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Date : 20230608


Dossier : A-164-22

Référence : 2023 CAF 132

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LEBLANC

LA JUGE GOYETTE

ENTRE :

 

SAJJAD ASGHAR

 

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA

 

intimé

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 8 juin 2023.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 8 juin 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE LEBLANC

 


Date : 20230608


Dossier : A-164-22

Référence : 2023 CAF 132

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LEBLANC

LA JUGE GOYETTE

ENTRE :

 

SAJJAD ASGHAR

 

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 8 juin 2023.)

LE JUGE LEBLANC

[1] Notre Cour est saisie d’un appel de l’ordonnance du 8 juillet 2022 (dossier de la Cour no T‑1557‑21) par laquelle la Cour fédérale (la juge Aylen) a radié dans son intégralité la déclaration déposée par l’appelant le 14 octobre 2021, sans autorisation de la modifier.

[2] L’appelant a intenté la présente action contre l’intimé en vue d’obtenir des dommages-intérêts et d’autres mesures de réparation pour des délits qui auraient été commis par divers représentants de l’État, tant fédéral que provincial. Essentiellement, l’appelant soutient que depuis 2007, par l’entremise de représentants du gouvernement, il est la cible au Canada d’[traduction] « activités criminelles organisées chroniques et supervisées […] s’inscrivant dans un vaste complot international ». La déclaration est axée sur des événements qui se seraient produits à l’arrivée de l’appelant au Canada le 13 septembre 2021, à l’aéroport Pearson, où il déclare avoir été soumis à un deuxième contrôle, que ses bagages ont été fouillés et endommagés, qu’il a été harcelé et menacé d’arrestation par le service de police régional de Peel et qu’il a été mis en quarantaine contre son gré par le gouvernement fédéral. Il déclare également que, pendant sa mise en quarantaine, sa qualité de vie s’est détériorée et que son téléphone cellulaire iPhone a été piraté par suite du complot canado-américain ourdi contre lui.

[3] La Cour fédérale a accueilli la requête en radiation présentée par l’intimé pour les motifs suivants : a) il est évident et manifeste, à supposer que les faits allégués soient vrais, que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable; b) l’appelant n’a pas plaidé avec suffisamment de détails les éléments constitutifs de chacune des causes d’action soulevées dans la déclaration, dont celles fondées sur la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.); c) la déclaration est truffée d’attaques non fondées et incendiaires contre la magistrature ainsi que d’arguments vagues concernant de vastes complots internationaux, ce qui la rend abusive, vexatoire et scandaleuse, de sorte qu’il est impossible pour l’intimé de savoir comment y répondre; d) en common law, il n’existe aucune cause d’action pour violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, ni aucune responsabilité délictuelle pour atteinte à la vie privée; e) la Cour fédérale n’a pas compétence pour statuer sur les allégations de l’appelant contre le service de police régional de Peel.

[4] L’ordonnance rendue sur requête en radiation présentée au titre du paragraphe 221(1) des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106, est de nature discrétionnaire (Lafrenière c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 110, au para. 2; Feeney c. Canada, 2022 CAF 190, au para. 4). Pour que notre Cour intervienne dans une affaire de ce genre, elle doit être convaincue que la Cour fédérale a commis une erreur sur une question de droit ou une erreur manifeste et dominante sur une question de fait ou une question mixte de fait et de droit (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215). L’erreur manifeste et dominante est une norme qui appelle un degré élevé de retenue, en ce que la Cour modifiera l’ordonnance contestée uniquement si l’erreur alléguée est évidente et qu’elle a une incidence sur l’issue de l’affaire (Benhaim c. St‑Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, au para. 38; H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401, aux para. 55, 56, 69 et 70).

[5] Après avoir soigneusement examiné les documents d’appel et entendu les observations de l’appelant, nous sommes tous d’avis que le présent appel ne peut être accueilli. Nous concluons que la Cour fédérale a appliqué le bon critère juridique, tel qu’il est énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, [2011] 3 R.C.S. 45, au paragraphe 17 (Imperial Tobacco), pour trancher la requête en radiation de l’intimé et qu’elle n’a commis aucune erreur manifeste et dominante, ni aucune autre erreur, en appliquant ce critère à l’acte de procédure contesté. Ce critère est l’absence de chance raisonnable de succès. Autrement dit, la Cour fédérale a correctement relevé les règles de droit applicables et n’a commis aucune erreur en concluant que la déclaration était truffée de lacunes qui justifiaient son rejet sommaire et qu’aucune modification ne pouvait corriger.

[6] Dans ses observations écrites, l’appelant se lance en fait dans une tirade contre la juge de la Cour fédérale qui a tranché l’action, la Cour fédérale en tant qu’institution, l’ensemble de la magistrature canadienne ainsi que ce qu’il appelle la [traduction] « communauté canadienne terroriste ». En fin de compte, ni dans ses documents écrits ni lors de l’audience devant notre Cour l’appelant n’a soulevé d’erreur susceptible de révision de la part de la Cour fédérale.

[7] Comme l’a expliqué la Cour suprême dans l’arrêt Imperial Tobacco, bien que la requête en radiation ne saurait être accueillie à la légère, elle demeure une « importante mesure de gouverne judiciaire essentielle à l’efficacité et à l’équité des procès, [car elle] permet d’élaguer les litiges en écartant les demandes vaines et en assurant l’instruction des demandes susceptibles d’être accueillies » (Imperial Tobacco, au para. 19). Nous sommes d’avis qu’en l’espèce, il s’agit d’une importante mesure de gouverne judiciaire.

[8] Nous soulignons au passage qu’aux paragraphes 8 et 17 de ses motifs, la Cour fédérale a insisté sur le fait que [traduction] « ce n’est pas la première fois que l’appelant a affaire à la Cour, que ses actes de procédure font l’objet d’une requête en radiation » et qu’il « tient des propos offensants, abusifs, non respectueux et menaçants dans ses actes de procédure, ses observations et sa correspondance avec la Cour ». Malheureusement, les documents de l’appelant dont dispose notre Cour constituent un autre exemple de comportement vexatoire.

[9] L’appel sera rejeté, avec dépens en faveur de l’intimé.

« René LeBlanc »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-164-22

 

INTITULÉ :

SAJJAD ASGHAR c. SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 JUIN 2023

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE LEBLANC

LA JUGE GOYETTE

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE LEBLANC

COMPARUTIONS :

Sajjad Asghar

POUR L’APPELANT

SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME

James Schneider

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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