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Date : 20140808


Dossier : IMM-658-14

Référence : 2014 CF 788

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 août 2014

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

CAROLIN ANDREA TOBAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

VU la demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse à l’égard de la décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande d’appel du rejet de la demande de résidence permanente présentée par son époux, dans le cadre de laquelle la demanderesse avait présenté une demande de parrainage de son époux au titre de la catégorie du regroupement familial en vertu des articles 12 et 13 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR);

ET VU le dossier certifié du tribunal (le DCT) et les éléments de preuve produits par les parties;

ET VU les observations formulées par les avocats des parties;

ET VU que la Cour a tenu compte de ce qui suit pour rendre sa décision :

[1]               La demanderesse est citoyenne canadienne. Elle a rencontré son époux, M. Efe Stanley Ogboru, qui est citoyen du Nigeria, en ligne le 5 mai 2011. Ils ont poursuivi leur relation, et M. Ogboru a demandé la demanderesse en mariage le 5 juin 2011. Ils se sont rencontrés en personne au Nigeria le 12 septembre 2011, et ils s’y sont mariés le 17 septembre 2011. Après le mariage, la demanderesse est retournée au Canada pour reprendre son emploi. Pendant une visite ultérieure au Nigeria, ils ont conçu un enfant, et leur fils est né au Canada le 20 janvier 2014.

[2]               En décembre 2011, la demanderesse a parrainé son époux à titre de membre de la catégorie du regroupement familial. Un agent des visas a rejeté cette demande le 26 avril 2012 sur le fondement du paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement de la LIPR) au motif que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège. Les notes du Système mondial de gestion des cas (le SMGC) de l’agent des visas indiquent que ce dernier entretenait des doutes quant à l’identité et quant à la date de naissance de l’époux.

[3]               La demanderesse a interjeté appel de la décision de l’agent des visas à la SAI, et une commissaire (la commissaire) a rejeté l’appel le 21 novembre 2013; les motifs écrits sont datés du 10 janvier 2014.

[4]               La commissaire était convaincue que la demanderesse était crédible, qu’elle estimait que le mariage était authentique et qu’elle n’avait pas principalement contracté le mariage afin d’aider son époux à acquérir un statut ou un privilège au Canada. Cependant, son époux n’était pas crédible à cause d’incohérences dans son témoignage et dans la preuve relative à son identité. La commissaire a conclu que, bien que le mariage fût authentique, elle n’était pas convaincue que l’époux n’avait pas contracté le mariage pour acquérir un statut ou un privilège sous le régime de la LIPR.

[5]               Entre autres choses, la commissaire a souligné que le mariage avait été contracté rapidement et elle a conclu que le témoignage de l’époux renfermait des incohérences. En outre, elle a souligné qu’elle ne disposait pas d’une preuve claire et convaincante en ce qui concerne l’identité de l’époux, notamment en ce qui avait trait à sa date de naissance, et qu’il n’y avait aucun enregistrement de la naissance de ce dernier. Pour ces motifs, la commissaire a conclu que l’époux de la demanderesse n’était pas un témoin crédible, surtout compte tenu de ses doutes quant à son identité.

[6]               Voici la seule question qu’il faut trancher dans le cadre du présent contrôle judiciaire : l’omission d’ajourner l’audience a‑t‑elle entraîné un manquement à l’équité procédurale? La norme de contrôle applicable à cette question est celle de la décision correcte (Bi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 293, au paragraphe 12).

[7]               La demanderesse soutient que la commissaire a commis une erreur en refusant d’ajourner l’audience afin que l’acte de naissance de son époux et l’affidavit connexe puissent être produits. L’agent des visas disposait de ces documents, et il en avait fait mention dans sa décision, mais le DCT ne renfermait aucune copie de ces documents, et la commissaire n’en était même pas saisie lorsqu’elle a rendu sa décision. La transcription de l’audience démontre que la question de l’acte de naissance était cruciale, et, par conséquent, la commissaire n’a pas soupesé correctement les intérêts contradictoires en jeu ou ne s’est pas demandé s’il était possible d’aller de l’avant en l’absence des renseignements manquants sans causer une injustice (Règles de la section d’appel de l’immigration, DORS/2002‑230 (les Règles de la SAI), alinéa 48(4)e); Bryndza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1250). Cette erreur ressort très clairement du fait que la commissaire s’est principalement fondée sur les documents manquants pour tirer sa conclusion selon laquelle l’époux n’était pas crédible.

