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Date : 20230504


Dossier : A-305-21

Référence : 2023 CAF 91

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LASKIN

LA JUGE GOYETTE

 

ENTRE :

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 décembre 2022.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 mai 2023.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE GOYETTE

 


Date : 20230504


Dossier : A-305-21

Référence : 2023 CAF 91

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE LASKIN

LA JUGE GOYETTE

 

ENTRE :

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE

appelante

et

SA MAJESTÉ LE ROI

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1] Le présent appel porte sur l’application des paragraphes 39(2) et 40(3.6) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR), relativement à une perte subie à la suite du rachat d’actions en 2007. Cette perte était attribuable à la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère. Plus précisément, la question en litige dans le présent appel est de savoir si le paragraphe 39(2) de la LIR s’appliquait à la perte réputée être une perte en capital découlant de la disposition d’une monnaie étrangère avant que cette perte ne soit réputée nulle aux termes du paragraphe 40(3.6) de la LIR.

[2] Les parties ont soulevé la question suivante afin qu’elle soit tranchée par la Cour canadienne de l’impôt en application de l’article 58 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a (les Règles) :

L’alinéa 40(3.6)a) de la [LIR] s’applique-t-il à la perte réputée de CIBC découlant de la disposition de ses actions de catégorie B de la société CIBC Delaware Holdings Inc., la rendant ainsi nulle?

[3] La Cour canadienne de l’impôt a répondu à cette question par l’affirmative (2021 CCI 71, le juge Owen).

[4] Pour les motifs exposés ci-après, je rejetterais le présent appel.

I. Faits convenus

[5] Les parties s’entendent sur les faits qui ont été présentés à la Cour canadienne de l’impôt relativement à la question présentée en application de l’article 58 des Règles.

[6] Le 8 novembre 2006, la Banque canadienne impériale de commerce (CIBC) a souscrit des actions de la société CIBC Delaware Holdings Inc. (DHI) pour une valeur d’un (1) milliard de dollars américains. Toutes les actions de DHI étaient détenues, directement ou indirectement, par CIBC. Lorsque CIBC a fait l’acquisition des actions de DHI, un milliard de dollars américains équivalait à 1,13 milliard de dollars canadiens.

[7] Le 25 septembre 2007, DHI a racheté les actions détenues par CIBC pour la somme d’un (1) milliard de dollars américains. À cette date, un milliard de dollars américains équivalait à 1 003 600 000 $ CA. Dans sa déclaration de revenus de l’année 2007, CIBC a déclaré une perte en capital déductible de 63 200 000 $ :

Prix de base rajusté :

1 130 000 000 $

Moins : produit de disposition :

- 1 003 600 000 $

Égale : perte :

= 126 400 000 $

Perte en capital :

126 400 000 $

Perte en capital déductible (50 % de la perte en capital) :

63 200 000 $

[8] Le ministre du Revenu national a rejeté la perte en capital déductible déclarée par CIBC.

II. Décision de notre Cour intitulée Canada c. Banque de Montréal, 2020 CAF 82 (arrêt BMO)

[9] L’arrêt BMO de notre Cour a largement influencé la décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt, de même que les arguments invoqués par CIBC dans le présent appel. La principale question en litige dans l’arrêt BMO était de savoir si le paragraphe 39(2) de la LIR (tel qu’il était libellé durant l’année d’imposition en cause) s’appliquait lorsqu’une perte résultant de la disposition d’actions était attribuable à la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère.

[10] Notre Cour, dans l’arrêt BMO, a conclu que le paragraphe 39(2) de la LIR s’appliquait à la disposition d’actions lorsque la perte résultait de la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère. Conformément à ce paragraphe, les gains et les pertes résultant de la fluctuation de la valeur de la monnaie étrangère ont été regroupés. Le résultat net (sous réserve d’une déduction de 200 $ pour les particuliers) a été réputé être un gain en capital ou une perte en capital découlant de la disposition d’une monnaie étrangère. Dans l’arrêt BMO, l’exposé conjoint des faits indiquait une perte découlant de la disposition d’actions. Puisque la perte découlant de la disposition d’actions dans l’arrêt BMO était attribuable à la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère, cette perte a été réputée être une perte en capital découlant de la disposition d’une monnaie étrangère.

[11] Le paragraphe 112(3.1) de la LIR était la disposition relative à la minimisation des pertes pertinente dans l’arrêt BMO. Selon ce paragraphe, la part de la perte subie par une société de personnes qui revient à un contribuable constitué en société est réputée égale à cette perte réduite de certains dividendes reçus par ce contribuable. Comme nous le verrons plus en détail ci-après, il n’y a eu dans l’arrêt BMO aucune perte résultant de la disposition d’actions à laquelle le paragraphe 112(3.1) de la LIR aurait pu s’appliquer, puisqu’il a été conclu que la perte était réputée être une perte en capital découlant de la disposition d’une monnaie étrangère visée par le paragraphe 39(2) de la LIR.

[12] Dans le présent appel, la disposition relative à la minimisation des pertes pertinente est le paragraphe 40(3.6) de la LIR. Ce paragraphe ne s’applique que s’il y a disposition d’actions d’une société donnée en faveur de cette société (opération que nous qualifierons de rachat d’actions) et que le contribuable est affilié à cette société immédiatement après le rachat des actions. Il n’y a eu aucun rachat d’actions dans l’affaire BMO; le paragraphe 40(3.6) de la LIR n’était donc pas pertinent.

