Federal Court |
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Cour fédérale |
Ottawa (Ontario), le 28 août 2009
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d'une décision datée du 4 février 2009 de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), dans laquelle la Commission a statué que le demandeur n'était pas admissible au parrainage, en vertu du sous-alinéa 133(1)e)(ii) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), car il avait été déclaré coupable d'une tentative ou d'une menace de causer des lésions corporelles à l'égard de son épouse.
Les questions en litige
[2] La présente demande soulève les questions suivantes :
a) La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le sous‑alinéa 133(1)e)(ii) du Règlement interdit l’approbation des répondants pour le parrainage dans la catégorie du regroupement familial lorsqu'ils ont posé des gestes qui constituent une menace de lésions corporelles à l'égard d'un membre de la famille, nonobstant l'absence de déclaration de culpabilité à cet égard?
b) La Commission a-t-elle commis une erreur dans son appréciation des faits en l'espèce?
[3] La demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
Contexte factuel
[4] Le demandeur, Asitkumar Harki Gandhi, est né le 20 janvier 1975 en Inde et est devenu un résident permanent du Canada le 14 mai 2002. Le père du demandeur, Harkishan Gandhi, est né le 16 mai 1945 en Inde et son épouse, Hiragauri Gandhi, est née le 25 octobre 1948 en Inde. Le demandeur et son épouse, Megha Gandhi, ont une fille appelée Diya Gandhi, qui est née le 25 juillet 2005; ils attendaient un deuxième enfant en mars ou avril 2009.
[5] En application du paragraphe 63(1) de la Loi, le demandeur a interjeté appel du refus de délivrer un visa de résidence permanente à son père, Harkishan Gandhi, et à la conjointe à charge de ce dernier. Le refus avait été prononcé le 20 février 2007 parce que le demandeur avait été déclaré coupable de voies de fait sur son épouse le 25 juillet 2006, une infraction prévue à l'article 266 du Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑46. Par conséquent, il ne satisfaisait pas aux conditions énoncées au sous-alinéa 133(1)e)(ii) du Règlement pour parrainer ses parents.
[6] Le demandeur fait valoir qu'il a présenté la demande de parrainage de ses parents avant la déclaration de culpabilité, soit le 27 janvier 2005, mais le défendeur soutient que le demandeur a présenté la demande de parrainage de ses parents après sa déclaration de culpabilité.
[7] Le demandeur a interjeté appel de la décision à la Commission en s'appuyant sur deux arguments : le refus n'était pas valide en droit et il existait des motifs d'ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales. La Commission a rejeté l'appel le 4 février 2009 et la présente demande concerne la décision de la Commission.
La décision contestée
[8] La Commission a conclu que le refus était valide en droit et que le demandeur n'avait pas réussi à établir qu'il existait des motifs d'ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales.
[9] Le demandeur a contesté la validité en droit du refus pour deux motifs. Premièrement, il n'y a pas eu de « lésions corporelles » comme l'exige l'article 133 du Règlement et, deuxièmement, la victime des voies de fait n'était pas son épouse, mais plutôt la tante de celle-ci. Le demandeur affirme que la tante de l'épouse n'est pas visée par l'article 133 du Règlement.
[10] Le demandeur a soutenu que la condition relative aux « lésions corporelles » prévue à l'article 133 n'était pas remplie parce qu'il n'avait pas vraiment brandi son bâton pour frapper la victime et qu'il ne l'avait pas frappée. La Commission a conclu que le libellé du sous-alinéa 133(1)e)(ii) comprend une tentative ou une menace de commettre une infraction entraînant des lésions corporelles, mais qu'il ne précise pas que les voies de fait doivent nécessairement causer des lésions corporelles. Le demandeur a déclaré qu'il avait voulu menacer la tante de son épouse de la frapper si elle ne lui remettait pas le bébé. Il tenait un bâton de bois de cinq pieds (2x2) lorsqu'il a proféré cette menace, ce qui, de l'avis de la Commission, constitue une menace de causer des lésions corporelles.