[8]               Le défendeur soutient qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale. La demanderesse tente plutôt de corriger ce qu’elle estime être une erreur qu’elle aurait commise lors de l’audience devant la SAI. La demanderesse invoque l’alinéa 48(4)e) des Règles de la SAI à l’appui de sa prétention, mais elle n’a pas présenté de demande d’ajournement avant l’audience et elle n’a pas non plus présenté pareille demande lorsque la commissaire a soulevé cette question à l’audience. La question de l’identité ne serait pertinente que si la commissaire avait estimé que le mariage était authentique. Quoi qu’il en soit, étant donné les doutes quant à l’identité de l’époux, l’octroi d’un ajournement afin que l’acte de naissance puisse être produit n’aurait vraisemblablement rien changé à l’issue de l’affaire.

[9]               Le défendeur a soutenu à l’audience devant moi que les circonstances entourant l’audience en l’espèce sont inhabituelles, et je suis d’accord avec lui. Un examen de la transcription révèle que la commissaire a soulevé la question de l’équité à l’audience en lien avec l’absence de documents concernant l’identité de l’époux de la demanderesse. Il y a aussi la question de savoir si le conseil de la demanderesse a bien servi les intérêts de cette dernière à l’audience devant la commissaire. En outre, il semble que les participants à l’audience aient parfois été incapables d’entendre l’époux de la demanderesse, qui a témoigné par téléphone.

[10]           Un examen de la transcription de l’audience révèle que, lorsque le conseil de la demanderesse a eu terminé de l’interroger, la commissaire a souligné que la question des doutes quant à l’identité de l’époux soulevés par l’agent des visas n’avaient pas été abordée. C’est alors que le défendeur a demandé à ce que le motif de rejet prévu à l’article 40 de la LIPR soit aussi envisagé, ce à quoi la commissaire a acquiescé. La demanderesse a alors demandé des précisions pour bien comprendre ce que cela voulait dire. La commissaire lui a exposé les notes d’entrevue de l’agent des visas, qui a conclu que la question de l’identité de l’époux de la demanderesse soulevait des préoccupations, notamment parce que les documents produits mentionnaient trois dates de naissance et parce que l’époux avait récemment affirmé que sa date de naissance ne figurait pas dans les documents les plus anciens. La demanderesse a affirmé qu’elle était au fait des doutes quant à la date de naissance de son époux et qu’une déclaration sous serment à laquelle était jointe une copie de l’acte de naissance de l’époux témoignant de sa vraie date de naissance avait été soumise dans le cadre de la demande de parrainage de son époux. Lorsque le conseil du défendeur l’a interrogée, la demanderesse a confirmé qu’elle avait déjà vu l’acte de naissance et qu’il y était inscrit que son époux était né le 22 avril 1978. La commissaire a souligné que le conseil de la demanderesse ne s’était pas opposé à ce qu’un motif de rejet soit ajouté, soit celui des fausses déclarations, et qu’elle lui avait donné la possibilité de poser des questions à la demanderesse concernant l’identité de son époux, mais qu’il n’avait pas interrogé la demanderesse.

[11]           On a alors communiqué avec l’époux de la demanderesse par téléphone. Il ressort clairement de la transcription que, peu importe qui posait les questions, de grandes parties des réponses de l’époux étaient « inaudibles », comme en témoigne la transcription. Lors de l’audience tenue devant moi, l’avocat du défendeur a fait savoir qu’il avait écouté l’enregistrement de l’audience et qu’il était possible de déchiffrer quelques extraits supplémentaires, mais que des passages étaient encore inaudibles.

