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Date : 20140526


Dossier : IMM-1551-13

Référence : 2014 CF 498

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2014

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

MIKLOS LASZLO IVANCSIK

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il ne fait aucun doute qu’il existe une discrimination très répandue contre les Roms en Hongrie. Or, la présente demande de contrôle judiciaire porte sur la question de savoir si la décision par laquelle la commissaire de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a conclu que M. Ivancsik n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention de Nations Unies et aux termes de l’art. 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi), ni celle de personnes à protéger aux termes de l’art. 97 de la Loi, était déraisonnable.

[2]               En résumé, la commissaire a conclu que la discrimination à laquelle était exposé M. Ivancsik n’équivalait pas à de la persécution et, qu’en raison de l’existence de la protection de l’État, il ne serait pas exposé à un risque excessif s’il retournait en Hongrie.

[3]               En l’espèce, la décision porte sur la distinction entre la discrimination et la persécution ainsi que sur l’existence de la protection de l’État. Toutefois, l’avocate du demandeur souligne qu’entre les paragraphes 7 et 8 de ses motifs, la commissaire a inséré le sous‑titre [traduction] « Questions déterminantes » et qu’au paragraphe 8, il est énoncé : [traduction] « Les questions déterminantes portent sur la crédibilité, la discrimination par rapport à la persécution et la protection de l’État. »

[4]               Or, les motifs ne comportent aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité. Il est fait mention d’un compte rendu d’un événement peu fiable concernant le voisin de M. Ivancsik parce qu’il s’agissait du ouï‑dire, mais cette observation ne permet aucunement de conclure que le demandeur n’était pas crédible.

[5]               L’avocate du demandeur fait valoir qu’il faut prendre les mots au pied de la lettre. Les problèmes de crédibilité doivent donc avoir influencé le raisonnement de la commissaire, même si elle n’a pas précisé ces problèmes. Par conséquent, la décision est déraisonnable, selon l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

[6]               Ce raisonnement me paraît quelque peu tautologique. Il faut examiner la crédibilité dans chaque demande d’asile. La commissaire énonçait simplement ce qui était évident. De plus, il existe au départ une présomption réfutable que le demandeur dit la vérité (Maldonado c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302, [1979] ACF no 248 (QL)). La commissaire n’a jamais affirmé que cette présomption avait été réfutée.

[7]               Il nous reste donc à examiner la question de la discrimination par rapport à la persécution et la question de la protection de l’État.

I.                   Discrimination et persécution

[8]               Même s’il s’est vu peut‑être refuser l’accès à l’éducation en raison de son origine rom et n’a pas fait d’études au‑delà de la 8e année, M. Ivancsik a travaillé plus ou moins régulièrement. On ne saurait reprocher à la commissaire d’avoir conclu que, d’un point de vue prospectif, ces événements qui remontaient loin dans le passé n’indiquaient pas l’existence de la persécution.

[9]               M. Ivancsik a été agressé en 2009 par un groupe de néo‑nazis, alors qu’il rentrait chez lui après le travail. Il a été agressé de nouveau en 2011. Dans son formulaire de renseignements personnels modifié, il a ajouté qu’à l’été 2010, il s’était fait éjecter d’un autobus par trois membres de la Garde hongroise (le dossier révèle que, même si la Garde hongroise avait été interdite à l’époque, ses successeurs avaient poursuivi leurs activités).

[10]           Il n’était pas déraisonnable pour la commissaire de conclure que ces agressions qu’il avait subies du fait de sa race n’équivalaient pas à de la persécution. Toutefois, même si cela était le cas, son analyse de la protection de l’État était satisfaisante.

II.                Protection de l’État

[11]           Bien qu’il ne soit pas suffisant que l’État exprime ses bonnes intentions de protéger ses citoyens, on ne saurait demander la perfection absolue. Il s’agit de déterminer le caractère adéquat de la protection. Il existe d’ailleurs une présomption qui doit être réfutée au moyen d’une preuve claire et convaincante que l’État refusait de protéger M. Ivancsik ou qu’il n’était pas en mesure de le faire (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689).

[12]           L’avocate du demandeur a présenté plusieurs décisions dans lesquelles la Cour a conclu que l’analyse de la protection de l’État en Hongrie effectuée par différents commissaires de la SPR était inadéquate. Ces décisions dépendent de la situation personnelle de la partie demanderesse, des conditions dans le pays, du raisonnement du commissaire saisi du dossier et de l’appréciation de ses motifs par la Cour.

[13]           L’analyse de la protection de l’État est très précise. Bien qu’il ait été une fois ostracisé et insulté par les forces policières locales, et qu’une autre fois la police ait refusé de mener enquête au motif qu’il n’y avait aucun témoin, M. Ivancsik n’est pas allé plus loin. Le dossier révèle l’existence d’ONG qui pouvaient l’aider à aller de l’avant et que, dans bien des cas, leur assistance s’est avérée efficace.

[14]           Le raisonnement de la commissaire en l’espèce est différent de celui suivi dans Biro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1120, [2012] ACF no 1282 (QL), et dans Pinter c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1119, [2012] ACF no 1204 (QL). Dans ces affaires, les commissaires ont remis en question la crédibilité des demandeurs parce qu’ils avaient estimé qu’il était déraisonnable de leur part d’affirmer que la police n’avait rien fait.

[15]           On peut trouver presque tout ce qu’on veut dans les documents sur la situation en Hongrie. Il s’agit de savoir si la commissaire avait fait une « sélection aléatoire ». Je suis d’avis que ce n’est pas le cas. Les Reports on Human Rights Practices pour 2012 sur la Hongrie publiés par le Département d’État des États‑Unis soulignent les mécanismes efficaces de l’État permettant d’enquêter sur les abus et la corruption et de punir les coupables. Dans son rapport de 2012, Amnistie internationale rappelle que la discrimination à l’égard des Roms reste bien ancrée. Toutefois, la Hungarian Civil Liberties Union (Association hongroise pour les libertés civiles) a déposé des plaintes auprès du procureur concernant des situations où la police avait omis de faire enquête. Le procureur a ordonné à la police de rouvrir l’enquête dans certains cas. Le cartable national de documentation du Canada sur la Garde hongroise indique l’intervention de la police et la réaction favorable de la part des groupes d’origine rom et juive.

[16]           Certes, il n’est pas nécessaire de jouer au héros et se faire tuer pour prouver son point de vue, mais il n’était pas déraisonnable pour la commissaire de conclure que M. Ivancsik s’était simplement empressé de rester à l’écart.

[17]           La commissaire a cité un rapport de 2008 qui ne figurait pas parmi les documents sur la situation au pays et qui faisait état de 12 agressions signalées contre des Roms cette année‑là. Selon la commissaire, il s’agissait d’un pourcentage relativement faible compte tenu de la population du pays. Elle aurait dû mentionner des rapports plus récents. Toutefois, ces rapports ne changent pas vraiment la situation. En effet, les chiffres sont élevés, mais les actes en question s’étendent sur une longue période et n’indiquent pas une augmentation des incidents de violence déclarés.

[18]           Par conséquent, compte tenu de la retenue dont il faut faire preuve envers la décision de la commissaire, on ne saurait affirmer que la décision était déraisonnable.


JUGEMENT

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS CI‑DESSUS;

LA COUR STATUE comme suit :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Sean Harrington »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-1551-13

 

INTITULÉ :

MIKLOS LASZLO IVANCSIK c MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 MAI 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS

LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 26 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Adela Crossley

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher Ezrin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet d’Adela Crossley

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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