[11] Il y avait une divergence entre le rapport de police et le témoignage donné de vive voix à l'audience quant à la question de savoir qui était la cible de l'agression. Selon une version, la tante était visée, mais selon l'autre version, l'épouse du demandeur était la cible. Le demandeur a déclaré que la cible était la tante de son épouse, mais la Commission a constaté que le demandeur a été accusé et déclaré coupable de voies de fait sur son épouse, ce que confirmait le rapport de police. La Commission souscrit à l'avis du défendeur selon lequel le fait que la tante tenait la fille nouveau-née du demandeur dans ses bras lorsque le demandeur a brandi le bâton (selon le témoignage du demandeur) constituait aussi une menace pour sa fille. La Commission conclut qu’en menaçant de frapper son épouse en présence de leur fille nouveau-née, le demandeur a manifesté un mépris flagrant pour la sécurité de sa fille. Comme le demandeur a effectivement été accusé et déclaré coupable de voies de fait sur son épouse, ses gestes sont donc visés par le sous‑alinéa 133(1)e)(ii) et la Commission conclut à la validité en droit du refus.
[12] Ce jour-là, le 10 août 2005, le demandeur a été accusé d'agression armée, une infraction prévue à l'article 267 du Code criminel et il lui a été interdit de résider avec son épouse. Le 25 juillet 2006, le demandeur a plaidé coupable à des voies de fait sur son épouse (une infraction prévue à l'article 266 du Code criminel) et une peine avec sursis, assortie d'une probation d'un an, lui a été imposée. Il est retourné vivre avec son épouse.
[13] Le demandeur fait valoir que même si le refus est valide en droit, l’appel devrait néanmoins être accueilli pour des motifs d'ordre humanitaire. Par conséquent, la Commission devait déterminer s'il y avait, compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché, des motifs d'ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales, vu l'ensemble des circonstances de l'affaire, en application de l'alinéa 67(1)c) de la Loi.
[14] Sous le régime de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2, les critères applicables pour établir si des mesures spéciales devaient être prises pour des motifs d'ordre humanitaire dans un cas comme celui qui nous occupe ont été formulés dans l'affaire Chirwa c. Canada (Ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration) (1970), 4 A.I.A. 338 (C.A.I.), à la page 350. La Commission a tenu compte de la relation entre le répondant et les requérants de la demande de parrainage, des motifs du parrainage et de la situation générale du répondant et de ses parents. Vu les antécédents criminels du demandeur, la Commission a aussi pris en compte la gravité de l'infraction, ainsi que la preuve de remords ou de réadaptation et d'autres preuves de bonne moralité. La Commission a aussi pris en considération l'intérêt supérieur de l'enfant du demandeur de même que celui des petits-enfants des parents du demandeur qui résident avec eux en Inde, puisqu'il s'agit d'enfants qui seront directement touchés par cette décision. Ces facteurs ne sont pas exhaustifs, mais ils représentent certains facteurs pertinents à prendre en compte pour déterminer si la prise d'une mesure spéciale est justifiée.
[15] Après avoir examiné la chronologie des faits et les circonstances particulières en l'espèce, la Commission a conclu qu'il n'y avait pas de motifs d'ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales.
[16] En ce qui a trait à l'incident menant à l'accusation et à la déclaration de culpabilité, après un accouchement difficile, l'épouse du demandeur est allée, selon ses coutumes culturelles, reprendre des forces chez des parents, à la résidence de sa tante. Le demandeur, qui n'était pas d'accord, n'a pas rendu visite à son épouse pendant sa convalescence, affirmant que son nouvel emploi le tenait très occupé et qu'il était trop nerveux pour se rendre en voiture jusqu'où son épouse demeurait. La Commission a reconnu qu'il s'agissait d'une période stressante pour le demandeur et son épouse puisqu'ils étaient de nouveaux parents.
[17] L'épouse du demandeur est restée en convalescence chez sa tante pendant une dizaine de jours. Le demandeur a téléphoné à son épouse après une semaine parce qu'il voulait la ramener à la maison. Lorsqu'il est arrivé chez la tante, son épouse ne se sentait pas bien et lui a dit qu'elle voulait demeurer où elle était. Le demandeur s'est disputé avec la tante et a alors installé la nouveau-née dans un siège d'auto. La tante a suivi le demandeur et lui a enlevé l'enfant. Le demandeur a réagi en sortant un morceau de bois de cinq pieds du coffre de sa voiture et l’a brandi, selon ses allégations, en direction de la tante, menaçant de la frapper si elle ne lui redonnait pas son enfant.
[18] La Commission estime que la menace du demandeur de frapper la tante de son épouse alors qu'elle tenait l'enfant dans ses bras constitue un facteur défavorable qui démontre un mépris flagrant pour la sécurité de sa famille et, ce qui est le plus important, pour celle de la nouveau-née. Elle rejette la version des faits avancés par le demandeur et conclut que la victime de l'agression était effectivement son épouse.
