Date : 20140529
Dossier : IMM-1938-13
Référence : 2014 CF 514
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 29 mai 2014
En présence de madame la juge Simpson
ENTRE : |
CENTEOTL MAZADIEGO LOPEZ |
AMBAR LIMON MAZADIEGO |
SERGIO ALAN GONZALEZ MAZADIEGO |
CRIST INA BAEZA AVENDANO |
PAULINA GONZALES BAEZA |
demandeurs |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
(Motifs prononcés oralement à Toronto le 17 avril 2014)
[1] Centeotl Mazadiego Lopes [la demanderesse principale], sa fille, son fils, la conjointe de son fils et leur fille, ensemble [les demandeurs], sont des citoyens mexicains qui ont demandé le contrôle judiciaire de la décision datée du 5 février 2013 rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] à la suite d’un réexamen [décision].
I. Faits
[2] Au printemps 2006, la demanderesse principale a prêté 600 000 pesos [la dette] à un homme appelé Bernardo Gonzales Shole [Shole], qui s’était engagé à doubler la somme en quelques mois. Toutefois, le chèque postdaté qui avait été remis à la demanderesse en guise de remboursement n’a pas été honoré lorsqu’elle l’a présenté. Accompagnée de son fils, la demanderesse principale est allée voir Shole pour ravoir son argent. Il les a insultés, a frappé le fils et a menacé de tirer sur eux s’ils ne partaient pas. Il a dit qu’il les tuerait s’ils tentaient encore de ravoir l’argent.
[3] La demanderesse principale a déposé une plainte au criminel contre Shole pour fraude et menaces alléguées, se servant du chèque sans provision comme élément de preuve. En janvier 2008, après avoir tenté en vain d’obtenir le remboursement de la dette auprès du fils de Shole, la demanderesse principale a engagé deux poursuites civiles et a obtenu un jugement lui accordant environ 612 000 pesos. Elle a également obtenu un privilège et une ordonnance de vente aux enchères à l’égard d’une propriété dont Shole était copropriétaire.
[4] En réponse à ces poursuites, Shole a appelé la demanderesse principale et l’a menacée. Cet incident n’a pas été signalé à la police. Peu de temps après, un homme dans une fourgonnette a menacé d’une arme le fils de la demanderesse principale. Des policiers se trouvaient près de là, et l’homme s’est sauvé quand il les a vus. La police a fait enquête et a pris les déclarations, mais a déterminé par la suite que rien ne pouvait être fait parce qu’aucun crime n’avait été commis. Au cours du même mois, Shole a téléphoné à la demanderesse principale et a dit à celle‑ci que son fils avait eu de la chance, mais qu’il le tuerait la prochaine fois. Cette menace n’a pas été signalée à la police.
[5] Au début du mois de juin, les demandeurs ont présenté des demandes de visas canadiens. Le 18 août 2010, la famille s’est rendue en voiture au Canada, passant quatre jours sur la route aux États‑Unis. La demanderesse principale a déclaré que Shole était un personnage influent, qui pouvait empêcher la police de protéger sa famille pour les raisons suivantes :
1. Il avait été capable de faire déclarer volée la voiture de la demanderesse en janvier 2007.
2. Il avait travaillé comme avocat au bureau du Ministère public de nombreuses années auparavant.
3. Il était l’ami d’un homme qui s’était porté candidat à la présidence en 1994.
4. Il avait pu sortir de prison après avoir été accusé de meurtre.
5. Il avait réussi à faire mettre en suspens pour une durée indéfinie une plainte au criminel en raison du manque d’éléments de preuve.
II. Décision
[6] Aux fins du présent contrôle, les conclusions importantes sont les suivantes :
1. Les éléments de preuve ne suffisaient pas à établir que Shole avait le pouvoir et l’influence allégués par les demandeurs.
2. Une protection de l’État adéquate était offerte aux demandeurs au Mexique.
III. Questions en litige
[7] Les questions en litige sont les suivantes :
1. Y a‑t‑il eu manquement à la justice naturelle?
2. La conclusion de la Commission sur la protection de l’État était-elle déraisonnable?
A. Question 1
[8] Le manquement allégué à la justice naturelle se serait produit lorsque la Commission a examiné la question de la crainte subjective des demandeurs. Les demandeurs affirment ne pas avoir été avisés que leur voyage aux États‑Unis et le temps qu’ils avaient mis avant de partir du Mexique seraient pris en considération. C’est peut-être vrai, mais c’est sans conséquence parce que les conclusions tirées par la Commission sur la crainte subjective des demandeurs n’ont eu aucune incidence sur l’analyse de la protection de l’État, et c’est cette analyse qui était déterminante en l’espèce.
B. Question 2
[9] Bien que la Commission ait formulé des remarques indiquant qu’elle doutait du fait que les menaces et l’incident impliquant l’arme à feu s’étaient réellement produits, elle a retenu que ces événements étaient véridiques aux fins de son analyse de la protection de l’État. À mon avis, il n’y a rien de mal à douter de la véracité de certains faits et à les traiter néanmoins comme des faits véridiques en vue d’analyser la protection de l’État. Par conséquent, je rejette l’idée que ces remarques, qui semblent indiquer des réserves quant à la crédibilité des demandeurs, aient vicié l’évaluation de la protection de l’État faite par la Commission.
[10] La Commission a commis une erreur en concluant que la plainte au criminel de la demanderesse principale avait été réglée en sa faveur. En fait, c’est dans une poursuite civile que la demanderesse a eu gain de cause. La plainte au criminel a été mise en suspens pour une durée indéfinie en raison du manque d’éléments de preuve. Toutefois, selon moi, cette erreur ne tire pas à conséquence étant donné que l’issue favorable ou non du recours aux tribunaux de la demanderesse principale n’influe nullement sur l’efficacité avec laquelle la police répondrait à un appel.
[11] La demanderesse principale affirme également que la conclusion sur la protection de l’État était déraisonnable parce que la Commission n’a pas mentionné le fait que les demandeurs s’étaient enfuis sur le conseil de leur avocat. Toutefois, à mon avis, mentionner l’opinion de l’avocat n’était pas nécessaire, car elle n’apportait pas d’information utile sur la capacité de Shole d’asservir la police.
[12] Les demandeurs soutiennent en outre qu’il était déraisonnable de conclure que leur plainte au criminel avait été mise en suspens pour manque d’éléments de preuve alors que les témoins qu’ils avaient proposés n’avaient pas été interrogés. Ils font valoir que la seule conclusion sensée est que l’affaire avait été mise en suspens parce que Shole avait influencé la poursuite pour qu’elle suspende l’instance. Cependant, étant donné l’absence d’éléments de preuve montrant que Shole avait encore des amis ou des contacts dans la police ou au bureau du procureur, j’estime que la conclusion de la Commission était raisonnable.
IV. Certification
[13] Aucune question à certifier n’a été proposée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande est rejetée.
« Sandra J. Simpson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Johanne Brassard, trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-1938-13
|
INTITULÉ : |
CENTEOTL MAZADIEGO LOPEZ, AMBAR LIMON MAZADIEGO, SERGIO ALAN GONZALEZ MAZADIEGO, CRIST INA BAEZA AVENDANO, PAULINA GONZALES BAEZA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE : |
Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 17 AVril 2014
|
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT : |
LA JUGE Simpson
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DATE DES MOTIFS : |
LE 29 MAI 2014
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COMPARUTIONS :
Douglas Lehrer
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pour Les demandeurs
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Tessa Kroeker
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pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
VanderVennen Lehrer Toronto (Ontario)
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pour Les demandeurs
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |
pour le défendeur
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