Date :
Référence :
En présence de
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CAROLINA ORTIZ CABRERA
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WILSON ALEXIS MATEUS GORDILLO
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NATALIA MATEUS ORTIZ
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JUAN CAMILO MATEUS ORTIZ
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LILIANA LAILY MATEUS GORDILLO
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JORGE ENRIQUE MATEUS PUERTO
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DORALINA LAYLY GORDILLO DE MATEUS
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partie demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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partie défenderesse
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [le Tribunal] a statué que les demandeurs, citoyens de la Colombie, n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], parce qu’il existe une possibilité de refuge intérieur [PRI] dans leur pays de nationalité.
[2]
En premier lieu, le Tribunal doit être convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que les demandeurs d’asile ne risquent pas sérieusement d’être persécutés dans la partie du pays où il existe une possibilité de refuge, et deuxièmement, qu’il ne doit pas être déraisonnable pour ces derniers d’y chercher refuge, compte tenu de toutes les circonstances propres aux demandeurs. Si ces deux conditions sont rencontrées, il existe une PRI. C’est la norme de raisonnabilité qui s’applique à ces déterminations.
[3]
Les demandeurs disent craindre les Forces armées révolutionnaires de Colombie [FARC]. Le 4 novembre 2011, le demandeur principal, M. Wilson Alexis Mateus Gordillo [Gordillo], qui occupait alors un poste de directeur des opérations dans une entreprise de sécurité à Bogota, reçoit un appel d’un homme affirmant être un membre des FARC, qui lui demande de transporter quatre boîtes avec un véhicule de l’entreprise. Gordillo demande à réfléchir. Le 7 novembre 2011, il veut dénoncer l’appel, mais la police refuse de prendre sa déclaration. Se sentant en danger, Gordillo et son épouse déménagent dans l’appartement de sa sœur, Liliana Laily Mateus Gordillo [la sœur]. Gordillo reçoit un autre appel du FARC le 13 décembre. Sans mentionner les menaces de FARC à son patron ou à ses collègues, Gordillo quitte son travail le 23 décembre. Accompagné de sa femme et de ses deux enfants, Gordillo quitte la Colombie le 20 février 2012. La sœur dit avoir reçu des appels le 18 mai et le 8 juin 2012 d’un membre des FARC qui était à la recherche de son frère ; elle demande également l’asile.
[4]
En l’espèce, les demandeurs ne m’ont pas convaincu que la conclusion relative à l’existence d’une PRI est déraisonnable, de sorte que la présente demande de contrôle doit échouer. L’existence d’une PRI est ici un élément déterminant du raisonnement du Tribunal qui ne remet pas en cause la crainte subjective des demandeurs. Soulignons au passage que bien que le Tribunal n’ait pas tiré de conclusions quant la crédibilité de Gordillo ou des autres demandeurs, il semble remettre en question l’affirmation selon laquelle Gordillo il n’a pas dit à son employeur qu’il avait été abordé par les FARC : « [l]e tribunal estime que [Gordillo] a modifié son témoignage et qu’il est improbable que son employeur n’ait pas disposé de mesures suffisantes pour prévenir l’infiltration. »
[5]
Essentiellement, le Tribunal considère que la crainte de persécution des demandeurs n’a aucun fondement objectif et est spéculative. Dans un premier temps, le Tribunal conclut que les demandeurs pouvaient déménager à Medellín et que les FARC n’avaient pas la volonté de les y pourchasser. Bien que le Tribunal ait reconnu que « [l]es FARC conservent la capacité de traquer leurs victimes dans toute la Colombie », il a tranché que « les FARC n’utiliseraient pas de ressources pour retrouver [Gordillo] afin de se venger de lui. » Cette conclusion m’apparaît raisonnable. En référant aux documents COL103286.EF, 23 février 2010 et COL104332.EF, 9 avril 2013, le Tribunal a clairement cité la preuve au soutien de la conclusion que les FARC ont la capacité de cibler les victimes dans toute la Colombie mais traquent seulement les personnes qui, selon elles, sont « valables ». Spécifiquement, Gordillo « n’a pas le profil des personnes que les FARC poursuivent normalement dans toute la Colombie. » Il était employé dans une entreprise de sécurité, tandis que les personnes considérées comme importantes font habituellement partie de l’élite politique, du secteur des affaires, du milieu universitaire ou de la classe professionnelle. De plus, le rôle de Gordillo n’a pas été « d’une grande importance stratégique » puisqu’il était seulement appelé à transporter des boîtes.
[6]
D’un autre côté, force est de constater que les demandeurs n’ont présenté au Tribunal aucun élément de preuve démontrant que les organismes de sécurité sont considérés comme des « cibles » du FARC. Contrairement au demandeur dans l’affaire Morales c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 49 au para 27, [2012] ACF no 48, Gordillo n’est pas un ancien détective, un membre d’un des « principaux groupes à risque », selon le rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, daté du 27 mai 2010 (Morales, au para 16). Au demeurant, bien que le document COL104332.EF réfère à des anciens guérilleros qui ont collaboré avec les organismes de sécurité, on ne peut en déduire que les personnes ordinaires qui travaillent dans des organismes de sécurité sont des cibles du FARC.
[7]
En second lieu, le Tribunal s’est demandé s’il était raisonnable pour les demandeurs de déménager à Medellín. Je ne trouve rien de déraisonnable dans la conclusion du Tribunal que la deuxième partie du test pour l’existence d’une PRI était satisfaite également. Le Tribunal a tenu compte des circonstances particulières des demandeurs, incluant leur degré d’éducation et leurs possibilités d’emploi, et sa conclusion repose sur l’ensemble de la preuve au dossier.
[8]
Les procureurs conviennent que la présente demande ne soulève aucune question de droit d’importance générale méritant d’être certifiée par la Cour.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Luc Martineau »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
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INTITULÉ :
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 12 mai 2014
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MOTIFS
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DATE DES MOTIFS :
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LE
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COMPARUTIONS :
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Montréal (Québec)
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Montréal (Québec)
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