[19] Le demandeur a expliqué qu'il n'approuvait pas que son enfant vive dans un appartement au sous-sol parce qu'il estimait que ce milieu était peu convenable pour un nouveau-né; il a déclaré qu'il avait pris des mesures pour qu'une infirmière fournisse des soins à son domicile. Dans son témoignage, le demandeur a déclaré qu'il avait retenu les services d'une infirmière pendant une ou deux journées lorsque son épouse a obtenu son congé de l'hôpital. Le demandeur a ensuite modifié son témoignage et a affirmé qu'il avait engagé l'infirmière trois ou quatre jours après que son épouse eut obtenu son congé de l'hôpital. De l'avis de la Commission, le demandeur n'est pas crédible à cet égard. Comme c'est la pratique normale de l'hôpital d'offrir ces soins infirmiers, le demandeur n'a pas pris de telles mesures. De plus, lorsqu'une infirmière s'est présentée chez le demandeur, l'épouse n'y était pas. Lorsque l'hôpital a téléphoné au demandeur, celui-ci a fait savoir que son épouse se trouvait chez sa tante. La Commission signale que si le demandeur se préoccupait du milieu dans lequel vivait sa fille, il aurait pu demander à l'infirmière de passer la voir chez la tante. Lorsqu'interrogé sur les raisons pour lesquelles il n'avait pas pris de telles mesures, le demandeur a répondu qu'il vivait à Toronto et que la tante vivait à Brampton. La Commission estime que le demandeur a droit au bénéfice du doute à cet égard.
[20] Après les voies de fait, le demandeur s'est conformé à l'ordonnance de probation et a terminé les programmes exigés de maîtrise de la colère. Dans une lettre datée du 12 octobre 2007, le demandeur a appris qu'il était admissible à la phase II. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il n'avait pas suivi d'autres cours, le demandeur a déclaré que cela ne lui avait jamais été suggéré. La Commission conclut que le demandeur a seulement participé au programme de maîtrise de la colère qui lui avait été imposé, mais qu'il ne souhaitait pas suivre d'autres programmes de sa propre initiative. Lorsqu'interrogée à ce sujet, l'épouse du demandeur a eu de la difficulté à donner des exemples concrets des façons dont son mari avait changé après le programme de maîtrise de la colère, mais elle a déclaré qu'il pouvait se retirer lorsqu'il y avait des disputes.
[21] L'épouse du demandeur est retournée vivre avec lui en juillet 2006, à la fin de la période de probation. La relation entre le demandeur et son épouse constitue un élément favorable, car c'est pour elle maintenant chose du passé et elle lui a pardonné.
[22] Même si le demandeur a exprimé des remords concernant ses gestes, la Commission souligne qu'il ne s'est jamais excusé auprès de la tante de son épouse pour ce qui s'est passé, bien qu'il ait eu l'occasion de la voir à des réunions de famille. L'absence d'excuses auprès de la tante de son épouse indique que le demandeur ne regrette pas sincèrement ses gestes, ce qui constitue un facteur défavorable en l’espèce.
[23] La Commission reconnaît que demandeur n'a fait l'objet d'aucune autre accusation ou déclaration de culpabilité et que l'incident en cause semble avoir été un fait isolé, ce qui constitue un facteur favorable.
[24] Le demandeur et son épouse travaillent pendant des quarts de travail différents pour pouvoir s’occuper de leur enfant à tour de rôle. Par conséquent, ce n’est que la fin de semaine qu’ils passent du temps ensemble avec leur enfant. Le demandeur soutient que, si ses parents pouvaient venir au Canada, ils pourraient participer à la garde de l’enfant, ce qui permettrait au demandeur et à son épouse de passer plus de temps ensemble avec leur enfant et d’avoir un horaire de travail plus souple. La Commission reconnaît que cela faciliterait leur vie et serait même dans l’intérêt supérieur de l'enfant, mais elle signale que la situation du demandeur n’est pas unique. De l’avis de la Commission, il ne s’agit pas de circonstances atténuantes; toutefois, elle reconnaît que le fait de priver le demandeur de l’aide que ses parents lui apporteraient lui causerait un certain préjudice.