[12]           Cela étant dit, lorsque le conseil de la demanderesse lui a posé une question concernant les deux dates de naissance soumises à l’agent des visas, l’époux a reconnu ce fait et il a donné une réponse incompréhensible et en partie inaudible, mais il a confirmé qu’il était né le 22 avril 1978. Lorsque le conseil du défendeur l’a interrogé, l’époux a confirmé qu’un acte de naissance lui avait été délivré à Lagos en 2011 par le haut-commissariat. Il y a eu un échange déroutant quant à la question de la date à laquelle l’acte de naissance avait été délivré (un examen de l’acte de naissance révèle qu’aucune date de délivrance n’y figure) et quant à la question de savoir si sa naissance avait été enregistrée; cet échange était difficile à comprendre, car de grandes parties du témoignage étaient inaudibles. À ce moment‑là, le conseil du défendeur a dit qu’il laissait tomber ce sujet et il a soutenu qu’aucune preuve claire et convaincante n’avait été présentée à cet égard. La commissaire a alors soulevé la question de l’acte de naissance. L’époux de la demanderesse a confirmé qu’il avait obtenu un acte de naissance du haut‑commissariat, mais il n’a pas été clair quant à savoir si sa naissance avait été enregistrée à Auchi, où il est né. Lorsque la commissaire a demandé au conseil de la demanderesse s’il souhaitait interroger l’époux à ce sujet, le conseil a répondu qu’il n’avait aucune question à lui poser.

[13]           Après l’interrogatoire et l’argumentation du conseil de la demanderesse, la commissaire a précisé que son rôle consistait à veiller à ce que la demanderesse ait une audience équitable. Elle a reconnu que la demanderesse était représentée par un conseil, mais, en pleine audience, le conseil du défendeur a demandé à ce qu’un motif de rejet soit ajouté, soit celui des fausses déclarations. La commissaire s’inquiétait du fait qu’elle n’était saisie d’aucun document ayant trait à la question de l’identité, et le conseil de la demanderesse avait dit qu’il n’avait pas examiné tous les documents soumis par la demanderesse. La commissaire a proposé que soit le motif de rejet des fausses déclarations soit écarté, soit qu’on lui soumette des observations au titre du paragraphe 4(1) du Règlement de la LIPR; par la suite, elle ajournerait l’audience afin de permettre au conseil de la demanderesse de produire des documents corroborant l’identité de l’époux; le conseil du défendeur aurait alors l’occasion de formuler des observations en réponse.

[14]           Le motif de rejet prévu à l’alinéa 40(1)a) a été écarté. Le conseil de la demanderesse, lorsqu’on lui a posé la question, s’est dit d’accord avec la commissaire, et il a affirmé qu’il ne pensait pas que la question de l’identité posait vraiment problème. La commissaire a souligné qu’il s’agissait d’une question importante en l’espèce. Le conseil de la demanderesse a dit qu’il venait tout juste d’en prendre connaissance et, quand la commissaire lui a posé la question, il a confirmé que s’était la première fois qu’il en prenait connaissance. La commissaire a alors fait état de ses inquiétudes :

[traduction]

Comme je l’ai dit, la question dont j’ai été saisie est très importante pour l’appelante, et je dois veiller à ce que cette dernière ait une audience équitable. Ce n’est nullement ma faute ni celle du conseil du ministre, mais la question de l’identité doit être débattue. À moins que vous vous y opposiez, monsieur Munro, je vais ajourner l’audience pour qu’on puisse examiner adéquatement cette question, parce que, bien franchement, l’appelante semble être surprise par la tournure des évènements. Le conseil de l’appelante a admis qu’il n’avait pas vraiment pris connaissance des notes et qu’il ne savait pas que l’agent des visas avait soulevé cette question; or, ce dernier avait clairement des réserves à cet égard, regardez à la page 18 du dossier s’il vous plaît.

