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Date : 20240325


Dossier : A-146-22

Référence : 2024 CAF 62

[TRADUCTION FRANÇAISE]

En présence de monsieur le juge LOCKE

ENTRE :

SHELLEY ANNE HUDSON

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 25 mars 2024.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LOCKE

 


Date : 20240325


Dossier : A-146-22

Référence : 2024 CAF 62

En présence de monsieur le juge LOCKE

ENTRE :

SHELLEY ANNE HUDSON

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LOCKE

I. Contexte

[1] L’appelante demande à la Cour d’ordonner les mesures suivantes dans le cadre de l’appel qu’elle a interjeté à l’encontre d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt :

[TRADUCTION]

1. Que la Cour lui donne l’autorisation de présenter les nouveaux éléments de preuve suivants, en vertu de l’article 351 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98‑106 (les Règles) :

a. Ses déclarations de revenus des particuliers, ainsi que les avis de cotisation établis par l’intimé relativement à ces dernières, pour les années d’imposition pertinentes, à savoir 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011;

b. Les déclarations de revenus relatives aux produits dérivés de l’entreprise, ainsi que les avis de cotisation établis par l’intimé relativement à ces dernières, pour les années d’imposition pertinentes, à savoir 2007 et 2008;

c. La lettre de la Dre L. Raynor datée du 29 avril 2021;

d. Le certificat médical de la Dre L. Raynor daté du 21 avril 2011;

e. Le document du ministre des Finances de la C.-B. que l’avocat de l’intimé a en sa possession, qui confirme que l’entreprise Factory Marine Distribution appartenait, en fait, à Western Import Manufacturing Distribution Group Ltd.;

f. Le bulletin T4001 (F) de l’Agence du revenu du Canada intitulé Guide de l’employeur – Les retenues sur la paie et les versements;

g. L’Énoncé de politique P-237 sur la TPS/TVH de l’Agence du revenu du Canada;

  1. Que l’intimé modifie le dossier d’appel en y ajoutant ce qui suit :

a. Les transcriptions des audiences tenues devant la Cour canadienne de l’impôt les 19 février et 25 octobre 2019 ainsi que les 22, 23 et 24 mars 2022;

b. Les pièces omises qui ont été présentées devant la Cour canadienne de l’impôt, à savoir les pièces R-2 et R-3;

c. L’ensemble des documents et des pièces qui ont été présentés à la Cour canadienne de l’impôt dans le cadre des instances devant elle;

d. Tout autre document que la Cour jugera admissible;

3. Que les parties au présent appel se voient accorder en conséquence une possibilité raisonnable de modifier leurs mémoires des faits et du droit respectifs;

4. Que la personne exclue qui avait soutenu l’appelante au cours de l’instance, M. Tinkham, puisse à nouveau agir à ce titre.

[2] L’intimé consent aux éléments suivants de la requête de l’appelante :


[TRADUCTION]

1. L’inclusion, dans un supplément au dossier d’appel, des transcriptions des audiences tenues devant la Cour canadienne de l’impôt et des pièces R-2 et R-3;

2. La préparation du supplément au dossier d’appel (tout en laissant à l’appelante la responsabilité d’ordonner les transcriptions et de payer les frais à cet égard);

3. L’autorisation donnée aux parties de modifier leurs mémoires des faits et du droit respectifs.

[3] L’intimé s’oppose à l’introduction de nouveaux éléments de preuve et à la réintégration de M. Tinkham dans ses fonctions. L’intimé ajoute également qu’il sollicite de la Cour une ordonnance confirmant le bien-fondé du dépôt d’un seul avis d’appel relativement à deux instances distinctes devant la Cour canadienne de l’impôt.