[25] Les parents du demandeur sont semi-retraités et ont de la famille en Inde, notamment un fils qui vit avec eux. Ils ont de jeunes petits-enfants qui vivent en Inde. Il faut donc aussi tenir compte de leur intérêt supérieur en l’espèce. Si les parents du demandeur venaient au Canada, ces petits-enfants en Inde seraient privés de la présence de leurs grands-parents; par conséquent, il est dans leur intérêt supérieur que leurs grands-parents restent en Inde.
[26] Le demandeur a vu ses parents pour la dernière fois en février 2008 lorsqu’il leur a rendu visite pendant un mois à l’occasion du mariage du frère de son épouse. Il parle à ses parents au téléphone deux ou trois fois par semaine. Selon la Commission, rien ne permet de conclure que le demandeur ne pourrait pas entretenir la même relation avec ses parents à l’avenir. La Commission conclut que le demandeur n’a pas produit d’éléments de preuve qui démontrent qu’il subirait des difficultés excessives si son appel était rejeté. Nombre de couples se heurtent à des problèmes de garde d’enfants et il serait certes avantageux pour le demandeur de bénéficier de services de garde gratuits et, encore plus avantageux pour les petits-enfants de bénéficier de la présence de leurs grands-parents, mais ces facteurs ne l'emportent pas sur les éléments défavorables en l’espèce.
[27] Le demandeur peut aussi demander sa réhabilitation et présenter par la suite une nouvelle demande de parrainage de ses parents. La Commission reconnaît que le demandeur devra attendre un certain temps pour parrainer ses parents, mais il n’en demeure pas moins que ce contretemps est attribuable aux gestes du demandeur. La Commission estime que les gestes du demandeur, qui constituent de la violence familiale, sont très graves et constituent donc un facteur défavorable.
[28] La Commission estime que le demandeur s’est conformé à son ordonnance de probation et a terminé le programme de maîtrise de la colère qui lui a été imposé. Néanmoins, la Commission tient compte du fait que le demandeur n’a jamais présenté d’excuses à la tante de son épouse, bien qu’il ait exprimé des remords. Il s’agit d’un facteur défavorable puisqu’il révèle que le demandeur ne regrette pas sincèrement ses gestes. Pendant son témoignage devant le tribunal, le demandeur a tenté de minimiser ses gestes, bien qu’il n’en ait jamais décliné la responsabilité.
[29] Vu la preuve et les témoignages, la Commission estime que le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait, parce qu’il n’a pas présenté un dossier convaincant justifiant l’exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de prendre une mesure spéciale pour des motifs d’ordre humanitaire. L’appel est rejeté.
Les dispositions légales et réglementaires applicables
[30] Les dispositions légales et réglementaires applicables sont reproduites à l'annexe A du présent document.
La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le sous‑alinéa 133(1)e)(ii) du Règlement interdit l’approbation des répondants pour le parrainage dans la catégorie du regroupement familial lorsqu'ils ont posé des gestes qui constituent une menace de lésions corporelles à l'égard d'un membre de la famille, nonobstant l'absence de déclaration de culpabilité à cet égard?
La norme de contrôle
[31] Le demandeur soutient que les erreurs de droit sont en règle générale assujetties à la décision correcte (Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 R.C.S. 100, au paragraphe 37). En l'espèce, la Commission a nettement commis une erreur de droit en appliquant incorrectement la norme juridique en fonction de laquelle elle a déterminé que le demandeur était visé par le sous-alinéa 133(1)e)(ii) de la Loi. Par conséquent, la décision de la Commission à cet égard ne peut être maintenue.
[32] Le défendeur convient que la norme de contrôle des questions de droit est la décision correcte et que la norme de contrôle des questions de fait est la raisonnabilité. Le défendeur soutient que la question de la validité en droit du refus est une question de droit et que la Commission a interprété le droit correctement.
[33] La question en l'espèce vise la manière dont la Commission a interprété le sous‑alinéa 133(1)e)(ii) du Règlement par rapport au Code criminel. Le demandeur fait valoir que l'interprétation devrait être restrictive alors que le défendeur soutient qu'elle devrait être large.
[34] Aussi intéressant que ce débat puisse être, je n'aborderai pas cette question aujourd'hui parce que je suis d'avis que la présente affaire doit être renvoyée pour nouvelle décision pour les motifs suivants.
La Commission a-t-elle commis une erreur dans son appréciation des faits en l'espèce?
