Date : 20140521
Dossier : IMM-1048-13
Référence : 2014 CF 460
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 21 mai 2014
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE : |
JEEVAN BARAILY SIDDHARTHA KUMAR BARAILY |
demandeurs |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
JUGEMENT ET MOTIFS
I. Introduction
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, dans laquelle la SAI a conclu que les demandeurs ne satisfaisaient pas à l’obligation de résidence prévue à l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), et que leur situation personnelle ne soulevait pas de considérations d’ordre humanitaire suffisantes pour rendre inopposable l’inobservation de l’obligation de résidence.
II. Les faits
[2] Le demandeur principal, M. Jeevan Baraily, son épouse, Mme Siddhartha Kumar Baraily, et leur enfant sont des citoyens du Népal.
[3] En octobre 2005, ils ont obtenu le droit d’établissement au Canada et des visas de résidents permanents. La famille a quitté le Canada en décembre 2005.
[4] Au moment de l’établissement des demandeurs au Canada, le demandeur principal travaillait à forfait pour une société canadienne, LEA International Ltd., à l’extérieur du Canada. La durée prévue du contrat de travail était de 42 mois, soit de mars 2004 à septembre 2007. Le demandeur principal a exécuté ce contrat.
[5] En septembre 2007, LEA International a demandé au demandeur principal de participer à un autre projet en Afrique pour une période de trois ans et il a accepté.
[6] En mars 2010, une nouvelle offre de contrat a été présentée au demandeur principal pour la gestion d’une crise relative à un projet en Inde. Le demandeur principal est retourné en Inde et a continué d’exécuter le contrat jusqu’en novembre 2010.
[7] En novembre 2010, les visas de résidents permanents des demandeurs ont expiré. Le demandeur principal est retourné au Canada et a présenté une demande de renouvellement de son visa de résident permanent. Il est demeuré au Canada jusqu’en mars 2011, date à laquelle il est retourné en Inde pour commencer un nouveau projet avec LEA International jusqu’en juin 2013.
[8] Le 14 avril 2011, un agent d’immigration a rejeté la demande de renouvellement du visa du demandeur principal, compte tenu du fait que son fils et lui ne satisfaisaient pas aux exigences en matière de résidence énoncées à l’article 28 de la LIPR.
[9] Les demandeurs ont interjeté appel de cette décision devant la SAI, et, le 22 janvier 2013, l’appel a été rejeté. C’est la décision rendue par la SAI dont la Cour est saisie.
III. La décision faisant l’objet du contrôle
[10] La SAI a conclu que le demandeur principal ne s’était pas conformé à son obligation de résidence applicable à la période quinquennale (du 25 mars 2006 au 25 mars 2011), étant donné qu’il n’avait pas établi qu’il était « affecté » à un poste à l’extérieur du Canada par une entreprise canadienne au titre de l’article 61 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).
[11] La SAI a souligné que le demandeur principal avait établi qu’il travaillait à temps plein pour une entreprise canadienne hors du Canada au cours de la période quinquennale; cependant, il n’a pas prouvé que le poste était une affectation temporaire. La SAI a conclu qu’elle ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que l’emploi du demandeur principal était temporaire ou que celui‑ci aurait un poste permanent au Canada à la fin de son contrat à l’étranger. La SAI a également souligné que le demandeur principal avait reçu des offres pour travailler au Canada, mais qu’il les avait refusées.
[12] En s’appuyant sur les décisions rendues par la Cour dans les affaires Canada (Citoyenneté et Immigration) c Jiang, 2011 CF 349, et Bi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 293, la SAI a jugé que le paragraphe 61(3) du Règlement exigeait que le demandeur principal prouve qu’il était affecté à un poste à l’extérieur du Canada de façon temporaire et qu’il gardait un lien de rattachement avec une entreprise canadienne; il serait donc susceptible de revenir au Canada à la fin de son affectation. La SAI a souligné que le lien de rattachement avec une entreprise canadienne exigeait que des éléments de preuve confirmant un engagement ferme dans le temps de la part de l’employeur permettent de conclure que l’employé réintégrerait un poste au Canada.
