité procédurale et ne peuvent donc pas demander l’intervention de cette Cour pour annuler la décision du comité. »  À l’appui de cette proposition, les défendeurs prétendent que :

(i)      Denis Landry et Lucien Millette ont obtenu illégalement la liste électorale avec adresses et numéros de téléphone;

(ii)           Monsieur Savard, par l’intermédiaire de Lucie Landry, communiquait avec Maître Paul Dionne, l’avocat des demandeurs, sans en informer les autres membres du comité d’appel;

(iii)     Selon l’article 8.6 du Code, le comité d’appel, si les faits allégués ne lui paraissaient pas suffisants pour décider de la validité de l’élection faisant l’objet de la plainte, pouvait mener ou faire mener une telle enquête.  Monsieur Savard a mené une telle enquête sans être désigné par le comité d’appel et sans avoir présenté un rapport détaillé pour examen par les autres membres du comité;

(iv)     Les demandeurs ne peuvent soulever tardivement en contrôle judiciaire leur objection à la présence de Louise Bernard sur le comité s’ils ne l’ont jamais invoquée auparavant.  Qui plus est, il n’existe aucune preuve de partialité de la part de Diane M’Sadoques;

(v)     La preuve au dossier était suffisante pour appuyer la conclusion du comité qu’il y a eu plusieurs violations aux dispositions du Code;

(vi)     Denis Landry et Gaétan Landry ne sont plus inscrits au registre du Ministère qui a rendu sa décision finale le 28 janvier 2011.  En conséquence, les demandeurs, Denis Landry et Gaétan Landry, ne sont plus membres de la bande des Abénaquis de Wôlinak et ne sont plus électeurs au sens de l’article 1.3 du Code.

 

 

VII.   Analyse

A.            La norme de contrôle

[34]           Suite à l’arrêt de la Cour Suprême du Canada dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], qui avait effectué une refonte à ce sujet, la Cour d’appel fédérale, dans son arrêt Première nation no 195 de Salt River c Martselos, 2008 CAF 221, énonce les principes suivants :

(i)             Une décision du Conseil de bande concernant la destitution du Chef qui soulève une question de compétence ou d’équité procédurale doit être examinée sous la norme de la décision correcte (paragraphe 26);

(ii)           L’interprétation du Code électoral par le Conseil doit être évaluée à la lumière de la décision correcte (paragraphes 28 à 32);  et

(iii)          L’examen des faits et les mesures prises à la suite de cet examen commandent un contrôle selon la décision raisonnable (paragraphe 28).

 

B.            Le Code Électoral

[35]           Nous savons que la Première Nation s’est dotée de son propre Code concernant les élections du Conseil selon la coutume; il fut approuvé par arrêté ministériel, le 29 mai 2009.  Son préambule se lit : 

Le Conseil de la Première nation des Abénakis de Wôlinak se dote, par la présente, de son propre code électoral afin de mieux refléter, dans un document formel, les pratiques, usages et coutumes relatives à la façon démocratique utilisée par la communauté pour élire ses dirigeants qui ont le mandat de réaliser les objectifs découlant de sa mission et qui vise à défendre et à protéger les droits et les intérêts de la Nation ainsi qu’à travailler, sur les plans culturel, économique et social, à la promotion du mieux-être individuel et collectif de l’ensemble de ses membres.

 

 

[36]           Il est utile de reproduire certaines dispositions du Code.  J’ai déjà mentionné que l’article 8.2 donne ouverture à un candidat à l’élection de contester l’élection. Par contre, l’article 8.7 indique au comité d’appel dans quelles circonstances il peut accueillir un appel. Ces deux dispositions ont déjà été citées dans ce jugement.

 

[37]           Afin de mieux apprécier les arguments des parties, je reproduis certaines dispositions du Code, en annexe.

 

[38]           Bien que la Première Nation c’est doté d’un Code électoral, il n’y a aucun doute que ce Code est calqué sur certaines dispositions de la Loi sur les Indiens et son Règlement d’application en matière électorale, le Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens CRC ch 952 (le Règlement).

 

[39]           Quant au régime législatif sur l’annulation d’une élection, la Loi sur les Indiens prévoit au paragraphe 79 :

 Le gouverneur en conseil peut rejeter l’élection du chef ou d’un des conseillers d’une bande sur le rapport du ministre où ce dernier se dit convaincu, selon le cas :

 

 The Governor in Council may set aside the election of a chief or councillor of a band on the report of the Minister that he is satisfied that

 

aqu’il y a eu des manœuvres frauduleuses à l’égard de cette élection;

(athere was corrupt practice in connection with the election;

 

bqu’il s’est produit une infraction à la présente loi pouvant influer sur le résultat de l’élection;

 

(bthere was a contravention of this Act that might have affected the result of the election; or

 

c) qu’une personne présentée comme candidat à l’élection ne possédait pas les qualités requises.

 

(c) a person nominated to be a candidate in the election was ineligible to be a candidate.

 

 

[40]           Une contestation ou un appel d’une élection est prévu au paragraphe 12 du Règlement, qui se lit :

12. (1) Si, dans les quarante-cinq jours suivant une élection, un candidat ou un électeur a des motifs raisonnables de croire :

12. (1) Within 45 days after an election, a candidate or elector who believes that

 

a) qu’il y a eu manœuvre corruptrice en rapport avec une élection,

(a) there was corrupt practice in connection with the election,

b) qu’il y a eu violation de la Loi ou du présent règlement qui puisse porter atteinte au résultat d’une élection, ou

(b) there was a violation of the Act or these Regulations that might have affected the result of the election, or

 

c) qu’une personne présentée comme candidat à une élection était inéligible,

 

(c) a person nominated to be a candidate in the election was ineligible to be a candidate,

il peut interjeter appel en faisant parvenir au sous-ministre adjoint, par courrier recommandé, les détails de ces motifs au moyen d’un affidavit en bonne et due forme.

may lodge an appeal by forwarding by registered mail to the Assistant Deputy Minister particulars thereof duly verified by affidavit.

