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Date : 20231219

Dossier : A-134-22

Référence : 2023 CAF 248

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

 

ENTRE :

ASTRO CONSULTING INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 19 décembre 2023.

Jugement rendu à l’audience à Edmonton (Alberta), le 19 décembre 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE WEBB

 


Date : 20231219


Dossier : A-134-22

Référence : 2023 CAF 248

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

 

ENTRE :

ASTRO CONSULTING INC.

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Edmonton (Alberta), le 19 décembre 2023.)

LE JUGE WEBB

[1] La Cour canadienne de l’impôt (sous la plume du juge D’Arcy, 2022 CCI 51) a rejeté l’appel interjeté par Astro Consulting Inc. des nouvelles cotisations pour ses années d’imposition 2012, 2013 et 2014. Astro Consulting avait déclaré le revenu reçu de Lanmark Petroleum Holdings Ltd. (Lanmark Holdings) et de Lanmark Engineering Inc. (Lanmark Engineering) en tant que revenu tiré d’une entreprise exploitée activement. Les nouvelles cotisations étaient fondées sur la décision du ministre du Revenu national selon laquelle ce revenu provenait d’une entreprise de prestation de services personnels.

[2] Aaron Glazier était propriétaire de la totalité des actions avec droit de vote émises et en circulation d’Astro Consulting. Son épouse détenait des actions sans droit de vote. Au 1ᵉʳ janvier 2012, Astro Consulting détenait 20 % des actions de Lanmark Holdings. À cette époque, il y avait trois autres actionnaires. Au cours des années d’imposition visées par l’appel, le nombre d’actionnaires de Lanmark Holdings est passé de quatre à huit et le pourcentage des actions de Lanmark Holdings détenues par Astro Consulting a diminué, pour s’établir à 18 %. Lanmark Holdings était propriétaire de la totalité des actions émises et en circulation de Lanmark Engineering pendant les années d’imposition visées par l’appel.

[3] À l’audience devant la Cour de l’impôt, Astro Consulting a admis qu’Aaron Glazier était un actionnaire déterminé d’Astro Consulting et que, n’eût été son existence, il aurait été un employé de Lanmark Engineering. Astro Consulting a toutefois soutenu qu’elle n’a pas admis qu’Aaron Glazier, n’eût été son existence à elle, aurait été un employé de Lanmark Holdings. Toutefois, même si elle a fait l’objet d’une nouvelle cotisation dans laquelle les revenus de Lanmark Holdings et de Lanmark Engineering étaient considérés comme des revenus provenant d’une entreprise de prestation de services personnels, Astro Consulting n’a pas traité des paiements de Lanmark Holdings dans son avis d’appel à la Cour de l’impôt et n’y a pas non plus soulevé la question de savoir si, n’eût été l’existence d’Astro Consulting, Aaron Glazier aurait été un employé de Lanmark Holdings.

[4] Astro Consulting n’a pas non plus présenté d’arguments pouvant permettre de conclure que, n’eût été l’existence d’Astro Consulting, Aaron Glazier n’aurait pas été un employé de Lanmark Holdings. Aaron Glazier était un dirigeant et faisait partie de l’équipe de haute direction de Lanmark Holdings. Il fournissait un éventail de services de gestion à Lanmark Holdings (paragraphe 114 des motifs du juge de la Cour de l’impôt).

[5] Astro Consulting a fait valoir qu’elle n’exploitait pas une entreprise de prestation de services personnels parce qu’elle était associée à Lanmark Holdings et à Lanmark Engineering. Si Astro Consulting était associée à Lanmark Holdings et Lanmark Engineering, elle n’exploiterait pas une entreprise de prestation de services personnels en fournissant des services à ces sociétés (alinéa d) de la définition d’entreprise de prestation de services personnels au paragraphe 125(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) [la Loi]).