[13] La SAI a aussi conclu que la situation des demandeurs ne justifiait pas la prise de mesures pour des considérations d’ordre humanitaire. La SAI a jugé que les liens du demandeur principal avec le Canada étaient faibles. Le demandeur principal ne possédait aucun bien ni rien de particulier au Canada. Il n’avait pas non plus de liens familiaux ou sociaux au Canada. De plus, le demandeur principal a seulement séjourné au Canada quelques fois; il a été conclu qu’il n’avait été présent au Canada que pendant un total de 150 jours (son enfant mineur, 46 jours).
[14] La SAI a conclu que les demandeurs étaient principalement établis à l’extérieur du Canada et que, par conséquent, le rejet des demandes de visas n’occasionnerait pas, pour eux, des difficultés importantes, indues ou excessives.
IV. La question en litige
[15] La décision de la SAI est‑elle raisonnable?
V. Les dispositions législatives pertinentes
[16] La disposition législative pertinente en l’espèce est l’article 28 de la LIPR :
Obligation de résidence |
Residency obligation |
28. (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale. |
28. (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period. |
Application |
Application |
(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence : |
(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1): |
a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas : |
(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are: |
(i) il est effectivement présent au Canada, |
(i) physically present in Canada, |
(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, |
(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent, |
(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale, |
(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, |
(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale, |
(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or |
(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement; |
(v) referred to in regulations providing for other means of compliance; |
b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle; |
(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination |
|
(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident; |
|
(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and |
c) le constat par l’agent que des circonstances d’ordre humanitaire relatives au résident permanent — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — justifient le maintien du statut rend inopposable l’inobservation de l’obligation précédant le contrôle. |
(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination. |
[17] Les dispositions suivantes du Règlement sont aussi pertinentes :
Entreprise canadienne |
Canadian business |
61. (1) Sous réserve du paragraphe (2), pour l’application des sous‑alinéas 28(2)a)(iii) et (iv) de la Loi et du présent article, constitue une entreprise canadienne : |
61. (1) Subject to subsection (2), for the purposes of subparagraphs 28(2)(a)(iii) and (iv) of the Act and of this section, a Canadian business is |
a) toute société constituée sous le régime du droit fédéral ou provincial et exploitée de façon continue au Canada; |
(a) a corporation that is incorporated under the laws of Canada or of a province and that has an ongoing operation in Canada; |
b) toute entreprise non visée à l’alinéa a) qui est exploitée de façon continue au Canada et qui satisfait aux exigences suivantes : |
(b) an enterprise, other than a corporation described in paragraph (a), that has an ongoing operation in Canada and |
(i) elle est exploitée dans un but lucratif et elle est susceptible de produire des recettes, |
(i) that is capable of generating revenue and is carried on in anticipation of profit, and |
(ii) la majorité de ses actions avec droit de vote ou titres de participation sont détenus par des citoyens canadiens, des résidents permanents ou des entreprises canadiennes au sens du présent paragraphe; |
(ii) in which a majority of voting or ownership interests is held by Canadian citizens, permanent residents, or Canadian businesses as defined in this subsection; or |
c) toute organisation ou entreprise créée sous le régime du droit fédéral ou provincial. |
c) an organization or enterprise created under the laws of Canada or a province. |
Exclusion |
Exclusion |
(2) Il est entendu que l’entreprise dont le but principal est de permettre à un résident permanent de se conformer à l’obligation de résidence tout en résidant à l’extérieur du Canada ne constitue pas une entreprise canadienne. |
(2) For greater certainty, a Canadian business does not include a business that serves primarily to allow a permanent resident to comply with their residency obligation while residing outside Canada. |
Travail hors du Canada |
Employment outside Canada |
(3) Pour l’application des sous‑alinéas 28(2)a)(iii) et (iv) de la Loi respectivement, les expressions « travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale » et « travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale », à l’égard d’un résident permanent, signifient qu’il est l’employé ou le fournisseur de services à contrat d’une entreprise canadienne ou de l’administration publique, fédérale ou provinciale, et est affecté à temps plein, au titre de son emploi ou du contrat de fourniture : |
(3) For the purposes of subparagraphs 28(2)(a)(iii) and (iv) of the Act, the expression “employed on a full-time basis by a Canadian business or in the public service of Canada or of a province” means, in relation to a permanent resident, that the permanent resident is an employee of, or under contract to provide services to, a Canadian business or the public service of Canada or of a province, and is assigned on a full-time basis as a term of the employment or contract to |
a) soit à un poste à l’extérieur du Canada; |
(a) a position outside Canada; |
b) soit à une entreprise affiliée se trouvant à l’extérieur du Canada; |
(b) an affiliated enterprise outside Canada; or |
c) soit à un client de l’entreprise canadienne ou de l’administration publique se trouvant à l’extérieur du Canada. |
(c) a client of the Canadian business or the public service outside Canada. |
VI. La norme de contrôle
[18] C’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique à l’interprétation du paragraphe 61(3) du Règlement. Cette norme s’applique aussi à l’application du paragraphe 61(3) et à l’analyse, par la SAI, des considérations d’ordre humanitaire (Xi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 796).