 

 

[41]           Le paragraphe 14 du Règlement édicte dans quelles circonstances le Ministre des Affaires indiennes et du Nord Canadien doit faire rapport au gouverneur en conseil. Il se lit :

 

14. Lorsqu’il y a lieu de croire

 

14. Where it appears that

 

a) qu’il y a eu manœuvre corruptrice à l’égard d’une élection,

 

(a) there was corrupt practice in connection with an election,

 

b) qu’il y a eu violation de la Loi ou du présent règlement qui puisse porter atteinte au résultat d’une élection, ou

 

(b) there was a violation of the Act or these Regulations that might have affected the result of an election, or

 

c) qu’une personne présentée comme candidat à une élection était inadmissible à la candidature,

 

(c) a person nominated to be a candidate in an election was ineligible to be a candidate,

 

le Ministre doit alors faire rapport au gouverneur en conseil.

 

the Minister shall report to the Governor in Council accordingly.

 

 

C.            Quelques principes

1.    L’interprétation des lois

[42]           Le juge Iacobucci de La Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, aux paragraphes 21, 22 et 23 écrit :

[21]      Bien que l'interprétation législative ait fait couler beaucoup d'encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après "Construction of Statutes"); Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit:

 

[Traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

 

[…]

 

[22]      Je m'appuie également sur l'art. 10 de la Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois «sont réputées apporter une solution de droit» et doivent «s'interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables.»

 

[23]      Bien que la Cour d'appel ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question dans le présent pourvoi, en toute déférence, je crois que la cour n'a pas accordé suffisamment d'attention à l'économie de la LNE, à son objet ni à l'intention du législateur; le contexte des mots en cause n'a pas non plus été pris en compte adéquatement. Je passe maintenant à l'analyse de ces questions. [Je souligne]

 

 

[43]           J’estime que cette approche est valable aussi pour l’interprétation du Code.

2.    La jurisprudence applicable

[44]           La tâche essentielle devant le comité d’appel était de bien interpréter les dispositions du Code sur lesquelles il s’est fondées et ensuite, de bien l’appliquer aux faits en l’espèce.

 

[45]           La majorité du comité fonde sa décision sur le paragraphe 8.7(b) du Code pour justifier si l’annulation de l’élection du 14 novembre 2010. Le texte de ce paragraphe, je le répète, se lit : « Lorsqu’il y a lieu de croire qu’il y a eu violation du Code qui puisse porter atteinte au résultat de l’élection… »

 

[46]           La jurisprudence de notre Cour est à l’effet que cette disposition exige une décision comportant deux étapes : (1) une première étape est la conclusion qu’il y a eu violation (s) du Code et (2) une deuxième étape, comme la conclusion que la (les) violation (s) puisse (nt) porter atteinte au résultat de l’élection. Dans l’arrêt Bande indienne de Lower Similkameen c Allison, [1997] 1 CF 475, le juge Heald, juge suppléant de notre Cour et anciennement juge de la Cour d’appel fédérale et Procureur Général de la Saskatchewan, a jugé au paragraphe 86 de ses motifs, d’après la preuve devant lui (il s’agissait d’une action et non d’un contrôle judiciaire) que l’élection s’était déroulée en contravention du Règlement. Il est écrit ceci, au paragraphe 87 de ses motifs :

À mon avis, l'omission de se conformer strictement au Règlement ne rend pas nécessairement les résultats de l'élection nuls et non avenus. Comme il a été mentionné ci-dessus, il est incontestable que l'élection devait se dérouler conformément au Règlement. Ce dernier prévoit non seulement la façon dont l'élection doit se dérouler, mais également un mécanisme en vue de remédier aux manquements. Les motifs permettant d'interjeter appel auprès de la Commission d'appel relativement à l'élection sont exposés à l'article 1 de la partie VIII du Règlement. Bien que la présente demande ne soit pas un appel concernant l'élection, ces motifs fournissent un guide utile pour déterminer si une infraction particulière, selon l'objectif du Règlement, rendrait les résultats de l'élection nuls et non avenus ou s'il en résulte simplement une quasi-infraction qui ne mine pas l'esprit du Règlement.  [Je souligne]

 

 

Au paragraphe 90 de ses motifs, il est d’avis qu’une infraction au Règlement ne constitue pas, à elle seule, un motif d’appel. Il s’exprime ainsi :

J'ai déjà conclu que l'élection s'est déroulée en contravention de quatre dispositions du Règlement. Toutefois, une infraction à un Règlement ne constitue qu'un motif d'appel si une telle infraction a pu influer sur les résultats de l'élection. Par conséquent, j'examinerai chacune des infractions et déterminerai si elle satisfait à ce critère. [Je souligne]

 

 

[47]           Après avoir examiné chacune des violations au Règlement, le juge Heald est convaincu qu’aucune infraction n’aurait pas pu avoir d’effet sur l’élection (voir les paragraphes 91 à 110 de ses motifs.

 

[48]           La décision du juge Heald est pertinente sur deux autres points en litige devant cette Cour.  Au paragraphe 89, il est d’avis qu’une démonstration qu’il y a eu des manœuvres frauduleuses en rapport à une élection exige une preuve de l’existence de la manœuvre frauduleuse (voir aussi, au même effet, le récent jugement du juge O’Reilly, de notre Cour, dans Dumais c Première nation no 468 de Fort Mcmurray, 2010 CF 342, au paragraphe 12 ainsi que la décision de la juge MacTavish, aussi de notre Cour, dans Hudson c Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CF 203 (Hudson) aux paragraphes 85, 86 et 87.

 

[49]           Je cite les jugements suivants :

a.       La décision de notre Cour dans Bande indienne de Samson c Cutknife, 2003 FCT 721, dans laquelle le juge Martineau a accueilli une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’un comité d’appel qui avait ordonné une nouvelle élection. Le juge est d’avis que le comité d’appel avait mal interprété le Code électoral de la Première Nation, pour conclure à une violation du Code et qu’il n’y avait aucune proportionnalité entre la violation et les conséquences d’une telle violation, c’est-à-dire, l’annulation de l’élection.

b.      La décision de notre Cour dans Leaf c Canada (Procureur général), [1988] 1 CF 575, rendue par le juge en chef adjoint Jérome, est un autre exemple de l’exigence dans la Loi et le Règlement de considérer l’existence d’une violation et l’impact de cette violation sur le résultat d’une élection. En l’espèce, la Cour a maintenu un Ordre-en-Conseil du Gouverneur général en Conseil annulant une élection au motif qu’il y avait une violation du régime électoral lorsque la nomination de Monsieur Francis comme conseiller de la bande avait été retirée illégalement et, en conséquence, cette violation en était une qui puisse porter atteinte au résultat de l’élection vu que d’autres personnes ont été élues comme conseillers en l’absence illégale de la candidature de Monsieur Francis.

 

c.       La décision de mon collègue le juge Hughes dans Première nation de Temagami c Turner, 2009 CF 548 est aussi pertinente.  Dans cette cause, il était de savoir si certaines personnes avaient le droit de vote.  Deux candidats à la chefferie ont obtenu le même nombre de votes – 51.  Appliquant le principe qu’une violation puisse influencer sur le résultat de l’élection, le juge Hughes, au paragraphe 30 est d’avis qu’un bulletin de vote non conforme pouvait avoir cette conséquence.

 

d.      La décision du juge Moreau de la Cour du Banc de la Reine en Alberta, dans la cause Anderson v Laderoute, 2001 ABQB 961, est un autre exemple ou une loi provinciale autorisait un juge à considérer une élection valide si une contravention, faute ou irrégularité n’avait pas matériellement affecté le résultat de l’élection. En l’espèce, 14 votes séparaient les parties. Le juge Moreau était d’avis que, pour que la contravention alléguée puisse affecter le résultat de l’élection, le demandeur devait réussir à démontrer pas moins de 14 bulletins de votes irrecevables.

 

[50]           Au Québec, la jurisprudence ressemble à celle de notre Cour sur la nécessité de considérer les deux étapes de violation et d’impact sur le résultat d’une élection avant de prononcer l’annulation. Je cite la décision du juge Lavergne de la Cour du Québec, dans Danyluk v Wemindji Band (Wemindji Eeyou), [2004] 1 CNLR 87, citant avec approbation la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Dompierre (Re) (CA Qué.) [1994] JQ no 29, dans laquelle le juge Proulx écrit :

[…] En matière électorale, il est acquis depuis fort longtemps que la nullité d'une élection ne saurait être prononcée que si l'objectif même de la Loi, soit l'exercice du droit démocratique des électeurs, est compromis par l'inobservance des formalités. Déjà en 1873, on a tenu qu'on tient pour règle que toute omission qui n'a pas pu préjudicier au libre et entier exercice du vote ne peut invalider une élection"

 

 

[51]           Le juge Lavergne cite aussi les propos du juge Delisle dans Raymond c Dupont, JE 91-261 au paragraphes 4 et 7 :

Il y a lieu de préciser, au départ, que c'est avec beaucoup de circonspection que, dans un système démocratique, le pouvoir judiciaire doit s'immiscer dans le processus du libre choix par le peuple de ses représentants de quelque niveau que ce soit de gouvernement.

 

Ce n'est pas n'importe quel manquement aux formalités prescrites par la Loi, qui donne ouverture à une annulation d'élection, mais uniquement les irrégularités qui ont pu avoir un effet déterminant sur l'élection de la personne, dont l'annulation est recherchée.

 

 

[52]           Enfin, la décision de la Cour d’appel du Manitoba dans Dumont v Manitoba Metis Federation Inc, 2004 MBCA 149, dans un contexte différent, est un autre exemple du courant jurisprudentiel qu’une élection ne sera pas annulée si les irrégularités non pas influé sur le résultat de celle-ci.

 

[53]           Il y a deux remarques qui s’imposent découlant de la nature d’un contrôle judiciaire.  Dans l’arrêt: Ordre des architectes de l'Ontario c Assn. of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, [2003] 1 CF 331, aux paragraphes 29 et 30 le juge Evans est d’avis à l’opposé d’un appel à cette Cour sous l’article 56 de la loi sur les marques de commerce où un demandeur a le droit de présenter une preuve qui n’était pas devant le registraire, les demandes de contrôle judiciaires « sont normalement jugées sur la base des documents soumis au décideur administratif », ici le comité d’appel sauf deux circonstances.  Une preuve nouvelle par affidavit est recevable sur les questions d’équité procédurale et de compétence (Voir aussi les motif du juge MacGuigan dans Canada (Commission des droits de la personne) c Pathak, [1995] 2 CF 455 à la page 463; et Gagliano c Canada (Commission d'enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires), 2006 CF 720 au paragraphe 50).

 

[54]           Il y a une deuxième restriction en contrôle judiciaire : un tribunal ne peut pas lors d’un contrôle judiciaire améliorer par affidavit les motifs qu’il a rendus en premier lieu.  Ce point de vue a été clairement énoncé par le juge Pelletier dans la décision Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, [2009] 2 RCF 576 aux paragraphes 46, 47 et 48 de son jugement.

Des juges de la Cour fédérale ont déjà dit qu’un tribunal ou un décideur ne peut améliorer les motifs donnés au demandeur par le biais d’un affidavit déposé dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire. Dans Simmonds c. M.R.N., 2006 CF 130 (CanLII), 2006 CF 130, la juge Dawson a écrit, au paragraphe 22 :

 

Je ferais remarquer que le fait d’autoriser les décideurs à compléter leurs motifs après le fait dans des affidavits ne favorise aucunement la transparence du processus décisionnel.

 

Voir, dans le même sens, Kalra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 941 (CanLII), 2003 CF 941, au paragraphe 15; Yue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 717 (CanLII), 2006 CF 717, au paragraphe 3; Abdullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1185 (CanLII), 2006 CF 1185, au paragraphe 13. Toute autre conception de la question aurait pour effet de permettre aux tribunaux de corriger un vice entachant leur décision en déposant des motifs complémentaires sous forme d’affidavit. Agir ainsi revient à demander à l’auteur d’une demande de contrôle judiciaire de chercher à atteindre une cible mouvante.

 

Indépendamment de son admissibilité en ce qui concerne les motifs de la décision, l’affidavit du représentant du ministre soulève des questions de crédibilité parce que les questions factuelles énumérées dans l’affidavit n’ont jamais été portées à l’attention de M. Sellathurai, et que l’on n’a jamais demandé à ce dernier d’expliquer l’un quelconque des faits allégués pour justifier les motifs raisonnables de soupçonner. On aurait pensé que s’il examinait les faits censés être à l’origine des motifs de soupçonner, le représentant du ministre aurait cherché à en savoir plus à leur sujet.

 

 

D.            La norme de preuve et son fardeau

[55]           L’article 8.2 du Code donne ouverture à une contestation d’une élection pour Chef ou conseiller du Conseil de la Première Nation à condition que l’électeur ou le candidat a « des motifs raisonnables de croire » qu’il y a eu violation du Code qui puisse porter atteinte au résultat d’une élection à un poste ou qu’il y a eu une manœuvre corruptrice ou frauduleuse.  Les mots « motifs raisonnables de croire » doivent être interprétés comme établissant une norme de preuve moindre que la prépondérance des probabilités et que le fardeau d’établir l’existence de celui-ci incombe à la partie qui l’invoque.  (Voir, l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Ramirez c Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 CF 306 aux pages 311 à 314.