[6] Astro Consulting a soulevé deux arguments à l’audience de la Cour de l’impôt à l’appui de sa position selon laquelle elle était associée à Lanmark Holdings et à Lanmark Engineering. Elle a soutenu que Lanmark Holdings et Lanmark Engineering exerçaient un contrôle de fait sur Astro Consulting au sens du paragraphe 256(5.1) de la Loi. Astro Consulting a également soutenu qu’il était raisonnable de considérer que l’un des principaux motifs de l’existence distincte d’Astro Consulting et de Lanmark Holdings/Lanmark Engineering était la réduction des impôts à payer en vertu de la Loi et que, par conséquent, Astro Consulting était associée à Lanmark Holdings et à Lanmark Engineering par l’effet du paragraphe 256(2.1) de la Loi.

[7] Le juge de la Cour de l’impôt a rejeté les arguments d’Astro Consulting et a conclu qu’elle n’était pas associée à Lanmark Holdings ou à Lanmark Engineering. De ces deux arguments, le seul que fait valoir Astro Consulting dans le présent appel est celui selon lequel elle était associée à Lanmark Holdings et à Lanmark Engineering par l’effet du paragraphe 256(2.1) de la Loi.

[8] Astro Consulting soutient que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en appliquant un critère subjectif plutôt qu’un critère objectif pour déterminer si Astro Consulting était associée à Lanmark Holdings et à Lanmark Engineering. Une interprétation objective de la décision du juge de la Cour de l’impôt ne mène pas à cette conclusion. Le juge de la Cour de l’impôt a dûment examiné le motif de l’existence distincte des sociétés avancé par Aaron Glazier (le seul témoin à l’audience devant la Cour de l’impôt).

[9] Pour qu’Astro Consulting soit associée à Lanmark Holdings et à Lanmark Engineering par l’effet du paragraphe 256(2.1) de la Loi, il doit être raisonnable de considérer qu’un des principaux motifs de leur existence distincte au cours d’une année d’imposition consiste à réduire les impôts à payer en vertu de la Loi.

[10] Astro Consulting a soutenu que l’existence de sociétés distinctes lui permettait de partager son revenu entre ses deux actionnaires en versant des dividendes. Toutefois, la mesure dans laquelle Astro Consulting pouvait fractionner son revenu entre ses actionnaires n’était pas tributaire de l’existence distincte de Lanmark Holdings/Lanmark Engineering et d’Astro Consulting. Le fait que le revenu d’Astro Consulting provienne d’une société, d’une société de personnes ou d’un particulier n’a aucune incidence sur sa capacité de verser un dividende à ses actionnaires à partir de ses bénéfices après impôt.

[11] Astro Consulting a également soutenu que l’un des principaux motifs de l’existence distincte de ces sociétés était la multiplication de l’accès à la déduction pour petite entreprise. Toutefois, cet argument n’est d’aucun secours à Astro Consulting, puisqu’il n’y a aucune preuve que Lanmark Holdings ou Lanmark Engineering a demandé la déduction pour petite entreprise au cours des années en cause.

[12] Le dossier permet d’inférer que les opérations par lesquelles Lanmark Holdings et Lanmark Engineering payaient leurs actionnaires en contrepartie de services fournis avaient pour but de réduire à néant leurs revenus . Cette inférence est confirmée par Astro Consulting dans la note de bas de page 57 du paragraphe 32 de son mémoire. Dans cette note, Astro Consulting indique que le bénéfice total de Lanmark Holdings et de Lanmark Engineering (avant soustraction de tout paiement pour les services rendus par les actionnaires) correspond au montant total du revenu déclaré par les actionnaires comme revenu pour services rendus à Lanmark Holdings et Lanmark Engineering. En demandant une déduction qui réduirait leur revenu à néant, Lanmark Holdings et Lanmark Engineering ne paieraient aucun impôt et ne pourraient donc demander aucune déduction pour petite entreprise. Il est donc difficile de croire que l’un des principaux motifs de l’existence distincte d’Astro Consulting et de Lanmark Holdings/Lanmark Engineering était la réduction des impôts. Le juge de la Cour de l’impôt n’a pas commis d’erreur en concluant que le paragraphe 256(2.1) de la Loi ne s’appliquait pas.

