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Date : 20240318


Dossier : A-98-23

Référence : 2024 CAF 49

CORAM :

LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

AKIM MVANA

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

intimé

Audience tenue à Montréal (Québec), le 18 mars 2024.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 18 mars 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE ROUSSEL

 


Date : 20240318


Dossier : A-98-23

Référence : 2024 CAF 49

CORAM :

LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE ROUSSEL

 

 

ENTRE :

AKIM MVANA

appelant

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 18 mars 2024.)

LA JUGE ROUSSEL

[1] L’appelant interjette appel d’une décision de la Cour fédérale rendue le 10 mars 2023 (2023 CF 329). Dans cette décision, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire logée par l’appelant à l’encontre d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, prise en vertu du paragraphe 68(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

[2] Aux termes de sa décision, la Cour fédérale a certifié la question suivante selon l’alinéa 74(d) de la LIPR:

L’alinéa 36(3)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés contrevient-il au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, malgré le paragraphe 6(1) de la Charte, et, de ce fait, est-il inopérant en vertu de l’article 52 de la Charte?

[3] L’alinéa 36(3)a) de la LIPR assimile les infractions appelées « hybrides » ou « mixtes » (infractions pouvant faire l’objet d’une poursuite par mise en accusation ou par procédure sommaire) à des infractions punissables par mise en accusation, indépendamment du mode de poursuite effectivement retenu, pour les fins des paragraphes 36(1) et 36(2) de la LIPR.

[4] La SAI a jugé que l’alinéa 36(3)a) de la LIPR ne contrevenait pas à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11. Compte tenu du fait que l’appelant avait déjà été reconnu coupable d’un acte criminel et qu’il avait par la suite été poursuivi par voie sommaire et reconnu coupable d’une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1) de la LIPR, la SAI a conclu que le paragraphe 68(4) de la LIPR trouvait application. Elle a donc annulé le sursis à la mesure de renvoi et classé l’appel.

[5] L’appelant soutient que la Cour fédérale a erré en concluant que l’alinéa 36(3)a) de la LIPR ne violait pas l’article 15 de la Charte.

[6] Tout en affirmant ne pas attaquer le régime d’expulsion prévu par la LIPR, l’appelant fait valoir notamment qu’en assimilant l’infraction hybride à un acte criminel, l’alinéa 36(3)a) de la LIPR empêche le justiciable qui n’est pas citoyen canadien de bénéficier des effets engendrés par le choix du procureur de la Couronne, comme celui d’être traité et perçu à la lumière de la gravité réelle de l’infraction commise. En d’autres termes, l’alinéa 36(3)a) de la LIPR laisse croire que le non-citoyen a commis une infraction plus grave que celle pour laquelle il a été reconnu coupable. En attribuant aux non-citoyens une dangerosité qu’ils ne présentent pas réellement, l’alinéa 36(3)a) de la LIPR, de par ses effets, ostracise les non-citoyens et perpétue des préjugés à leur égard.

[7] Comme le présent appel porte sur une décision de la Cour fédérale visant une demande de contrôle judiciaire, cette Cour doit déterminer si la Cour fédérale a employé la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement. En d’autres termes, lorsque la Cour conclut que la bonne norme de contrôle a été appliquée, elle doit se mettre à la place de la Cour fédérale et se concentrer sur la décision ayant fait l’objet du contrôle judiciaire (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 aux para. 45-47, réitérée dans Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42 aux para. 10-12).

[8] En l’espèce, nous sommes d’avis que la Cour fédérale a appliqué la norme de contrôle appropriée, soit la norme de la décision correcte, puisqu’il s’agit d’une question constitutionnelle (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 aux para. 55-57).

[9] De plus, nous sommes également d’avis, et ce, essentiellement pour les mêmes motifs que ceux de la Cour fédérale, que la SAI n’a pas commis d’erreur en déterminant que l’alinéa 36(3)a) de la LIPR ne viole pas le paragraphe 15(1) de la Charte.

[10] La Cour suprême du Canada et cette Cour ont réitéré à plusieurs reprises que le principe le plus fondamental du droit de l’immigration est que le non-citoyen n’a pas un droit absolu d’entrer au Canada ou d’y demeurer. Ce traitement différent s’explique par le concept même de citoyenneté et découle expressément du paragraphe 6(1) de la Charte, lequel prévoit que tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir. Le législateur est donc en droit d’adopter une politique en matière d’immigration et de prescrire par législation les conditions à remplir par les non-citoyens pour qu’il leur soit permis de demeurer au Canada (Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711 aux pp. 733-734, 736; Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 2 C.F. 299 (C.A.F.) aux pp. 310-311; Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51 au para. 46; Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9 au para. 129; Revell c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 262 au para. 54, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 38891 (2 avril 2020)). Considérant que l’article 6 de la Charte autorise la différence de traitement entre le citoyen et le non-citoyen, cette différence ne peut contrevenir à l’article 15 de la Charte puisqu’une disposition de la Charte ne peut servir à en annuler une autre (Chiarelli C.S.C. à la p. 736; Chiarelli C.A.F. à la p. 310; Lavoie c. Canada, 2002 CSC 23 au para. 44).

[11] L’argument de l’appelant selon lequel certains éléments rattachés à l’expulsion pourraient contrevenir à l’article 15 de la Charte ne peut réussir. Autre que la distinction entre citoyens et non-citoyens, l’appelant n’a identifié aucun élément du régime d’interdiction de territoire et d’expulsion qui pourrait ouvrir la porte à une contestation en vertu de l’article 15 de la Charte.

[12] Par ailleurs, lors de l’audience, l’appelant a fait valoir que l’alinéa 36(3)a) de la LIPR était ambigu. L’appelant ne nous a pas convaincu qu’une telle ambiguïté existe. En tout état de cause, cela ne suffirait pas à rendre cette disposition contraire à l’article 15 de la Charte.

[13] Nous devons donc répondre à la question certifiée de la façon suivante :

Question : L’alinéa 36(3)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés contrevient-il au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, malgré le paragraphe 6(1) de la Charte, et, de ce fait, est-il inopérant en vertu de l’article 52 de la Charte?

Réponse : Non

[14] Par conséquent, l’appel est rejeté sans frais.

« Sylvie E. Roussel »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-98-23

 

 

INTITULÉ :

AKIM MVANA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 mars 2024

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE EN CHEF DE MONTIGNY

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE ROUSSEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LA JUGE ROUSSEL

 

COMPARUTIONS :

Vincent Desbiens

Perla Abou-Jaoudé

 

Pour l'appelant

 

Sherry Rafai Far

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aide juridique

Montréal (Québec)

 

Pour l'appelant

 

 

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l’intimé

 

 

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