 

[56]           L’article 8.7 vise le comité d’appel, il énonce les conditions dans lesquelles le comité d’appel peut rejeter une élection.  La norme de preuve est plus élevée.  Le comité d’appel doit être satisfait qu’il y a eu lieu de croire qu’il y a eu une violation du Code ou qu’il y a eu une manœuvre corruptrice ou frauduleuse a l’égard de l’élection.  La norme de preuve est la balance des probabilités.  Le fardeau de démonstration incombe au contestataire.

 

[57]           La notion de la norme de preuve est claire; c’est le niveau de preuve nécessaire pour rendre une décision.  Cette preuve se trouve dans le dossier du tribunal (Voir, la décision de la Cour d’appel fédérale dans Sellathurai, ci-dessus, au paragraphe 51).

On en arrive à la question qui a été débattue à fond devant nous. À quelle norme de preuve le demandeur doit-il satisfaire pour convaincre le ministre que les fonds saisis ne sont pas des produits de la criminalité? À mon avis, pour y répondre, il faut d’abord répondre à la question de la norme de contrôle. La norme de contrôle qui s’applique à la décision du ministre prévue à l’article 29 est celle de la décision raisonnable. Il s’ensuit que, si la conclusion du ministre au sujet de la légitimité de la provenance des fonds est, vu l’ensemble de la preuve dont il disposait, raisonnable, sa décision n’est pas susceptible de contrôle judiciaire. Dans le même ordre d’idées, si la conclusion du ministre n’est pas raisonnable, sa décision est susceptible de contrôle et la Cour doit intervenir. Il n’est ni nécessaire ni utile de tenter de définir à l’avance la nature et le type de preuve que le demandeur doit soumettre au ministre.  [Je souligne]

 

 

E.             Discussion et conclusion

1.    Remarques préliminaires

[58]           Les parties, afin d'appuyer leurs prétentions, ont déposé plusieurs affidavits sur lesquels la partie opposée a contre-interrogé.  Les demandeurs ont déposé les affidavits de Denis Landry, de Christian Trottier, de Lucien Millette de Robert St-Ours et d'Yvon Savard et, les défendeurs ceux de Diane M'Sadoques, de Karine Rouleau, de Raymond Bernard, et deux de Dominique Bélanger.

 

[59]           Le 12 mai 2011, sur requête des défendeurs, j'avais d'ailleurs radié certains paragraphes de l'affidavit d'Yvon Savard au motif que la Cour suprême du Canada dans l'affaire Caimaw c Paccar of canada Ltd., [1989] 2 RCS 983 avait statué qu'un tribunal administratif en révision judiciaire devant une Cour supérieure avait un droit limité de représentations et de comparution et ne pouvait défendre le mérite de sa décision (voir les pages 1014 et 1015 des motifs du juge La Forest).

 

[60]           Après une lecture approfondie des affidavits énumérés au paragraphe 58 ainsi que les contre-interrogatoires, j'estime, sauf pour la question d’équité procédurale et pour le remède approprié, que je ne peux leurs accorder de poids pour les raisons suivantes :

 

(1)        les affidavits sont construits sur une fausse prémisse, c'est-à-dire, qu'un contrôle judiciaire est l'équivalent d'un appel de novo;

(2)        ils contiennent des faits nouveaux qui n'étaient pas devant le tribunal lorsque celui-ci a rendu sa décision;

(3)        un tribunal ne peut défendre devant une Cour de révision sa décision au mérite;

(4)        un tribunal ne peut améliorer ses motifs de décision par la suite.

 

 

[61]           Tel que mentionné ci-haut, un tribunal administratif peut intervenir devant la Cour pour défendre sa compétence, son impartialité, ou son respect de l'équité procédurale. C'est pour cela que dans mon ordonnance du 12 mai 2011, j'ai autorisé Monsieur Savard, durant son contre-interrogatoire, de faire référence aux paragraphes radiés afin d'établir l'esprit dans lequel il a rendu sa décision.

 

2.    Les erreurs de la majorité

[62]           J'estime, d'une part, que la majorité a mal interprété le Code électoral de la Première Nation lorsqu'elle a conclu que les éléments soulevés dans les deux plaintes des défendeurs représentaient des violations au Code et, d'autre part, qu'elle a aussi commis les erreurs de droit suivantes (1) en omettant de considérer la deuxième condition pour l'application de l'article 8.7(b) du Code «violation qui puisse porter atteinte au résultat de l'élection», (2), ou en y apportant une conclusion déraisonnable sur cet aspect du Code, (3) en concluant que la preuve déposée par les défendeurs était suffisante pour annuler l’élection.

 

[63]           Je rappelle que les deux plaintes des défendeurs soulevaient les points suivants :

 

(1)   Attestations de déclarations d'électeurs par les mêmes témoins.

(2)   La liste d'électeurs avec coordonnées remise aux candidats qui ont demandé cette liste.

(3)   Une liste de pointage a été remise à Lucien Millette après le dépouillement du scrutin.

(4)   La réceptionniste du Conseil a reçu des enveloppes de vote postal complétées «ce qui était bizarre» et les plaignants ne savent pas si ces votes postaux ont été remis au président d'élection.

(5)   En septembre dernier, de l'intimidation a été faite à la conjointe de Keven Bernard pour que celui-ci se joigne à l'équipe de Denis Landry.

(6)   La famille Landry n'avait pas le droit de vote à l'élection.

 

 

[64]           J'analyse la décision de la majorité sur les six motifs de la façon suivante :

 

[65]           Le paragraphe 4.7.1(b) du Code oblige le président d'élection à envoyer ou à remettre à chaque électeur qui ne réside pas sur la réserve, et dont une adresse a été fournie, une trousse de vote postal laquelle contient les documents énumérés dont un est la formule de déclaration d'électeur. D'autre part, l'article 5.9 du Code exige que l'électeur par bulletin postal le fasse de la façon prescrite dans une séquence précise. Cet électeur, après avoir voté et inséré son bulletin de vote dans l'enveloppe intérieure et cacheté l'enveloppe, doit remplir la formule de déclaration en présence d'un témoin qui doit attesté de l'identité de l'électeur. Yvon Savard a raison de dire dans son argumentaire que le Code n'interdit pas à un candidat d'agir comme témoin et ne contient aucune limite sur le nombre d'électeurs à qui il peut servir de témoin. Plus important, les plaignants n'offrent aucune preuve qu'un électeur a subi une pression quelconque d'un témoin ayant attesté sa déclaration. En plus, à l'époque de la prise de décision, le comité d'appel n'avait aucune confirmation sur le nombre d'attestations faites soit par Denis Landry ou Lucien Millette.  Ceux-ci avaient, sous serment, nié toute pression à cet égard.

