Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2009
En présence de monsieur le juge Harrington
ENTRE :
YI CHEN
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Mme Chen est une Chinoise de confession chrétienne. Elle demande l’asile au Canada, pour elle et son jeune fils, au motif de persécution fondée sur la religion. Elle prétend que son église clandestine a fait l’objet d’une descente lors d’une journée où elle était absente, et que si elle n’en avait pas été avisée et qu’elle ne s’était pas subséquemment cachée, elle aurait été arrêtée.
[2] Même si le commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui a instruit l’affaire a accepté qu’elle était de confession chrétienne, il n’a pas cru au reste de son récit. Celui-ci a préféré la documentation sur le pays, laquelle relevait l’improbabilité que la demanderesse soit persécutée dans la province du Fujian, d’où elle est originaire, en raison de l’envergure et de la nature de l’église à laquelle elle appartenait. Il a conclu : « J’ai pris en compte le témoignage de la demandeure d’asile, selon lequel elle faisait partie d’une église clandestine qui a fait l’objet d’une descente et qu’elle est maintenant recherchée par la [police]. »
[3] L’avocat de Mme Chen signale qu’il y a d’autres éléments de preuve documentaires, certains étant plus récents que ceux cités par le commissaire, qui laissent entendre une certaine répression dans la province du Fujian. Ce type d’observation a été répété à maintes reprises, et le ministre y répond inévitablement que l’on demande alors à la Cour de réévaluer la preuve. S’il était raisonnablement possible pour le commissaire de préférer les conditions dans le pays au témoignage de la demanderesse, la décision ne devrait alors pas être annulée. Je suis d’accord avec une telle proposition, en principe. Cependant, nous ne savons tout simplement pas en l’espèce dont disposait le commissaire et ce qu’il a pris en considération.
[4] L’avocate du ministre, qui s’est d’ailleurs acquittée de son devoir à titre d’officier de justice de manière impeccable, a déclaré qu’elle ne s’est pas opposée à la demande d’autorisation parce que les notes de bas de page n’avaient tout simplement aucun sens. Après l’octroi de l’autorisation, le tribunal, c’est à dire, le Greffe de la Section de la protection des réfugiés, a préparé le dossier pour les parties et la Cour. Le Greffe a produit les documents, tel qu’ils étaient identifiés dans les notes de bas de page. Après avoir examiné ces documents, l’avocate était alors encore plus convaincue qu’un certain nombre de notes de bas de page étaient erronées. La Commission a été informée que le dossier était incomplet et qu’un dossier additionnel était joint afin de corriger quatre notes de bas de page et de fournir les pièces manquantes.
[5] Après avoir passé quelques journées à démêler le tout, l’avocate est parvenue à la conclusion que les erreurs dans la décision n’étaient simplement que des erreurs de transcription dans les notes de bas de page. Le ministre a, par conséquent, adopté la position que la décision était raisonnable et s’est donc opposé au contrôle judiciaire. L’avocate a toutefois souligné, de manière candide, qu’à part la référence à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, il y avait 15 autres notes de bas de page, dont 10 étaient erronées.
[6] Le contrôle judiciaire doit être accueilli, puisqu’il est impossible d’affirmer quel document concernant le pays a été présenté au commissaire et sur lequel ce dernier s’est fondé. L’un des documents sur lequel celui-ci s’est fondé était le rapport du ministère de l’Intérieur britannique de 2007. Le rapport avait toutefois fait l’objet d’une mise à jour dans le rapport 2008, comme le démontre la table des matières du cartable national de documentation sur la Chine. L’avocate souligne que les deux rapports sont identiques.
[7] Avec le respect que je lui dois, ce n’est pas important. Le fait qu’il n’y ait pas eu de changements dans le rapport est simplement fortuit. Si le commissaire s’est fondé sur le rapport de 2007, qui est-il pour affirmer qu’il a tenu compte d’autres rapports, postérieurs à celui de 2007, qui pourraient être interprétés comme jetant un nouveau regard sur la situation dans la province du Fujian. L’équité procédurale exige qu’une décision soit rendue après que la totalité du dossier ait été pris en considération. Par analogie, l’article 397 des Règles sur les Cours fédérales prévoit que, même si des fautes de transcription peuvent être corrigées en tout temps par la Cour, celle-ci peut examiner à nouveau une ordonnance si « […] une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement ». Il peut parfois survenir, particulièrement avec des requêtes écrites présentées en vertu de l’article 369, que le juge de service rende une décision fondée sur un dossier incomplet présenté par le greffier. Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Dhaliwal‑Williams (1996), 116 F.T.R. 29, 34 Imm. L.R. (2d) 47, le Greffe avait reçu des renseignements concernant une requête écrite, mais il ne les a tout simplement pas soumis à la Cour avant que celle-ci ne rende sa décision. La Cour a réexaminé l’ordonnance qui en découlé. La même mesure s’impose en l’espèce.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
2. L’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.
3. Il n’y a aucune question grave d’importance générale à certifier.
« Sean Harrington »
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5132-08
INTITULÉ : Yu Yun Chen et al. c. MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : le 16 septembre 2009
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE : le 23 septembre 2009
COMPARUTIONS :
Hart A. Kaminker
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POUR LES DEMANDEURS |
Bridget A. O’Leary
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Hart A. Kaminker Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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