[15]           La demanderesse elle‑même a déclaré qu’elle pensait que la production de l’acte de naissance et de la déclaration sous serment soumis dans le cadre de la demande de parrainage avait réglé la question de l’identité de son époux. Le conseil du défendeur a affirmé que ces documents n’avaient pas été produits en preuve, et la commissaire a reconnu que cela posait problème, et cette dernière a répété qu’elle ajournerait l’audience à moins qu’on s’y oppose. Le conseil du défendeur s’y est opposé au motif que le paragraphe 4(1) constituait un élément central du dossier et que, puisqu’il allait prendre sa retraite, l’ajournement nuirait au ministre.

[16]           La commissaire ne s’est pas prononcée sur l’ajournement, mais elle a demandé à l’avocat du défendeur d’aller de l’avant et de lui présenter ses observations. Dès que le conseil eu terminé, la commissaire a rendu sa décision de vive voix.

[17]           La décision est essentiellement fondée sur la question de l’identité de l’époux et de l’acte de naissance. La commissaire a affirmé que la question de l’identité et de la date de naissance n’avait pas été abordée directement dans les documents ou le témoignage et qu’elle ne disposait pas d’une preuve claire et convaincante en ce qui concerne l’identité et la date de naissance de l’époux. La commissaire a par la suite souligné que, puisque l’agent des visas avait rejeté la demande il y avait un an, l’époux aurait dû entre‑temps corriger la situation et essayer de trouver un enregistrement de sa naissance ou soumettre tout autre document témoignant de sa vraie date de naissance. La commissaire a exposé ses autres réserves, mais elle a mis l’accent sur le fait que la question de l’identité de l’époux et de sa date de naissance n’avait été pas abordée.

[18]           Le problème avec cette conclusion est, bien entendu, que la demanderesse avait avisé la commissaire que l’acte de naissance et la déclaration sous serment avaient été soumis dans le cadre de la demande de parrainage et qu’elle avait dit qu’elle croyait que la SAI avait été saisie de ces documents et que ces derniers suffisaient pour trancher cette question. La commissaire, au cours de l’audience, a reconnu ces faits, et elle a aussi affirmé que la question de l’identité de l’époux était cruciale, que ces documents ne lui avaient pas été soumis et que le fait qu’elle ne dispose pas de ces documents soulevait une question d’équité procédurale.

[19]           À cet égard, la conduite du conseil de la demanderesse à l’audience pose problème. Ce dernier ne s’est pas opposé à l’ajout du motif de rejet prévu à l’article 40, soit les fausses déclarations, lequel motif a par la suite été écarté à cause des doutes quant à l’identité de l’époux que soulevait la preuve; qui plus est, le conseil de la demanderesse n’a pas demandé l’ajournement de l’audience, et ce, même s’il avait reconnu que, avant l’audience, il ne savait rien des doutes quant à l’identité de l’époux et même si ces doutes avaient expressément été soulevés par la commissaire, qui souhaitait d’ailleurs, pour veiller à ce que l’audience soit équitable, ajourner l’audience afin que la question puisse être adéquatement abordée. On peut donc se demander si les intérêts de la demanderesse ont été bien servis. Cependant, la demanderesse n’a pas remis en question la compétence de son ancien conseil dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire (Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 505, au paragraphe 23).

[20]           Pour statuer sur la demande d’ajournement présentée par une partie, la SAI doit soupeser les facteurs énoncés au paragraphe 48(4) des Règles de la SAI, y compris les suivants : toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement; dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité pour la SAI d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice; dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l’expérience de son conseil; si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable; la nature et la complexité de l’affaire. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit qui est d’ordinaire susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Bell c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 783, au paragraphe 33; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 51).

[21]           En l’espèce, c’est la commissaire qui a soulevé la question de savoir s’il était nécessaire d’ajourner l’audience afin que la demanderesse ait une audience équitable et, par conséquent, le paragraphe 48(4) n’est donc pas applicable. Il semble toutefois que, selon les Règles de la SAI, la commissaire aurait pu prendre cette décision de son propre chef :

57. Dans le cas où les présentes règles ne contiennent pas de dispositions permettant de régler une question qui survient dans le cadre d’un appel, la Section peut prendre toute mesure nécessaire pour régler la question.

57. In the absence of a provision in these Rules dealing with a matter raised during an appeal, the Division may do whatever is necessary to deal with the matter.