 

[66]           La majorité a négligé d'appliquer aux plaintes reçues le principe fondamental que le fardeau de preuve était sur les plaignants d'établir par une preuve crédible moindre que la balance des probabilités que le motif invoqué était vraisemblable.  Aucune preuve de ce genre a été produite.

 

[67]           Le deuxième motif invoqué par les plaignants a rapport au fait que les candidats qui l'ont demandé ont eu accès à la liste d'électeurs avec coordonnées. Le comité avait devant lui les commentaires du Président d'élection qui affirme n'avoir jamais remis une liste électorale à qui que ce soit, que la question d'accès avait été soulevée au début par un candidat, qu'il a répondu qu'il vérifierait à partir du Code électoral, qu'il a constaté que le Chef sortant (Raymond Bernard) ainsi que les conseillers avaient accès à cette liste et qu'il pensait que ce qui est bon pour un devait être bon pour l'autre.  Le comité avait aussi une ébauche de décision en date du 14 décembre préparée par Yvon Savard au nom du comité rejetant les deux contestations dans laquelle il indique que le président de l'élection ne s'est pas objecté à la remise le la liste «et que après avoir vérifié, il s'est fait dire que cette façon de faire était admise ayant déjà eu cours de façon régulière par le passé.» (dossier du tribunal page 71.)

 

[68]           Dans son argumentaire, la majorité sous le point 1 Soupçons de pressions, déclare que «le fait que la liste avec coordonnées ait été distribuée par la réceptionniste n'amène à soupçonner qu'il y aurait peut-être eu manœuvre de pression d'une part et d'autre quant au résultat du vote.»  À mon avis, la conclusion de la majorité est basée sur de la spéculation sans aucune preuve qui rencontre le minimum de l'exigence requise d'un plaignant de démontrer par une preuve moindre que la balance des probabilités qu'il y avait possibilité de manœuvre ou violation au Code qui puisse influer sur le résultat du vote. En plus, je ne vois aucune disposition dans le Code qui interdit aux candidats l'accès à cette liste ce qui était pratique courante durant les élections (point 2 de l’argumentaire de la majorité).

 

[69]           Quant au troisième motif, le fait que Monsieur Millette a reçu une liste de pointage d'un de ses représentants présent au dépouillement du scrutin, le comité avait les commentaires du président d'élection à l'effet que tous les représentants témoins au dépouillement peuvent savoir qui a voté, mais ne peuvent pas savoir pour qui ces électeurs ont voté. Il aurait préféré que la liste demeure à l'intérieur de la salle. Il était d'avis que le fait qu'un des représentants sorte avec une liste d'électeurs ayant voté n’entache à l'obligation de confidentialité. La majorité dans son argumentaire écarte l'avis du président d'élection que la confidentialité du vote ne soit entachée au motif que «ce n'est pas des élections provinciales où il y a 5 000 votes… sur 263, il est très facile de déterminer qui a voté pour qui». La majorité ne dit pas comment le secret du vote aurait été compromis. Plus important, la majorité n'a pas expliqué comment la liste de pointage remise à M. Millette après le dépouillement du scrutin aurait pu influé sur son résultat.

 

[70]           Le quatrième motif soulevé par les plaignants vise le fait que des enveloppes de vote postal ont été reçues à la réception.  Le président d’élection, Robert St-Ours, dans ses commentaires avait indiqué qu'il avait contrôlé toutes les remises de vote postal. Il affirme qu'il avait en main les déclarations d'électeur de Réjean Bonneville et sa famille, qu’il avait exigé que ces enveloppes soient déposées dans un tiroir dans son bureau.  La majorité dans leur argumentaire n'apporte aucun commentaire sur ce point. Elle critique le comportement du président d'élection sur le fait qu'il aurait autorisé Lucie Landry à remettre à certains électeurs résidants sur la réserve une ou plusieurs trousses de vote postal. La majorité invoque l'article 4.7.3 du Code qui stipule que le président d'élection lui fournit les documents. La majorité semble être d'avis que cet article impose une obligation personnelle sur le président qu'il ne peut délégué. Cette interprétation doit être écartée pour deux raisons :

 

(1)        lu dans son ensemble le mandat du président l'élection est de diriger le processus électoral ce qui implique qu'il peut se fier à d'autres pour accomplir certaines tâches administratives qu'il a mandatées; et

(2)        la Cour dans l'arrêt Hudson, précité, au paragraphe 67 reconnaît un pouvoir implicite de délégation au Ministre.  A mon avis l'analogie s'étend au président d'élection.

 

 

[71]           Quant au cinquième motif, celui de l'intimidation, M. Savard  a fait des recherches sur ce point en interrogeant l'auteur de l'intimidation. Il a partagé cette recherche avec les autres membres du comité que M. Ross niait avoir intimider Mme Karine Rouleau et, d'autre part, que Messieurs Landry et Millette avaient affirmé qu'aucune preuve établissait un lien entre les demandeurs et l'agent de l'intimidation s'il y avait intimidation. La majorité a ignoré cette preuve.

 

[72]           Finalement, sur le point du droit de vote, ma lecture de la décision et de l'argumentaire de la majorité est qu'elle n'a pas retenu ce motif invoqué par les plaignants. De toute façon, l'argumentaire de Monsieur Savard sur ce point est éloquent et très simple. Durant l'élection du 24 novembre 2010, la famille Landry avait le droit de vote; ils étaient inscrits sur la liste d'électeurs et personne n'a contesté devant le président d'élection leur droit d'être inscrits pour cette vote.

 

[73]           Il y a eu des développements subséquents à l'effet que suite à une décision du Ministre en date du 28 janvier 2011 la famille Landry aurait perdu leurs inscriptions comme indiens statués sur le registre avec droit de contestation devant la Cour supérieure du Québec.