[13] CIBC affirme néanmoins que l’arrêt BMO appuie sa thèse selon laquelle elle a subi une perte en capital de 126,4 millions de dollars par suite de la disposition d’une monnaie étrangère, du fait que le paragraphe 39(2) doit s’appliquer avant le paragraphe 40(3.6) de la LIR. Selon CIBC, il n’y a donc eu aucune perte découlant de la disposition d’actions à laquelle le paragraphe 40(3.6) de la LIR pourrait s’appliquer. La Couronne fait valoir que l’arrêt BMO corrobore sa thèse selon laquelle la perte a été réputée nulle aux termes du paragraphe 40(3.6) de la LIR et qu’il n’y a donc aucune perte à laquelle le paragraphe 39(2) de la LIR pourrait s’appliquer. Aucune partie n’a invoqué les différences entre le libellé du paragraphe 112(3.1) – la disposition relative à la minimisation des pertes pertinente dans l’arrêt BMO – et celui du paragraphe 40(3.6) de la LIR – la disposition relative à la minimisation des pertes pertinente dans le présent appel.

III. Décision de la Cour canadienne de l’impôt

[14] Le juge de la Cour de l’impôt a consacré une large part de ses motifs à l’examen de son argument selon lequel le paragraphe 39(2) de la LIR ne s’appliquait pas à la disposition d’actions en 2007. Ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 31 de l’arrêt BMO, le paragraphe 39(2) de la LIR a été modifié et le paragraphe 39(1.1) de la LIR a été ajouté en 2013. Par conséquent, la question de savoir si le paragraphe 39(2) de la LIR, dans sa version antérieure, s’appliquerait à la disposition d’actions dans la mesure où la perte était attribuable à la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère ne serait pertinente que pour des pertes subies durant une année d’imposition ayant commencé avant le 19 août 2011.

[15] Bien que le juge de la Cour canadienne de l’impôt ait conclu que la version du paragraphe 39(2) de la LIR qui était en vigueur en 2007 ne s’appliquait pas à la disposition d’actions, il a souscrit à l’interprétation de ce paragraphe énoncée dans l’arrêt BMO. Il a ensuite conclu que la perte devait être déterminée en appliquant le paragraphe 40(3.6) avant le paragraphe 39(2) de la LIR. C’est ainsi que la perte subie par CIBC lors du rachat des actions a été réputée nulle.

IV. Dispositions pertinentes de la LIR

[16] Les dispositions de la LIR qui sont pertinentes au règlement du présent appel sont les paragraphes 39(2), 40(3.6) et 112(3.1). Le texte intégral de ces dispositions (dans leur version en vigueur en 2007) est reproduit en annexe des présents motifs.

V. Question en litige et norme de contrôle

[17] Bien qu’une large partie des motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt porte sur la question de savoir si le paragraphe 39(2) de la LIR (dans sa version antérieure en 2007) s’appliquait à une perte découlant de la disposition d’actions, aucune partie n’a soulevé cette question dans le présent appel. La seule question soulevée par les parties en l’espèce est de déterminer, à la lumière de la décision rendue par notre Cour dans l’arrêt BMO, si le paragraphe 39(2) de la LIR s’appliquait avant le paragraphe 40(3.6) de la LIR. CIBC affirme que le paragraphe 39(2) de la LIR s’appliquait avant, de sorte que la perte découlant du rachat d’actions est réputée être une perte en capital résultant de la disposition d’une monnaie étrangère. CIBC fait donc valoir qu’aucune perte n’a résulté du rachat d’actions aux fins du paragraphe 40(3.6) de la LIR. La Couronne affirme pour sa part que le paragraphe 40(3.6) de la LIR s’appliquait de sorte que la perte subie par CIBC a été réputée nulle avant que le paragraphe 39(2) de la LIR ne s’applique.

[18] Puisque la question en litige en l’espèce porte sur l’interprétation des dispositions pertinentes de la LIR et qu’il s’agit, par conséquent, d’une question de droit, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33).

VI. Analyse

[19] La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, a énoncé l’approche qui doit être adoptée lorsqu’il s’agit d’interpréter des dispositions législatives :

[10] Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

[20] Comme l’a souligné la Cour suprême, « [l]orsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation ». Dans l’arrêt Canada c. Loblaw Financial Holdings Inc., 2021 CSC 51, au paragraphe 41, la Cour suprême a insisté sur l’importance de tenir compte des mots choisis par le législateur, ainsi que du rôle primordial d’un libellé « précis et non équivoque » dans l’interprétation des dispositions de la LIR.

[21] Dans le présent appel, CIBC affirme avoir adopté une structure comparable à celle utilisée par la Banque de Montréal dans l’affaire BMO; le résultat selon la LIR devrait donc être le même, de sorte que la perte subie lors du rachat d’actions ne devrait pas être réputée nulle. Cependant, les répercussions fiscales sont déterminées en fonction du libellé des dispositions de la LIR qui s’appliquent aux opérations précises qui ont été effectuées par le contribuable. La disposition relative à la minimisation des pertes qui s’applique dans le présent appel (le paragraphe 40(3.6) de la LIR) diffère de celle qui s’appliquait dans l’arrêt BMO (le paragraphe 112 (3.1) de la LIR). Les règles relatives à la minimisation des pertes sont différentes, car les opérations étaient différentes.

[22] Comme nous l’avons mentionné précédemment, le paragraphe 40(3.6) de la LIR ne s’applique que s’il y a rachat d’actions par une société donnée et que le contribuable (dont les actions ont été rachetées) est affilié à cette société immédiatement après le rachat des actions. La question de savoir si le paragraphe 40(3.6) de la LIR s’appliquerait, de sorte que la perte serait réputée nulle avant que le paragraphe 39(2) ne s’applique, ne s’est pas posée dans l’arrêt BMO, puisqu’il n’y a eu aucun rachat d’actions dans cette affaire; le paragraphe 40(3.6) n’était donc pas pertinent.