VII. Analyse
[19] Les demandeurs cherchent principalement à contester les motifs que la Cour a rendus dans les décisions Jiang et Bi, précitées, en ce qui concerne l’interprétation du paragraphe 61(3) du Règlement. Les demandeurs soutiennent que l’analyse effectuée dans ces deux décisions ne concorde pas avec le libellé de la LIPR ou du Règlement, étant donné qu’aucun de ceux-ci n’exige qu’on examine la question de savoir si l’emploi est temporaire, si un lien de rattachement est gardé avec l’employeur canadien, ou si un résident permanent est retourné travailler au Canada après une affectation à l’étranger. Les demandeurs font valoir que le libellé de la LIPR exige seulement que le résident permanent travaille à l’étranger pour une société canadienne. La SAI a donc outrepassé sa compétence en exigeant que les demandeurs se conforment aux critères énoncés dans la décision Jiang.
[20] Subsidiairement, les demandeurs font valoir que le demandeur principal satisfait aux critères énoncés dans les décisions Jiang et Bi; le demandeur principal travaillait pour une société canadienne à l’étranger pour une affectation temporaire, il a gardé un lien de rattachement avec la société et il avait l’intention de retourner au Canada après son affectation à l’étranger.
[21] Comme l’interprétation du paragraphe 61(3) du Règlement a déjà été examinée par la Cour dans des décisions antérieures, dont les décisions récentes Xi, précitée, Wei c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1084, 418 FTR 78, Bi, précitée, et Jiang, précitée, la Cour ne fera pas une analyse approfondie du paragraphe 61(3).
[22] La Cour renvoie au résumé fait par le juge Richard Boivin dans la décision Jiang, précitée, pour ce qui est du cadre établi pour l’interprétation du paragraphe 61(3) :
[41] L’article 28 de la Loi énonce les obligations de résidence applicable à chaque période quinquennale. Le paragraphe 28(2)a)(iii) permet à un résident permanent de travailler hors du Canada à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale et d’être affecté à un poste à l’extérieur du Canada sans qu’il perde son statut de résident permanent.
[42] Le paragraphe 61(1) du Règlement vient expliciter ce qu’est une entreprise canadienne. Le paragraphe 61(2) exclut toute entreprise dont l’objectif principal serait de permettre à un résident permanent de satisfaire à son obligation de résidence alors qu’il est hors du Canada. De façon plus importante pour le cas sous étude, le paragraphe 61(3) fait référence notamment au sous‑alinéa 28(2)a)(iii) et définit plus précisément ce que signifie la notion de travail hors du Canada à l’égard d’un résident permanent. À la lecture du paragraphe 61(3) du Règlement qui explicite la notion de travail hors du Canada, la Cour note que le résident permanent doit être employé mais le législateur a ajouté la notion d’affectation, absente du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi.
[...]