58. La Section peut :

58. The Division may

a) agir de sa propre initiative sans qu’une partie n’ait à lui présenter une demande;

(a) act on its own initiative, without a party having to make an application or request to the Division;

b) modifier une exigence d’une règle;

(b) change a requirement of a rule;

c) permettre à une partie de ne pas suivre une règle

(c) excuse a person from a requirement of a rule; and

d) proroger ou abréger un délai avant ou après son expiration.

(d) extend or shorten a time limit, before or after the time limit has pass.

[22]           En outre, bien que les facteurs énoncés au paragraphe 48(4) ne trouvent pas application en l’espèce, ils sont peut‑être utiles en ce sens qu’ils peuvent fournir un fondement non contraignant au titre duquel on peut déterminer si l’audience doit être ajournée (Omeyaka c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2011 CF 78, au paragraphe 29 (la décision Omeyaka), et les facteurs exposés ci‑dessus militaient en faveur d’un ajournement en l’espèce. À cet égard, il convient de souligner que les motifs pour lesquels le défendeur s’est opposé à l’ajournement étaient peu convaincants, puisqu’il ne s’agit pas d’une affaire complexe et qu’un autre avocat aurait pu représenter le défendeur, qui avait jusqu’alors été très bien représenté, et le ministre n’aurait subi aucun préjudice si l’audience avait été ajournée.

[23]           À mon avis, dans ces circonstances, la commissaire aurait dû, de son propre chef, ajourner l’audience afin que les questions de l’identité et de la date de naissance puissent être abordées. La commissaire avait le pouvoir discrétionnaire d’ajourner l’audience (Omeyaka, précitée, au paragraphe 25) et elle avait expressément reconnu qu’une injustice pourrait être commise si l’affaire allait de l’avant en l’absence des documents ayant trait à l’identité de l’époux. La commissaire a malgré tout pris la décision d’aller de l’avant. Il était loisible à la commissaire de prendre cette décision. Cependant, sa conclusion selon laquelle elle n’était pas convaincue que l’époux de la demanderesse n’avait pas contracté le mariage pour acquérir un statut ou un privilège sous le régime de la LIPR reposait principalement sur le fait qu’elle avait estimé qu’elle ne disposait pas d’une preuve claire et convaincante en ce qui concernait l’identité de l’époux, surtout en ce qui avait trait à sa date de naissance, et qu’il n’y avait aucun enregistrement de sa naissance. Cette question aurait pu être tranchée par la production de l’acte de naissance et de la déclaration sous serment qui ne se trouvaient pas dans le dossier dont elle était saisie, et c’est justement cette question qui, selon la commissaire, aurait très bien pu mener à une injustice. En outre, la commissaire a aussi fait remarquer que le conseil de la demanderesse ne savait pas avant l’audience que la question de l’identité posait problème, et qu’il n’avait pas abordé la question à l’audience. Compte tenu de ces circonstances inhabituelles, l’omission d’ajourner l’audience a entraîné un manquement à l’équité procédurale.

[24]           Compte tenu des doutes de l’agent des visas quant à l’identité de l’époux de la demanderesse, je suis consciente du fait qu’il se peut très bien que l’issue de l’affaire ne soit pas différente à la suite de l’examen de l’acte de naissance et de la déclaration sous serment qui sera effectué lorsque l’affaire sera réexaminée par un autre commissaire de la SAI. Cependant, je ne peux pas conclure que l’issue aurait été semblable, peu importe qu’il y ait eu manquement à l’équité procédurale, et, par conséquent, l’affaire doit être renvoyée pour nouvel examen.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision rendue par la SAI le 10 janvier 2014 est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la SAI pour nouvel examen.

2.      Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale à des fins de certification, et l’affaire n’en soulève aucune.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-658-14

 

INTITULÉ :

CAROLIN ANDREA TOBAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 JUILLET 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 8 AOÛT 2014

 

COMPARUTIONS :

Shedrack C. Agbakwa

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Michael Butterfield

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Agbakwas LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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