[23] Dans l’arrêt BMO, la disposition relative à la minimisation des pertes pertinente était plutôt le paragraphe 112(3.1) de la LIR. La question qui avait été soulevée par la Couronne dans ce litige (et qui a été examinée dans les motifs de la Cour) était de savoir s’il y avait incompatibilité entre les paragraphes 39(2) et 40(1) de la LIR, et non entre les paragraphes 39(2) et 112(3.1) de la LIR.

[24] Bien que le libellé des dispositions pertinentes sur la minimisation des pertes (à savoir le paragraphe 112(3.1) de la LIR dans l’arrêt BMO et le paragraphe 40(3.6) de la LIR en l’espèce) soit un important facteur à prendre en compte pour déterminer l’interaction entre le paragraphe 39(2) de la LIR et chaque disposition, aucune partie n’a mentionné le libellé du paragraphe 112(3.1) dans son mémoire. Notre Cour a invoqué le libellé du paragraphe 112(3.1) et, plus précisément, la mention « cette part de la perte, déterminée compte non tenu du présent paragraphe ». Comme aucune partie n’avait tenu compte de ce libellé dans son mémoire, les parties ont présenté des observations écrites complémentaires après l’audience. Les parties ont déposé leurs observations complémentaires le 16 janvier 2023, le 13 février 2023 et le 27 février 2023.

A. Gain ou perte; gain en capital ou perte en capital; gain en capital imposable ou perte en capital déductible

[25] Il est important, dans le présent appel, d’examiner les différents termes utilisés par le législateur relativement aux gains réalisés ou aux pertes subies lors de la disposition d’une immobilisation :

  • Gain ou perte – Le paragraphe 40(1) de la LIR définit les formules générales à utiliser pour déterminer les gains ou les pertes. Un gain s’entend de l’excédent du produit de disposition sur le prix de base rajusté et les dépenses connexes (alinéa 40(1)a) de la LIR). Une perte correspond à l’excédent du prix de base rajusté et des dépenses connexes sur le produit de disposition (alinéa 40(1)b) de la LIR). Les sommes ainsi calculées ne constitueront ni des gains ni des pertes si une autre disposition de la partie I de la LIR dispose expressément autrement.

  • Gain en capital ou perte en capital – Le paragraphe 39(1) de la LIR et l’alinéa b) de la définition d’« immobilisations » à l’article 54 de la LIR disposent essentiellement que le gain en capital ou la perte en capital résultant de la disposition d’un bien est le gain ou la perte résultant de la disposition d’une immobilisation. Le paragraphe 39(1) de la LIR exclut de la définition de gain en capital et de perte en capital les gains réalisés ou les pertes subies lors de la disposition de certains biens. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le paragraphe 39(2) de la LIR porte sur les gains réalisés ou les pertes subies par suite de la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère, et le résultat net est réputé être un gain en capital ou une perte en capital découlant de la disposition d’une monnaie étrangère.

  • Gain en capital imposable ou perte en capital déductible – L’article 38 de la LIR définit les règles générales à suivre pour déterminer les gains en capital imposables ou les pertes en capital déductibles – un gain en capital imposable est égal à la moitié du gain en capital réalisé (alinéa 38a) de la LIR) et une perte en capital déductible est égale à la moitié de la perte en capital subie (alinéa 38b) de la LIR). Les gains en capital imposables et les pertes en capital déductibles sont les expressions pertinentes utilisées à l’alinéa 3b) de la LIR pour déterminer le revenu d’un contribuable.

  • Perte au titre d’un placement d’entreprise et perte déductible au titre d’un placement d’entreprise – Certaines pertes en capital sont également qualifiées de pertes au titre d’un placement d’entreprise aux termes de l’alinéa 39(1)c) de la LIR. Selon l’alinéa 38c) de la LIR, la perte déductible au titre d’un placement d’entreprise est égale à la moitié de la perte au titre d’un placement d’entreprise. Les expressions « perte au titre d’un placement d’entreprise » et « perte déductible au titre d’un placement d’entreprise » ne s’appliquent pas dans le présent appel.

[26] Lorsque le législateur fait référence à un gain ou à une perte, à un gain en capital ou à une perte en capital ou à un gain en capital imposable ou à une perte en capital déductible, il est présumé que les termes utilisés traduisent sa pensée et, donc, que le législateur renvoie à l’expression précise qui est utilisée dans une disposition donnée de la LIR. Comme ces expressions ont des sens différents, elles ne sont pas interchangeables.

B. Interaction entre les paragraphes 39(2) et 112(3.1) de la LIR

[27] Dans l’arrêt BMO, la question était de savoir si le paragraphe 39(2) de la LIR s’appliquait à une perte découlant de la disposition d’actions, lorsque la perte était attribuable à la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère. Dans cet arrêt, notre Cour a examiné l’argument de la Couronne selon lequel il y avait incompatibilité entre les paragraphes 39(2) et 40(1) de la LIR :

[41] En 2010, le paragraphe 39(2) de la Loi ne précisait pas la manière dont les gains ou les pertes devaient être calculés, mais précisait uniquement la source de ces gains ou de ces pertes. Les gains ou les pertes résultant de la disposition d’un bien donné étaient (et sont toujours) déterminés conformément au paragraphe 40(1) de la Loi. Il n’y avait aucune incompatibilité entre les paragraphes 40(1) et 39(2) de la Loi en ce qui concerne le calcul du montant des gains. Le paragraphe 39(2) de la Loi était fondé sur l’hypothèse selon laquelle les gains ou les pertes avaient déjà été déterminés. La question qui se posait pour le paragraphe 39(2) de la Loi était la suivante : pourquoi le contribuable a-t-il réalisé ce gain ou subi cette perte? Si le gain ou la perte découlaient d’une fluctuation de la valeur de la monnaie canadienne par rapport à une monnaie étrangère, alors la condition d’application du paragraphe était remplie.