[4] Par ailleurs, j’ai reçu et examiné la réponse de l’appelante aux observations formulées par l’intimé au sujet de la requête, ainsi qu’une lettre dans laquelle l’appelante demande, d’une part, une prorogation du délai dans lequel elle peut déposer une réponse modifiée et, d’autre part, l’autorisation de présenter un affidavit supplémentaire relativement à la présente requête. Je crois comprendre que l’appelante a présenté cette dernière demande en réponse à un argument de l’intimé selon lequel l’affidavit no 2 qu’elle a déposé pour étayer sa requête contient des arguments et des faits non utiles et dont on ne devrait pas tenir compte. J’ai pris cet argument en considération et conclu qu’on doit tenir compte de cet affidavit. Dans la mesure où il contient des arguments, je le traiterai en conséquence. J’estime donc qu’il n’est pas nécessaire de répondre à la demande formulée par l’appelante dans sa lettre et que je peux maintenant trancher la requête.

[5] Avant de me pencher sur les questions en litige soulevées dans le cadre de la présente requête, j’estime qu’il est utile d’expliquer quelque peu le contexte. La Cour canadienne de l’impôt a rendu la décision qui fait l’objet du présent appel le 30 mai 2022 et l’avis d’appel a été déposé devant notre Cour le 30 juin 2022. Aucun progrès n’ayant été réalisé au mois de mars suivant, la Cour s’est adressée aux parties en vue de trouver une solution. Dans une ordonnance datée du 12 mai 2023, la Cour a élaboré un échéancier après avoir reçu et pris en considération les commentaires des parties et elle a ordonné à l’intimé de préparer le dossier d’appel. L’intimé a donc préparé et déposé le dossier d’appel, mais l’appelante estimait qu’il manquait certains documents. Dans une directive datée du 1er février 2024, la Cour, soulignant à nouveau le fait qu’aucun progrès n’avait été réalisé dans le cadre du présent appel, a invité l’appelante à présenter une requête en bonne et due forme si elle estimait vraiment qu’il manquait des documents dans le dossier d’appel. Il s’agit de la requête que notre Cour est maintenant appelée à trancher.

II. Nouveaux éléments de preuve

[6] Les parties ont convenu que toute partie qui cherche à présenter de nouveaux éléments de preuve doit établir ce qui suit : (1) elle n’aurait pas pu les produire au procès même si elle avait fait preuve de diligence raisonnable; (2) ils sont importants, en ce sens qu’ils portent sur une question décisive ou potentiellement décisive quant à l’appel; (3) ils sont plausibles, en ce sens qu’on peut raisonnablement considérer qu’ils sont dignes de foi; et (4) ils sont tels que, s’ils sont dignes de foi, on peut raisonnablement penser qu’ils auraient influé sur le résultat, et s’ils ne satisfont pas au critère qui précède, la Cour a tout de même un pouvoir discrétionnaire résiduel lui permettant de les admettre en appel, bien que ce pouvoir doive être exercé dans l’intérêt de la justice, avec parcimonie et uniquement dans les cas les plus clairs (voir Coady c. Canada (Gendarmerie royale), 2019 CAF 102, au para. 3).

[7] Cela dit, l’intimé soutient que les nouveaux éléments de preuve que l’appelante cherche à introduire ne doivent pas être présentés devant la Cour pour les motifs suivants :

[TRADUCTION]

1. En ce qui concerne les déclarations de revenus, l’importance de ces documents a été expliquée à l’appelante et à M. Tinkham lors de la présentation des éléments de preuve devant la Cour canadienne de l’impôt, mais ils n’ont fait aucune tentative en vue de les présenter en preuve avant le stade des plaidoyers finaux;

2. En ce qui concerne les lettres de la Dre Raynor (qui semblent être datées du 21 avril 2011 et du 8 février 2019), la Cour canadienne de l’impôt les a exclues à titre de ouï-dire inadmissible et l’appelante n’a pas fait témoigner la Dre Raynor à cet égard; l’intimé avance également que la lettre du 8 février 2019 manque de crédibilité dans la mesure où elle n’exposait pas seulement un avis médical, mais également des arguments favorables à l’appelante;

3. En ce qui concerne le document du ministre des Finances de la C.-B., l’appelante aurait pu le mettre en preuve au procès si elle avait agi avec diligence raisonnable;

4. En ce qui concerne les publications de l’ARC, il s’agit de sources faisant autorité et non d’éléments de preuve.

[8] L’intimé soutient que l’appelante n’a pas satisfait aux exigences applicables qui lui auraient permis de soumettre l’un ou l’autre des nouveaux éléments de preuve qu’elle souhaitait présenter, et que la présente affaire n’est pas l’un des cas les plus clairs dans lesquels la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire résiduel dans l’intérêt de la justice.