 

[74]           Aussi semble-t-il que la famille Landry aurait perdu droit de vote suite à une assemblée générale restreinte des membres de la bande de la Première Nation qui aurait modifié le Code d’appartenance, décision, par la suite, entérinée par le conseil de la Première Nation en février 2011.

 

[75]           Ces événements ne peuvent affecter la décision du comité sous examen dans le présent recours.

 

[76]           Il y a un autre point à trancher. Les défendeurs soutiennent que les demandeurs ne peuvent jouir d’aucun remède de cette Cour parce qu'ils n'ont pas les mains propres.

 

[77]           Dans leurs mémoire de faits et de droit les défendeurs écrivent :

Durant le processus électoral, dans le cadre de l’appel devant le Comité suite à l’élection du 14 novembre 2010 et dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs ont collectivement failli aux règles d’équité procédurales et ne peuvent donc pas demander au Tribunal d’exercer sa discrétion en contrôle judiciaire pour annuler la décision du Comité; [Je souligne]

 

 

 

 

 

[78]           Au soutien de leurs prétentions les défendeurs allèguent :

1.      Que Denis Landry et Lucien Millette ont obtenu illégalement de Lucie Landry la liste des électeurs avec coordonnées.

2.      Yvon Savard a eu des conversations privées avec l’avocat de la famille Landry au dossier sans qu’il en partage le contenu avec les autres membres du comité. 

3.      M. Savard a mené une enquête sur les plaintes des défendeurs sans avoir été désigné par le comité d’appel et sans lui avoir présenté un rapport détaillé, ce que était contraire aux dispositions de l’article 8.6 du Code.

[79]           Tel que mentionné, lorsque la Cour fait face à une allégation que l’équité procédurale n’a pas été respectée, la Cour peut recevoir une nouvelle preuve.  Cette nouvelle preuve a été fournie par les affidavits de Yvon Savard, Robert St. Ours, Dominique Bélanger et Diane M’Sadoques ainsi que de Christian Trottier et Lucien Millette sur lesquels il y a eu contre-interrogatoires.

 

[80]           Les défendeurs avaient le fardeau de démontrer que la doctrine des mains sales s’appliquait en l’instance.  Mon évaluation de toute la preuve me porte à conclure que celle-ci était insuffisante pour nier aux demandeurs un remède approprié.  Mes raisons sont les suivantes.

 

[81]           Messieurs Landry et Millette n’ont pas obtenu illégalement la liste d’électeur avec coordonnés.  Le président d’élection n’a jamais dit à Monsieur Landry qu’il ne pouvait pas l’obtenir. Ce qu’il a dit c’est que lui, en tant que président d’élection ne pouvait pas la lui remettre.  Qui plus est, la preuve au dossier provenant de M. Landry, mais surtout de Christian Trottier et de Dominique Bélanger, démontre qu’il était pratique courante que les candidats aient accès a cette liste afin de pouvoir faire campagne ou de vérifier les adresses des électeurs afin de faire du porte-à-porte.  Le président de l’élection avait pris connaissance de cette pratique et, pour cette raison, ne l’a pas interdite.

 

[82]           Il est vrai que M. Savard a fait enquête sans avoir été formellement désigné comme tel par le comité d’appel.  Il reconnait dans son affidavit, en date du 5 janvier 2011, qu’il a communiqué avec toute les parties intéressées et notamment avec le Conseil de la Bande dont Raymond Bertrand est Chef, avec les membres du Conseil élu le 14 novembre 2010 et avec leurs représentant M. Paul Dionne.  Il affirme que ses « communications » n’avaient pour objet que de collecter de l’information de la part et d’autre afin de vérifier la véracité et le sérieux des allégations contenues dans les contestations de l’élection.  Il dit aussi que ses communications avec le Conseil sortant ce faisaient généralement par l’intermédiaire de Mme M’Sadoques.  Au sujet de ses communications avec Maître Dionne il écrit aux paragraphes 6 et 8 de son affidavit :

Je me suis en de rares occasions, pendant le processus d’appel, adressé à Me Paul Dionne, mais uniquement pour obtenir des explications relativement à une décision ministérielle concernant la contestation du statut d’indien de monsieur Denis Landry, et à cette fin il m’a transmis un jugement que j’ai considéré mais qui n’a rien changé à la position que j’avais déjà adoptée.

 

Me Dionne n’est pas intervenu dans mon processus de décision autrement que par l’information qu’il m’a transmise concernant le statut d’Indien de monsieur Landry, que j’ai considéré avec impartialité;

 

[83]           La preuve au dossier de la Cour et celle au dossier du tribunal démontrent que M. Savard dévoilait le résultat de toutes ses recherches aux membres du comité surtout par moyens de ses ébauches de projets de décision.  Les dires de M. Savard sont corroborés par les pièces au dossier du tribunal.

 

[84]           Je conviens que le comité d’appel et chacun de ses membres avait l’obligation d’équité.  Cependant, une telle obligation ne détermine pas quelles exigences s’appliqueront dans des circonstances données.  La Cour Suprême du Canada dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, sous la plume de la juge L’Heureux-Dubé, énonce à la page 837 que la notion d’équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas.

 

[85]           Les défendeurs s’appuient sur la décision du juge Rothstein, alors juge de la Cour fédérale, dans l’arrêt Sparvier c Bande indienne Cowessess, [1993] 3 CF 142 en citant plus particulièrement le passage de ses motifs où il fait référence aux paragraphes 4 et 5 de la décision de la Cour Suprême du Canada dans Kane c Cons. d'administration de l'Université de la Colombie Britannique, [1980] 1 RCS 1105.

 

[86]           Avec respect, le contexte de la décision Sparvier est différent de celui devant cette Cour du fait que dans Sparvier le comité d’appel avait procédé par audition tandis qu’en l’espèce M. Savard et Mme M’Sadoques (le dossier ne contient aucune preuve de la participation de Louise Bernard dans le processus) conduisaient chacun leurs vérifications pour ensuite les partager sous forme de projets de décision afin de permettre discussion entre eux.  Il n’existe aucune preuve devant moi que soit M. Savard ou Mme M’Sadoques enquêtait « en cachette » et que toutes les informations recueillies n’ont pas été partagées.  Une preuve contraire existe dans le cas de M. Savard dans son rapport d’activité pièce YS-1 de son contre-interrogatoire.