La norme de contrôle
[35] Il a été statué que la norme de contrôle concernant une affaire de motifs d'ordre humanitaire est la raisonnabilité (Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, 167 A.C.W.S. (3d) 974). Compte tenu de la nature très discrétionnaire de la décision, la Cour doit faire preuve de retenue à l'égard des conclusions de fait et de la pondération des facteurs.
[36] La question de l'appréciation des motifs d'ordre humanitaire est une question de fait (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 53; Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, aux paragraphes 59 à 62).
[37] Je conclus que la Commission a commis des erreurs déterminantes et susceptibles de révision.
[38] Premièrement, la Commission écrit ce qui suit au paragraphe 9 de la décision :
[…] Le tribunal souscrit à l’avis du conseil du ministre selon lequel le fait que la tante tenait la fille nouveau-née de l’appelant dans ses bras lorsque l’appelant a brandi le bâton (selon le témoignage de l’appelant) constituait aussi une menace pour sa fille. Le tribunal conclut que, en menaçant de frapper son épouse en présence de leur fille nouveau-née, l’appelant a fait état d’un mépris flagrant pour la sécurité de sa fille. […]
[39] La Cour ne sait pas qui de la tante ou de l'épouse la Commission considérait comme étant la victime des voies de fait. En l'espèce, la tante était la belle-soeur de la belle-mère du demandeur.
[40] Deuxièmement, la Commission a conclu que le demandeur n'avait pas présenté un dossier convaincant justifiant l'exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de prendre une mesure spéciale pour des motifs d'ordre humanitaire (paragraphe 26 de la décision). Cette conclusion s'appuie principalement sur le fait que le demandeur ne souhaitait aucunement suivre d'autres programmes sur la maîtrise de la colère et aussi sur le fait que le demandeur n'avait jamais présenté d'excuses à la tante de son épouse (paragraphes 17 et 19 de la décision).
[41] Ces conclusions ne sont pas appuyées par la preuve. Contrairement à ce qu'affirme la Commission, le demandeur n'a jamais dit qu'il ne souhaitait pas suivre d'autres programmes. Il a affirmé dans son témoignage qu’il avait terminé la phase I du programme intitulé Counterpoints Partner Assault Response Program et que personne ne lui avait suggéré de suivre la phase II. Même son agent de probation ne lui a jamais fait cette suggestion (page 304, dossier du tribunal).
[42] En ce qui a trait à la question des remords, il ressort de la transcription qu'il a présenté ses excuses à la tante lors de l'audience, de même qu'au moment de l'incident (pages 272, 246, 270).
[43] L'intervention de la Cour est justifiée.
[44] Aucune question n'a été proposée pour fins de certification et le dossier n'en soulève aucune.
JUGEMENT
LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire et renvoie l'affaire à un autre tribunal de la Commission pour nouvelle décision. Aucune question n'est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes
ANNEXE A
Les dispositions législatives et réglementaires applicables
Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :
66. Il est statué sur l’appel comme il suit :
a) il y fait droit conformément à l’article 67;
b) il est sursis à la mesure de renvoi conformément à l’article 68;
c) il est rejeté conformément à l’article 69. |
Disposition 66. After considering the appeal of a decision, the Immigration Appeal Division shall
(a) allow the appeal in accordance with section 67;
(b) stay the removal order in accordance with section 68; or
(c) dismiss the appeal in accordance with section 69. |
Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 :
Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-46 :
266. Quiconque commet des voies de fait est coupable :
a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. |
266. Every one who commits an assault is guilty of
(a) an indictable offence and is liable to imprisonment for a term not exceeding five years; or
(b) an offence punishable on summary conviction. |
Agression armée ou infliction de lésions corporelles 267. Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas : a) porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme;
b) inflige des lésions corporelles au plaignant.
|
Assault with a weapon or causing bodily harm
267. Every one who, in committing an assault,
(a) carries, uses or threatens to use a weapon or an imitation thereof, or
(b) causes bodily harm to the complainant, is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding ten years or an offence punishable on summary conviction and liable to imprisonment for a term not exceeding eighteen months. |
cour fédérale
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1014-09
Intitulé : ASITKUMAR HARKI GANDHI
et
le ministre de la citoyenneté
et de l’IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 25 août 2009
Motifs du jugement
et jugement : le juge Beaudry
DATE DES MOTIFS : le 28 août 2009
Comparutions :
David Orman pour le demandeur
Nicole Rahaman pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
David Orman pour le demandeur
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)