[28] Ainsi qu’il est indiqué, il n’y avait aucune incompatibilité entre ces deux dispositions. L’alinéa 40(1)b) de la LIR définit la formule générale à utiliser pour déterminer une perte :

40 (1) Sauf indication contraire expresse de la présente partie :

40 (1) Except as otherwise expressly provided in this Part

[…]

b) la perte d’un contribuable résultant, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien est :

(b) a taxpayer’s loss for a taxation year from the disposition of any property is,

(i) en cas de disposition du bien au cours de l’année, l’excédent éventuel du total du prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, immédiatement avant la disposition, et des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition sur le produit de disposition du bien qu’il en a tiré,

(i) if the property was disposed of in the year, the amount, if any, by which the total of the adjusted cost base to the taxpayer of the property immediately before the disposition and any outlays and expenses to the extent that they were made or incurred by the taxpayer for the purpose of making the disposition, exceeds the taxpayer’s proceeds of disposition of the property, and

(ii) dans les autres cas, nulle.

(ii) in any other case, nil.

[29] Selon le libellé introductif du paragraphe 40(1) de la LIR, le gain (déterminé conformément à l’alinéa 40(1)a) de la LIR) ou la perte (déterminée conformément à l’alinéa 40(1)b) de la LIR) correspond aux sommes déterminées conformément à ces dispositions, à moins qu’une autre disposition de la partie I de la LIR n’en dispose expressément autrement. Il est important de mentionner que le paragraphe 40(1) de la LIR définit la méthode à utiliser pour déterminer les gains ou les pertes, et non les gains en capital ou les pertes en capital. Par conséquent, pour qu’une autre disposition indique expressément le contraire, cette autre disposition doit préciser ou influencer le montant des gains ou des pertes, et non celui des gains ou des pertes en capital.

[30] Ainsi qu’il est indiqué dans l’arrêt BMO, le paragraphe 39(2) de la LIR était fondé sur l’hypothèse que les pertes avaient déjà été déterminées. Le libellé introductif du paragraphe 39(2) de la LIR était clair :

Malgré le paragraphe (1), lorsque, par suite de toute fluctuation, postérieure à 1971, de la valeur de la monnaie ou des monnaies d’un ou de plusieurs pays étrangers par rapport à la monnaie canadienne, un contribuable a réalisé un gain ou subi une perte au cours d’une année d’imposition, les règles suivantes s’appliquent : [...]

[Non souligné dans l’original.]

[31] Un contribuable ne pouvait avoir subi une perte que si cette perte avait été déterminée aux termes d’une autre disposition de la LIR. Le paragraphe 39(2) de la LIR n’énonçait aucune formule devant s’appliquer pour déterminer la perte ni ne précisait que la perte était réputée correspondre à une somme précise.

[32] Le paragraphe 39(2) disposait plutôt que le contribuable devait faire la somme de tous les gains réalisés et de toutes les pertes subies par suite de la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère, et que le résultat net (sous réserve d’un rajustement de 200 $ pour les particuliers) était réputé être un gain en capital ou une perte en capital découlant de la disposition d’une monnaie étrangère. Les gains ou les pertes devaient avoir été déterminés conformément à une autre disposition de la LIR, sans quoi il n’y aurait eu aucune somme de laquelle la déduction de 200 $ pour les particuliers aurait pu s’appliquer. Il convient également d’ajouter que le résultat, selon le paragraphe 39(2) de la LIR, était réputé être un gain en capital ou une perte en capital, et non un gain ou une perte.

[33] L’application de la règle spéciale énoncée au paragraphe 39(2) de la LIR a eu deux conséquences. Premièrement, le total net des gains et des pertes attribuables à toute fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère est devenu un gain en capital ou une perte en capital, et non un gain ou une perte. Deuxièmement, le bien qui a donné lieu à ces gains en capital ou pertes en capital a été réputé être une monnaie étrangère. Dans l’arrêt BMO, la perte a été causée par la disposition d’actions, et elle a été attribuée à la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère. L’application de la règle générale énoncée au paragraphe 39(2) de la LIR a fait en sorte que la perte découlant de la disposition d’actions est devenue une perte en capital résultant de la disposition d’une monnaie étrangère; en d’autres termes, la perte initiale découlant de la disposition d’actions n’était plus une perte (elle était réputée être une perte en capital), et le bien dont la disposition avait entraîné la perte en capital était une monnaie étrangère (et non des actions).

[34] L’application du paragraphe 39(2) de la LIR a fait en sorte que la perte autrement subie lors de la disposition d’actions a cessé d’être une perte découlant de la disposition d’actions. À défaut de quoi, la perte découlant de la disposition d’actions serait devenue une perte en capital aux termes du paragraphe 39(1) de la LIR, puis une perte en capital déductible aux termes de l’article 38 de la LIR. L’intention ne pouvait être qu’un contribuable puisse avoir droit à deux déductions à l’égard d’une perte en capital déductible découlant de la disposition d’un bien donné, à savoir une déduction liée à la disposition du bien proprement dit et une autre déduction liée à la perte en capital réputée découler de la disposition d’une monnaie étrangère.