 

[87]           Les défendeurs affirment que Mme M’Sadoques n’apprendra qu’après qu’il y avait eu des communications entre Messieurs Savard et Dionne.  En contre-interrogatoire (Dossier des demandeurs page 427), Mme M’Sadoques dit que sa connaissance provient de Mme Dominique Bélanger qui avait examiné l’ordinateur de Lucie Landry.  M. Savard affirme dans son contre-interrogatoire qu’il avait informé les deux autres membres du comité de ses consultations avec M Dionne sur la seule question du droit de vote (Dossier des défendeurs page 412).  Je préfère le témoignage de M. Savard; il était complètement indépendant.

 

[88]           Je conviens que la façon dont M. Savard et Mme M’Sadoques ont procédé par enquête individuelle n’était pas conforme au Code mais je ne vois pas comment cette violation puisse porter atteinte au résultat de l’élection, surtout lorsque ,M. Savard avait proposé à la majorité qu’un enquêteur indépendant soit nommer pour faire enquête, proposition refusée par la majorité au motif non pertinent qu’il était important de rendre une décision rapide.

 

[89]           Les demandeurs m’ont demandé d’infirmer la décision du comité d’appel au motif que la participation de Mme M’Sadoques et de Louise Bernard soulevait une crainte raisonnable de partialité.  Les défendeurs soumettent qu’il est trop tard pour soulever ce moyen.  Ils citent la décision de mon collège le juge Beaudry dans Bacon c Comité d’appel du Conseil de Bande de Betsiamites, 2009 CF 1060 (Betsiamites) au paragraphe 69.  Je donne raison aux défendeurs.  La jurisprudence est claire; elle exige qu’une partie qui craint raisonnablement à la partialité d’un membre d’un tribunal doit le soulever dans les meilleurs délais.  En l’espèce, les demandeurs auraient dû soulever cette question dès le début.

 

F.             Le remède approprié

[90]           Selon mon analyse des faits et du droit, la décision majoritaire du comité d’appel annulant l’élection du 14 novembre 2010 ne peut survivre essentiellement pour trois raisons : (1) le comité d’appel a donné une interprétation erronée à certaines dispositions du Code lui permettant de constater une ou plusieurs violations du Code; (2) considérant l’écart important des votes séparant les candidats, le comité a omis de considérer ou a appliqué d’une façon déraisonnable la deuxième condition prévue à l’article 8.7(b) du Code avant de décider que les plaintes des défendeurs étaient bien-fondées.  Cette condition, je le répète, est de savoir s’il existait une violation, celle-ci puisse porter atteinte aux résultats de l’élection; et (3) le comité d’appel avait une preuve insuffisante soit pour conclure qu’il y avait des motifs raisonnable de croire à une violation du Code qui pouvait influer le résultat de l’élection ou à l’existence d’une manœuvre frauduleuse de la part des demandeurs.  Qui plus est, le comité d’appel n’avait aucune preuve suffisante pour conclure qu’il avait lieu de croire ainsi.

 

[91]           Ne pouvant survivre à ces erreurs, la décision annulant l’élection doit être cassée.  Dans une telle circonstance, la pratique habituelle consiste à renvoyer l’affaire pour une nouvelle décision.

 

[92]           Cependant, dans certaines circonstances, les juges de notre Cour se sont abstenus de renvoyer la question pour nouvelle décision.  (Voir l’arrêt Hudson précité aux paragraphes 111 et 112.)

 

[93]           La Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Yassine c Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration [1994] ACF no 949 a reconnu aux paragraphes 9 et 11 que la Cour en matière de contrôle judiciaire avait le pouvoir de ne pas renvoyer l’affaire pour reconsidération s’il n’y avait pas d’utilité au renvoi, une circonstance qui, j’estime, s’applique en l’espèce.  Advenant un renvoi pour reconsidération par un comité d’appel nouvellement constitué, le résultat serait inévitable. L’élection du 14 novembre 2010 doit être validée pour les motifs suivants :

 

1.             Les défendeurs ne pourront apporter devant ce comité une nouvelle preuve; il serait injuste de le leur permettre (Voir la décision de la Cour d’appel fédérale dans Francella c Canada (Procureur général), 2003 CAF 441 aux paragraphes 8 et 9.

 

2.             Même si une telle nouvelle preuve pouvait être introduites, les contre-interrogatoires du Chef Bernard et de Mme M’Sadoques démontrent que cette nouvelle preuve n’ajouterait que peu à celle déposée antérieurement, surtout sur l’aspect de l’influence des violations sur le résultat du vote.

 

3.             La preuve soumise par les défendeurs devant le présent comité d’appel était largement insuffisante pour étayer leurs prétentions soit de manœuvre frauduleuse ou de violations du Code.

 

4.             La majorité du présent comité d’appel a erré en droit dans son interprétation du Code.  Ce que les défendeurs alléguaient comme violation ne l’étaient pas.

 

5.             Même en supposant violation du Code, il n’a pas été démontré par les défendeurs comment ses violations pouvaient affecter le résultat de l’élection considérant l’écart des votes entre les candidats.

 

6.             En guise de conclusion j’estime que le processus suivi pour l’élection du 14 novembre 2010 était respectueux du principe démocratique et que ceux qui ont été élus démocratiquement devraient être réintégrés immédiatement.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que cette demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la décision du tribunal en date du 21 décembre 2010 annulant l’élection du 14 novembre 2010 soit cassée.  Les demandeurs auront droit à leurs dépens basés sur le nombre d’unités le plus élevé à la colonne IV du Tarif de la Cour pour chaque service à taxer payable par les défendeurs.

 

“François Lemieux”

juge

 

 

 


ANNEXE

 

-           Les paragraphes 1.3, 1.4 et 1.5, quant à certaines définitions :

 

1.3            Électeur

                 Une personne qui

                        a)  est inscrite sur la liste de bande de la Première nation des Abénakis de Wôlinak ou qui a droit de l’être;

                        b) a dix-huit (18) ans révolus, le jour du scrutin, et

                        c)  n’a pas perdu son droit de vote aux élections de la Première nation.

 

1.4                       Liste électorale

                 La liste des électeurs de la Première nation des Abénakis de Wôlinak maintenue par le registraire de la bande.

 

1.5                       Président d’élection

                 La personne nommée par résolution du Conseil de la Première nation des Abénakis de Wôlinak pour diriger le processus électoral prévu au présent code et s’assurer que celui-ci est respecté.