[9] En ce qui concerne les déclarations de revenus, l’appelante avance qu’elle a eu du mal à les trouver, ajoutant qu’elle a tenté de les mettre en preuve avant le début des plaidoyers finaux. Pour ce qui est des lettres de la Dre Raynor, l’appelante soutient qu’elle a été incapable de faire témoigner cette dernière, car elle (la Dre Raynor) avait pris des congés prolongés tout juste après avoir fourni sa lettre du 8 février 2019 et qu’elle avait pris sa retraite à son retour de congés. L’appelante fait également valoir que le juge de la Cour canadienne de l’impôt avait indiqué que les lettres de la Dre Raynor ne pouvaient pas être présentées en preuve dans le cadre de son témoignage. En ce qui concerne le document du ministre des Finances de la C.-B., l’appelante ne souscrit pas à l’avis selon lequel elle aurait pu présenter cet élément de preuve au procès si elle avait agi avec diligence raisonnable. Pour ce qui est des publications de l’ARC, l’appelante semble accepter le fait qu’elle peut y renvoyer en tant que sources faisant autorité plutôt qu’en tant qu’éléments de preuve.

[10] Je suis d’accord avec l’intimé que la Cour ne doit pas permettre à l’appelante de présenter de nouveaux éléments de preuve en vertu de l’article 351 des Règles. L’appelante était au courant de l’importance que revêtaient les déclarations de revenus et les lettres de la Dre Raynor et elle ne m’a pas convaincu qu’elle avait fait preuve de diligence raisonnable en tentant de les mettre en preuve. Elle renvoie à une pièce produite en preuve au procès pour établir que la Dre Raynor était en vacances, mais ne mentionne aucun échange qu’elle aurait eu avec la Cour canadienne de l’impôt au cours duquel elle aurait souligné qu’elle devait se fonder sur les lettres de la Dre Raynor, même s’agissait d’une preuve par ouï-dire, car cette dernière ne pouvait pas témoigner. Par ailleurs, l’appelante n’a pas convenablement documenté son allégation selon laquelle la Cour canadienne de l’impôt a initialement indiqué qu’elle pouvait produire les lettres de la Dre Raynor dans le cadre de son témoignage. Enfin, je ne trouve pas convaincante l’allégation non fondée de l’appelante selon laquelle elle n’aurait pas été en mesure de mettre en preuve le document du ministre des Finances de la C.-B. au procès, même si elle avait fait preuve de diligence raisonnable.

[11] Néanmoins, l’appelante soutient dans son avis d’appel que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en refusant d’accepter en preuve à tout le moins les déclarations de revenus et les lettres de la Dre Raynor. Or, pour déterminer si la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur à cet égard, il faudra que notre Cour puisse consulter ces documents. Par conséquent, bien qu’ils ne soient pas admis en tant que nouveaux éléments de preuve, ces documents doivent être inclus dans le dossier d’appel.

III. Supplément au dossier d’appel

[12] Étant donné le consentement de l’intimé que j’ai déjà mentionné, la seule question en litige qu’il reste à trancher en ce qui concerne le supplément au dossier d’appel est celle de savoir qui aura la responsabilité d’ordonner les transcriptions et de payer les frais à cet égard. L’intimé invoque la règle générale selon laquelle il incombe à l’appelante de faire le nécessaire en vue de la production des transcriptions, au besoin, aux fins de l’appel. L’intimé fait également remarquer que l’appelante n’a pas étayé sa déclaration selon laquelle elle n’a pas les moyens de payer les frais relatifs aux transcriptions.

[13] Je suis d’accord avec l’intimé. L’appelante n’a pas fourni suffisamment d’éléments probants pour me convaincre qu’elle n’a pas les moyens de payer les frais relatifs aux transcriptions. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas convaincu qu’il incombe à l’intimé de payer les frais des transcriptions qui serviront à étayer l’appel interjeté par l’appelante.