[52] En l’espèce, il est difficile de soutenir que madame Jiang satisfait le critère « d’affectation » énoncé au Règlement. Le mot affectation dans le contexte du statut de résident permanent interprété à la lumière de la Loi et du Règlement implique nécessairement un facteur de rattachement avec l’employeur situé au Canada. Le mot « affecté » au paragraphe 61(3) du Règlement signifie qu’un individu, qui occupe un poste à l’extérieur du Canada de façon temporaire et garde un lien de rattachement avec une entreprise canadienne ou avec l’administration publique fédérale ou provinciale, est donc susceptible de revenir au Canada. […]
[53] La précision ajoutée par le législateur au paragraphe 61(3) du Règlement crée un équilibre entre l’obligation imposée au résident permanent de cumuler le nombre de jours requis en vertu de la Loi tout en reconnaissant les occasions qui peuvent s’offrir aux résidents permanents d’aller travailler à l’étranger.
[54] Par conséquent, la Cour est d’avis que, compte tenu de la preuve au dossier, la conclusion du Tribunal à l’effet que tout résident permanent qui occupe à temps plein un poste à l’extérieur du Canada pour une entreprise canadienne éligible peut cumuler des jours permettant de s’acquitter de l’obligation de résidence énoncée à l’article 28 de la Loi, est déraisonnable. [Non souligné dans l’original.]
[23] En l’espèce, la Cour conclut que l’analyse effectuée par la SAI à l’égard du paragraphe 61(3) est conforme à la jurisprudence et est raisonnable. En appliquant la décision Jiang, la SAI a raisonnablement conclu que le paragraphe 61(3) exigeait que le demandeur principal établisse que son affectation était une affectation à temps plein temporaire à l’extérieur du Canada, qu’il garde un lien de rattachement avec une entreprise canadienne, et qu’il pourrait continuer de travailler pour son employeur au Canada après l’affectation.
[24] Contrairement à ce que les demandeurs font valoir, la Cour est d’avis qu’elle n’a aucune raison de ne pas suivre les décisions Jiang ou Bi, précitées. Comme les demandeurs n’ont pas établi que les faits et les éléments de preuve ne sont pas les mêmes en l’espèce et dans les décisions, que les questions à trancher sont différentes, que les décisions n’ont pas examiné la loi ou la jurisprudence qui auraient donné lieu à un résultat différent ou que les décisions suivies créeraient une injustice, le principe de la courtoisie judiciaire s’applique (Xi, précitée, au paragraphe 51).
[25] La Cour ne souscrit pas à l’affirmation des demandeurs selon laquelle le paragraphe 61(3) du Règlement permet aux résidents permanents de cumuler des jours en vue de s’acquitter de leur obligation de résidence par le simple fait d’être embauchés à temps plein par une entreprise canadienne à l’extérieur du Canada. Accepter une telle interprétation du paragraphe 61(3) irait à l’encontre de l’objet énoncé à l’alinéa 3(1)e) de la LIPR, soit « de promouvoir l’intégration des résidents permanents au Canada ». Il serait difficile de dire que la LIPR a pour objet de promouvoir « l’intégration » des résidents permanents au Canada si elle exempte les immigrants de s’établir au Canada du seul fait qu’ils travaillent pour une société canadienne à l’étranger. De toute évidence, l’intention du législateur, lorsqu’il a imposé l’obligation de résidence quinquennale, était d’empêcher ce genre de situations. Cette intention ressort également du paragraphe 61(2) du Règlement, qui exclut de la définition de l’expression « entreprise canadienne » au sens du paragraphe 61(1) les entreprises dont le but principal est de permettre à un résident permanent de se conformer à son obligation de résidence tout en résidant à l’extérieur du Canada. On pourrait aussi dire que l’interprétation des demandeurs serait incompatible avec l’objet énoncé à l’alinéa 3(1)a) de la LIPR, soit « de permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques ».