[13] Astro Consulting a également soutenu que le juge de la Cour de l’impôt avait commis une erreur lorsqu’il a conclu que les montants désignés comme des attributions de « participation aux bénéfices » faites par Lanmark Holdings à Astro Consulting étaient des paiements pour des services de gestion rendus par Astro Consulting. Toutefois, dans son mémoire, Astro Consulting a qualifié les paiements de [traduction] « participation aux bénéfices » et d’honoraires de gestion. Par exemple, au paragraphe 36, Astro Consulting qualifie ces paiements [traduction] « d’équivalents fonctionnels aux dividendes » et, au paragraphe suivant, il est écrit que, [traduction] « [c]ontrairement aux dividendes, les contribuables peuvent déduire de leur revenu des frais de gestion raisonnables ». Au paragraphe 38, Astro Consulting déclare ce qui suit : [traduction] « Ainsi, si Lanmark Holdings effectue des paiements de participation aux bénéfices, ce montant est déductible du revenu de Lanmark Holdings et inclus dans le revenu du bénéficiaire en tant que [revenu d’entreprise exploitée activement] ».

[14] La question en litige dans le présent appel n’est pas de savoir si Lanmark Holdings a le droit de déduire, dans le calcul de son revenu, les montants payés à ses actionnaires, mais plutôt si le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur lorsqu’il a conclu que les montants payés étaient des honoraires de gestion.

[15] La question de savoir si Astro Consulting était rémunérée pour la prestation de services de gestion à Lanmark Holdings est une question de fait. Astro Consulting a désigné tous les montants reçus de Lanmark Holdings et de Lanmark Engineering dans ses déclarations de revenus comme des [traduction] « honoraires de consultation » et a fourni des factures à Lanmark Holdings et à Lanmark Engineering relativement à ces honoraires. Astro Consulting n’a pas établi que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur, encore moins une erreur manifeste et déterminante, lorsqu’il a conclu qu’Astro Consulting a été payée par Lanmark Holdings pour avoir fourni des services de gestion à Lanmark Holdings.

[16] Rien ne permet non plus de faire une distinction entre l’entreprise de prestation de services par Astro Consulting à Lanmark Engineering et celle consistant à fournir des services par Astro Consulting à Lanmark Holdings. Par conséquent, il n’y a aucune raison de modifier la conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle Astro Consulting exploitait une entreprise de prestation de services personnels en fournissant des services à Lanmark Holdings.

[17] Astro Consulting a également fait valoir que le juge de la Cour de l’impôt l’avait privée de son droit à l’équité procédurale en limitant ses observations lors d’une audience subséquente qu’il avait convoquée. Après l’audition de l’appel, le juge de la Cour de l’impôt a convoqué de nouveau les parties pour clarifier leurs positions relativement aux paiements effectués par Lanmark Holdings à Astro Consulting. Comme Astro Consulting désignait continuellement ces paiements comme des [traduction] « participations aux bénéfices » et des honoraires de gestion et les considérait comme déductibles dans le calcul du revenu de Lanmark Holdings, on peut comprendre pourquoi le juge de la Cour de l’impôt voulait clarifier la position d’Astro Consulting sur la source de revenus pour ces paiements. Le fait de restreindre les observations d’Astro Consulting lors de l’audience subséquente n’a pas porté atteinte au droit d’Astro Consulting à l’équité procédurale.

[18] Par conséquent, l’appel sera rejeté avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Sébastien D’Auteuil, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-134-22

 

INTITULÉ :

ASTRO CONSULTING INC. c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 décembre 2023

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LA JUGE SUPPLÉANTE DAWSON

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE WEBB

COMPARUTIONS :

Chad Brown

James Alvarez

Pour l’aPPELANTE

Melissa Nicolls

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barkwell Brown

Edmonton (Alberta)

Pour l’aPPELANTE

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

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