[14] Cela dit, il semble bien que l’appelante n’ait pas besoin des transcriptions. En effet, le site Web de la Cour canadienne de l’impôt indique que les enregistrements sonores des audiences tenues devant elle sont communiqués à toute partie, sur demande, aux fins de tout appel. L’obtention de ces enregistrements éviterait les frais importants liés à l’obtention des transcriptions.

[15] J’ordonnerai donc que les transcriptions ou les enregistrements sonores soient inclus dans le dossier d’appel, mais que c’est à l’appelante qu’il incombe de les obtenir.

IV. Mémoires modifiés des faits et du droit

[16] Comme je l’ai déjà indiqué, les parties conviennent qu’elles devraient être en mesure de déposer des mémoires modifiés des faits et du droit afin de refléter le contenu du supplément au dossier d’appel. Il convient d’adopter une telle approche. Je vais donc élaborer un échéancier en vue de l’échange de mémoires modifiés des faits et du droit qui reflétera la préoccupation que l’appelante a expressément soulevée quant au court délai qui lui a été accordé pour déposer la présente requête.

[17] Au paragraphe 46 des observations écrites qu’elle a présentées pour étayer la présente requête, l’appelante a laissé entendre qu’elle voudrait présenter un mémoire des faits et du droit qui contiendrait plus que les 30 pages habituellement autorisées. Cependant, elle n’a pas présenté d’argument à cet égard et je ne vois pas en quoi elle aurait besoin de plus de 30 pages pour plaider sa cause.

V. M. Tinkham

[18] L’intimé s’oppose à la réintégration de M. Tinkham dans ses fonctions de représentant judiciaire de l’appelante étant donné que notre Cour a déjà refusé une telle demande dans son ordonnance datée du 12 mai 2023. Dans sa réponse, l’appelante se contente d’affirmer qu’elle est en désaccord avec l’intimé.

[19] Je suis d’accord avec l’intimé qu’il ne convient pas de réintégrer M. Tinkham dans ses fonctions. La Cour s’est penchée sur cette question dans son ordonnance datée du 12 mai 2023 et elle a décidé que M. Tinkham ne devrait pas se voir accorder le droit de présenter des observations pour le compte de l’appelante dans le cadre de l’audience relative au présent appel. Je ne vois aucune raison de modifier cette décision.

VI. Appels joints

[20] L’intimé fait remarquer qu’un seul avis d’appel a été déposé à l’égard d’une décision de la Cour canadienne de l’impôt qui se rapporte à deux instances devant cette cour. L’intimé soutient donc que la présente instance porte sur deux appels qui devraient être joints, à l’instar de ce qui a été fait dans l’arrêt Canada c. Microbjo Properties Inc., 2023 CAF 157 (arrêt Microbjo), au para. 2.

[21] À mon avis, les circonstances entourant le présent appel peuvent être distinguées de celles de l’arrêt Microbjo. Les motifs exposés dans cet arrêt se rapportaient à cinq jugements distincts relatifs à cinq instances devant la Cour canadienne de l’impôt. En l’espèce, la Cour canadienne de l’impôt a rendu un seul jugement relativement à deux instances, et c’est ce jugement qui fait l’objet du présent appel. Le dépôt d’un seul avis d’appel était donc approprié dans la présente affaire.

VII. Conclusion

[22] Pour les motifs qui précèdent, la requête de l’appelante sera accueillie en partie. Ni l’une ni l’autre des parties n’ayant demandé des dépens relativement à la présente requête, je n’en adjugerai pas.

« George R. Locke »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-146-22

 

INTITULÉ :

SHELLEY ANNE HUDSON c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES :

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 MarS 2024

 

COMPARUTIONS :

Shelley Anne Hudson

 

POUR L’APPELANTE

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Spencer Landsiedel

 

POUR L’INTIMÉ,

SA MAJESTÉ LE ROI

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureur générale du Canada

 

POUR L’INTIMÉ,

SA MAJESTÉ LE ROI

 

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