[35] Par conséquent, si le paragraphe 39(2) de la LIR s’était appliqué, les conséquences fiscales auraient été déterminées uniquement en tenant compte du fait que les gains nets et pertes nettes attribuables à la fluctuation de la valeur de la monnaie étrangère étaient réputés être un gain en capital ou une perte en capital (sous réserve de la déduction de 200 $ pour les particuliers) découlant de la disposition d’une monnaie étrangère. Ce gain en capital ou cette perte en capital aurait ensuite servi à déterminer le gain en capital imposable ou la perte en capital déductible du contribuable.

[36] Le paragraphe 112(3.1) de la LIR, dans la mesure où il s’applique aux contribuables constitués en société, exige que le contribuable réduise la part de la perte subie par une société de personnes qui lui revient de certains dividendes qu’il a reçus. La perte, avant toute déduction effectuée aux termes du paragraphe 112(3.1) de la LIR, est la perte découlant de la disposition d’actions, déterminée compte non tenu du paragraphe 112(3.1) de la LIR :

[...] la part qui revient à un contribuable [...] de toute perte subie par une société de personnes dont il est un associé, lors de la disposition d’une action détenue par une société de personnes donnée à titre d’immobilisation, est réputée égale à cette part de la perte, déterminée compte non tenu du présent paragraphe [...]

[Non souligné dans l’original.]

[37] L’expression « la perte, déterminée compte non tenu du présent paragraphe » signifie que la perte découlant de la disposition d’actions doit d’abord être déterminée comme si le paragraphe 112(3.1) ne faisait pas partie de la LIR. La disposition relative à la réduction des pertes, énoncée au paragraphe 112(3.1) de la LIR, ne s’applique qu’après l’application de toute autre disposition de la LIR susceptible de modifier l’un des deux facteurs suivants :

  • (a)le montant de la perte;

  • (b)la caractérisation de ce qui serait autrement une perte découlant de la disposition d’actions.

[38] Le paragraphe 39(2) de la LIR disposait que le total net des gains réalisés et des pertes subies par suite de la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère (sous réserve d’une déduction de 200 $ pour les particuliers) était réputé être un gain en capital ou une perte en capital découlant de la disposition d’une monnaie étrangère.

[39] Dans l’arrêt Novopharm Ltd. c. Canada, 2003 CAF 112, notre Cour a déclaré :

[13] [...] Une disposition déterminative est une fiction légale qui remplace ou modifie la réalité; on ne peut l’ignorer.

[40] Dans l’arrêt BMO, la disposition déterminative énoncée au paragraphe 39(2) de la LIR a altéré la réalité, en faisant en sorte que la perte subie par la Banque de Montréal (dont une seulement était en litige) soit réputée être une perte en capital découlant de la disposition d’une monnaie étrangère. Comme la perte a été déterminée sans tenir compte du paragraphe 112(3.1) de la LIR, non seulement il n’y avait plus aucune perte dans l’arrêt BMO (la perte attribuable à la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère étant réputée être une perte en capital selon le paragraphe 39(2) de la LIR), mais le résultat net était réputé être une perte en capital découlant de la disposition d’une monnaie étrangère.

[41] Dans l’arrêt BMO, l’effet combiné du paragraphe 39(2), de l’alinéa 40(1)b) et du paragraphe 112(3.1) de la LIR a été le suivant : la perte a été déterminée selon la formule énoncée à l’alinéa 40(1)b) de la LIR, et cette perte a ensuite été réputée être une perte en capital découlant de la disposition d’une monnaie étrangère en application du paragraphe 39(2) de la LIR. Puisque, dans l’arrêt BMO, la Banque de Montréal n’a subi aucune perte découlant de la disposition d’actions du fait de l’application du paragraphe 39(2) de la LIR, il n’y a eu aucune perte découlant de la disposition d’actions à laquelle le paragraphe 112(3.1) de la LIR aurait pu s’appliquer.

C. Interaction entre les paragraphes 39(2) et 40(3.6) de la LIR

[42] Ainsi que nous l’avons mentionné précédemment, la question en litige dans le présent appel porte sur l’interaction entre les paragraphes 39(2) et 40(3.6) de la LIR. Selon le paragraphe 40(3.6) de la LIR, toute perte découlant du rachat d’actions par une société à laquelle le contribuable est affilié immédiatement après le rachat est réputée nulle. Le libellé ne précise nullement que la perte (qui est réputée nulle) doit être déterminée sans tenir compte du paragraphe 40(3.6) de la LIR.

[43] Dans ses observations écrites, CIBC, renvoyant à la mention « la perte, déterminée compte non tenu du présent paragraphe » au paragraphe 112(3.1) de la LIR, déclare qu’une [traduction] « mention comparable est également utilisée au paragraphe 40(3.6), dans le même but ». L’alinéa 40(3.6)b) de la LIR comporte la mention suivante : « montant de sa perte résultant de la disposition, déterminé compte non tenu de l’alinéa (2)g) et du présent paragraphe ». Il est toutefois important d’examiner ces expressions dans leur contexte et non isolément :

(3.6) Dans le cas où un contribuable dispose, en faveur d’une société qui lui est affiliée immédiatement après la disposition, d’une action d’une catégorie du capital-actions de la société, sauf une action privilégiée de renflouement au sens du paragraphe 80(1), les règles suivantes s’appliquent :

(3.6) Where at any time a taxpayer disposes, to a corporation that is affiliated with the taxpayer immediately after the disposition, of a share of a class of the capital stock of the corporation (other than a share that is a distress preferred share as defined in subsection 80(1)),

a) la perte du contribuable résultant de la disposition est réputée nulle;

(a) the taxpayer’s loss, if any, from the disposition is deemed to be nil; and

b) est à ajouter dans le calcul du prix de base rajusté, pour le contribuable après la disposition, d’une action d’une catégorie du capital-actions de la société qui appartenait au contribuable immédiatement après la disposition le produit de la multiplication du montant de sa perte résultant de la disposition, déterminé compte non tenu de l’alinéa (2)g) et du présent paragraphe, par le rapport entre :

(b) in computing the adjusted cost base to the taxpayer after that time of a share of a class of the capital stock of the corporation owned by the taxpayer immediately after the disposition, there shall be added the proportion of the amount of the taxpayer’s loss from the disposition (determined without reference to paragraph 40(2)(g) and this subsection) that

(i) d’une part, la juste valeur marchande de l’action immédiatement après la disposition,

(i) the fair market value, immediately after the disposition, of the share

is of

(ii) d’autre part, la juste valeur marchande, immédiatement après la disposition, de l’ensemble des actions du capital-actions de la société appartenant au contribuable.

(ii) the fair market value, immediately after the disposition, of all shares of the capital stock of the corporation owned by the taxpayer.

[Non souligné dans l’original.]

[emphasis added]

[44] L’alinéa 40(3.6)b) de la LIR ne s’applique qu’au calcul du prix de base rajusté des autres actions toujours détenues par le contribuable, immédiatement après le rachat des actions. La mention « déterminé compte non tenu de l’alinéa (2)g) et du présent paragraphe » figure à l’alinéa b); elle ne s’applique donc qu’au calcul du prix de base rajusté de ces autres actions détenues par le contribuable. Cette mention a simplement pour objet de veiller à ce que la somme ajoutée au prix de base rajusté de ces autres actions détenues par le contribuable corresponde à la perte, avant que cette perte ne soit réputée nulle aux termes de l’alinéa 40(3.6)a) ou de l’alinéa 40(2)g) de la LIR. Elle n’influe pas sur les pertes subies selon l’alinéa 40(3.6)a) de la LIR, car elle n’exige pas que la perte, aux fins de cet alinéa, soit déterminée sans tenir compte du paragraphe 40(3.6). Elle n’a donc pas le même effet que la phrase semblable énoncée au paragraphe 112(3.1) de la LIR.

[45] Rien dans le paragraphe 40(3.6) de la LIR n’exige l’application du paragraphe 39(2) de la LIR avant que la perte subie lors du rachat d’actions soit réputée nulle aux termes du paragraphe 40(3.6) de la LIR. Puisque le paragraphe 40(3.6) de la LIR porte expressément sur la détermination de la perte, il l’emporte sur le paragraphe 40(1) de la LIR. Par conséquent, la perte subie par CIBC lors du rachat d’actions est réputée nulle et il n’y a aucune perte qui pourrait être réputée être une perte en capital aux termes du paragraphe 39(2) de la LIR.

[46] Le libellé des dispositions pertinentes de la LIR est précis et sans équivoque; le sens ordinaire des mots joue donc un rôle primordial dans l’interprétation de ces dispositions. Selon le libellé des paragraphes 40(3.6) et 112(3.1) de la LIR qui était en vigueur en 2007, toutes les autres dispositions de la LIR influant sur la détermination des pertes (notamment le paragraphe 39(2) dans sa version en vigueur en 2007) s’appliquaient avant le paragraphe 112(3.1) de la LIR, et le paragraphe 40(3.6) de la LIR s’appliquait avant le paragraphe 39(2) de la LIR.

D. Analyse contextuelle et téléologique

[47] En ce qui a trait au contexte et à l’objet, les parties renvoient à l’effet net des dispositions relatives à la minimisation des pertes (paragraphes 40(3.6) et 112(3.1) de la LIR). Bien que la perte soit réputée nulle selon le paragraphe 40(3.6) de la LIR, le paragraphe 112(3.1) exige que la perte soit réduite de certains dividendes reçus. Toute perte réduite par l’application du paragraphe 112(3.1) de la LIR ne peut être ultérieurement recouvrée. En revanche, une perte réputée nulle aux termes du paragraphe 40(3.6) de la LIR peut être recouvrée lors de la disposition subséquente des actions restantes que détient le contribuable dans la société dont les actions ont été rachetées (par suite de l’ajout de cette perte au prix de base rajusté des actions restantes). CIBC affirme avoir subi une perte lors du rachat des actions en 2007, mais la perte qui a été réputée nulle a augmenté le prix de base rajusté des autres actions que CIBC détenait dans DHI. Tout ajout au prix de base rajusté d’une immobilisation donnée réduirait les gains réalisés, ou augmenterait les pertes subies, lors de la disposition de ce bien.

[48] Ce traitement différent d’une perte réputée nulle aux termes du paragraphe 40(3.6) de la LIR et d’une perte réduite en application du paragraphe 112(3.1) de la LIR pourrait expliquer pourquoi une perte attribuable à la fluctuation de la valeur d’une monnaie étrangère (qui est indépendante de la volonté du contribuable) n’a pas fait l’objet d’un rajustement en application du paragraphe 112(3.1) de la LIR, mais n’a pas modifié le fait que la perte a été réputée nulle aux termes du paragraphe 40(3.6) de la LIR.

[49] La Couronne fait valoir que, selon la LIR, le revenu d’un contribuable est déterminé conformément à la section B (laquelle, en 2007, comprenait le paragraphe 39(2) [dans sa version alors en vigueur] et le paragraphe 40(3.6)) de la LIR, avant que le revenu imposable du contribuable soit déterminé selon la section C (qui comprend le paragraphe 112(3.1)) de la LIR. Cet argument trouve appui au paragraphe 2(2) de la LIR :

(2) Le revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition est son revenu pour l’année plus les ajouts prévus à la section C et moins les déductions qui y sont permises.

(2) The taxable income of a taxpayer for a taxation year is the taxpayer’s income for the year plus the additions and minus the deductions permitted by Division C.

[50] Le paragraphe 112(3.1) de la LIR n’autorise toutefois pas d’ajout ou de déduction aux fins du calcul du revenu imposable du contribuable. La perte subie par le contribuable est plutôt réputée être égale à la perte déterminée sans tenir compte de ce paragraphe, moins certains dividendes. Cette règle spéciale fait en sorte que la perte du contribuable découlant de la disposition d’actions est réputée être égale à la perte déterminée par ce paragraphe.

[51] La perte du contribuable découlant de la disposition d’actions détenues à titre d’immobilisations n’entre pas dans le calcul du revenu. Le calcul du revenu aux termes de l’article 3 doit plutôt se faire en tenant compte de la perte en capital déductible du contribuable. Une perte en capital déductible correspond à la moitié de la perte en capital. Par conséquent, même lorsque la perte est réputée correspondre à une certaine somme aux termes du paragraphe 112(3.1) de la LIR, il demeure nécessaire d’appliquer les dispositions du paragraphe 39(1) et de l’article 38 de la LIR (qui figurent à la section B) pour déterminer la somme pertinente – c’est-à-dire la perte en capital déductible – qui sera utilisée pour calculer le revenu. Les sections B et C ne sont donc pas deux parties indépendantes distinctes de sorte que, lorsque le revenu est déterminé selon la section B, il ne peut être modifié par aucune disposition de la section C. Comme l’indique le paragraphe 112(3.1), il peut s’avérer nécessaire d’appliquer de nouveau les dispositions de la section B pour recalculer le revenu du contribuable, après l’application d’une disposition particulière de la section C.

[52] Cependant, ainsi qu’il a été indiqué précédemment, l’interprétation de la mention « la perte, déterminée compte non tenu du présent paragraphe », au paragraphe 112(3.1) de la LIR, signifie que toutes les dispositions de la section B doivent être appliquées pour déterminer la perte (le cas échéant) découlant de la disposition d’actions, avant d’appliquer le paragraphe 112(3.1) pour réduire cette perte. Cette interprétation est conforme au principe général énoncé au paragraphe 2(2) de la LIR, selon lequel les dispositions de la section B s’appliquent avant celles de la section C.

[53] Le contexte et l’objet des dispositions pertinentes ne modifient pas l’interprétation fondée sur le libellé de ces dispositions.

VII. Conclusion

[54] Par conséquent, la Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur en concluant que le paragraphe 40(3.6) de la LIR s’applique à la perte de CIBC réputée découler de la disposition d’actions de catégorie B de DHI et rend ainsi cette perte nulle. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel, avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.B. Laskin j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Nathalie Goyette j.c.a. »

Traduction certifiée conforme.

Mario Lagacé, jurilinguiste


ANNEXE

Dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)

en vigueur en 2007

Paragraphe 39(2) :

Gains et pertes en capital relatifs aux monnaies étrangères

Capital gains and losses in respect of foreign currencies

(2) Malgré le paragraphe (1), lorsque, par suite de toute fluctuation, postérieure à 1971, de la valeur de la monnaie ou des monnaies d’un ou de plusieurs pays étrangers par rapport à la monnaie canadienne, un contribuable a réalisé un gain ou subi une perte au cours d’une année d’imposition, les règles suivantes s’appliquent :

(2) Notwithstanding subsection (1), where, by virtue of any fluctuation after 1971 in the value of the currency or currencies of one or more countries other than Canada relative to Canadian currency, a taxpayer has made a gain or sustained a loss in a taxation year, the following rules apply:

a) est réputé être un gain en capital du contribuable pour l’année, tiré de la disposition de la monnaie d’un pays étranger, gain en capital qui est le montant déterminé en vertu du présent alinéa, l’excédent éventuel :

(a) the amount, if any, by which

(i) du total de ces gains réalisés par le contribuable au cours de l’année (jusqu’à concurrence des montants de ceux-ci qui, si l’article 3 était lu de la manière indiquée à l’alinéa (1)a) du présent article, ne seraient pas inclus dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition),

(i) the total of all such gains made by the taxpayer in the year (to the extent of the amounts thereof that would not, if section 3 were read in the manner described in paragraph (1)(a) of this section, be included in computing the taxpayer’s income for the year or any other taxation year)

sur :

exceeds

(ii) le total des pertes subies par le contribuable au cours de l’année (jusqu’à concurrence des montants de celles-ci qui, si l’article 3 était lu de la manière indiquée à l’alinéa (1)a) du présent article, ne seraient pas déductibles dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition),

(ii) the total of all such losses sustained by the taxpayer in the year (to the extent of the amounts thereof that would not, if section 3 were read in the manner described in paragraph (1)(a) of this section, be deductible in computing the taxpayer’s income for the year or any other taxation year), and

(iii) si le contribuable est un particulier, 200 $;

(iii) if the taxpayer is an individual, $200,

shall be deemed to be a capital gain of the taxpayer for the year from the disposition of currency of a country other than Canada, the amount of which capital gain is the amount determined under this paragraph; and

b) est réputé être une perte en capital du contribuable pour l’année, résultant de la disposition de la monnaie d’un pays étranger, perte en capital qui est le montant déterminé en vertu du présent alinéa, l’excédent éventuel :

(b) the amount, if any, by which

(i) du total déterminé en vertu du sous-alinéa a)(ii),

(i) the total determined under subparagraph (2)(a)(ii),

sur :

exceeds

(ii) le total déterminé en vertu du sous-alinéa a)(i),

(ii) the total determined under subparagraph (2)(a)(i), and

(iii) si le contribuable est un particulier, 200 $.

(iii) if the taxpayer is an individual, $200,

shall be deemed to be a capital loss of the taxpayer for the year from the disposition of currency of a country other than Canada, the amount of which capital loss is the amount determined under this paragraph.

_____________________________________________________________________________

Paragraphe 40(3.6) :

(3.6) Dans le cas où un contribuable dispose, en faveur d’une société qui lui est affiliée immédiatement après la disposition, d’une action d’une catégorie du capital-actions de la société, sauf une action privilégiée de renflouement au sens du paragraphe 80(1), les règles suivantes s’appliquent :

(3.6) Where at any time a taxpayer disposes, to a corporation that is affiliated with the taxpayer immediately after the disposition, of a share of a class of the capital stock of the corporation (other than a share that is a distress preferred share as defined in subsection 80(1)),

a) la perte du contribuable résultant de la disposition est réputée nulle;

(a) the taxpayer’s loss, if any, from the disposition is deemed to be nil; and

b) est à ajouter dans le calcul du prix de base rajusté, pour le contribuable après la disposition, d’une action d’une catégorie du capital-actions de la société qui appartenait au contribuable immédiatement après la disposition le produit de la multiplication du montant de sa perte résultant de la disposition, déterminé compte non tenu de l’alinéa (2)g) et du présent paragraphe, par le rapport entre :

(b) in computing the adjusted cost base to the taxpayer after that time of a share of a class of the capital stock of the corporation owned by the taxpayer immediately after the disposition, there shall be added the proportion of the amount of the taxpayer’s loss from the disposition (determined without reference to paragraph 40(2)(g) and this subsection) that

(i) d’une part, la juste valeur marchande de l’action immédiatement après la disposition,

(i) the fair market value, immediately after the disposition, of the share

is of

(ii) d’autre part, la juste valeur marchande, immédiatement après la disposition, de l’ensemble des actions du capital-actions de la société appartenant au contribuable.

(ii) the fair market value, immediately after the disposition, of all shares of the capital stock of the corporation owned by the taxpayer.

________________________________________________________________________

Paragraphe 112(3.1) :

Perte sur une action détenue par une société de personnes

Loss on share held by partnership

(3.1) Sous réserve des paragraphes (5.5) et (5.6), la part qui revient à un contribuable (sauf une société de personnes et une fiducie de fonds commun de placement) de toute perte subie par une société de personnes dont il est un associé, lors de la disposition d’une action détenue par une société de personnes donnée à titre d’immobilisation, est réputée égale à cette part de la perte, déterminée compte non tenu du présent paragraphe, moins :

(3.1) Subject to subsections (5.5) and (5.6), where a taxpayer (other than a partnership or a mutual fund trust) is a member of a partnership, the taxpayer’s share of any loss of the partnership from the disposition of a share that is held by a particular partnership as capital property is deemed to be that share of the loss determined without reference to this subsection minus,

a) dans le cas où le contribuable est un particulier, le moins élevé des montants suivants :

(a) where the taxpayer is an individual, the lesser of

(i) le total des montants représentant chacun un dividende que le contribuable a reçu sur l’action et qui a fait l’objet du choix prévu au paragraphe 83(2), dans le cas où le dividende n’est pas réputé par le paragraphe 83(2.1) être un dividende imposable,

(i) the total of all amounts each of which is a dividend received by the taxpayer on the share in respect of which an election was made under subsection 83(2) where subsection 83(2.1) does not deem the dividend to be a taxable dividend, and

(ii) cette part de la perte déterminée compte non tenu du présent paragraphe moins l’ensemble des dividendes imposables reçus par le contribuable sur l’action;

(ii) that share of the loss determined without reference to this subsection minus all taxable dividends received by the taxpayer on the share;

b) dans le cas où le contribuable est une société, le total des montants qu’il a reçus sur l’action représentant chacun :

(b) where the taxpayer is a corporation, the total of all amounts received by the taxpayer on the share each of which is

(i) un dividende imposable, jusqu’à concurrence de la fraction du dividende qui était déductible selon le présent article ou les paragraphes 115(1) ou 138(6) dans le calcul de son revenu imposable, ou de son revenu imposable gagné au Canada, pour une année d’imposition,

(i) a taxable dividend, to the extent of the amount of the dividend that was deductible under this section or subsection 115(1) or 138(6) in computing the taxpayer’s taxable income or taxable income earned in Canada for any taxation year,

(ii) un dividende qui a fait l’objet du choix prévu au paragraphe 83(2), dans le cas où le dividende n’est pas réputé par le paragraphe 83(2.1) être un dividende imposable,

(ii) a dividend in respect of which an election was made under subsection 83(2) where subsection 83(2.1) does not deem the dividend to be a taxable dividend, or

(iii) un dividende en capital d’assurance-vie;

(iii) a life insurance capital dividend; and

c) dans le cas où le contribuable est une fiducie, le total des montants représentant chacun un dividende imposable ou un dividende en capital d’assurance-vie reçu sur l’action et attribué par la fiducie en application des paragraphes 104(19) ou (20) à un bénéficiaire qui était une société, une société de personnes ou une fiducie.

(c) where the taxpayer is a trust, the total of all amounts each of which is

(i) a taxable dividend, or

(ii) a life insurance capital dividend

received on the share and designated under subsection 104(19) or 104(20) by the trust in respect of a beneficiary that was a corporation, partnership or trust.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-305-21

 

INTITULÉ :

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE c. SA MAJESTÉ LE ROI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 décembre 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE LASKIN

LA JUGE GOYETTE

DATE DES MOTIFS :

Le 4 mai 2023

COMPARUTIONS :

Al Meghji

Edward Rowe

Amanda Heale

Pour l’appelante

Simon Petit

Julien Dubé-Senécal

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

Pour l’appelante

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

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