[26] Tout comme dans la décision Jiang, précitée, le demandeur principal en l’espèce n’a pas été « affecté » à un poste à l’extérieur du Canada de façon temporaire, ce qui lui aurait permis de retourner au Canada pour continuer à travailler pour son employeur une fois qu’il aurait terminé son travail à l’étranger. Les contrats qu’il a acceptés ne comportaient que des emplois à l’extérieur du Canada depuis qu’il a été embauché par son employeur. À la fin de chaque contrat, malgré ses intentions peut‑être, le demandeur principal était par la suite embauché de nouveau à temps plein pour continuer à travailler à l’extérieur du Canada. Le dossier ne renferme aucun élément de preuve selon lequel LEA International ait jamais eu l’intention de faire au demandeur principal une offre officielle ou une promesse tangible de le réinstaller au Canada à la fin de ses contrats pour les besoins des exigences législatives pertinentes en l’espèce.
[27] Dans son témoignage à l’audience devant la SAI, le demandeur a affirmé que son employeur lui avait fourni une [traduction] « certaine garantie » en ce qui concerne la possibilité qu’il ait un poste au Canada lorsqu’il aurait terminé son travail à l’étranger (décision de la SAI, au paragraphe 12); cependant, la Cour convient qu’à lui seul, cet élément de preuve ne suffit pas pour établir que le demandeur principal continuerait à travailler pour son employeur au Canada à la fin de son contrat.
[28] Malheureusement pour le demandeur principal, il a choisi de travailler pour une société qui exigeait qu’il travaille exclusivement à l’extérieur du Canada. Il a donc tissé des liens certes faibles au Canada, qui n’étaient pas suffisants pour satisfaire aux exigences de la LIPR. Le demandeur principal ne possède aucun bien ni rien de particulier au Canada. Il n’a pas non plus de liens familiaux ou sociaux au Canada. Il a aussi seulement séjourné au Canada quelques fois avant que la SAI ne rende sa décision; il a résidé au Canada pendant un total de 150 jours (son enfant mineur, 46 jours) au cours des quelque huit années où il a travaillé pour LEA International.
[29] Compte tenu de ces faits, la Cour conclut également qu’il était raisonnable pour la SAI de conclure que la perte de leur statut de résident permanent au Canada n’occasionnait pas, pour les demandeurs, des difficultés suffisantes pour justifier la prise de mesures pour des considérations d’ordre humanitaire.
[30] Contrairement à ce que les demandeurs ont fait valoir, la bonne foi du demandeur principal n’a jamais été mise en doute par la SAI. Celle‑ci a expressément tenu compte des bonnes intentions du demandeur principal dans ses motifs, et a reconnu que ses compétences et son engagement envers LEA International étaient, du moins en partie, la raison pour laquelle il avait continué de travailler à l’étranger. Toutefois, il a été jugé que la volonté du demandeur principal d’assurer le succès des projets de son employeur canadien à l’étranger n’était pas suffisante pour rendre inopposable l’inobservation de l’obligation de résidence. La Cour est d’accord avec la SAI.
[31] Il est important de souligner que rien n’empêche les demandeurs de présenter une nouvelle demande de résidence permanente lorsqu’ils pourront satisfaire aux exigences de la LIPR, ou, s’ils disposent de nouveaux éléments de preuve pour les besoins de leur dossier, aux exigences clairement démontrées qui leur permettront d’apporter, au moyen de la société pour laquelle le demandeur principal travaille ou d’une autre entité, la preuve nécessaire d’un engagement ferme par une société canadienne, ce qui leur permettra de satisfaire aux exigences législatives précisées.
VIII. Conclusion
[32] Pour tous les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs sera rejetée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et que l’affaire ne soulève aucune question de portée générale devant être certifiée.
« Michel M.J. Shore »
Juge
Traduction certifiée conforme
Marie-Christine Gervais, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-1048-13
|
INTITULÉ : |
JEEVAN BARAILY, SIDDHARTHA KUMAR BARAILY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE : |
toronto (ontario)
|
DATE DE L’AUDIENCE : |
le 6 mai 2014
|
jugement et MOTIFS : |
le juge SHORE
|
DATE : |
le 21 mai 2014
|
COMPARUTIONS :
Matthew Jeffery
|
pour les demandeurs
|
Laoura Christodoulides
|
pour le défendeur
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Matthew Jeffery Avocat Toronto (Ontario)
|
pour les demandeurs
|
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
|
pour le défendeur
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