Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), ce 24e jour de mai 2011
En présence de l’honorable juge Pinard
ENTRE :
Partie demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi) par Piero Kleberth Matos Quintana (le demandeur). Le tribunal a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger et a donc rejeté sa demande d’asile.
[2] Le demandeur est un citoyen péruvien. Il est né le 30 janvier 1991 et il vivait à Lima. Ses parents vivent toujours à Lima, mais sa sœur et ses deux frères vivent au Canada, où ils sont arrivés avant lui, en tant que réfugiés.
[3] Le tribunal a trouvé que le demandeur n’était pas crédible en raison d’omissions importantes et de contradictions entre son témoignage et une pièce déposée en preuve, à savoir un article d’un journal péruvien du 18 janvier 2008. Seulement un extrait de l’article ayant d’abord été traduit, on en a donc traduit le reste oralement lors de l’audience. Les omissions et contradictions ont fait croire au tribunal que le demandeur n’avait pas été présent lors de l’événement au centre de sa revendication.
[4] Le tribunal a en outre trouvé que le fait que le demandeur n’ait jamais demandé l’asile aux États-Unis lors de son séjour de près de trois mois là-bas minait sa crédibilité. Il a conclu que le demandeur avait inventé son histoire afin de venir au Canada y rejoindre sa famille, après que ses deux demandes de visa eurent été refusées.
[5] La seule question en litige est de savoir si la décision du tribunal est raisonnable. En effet, la norme de contrôle applicable aux conclusions sur la crédibilité est celle de la décision raisonnable. Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a souligné que « [l]e caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. »
[6] Après révision de la preuve et audition des procureurs des parties, les conclusions du tribunal quant aux contradictions et omissions attribuées au demandeur m’apparaissent généralement raisonnables. Il est clair que le tribunal avait le droit de comparer le témoignage du demandeur avec l’information contenue dans l’article de journal en question. Le fait que le tribunal n’ait pas interprété cet article de la même façon que l’a fait le demandeur n’équivaut pas en soi à une erreur.
[7] Je suis donc d’accord avec le défendeur que vu l’absence manifeste de crédibilité vis-à-vis l’événement central de la demande, il n’était pas déraisonnable pour le tribunal de ne pas accorder de valeur probante à l’ensemble des pièces déposées par le demandeur. Il importe, à cet égard, de reproduire l’extrait suivant de la décision que j’ai rendue dans le dossier IMM-3590-95, Satinder Pal Singh c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada, le 18 octobre 1996 :
. . . Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans Sheikh c. Canada, [1990] 3 C.F. 238, à la page 244, la perception qu’un requérant n’est pas crédible sur un élément fondamental de sa revendication équivaut en fait à la conclusion qu’il n’existe aucun élément crédible suffisant pour justifier la revendication du statut de réfugié en cause.
[8] Il n’y a notamment rien de déraisonnable dans le traitement du rapport de l’enlèvement et le rapport du psychologue. Le tribunal était en droit de les interpréter comme il l’a fait. Il en va de même pour les deux rapports sans en-tête et armoiries, puisque le tribunal a noté avoir une connaissance spécialisée des documents péruviens et que les documents ne comportent pas ces éléments. Quant aux deux convocations du demandeur par la police, bien que le tribunal n’ait pas trouvé qu’elles n’étaient pas authentiques, je ne trouve pas déraisonnable sa décision de ne leur donner aucune valeur probante. Les convocations sont courtes et disent simplement que le demandeur doit se présenter à la police pour répondre aux questions concernant le meurtre. Je ne trouve pas, comme allègue le demandeur, que ces documents prouvent nécessairement qu’il était présent lors du meurtre.
[9] Je conclus enfin qu’il n’était pas déraisonnable pour le tribunal de trouver que le défaut par le demandeur de revendiquer le statut de réfugié aux États-Unis, où il a séjourné du 15 avril au 20 juin 2008 et d’où il tenait un visa de cinq ans, pouvait servir à miner sa crédibilité.
[10] Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[11] Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié concluant que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 21, est rejetée.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5133-10
INTITULÉ : Piero Kleberth MATOS QUINTANA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 14 avril 2011
ET JUGEMENT : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 24 mai 2011
COMPARUTIONS :
Me Claudette Menghile POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Me Margarita Tzavelakos POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Claudette Menghile POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
Montréal (Québec)
Myles J. Kirvan POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada