Dossier : IMM-7870-13
Référence : 2014 CF 807
Montréal (Québec), le 19 août 2014
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE : |
JUAN AARON OBED PONCE GALLEGOS |
ENRIQUE SERNA DE LA CRUZ |
partie demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
partie défenderesse |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Introduction
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], d’une décision rendue le 19 novembre 2013 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la SPR] rejetant la demande des demandeurs de se faire reconnaître la qualité de réfugiés ou de personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR.
II. Faits
[2] Les demandeurs sont des citoyens du Mexique, de la ville de Calvillo. Ils sont conjoints de fait. Ils allèguent avoir été ciblés par la police au Mexique parce qu’ils sont homosexuels.
[3] Les demandeurs auraient affiché leur relation publiquement pour la première fois en 2008, et à compter de mai 2008, auraient commencé à être interceptés et battus par la police. Ils auraient aussi été discriminés par des membres du public.
[4] Après plusieurs incidents avec la police, le demandeur principal, monsieur Juan Gallegos, aurait porté plainte auprès du Ministère public, mais l’employé enregistrant sa plainte l’aurait ridiculisé et lui aurait demandé de quitter les lieux. La discrimination et les menaces du public et de la police continueraient sans cesse pour les prochains mois.
[5] Les demandeurs sont arrivés au Canada le 25 septembre 2008 et ont demandé l’asile la même journée.
III. Analyse
[6] Dans la présente affaire au fond, la question clé en litige est de savoir si les demandeurs pourraient bénéficier de la possibilité de refuge intérieur [PRI] dans la ville de Guadalajara s’ils devaient être retournés au Mexique. La SPR a conclu que les demandeurs disposaient d’une PRI à Guadalajara qui, selon la preuve documentaire, était relativement libérale envers les homosexuels. La SPR nota que la preuve documentaire révèle que « les LGBT, donc lesbiennes, gais, bisexuels et transsexuels, peuvent se montrer des signes d’affection dans le centre [de Guadalajara] sans être dérangés par les autorités » (à la p 4). Elle a néanmoins reconnu qu’à l’extérieur de Guadalajara, les homosexuels continuaient d’être victimes de discrimination.
[7] Les demandeurs font valoir que la SPR a erré en concluant qu’ils pourront vivre en sécurité à Guadalajara, car la preuve disponible révèle clairement que les autorités mexicaines en générale ne respectent pas les droits de l’homme. Bref, ils prétendent que la SPR s’est « ferm[é] les yeux sur les éléments de preuve qui contredisent sa thèse » (Mémoire des demandeurs au para 25).
[8] Malgré les allégations des demandeurs, la Cour n’est pas disposée à accepter que les conclusions de la SPR concernant l’existence d’une PRI n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190. Contrairement à ce que prétendent les demandeurs, les raisons pour lesquelles la SPR a rendu sa décision sont entièrement appuyées par la preuve au dossier. Or, elle n’était pas tenue de mentionner tous les éléments de la preuve documentaire (Hassan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 NR 317, 36 ACWS (3d) 635 (CA); Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (QL/Lexis) (CA)).
[9] En l’espèce, la SPR a reconnu que la situation pour les homosexuels n’était pas parfaite au Mexique et qu’il existait des problèmes. La SPR était également consciente de la discrimination dont a fait état les demandeurs comme membres de la communauté homosexuelle au Mexique (elle n’avait aucun doute quant à leur crédibilité). Cependant, après avoir consulté la preuve documentaire, elle a conclu qu’il n’y avait pas de risque sérieux pour les demandeurs d’être soumis à la torture, à une menace à leurs vies ou un risque de traitements ou peines cruelles et inusitées dans la ville de Guadalajara.
[10] La Cour estime qu’elle est arrivée à cette conclusion de façon raisonnable. Il ressort de la lecture de la décision et du dossier que les homosexuels à Guadalajara ne semblent pas subir de la discrimination, encore moins de la persécution. Aucune preuve avancée par les demandeurs ne démontre qu’il y a une violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux des homosexuels à Guadalajara démontrant l’absence de protection de l’État (voir Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689). La Cour n’accepte pas qu’une seule mention de violence contre certains membres de la communauté LGBT à Guadalajara dans le Cartable national de documentation sur le Mexique (17 septembre 2012, Onglet 6.6) ou des mentions de discrimination générale contre les homosexuels au Mexique supporte la prétention des demandeurs qu’il n’y aucun PRI au Mexique. La preuve, lue dans son ensemble, suggère plutôt que les homosexuels à Guadalajara peuvent vivre ouvertement sans subir de discrimination ou de problèmes avec les autorités.
[11] La Cour rappelle qu’il appartenait aux demandeurs de démontrer, selon la prépondérance des probabilités qu’ils risquent sérieusement d’être persécutés dans tout le pays, y compris à Guadalajara et qu’il serait trop exigeant de demander aux demandeurs de déménager à l’endroit où il existe une PRI (voir Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 31 ACWS (3d) 139, 140 NR 138 (CAF); Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1993), 109 DLR (4th) 682, 22 Imm LR (2d) 241 (CAF)). Cette preuve devait être une preuve réelle et concrète (Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164 au para 15, 102 ACWS (3d) 592 (CA)).
[12] En l’espèce, les demandeurs n’ont pas fourni une preuve convaincante que la première partie du test établie dans l’affaire Rasaratnam, ci-dessus, était satisfaite. Pareillement, ils n’ont pas démontré qu’il serait objectivement déraisonnable pour qu’ils se prévalent de la PRI à Guadalajara.
[13] La Cour ne peut pas intervenir dans la présente affaire pour le simple fait que les demandeurs sont en désaccord avec le poids qu’a donné la SPR aux divers éléments de preuve.
IV. Conclusion
[14] Pour toutes les raisons ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs soit rejetée sans aucune question d’importance générale à certifier.
« Michel M.J. Shore »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-7870-13
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INTITULÉ : |
JUAN AARON OBED PONCE GALLEGOS, ENRIQUE SERNA DE LA CRUZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 19 août 2014
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE SHORE
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DATE DES MOTIFS : |
LE 19 AOût 2014
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COMPARUTIONS :
Sandra Palmieri
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Pour la partie demanderesse
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Myriam Larose
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Pour la partie défenderesse
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sandra Palmieri Avocate Montréal (Québec)
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Pour la partie demanderesse
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec)
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Pour la partie défenderesse
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