 

-          Les paragraphes 2.10, 4.7.1(b), 4.7.3, 4.14, 5.1, 5.2, 5.7  et 5.8  :

 

2.10                   Le président d’élection doit agir impartialement dans l’exercice de ses fonctions.

 

                 Le président d’élection peut, en plus de ses responsabilités en vertu du présent code, être consulté par le Conseil sur toute interprétation du règlement ou conseil à caractère électoral.

 

                 En cas d’incapacité temporaire et/ou permanente et/ou en cas de démission du président d’élection, le Conseil de Première nation nommera immédiatement un nouveau président d’élection.  À moins de circonstances exceptionnelles, un tel remplacement ne doit pas affecter le processus électoral en cours.

 

                 Le mandat du présent d’élection se termine dès qu’il a détruit les bulletins de vote conformément aux dispositions du présent code, ou qu’il en disposé de la manière qui lui est ordonnée après le règlement d’un appel.

 

4.7.1(b)    Envoyer par la poste ou remettre les documents suivants à chacun des électeurs de la Première nation qui ne réside pas dans la réserve et dont une adresse a été fournie :

                 i.      un avis de scrutin.

                 ii.     un bulletin de vote portant au verso les initiales du président d’élection.

                 iii.     une enveloppe intérieure portant la mention « bulletin de vote », dans

        laquelle doit être insérée le bulletin de vote rempli.

iv.    une enveloppe extérieure, c’est-à-dire, l’enveloppe de retour affranchie et

        adressée au président d’élection.

v.     une formule de déclaration d’électeur.

vi.    les instructions relatives au vote par bulletin de vote postal.

 

4.7.3        Sur demande de tout électeur résidant dans la réserve, le président d’élection lui fournit les documents visés à l’alinéa (1)b).

 

4.14     Le président d’élection appose sur la liste des électeurs, en regard du nom des électeurs à qui un bulletin de vote a été envoyé par la poste, remis ou autrement fourni, une mention à cet effet.  Il garde un registre de l’adresse des électeurs à qui un bulletin de vote postal a été envoyé ou remis ainsi que de la date d’envoi ou de remise des bulletins de vote.

 

5.1       Aux fins de confection de la liste électorale, la personne responsable de l’effectif de la Première nation doit remettre dès qu’il est nommé, au Président d’élection, une liste à jour des membres avec leur date de naissance et leur numéro de bande ou de membre ainsi que de leur adresse.

 

5.2       Le président d’élection  doit afficher dans un ou plusieurs endroits publics dans la réserve une ou plusieurs copies de la liste des noms des électeurs, au moins trente-cinq (35) jours avant la tenue du scrutin.

 

5.7       Tous les votes postaux reçus avant la date du scrutin sont conservés dans une boîte de scrutin scellée sous la garde du président d’élection ou du scrutin jusqu’au moment du comptage des votes où ils sont alors incorporés à la boîte de scrutin régulier et comptés avec les autres votes. 

 

5.8       Le président d’élection conserve la liste des électeurs qui ont voté poste.

 

-                     L’article 5.9 prescrit la façon dont l’électeur qui vote par bulletin postal le fait :

 

            1.         L’électeur qui vote par bulletin postal le fait de la façon suivante :

 

a)        il marque son bulletin en y apposant, en regard du nom du candidat ou des candidats pour qui il souhaite voter, une croix (+), un X, un crocher ou encore en noircissant complètement le carreau en regard du nom du candidat ou des candidats pour qui il désire voter;

 

b)        il plie le bulletin de manière à cacher le nom des candidats et toute marque mais non les initiales du président d’élection qui figurent au verso;

 

c)        il insère le bulletin dans l’enveloppe intérieure et cachette l’enveloppe;

 

d)        il remplit et signe la formule de déclaration de l’électeur en présence d’un témoin âgé d’au moins dix-huit ans et le témoin atteste de l’identité de l’électeur;

 

e)        il insère l’enveloppe intérieure et la formule de déclaration de l’électeur remplie, dans l’enveloppe extérieure;

 

f)avant la fermeture du scrutin, il remet ou, sous réserve du paragraphe (6) ci-après, envoie par la poste au président d’élection le bulletin de vote postal.  Le paragraphe (6) dispose que les bulletins de votes postaux qui n’ont pas été reçus par le président de l’élection avant la fermeture du scrutin sont nuls.

 

2.       Lorsqu’un électeur est incapable de voter de la manière prévue au paragraphe (1), il peut demander l’assistance d’une personne pour marquer son bulletin et pour remplir et signer la formule de déclaration d’électeur, selon le paragraphe (1).

 

3.             Le témoin mentionné à l’alinéa (1)d) atteste l’un ou l’autre des faits suivants :

 

a)        la personne qui a rempli et signé la formule de déclaration d’identité est la personne dont le nom est mentionné sur la formule;

 

b)      si l’électeur a demandé l’assistance d’une personne en vertu du paragraphe (2), le bulletin a été marqué selon les instructions de l’électeur et cet électeur est celui dont le nom est mentionné sur la formule.

 

-                     Les articles suivants visent le vote secret :

 

5.18     Vote secret

 

À toutes les élections, le vote a lieu par scrutin secret.

 

5.19     Collaboration

 

Toute personne présente au bureau de vote ou au dépouillement du scrutin doit respecter et aider à faire respecter le secret du vote.

 

            5.20   Votation

 

Nul ne doit intervenir ou tenter d’intervenir auprès d’un votant lorsque celui-ci marque son bulletin de vote, ni obtenir ou tenter d’obtenir au bureau de vote des renseignements sur la manière dont un votant se prépare à voter, ou a voté.

 

5.20     Scellés

 

Le président d’élection ou du scrutin doit, immédiatement avant l’ouverture du scrutin, ouvrir la boîte de scrutin, et demander aux personnes présentes de constater qu’elle est vide.  Puis il doit la fermer à clef et la sceller convenablement de façon qu’elle ne puisse être ouverte sans en briser le sceau, et il doit la placer bien en vue pour la réception des bulletins de vote.  Le sceau ne doit pas être brisé et la boîte ne doit pas être ouverte pendant la durée régulière du scrutin.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-16-11

 

INTITULÉ :                                       DENIS LANDRY ET AL c YVON SAVARD ET AL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 avril 2011

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE LEMIEUX

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 17 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Paul-Yvan Martin

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Éric Oliver

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Martin, Camirand, Pelletier

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

La Roche Rouleau & Associés

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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