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Date : 20140131


Dossiers :

T‑1101‑13

T‑1325‑13

T‑1603‑13

 

Référence : 2014 CF 119

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa, le 31 janvier 2014

En présence du juge en chef

Dossier :

T‑1101‑13

 

ENTRE :

GARY SAUVÉ

 

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

et

MONECO SOBECO

 

partie à l’action

 

Dossier :

T‑1325‑13

 

ENTRE :

GARY SAUVÉ

 

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

défenderesse

et

MONECO SOBECO

 

partie à l’action

 

Dossier :

T‑1603‑13

 

ET ENTRE :

GARY SAUVÉ

 

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

défenderesse

 

MOTIFS DES ORDONNANCES ET ORDONNANCES

[1]               Les présents motifs ont trait à deux requêtes en cautionnement pour dépens présentées pour le compte de la défenderesse, la Gendarmerie royale du Canada [GRC], lesquelles ont été entendues ensemble le 18 décembre 2013 à Ottawa. Une de ces requêtes concerne le dossier de la Cour T‑1101‑13, tandis que l’autre a trait aux dossiers de la Cour T‑1325‑13 et T‑1603‑13. Pour les motifs qui suivent, ces requêtes seront accueillies, avec modifications.

 

I.          Contexte

 

[2]               M. Sauvé est un ancien membre de la GRC. Il a été congédié après avoir été déclaré coupable de deux chefs de harcèlement criminel à l’endroit de son ex‑épouse.

 

[3]               M. Sauvé a maintenant déposé huit actions en dommages‑intérêts contre la GRC devant la Cour pour des sommes qu’il estime que l’organisation lui doit en raison du harcèlement dont il aurait été victime et d’autres actes illégitimes et violations de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R‑U), 1982, c 11 [Charte]. Il a également présenté une demande de contrôle judiciaire (T‑1101‑13) dont il sera question plus loin.

 

[4]               Jusqu’à maintenant, M. Sauvé a comparu devant la Cour et la Cour d’appel fédérale [CAF] dans le cadre de plus de 50 requêtes, conférences de gestion de cas, conférences préalables à l’instruction et appels relativement aux actions et à la demande de contrôle judiciaire susmentionnées. Dans la plupart des cas, il n’était pas représenté par un avocat.

 

[5]               Dans des ordonnances distinctes dûment consignées accordant le cautionnement pour dépens à la défenderesse dans les dossiers de la Cour T‑447‑10 et T‑682‑10, qui ont été rendues avant le dépôt des deux actions mentionnées au paragraphe 1 des présents motifs, la protonotaire Aronovitch a indiqué que les six autres actions de M. Sauvé contre la GRC étaient [traduction] « très répétitives » (Sauvé c Sa Majesté la Reine et al, dossier T‑447‑10, 3 février 2011 (CF) [Sauvé T‑447‑10]; Sauvé c Sa Majesté la Reine et al, dossier T‑682‑10, 3 février 2011).

 

II.        Question préliminaire

 

[6]               À l’audition des requêtes, au début de ses observations orales, M. Sauvé a demandé une autre date d’audience parce qu’il ne croyait pas que je tiendrais une audience équitable. À l’appui de cette allégation, il a affirmé que je n’avais pas écouté ce qu’il avait dit la dernière fois qu’il avait comparu devant moi au milieu de 2011. Cette audience avait trait à un appel d’une ordonnance par laquelle la protonotaire Aronovitch avait radié l’intégralité de l’action de M. Sauvé dans le dossier T‑1‑10 et rejeté cette action. Dans des motifs assez étayés de 27 pages, j’ai rejeté l’appel de M. Sauvé après avoir procédé à un examen de novo en fonction du fait que la décision de la protonotaire Aronovitch concernait une question déterminante pour l’issue de l’affaire. Dans mes motifs du jugement, qui, au dire de M. Sauvé, étaient beaucoup trop longs, je me suis efforcé de traiter de chacun des motifs d’appel de M. Sauvé. L’appel interjeté par M. Sauvé à l’égard de mon jugement a été rejeté par la CAF dans une décision très courte (Sauvé c Sa Majesté la Reine et al, 2012 CAF 280). 

 

[7]               Outre l’affaire décrite dans le paragraphe précédent, M. Sauvé a comparu devant moi à une autre occasion, au début de 2011. Cette audience visait une requête présentée par la partie défenderesse dans le dossier de la Cour T‑996‑09 visant à faire protéger la confidentialité de certains renseignements qui avaient été déposés à la Cour et admettre certains autres recours. En accueillant cette requête, j’ai ordonné, entre autres, que les versions non confidentielles de certains documents que M. Sauvé avait déposés soient caviardées afin de supprimer (i) toute mention d’un informateur de la GRC et (ii) tous les autres renseignements qui pourraient permettre d’identifier cet informateur. Au cours de l’audition des présentes requêtes, M. Sauvé n’a pas contesté ma décision dans cette affaire.

 

[8]               Je refuse de me récuser de l’audition des présentes requêtes, car je ne crois pas qu’après réflexion, une personne informée et raisonnable, considérant l’affaire de façon réaliste et pratique, puisse raisonnablement croire que j’ai un parti pris contre M. Sauvé (Committee for Justice and Liberty et al c Canada (Office national de l’énergie) et al, [1978] 1 RCS 369, à 394; Bande indienne Wewaykum c Canada, [2003] 2 RCS, 259, au paragraphe 74).

 

[9]               Par ailleurs, je ne crois pas être partial à l’égard des affaires intéressant M. Sauvé. Comme il est indiqué dans la transcription de l’audience, je l’ai informé de ma position et invité à interjeter appel de la présente décision devant la CAF s’il ne partage pas mon avis après lecture de mes motifs.

 

III.       Dispositions pertinentes

 

[10]           Les requêtes ont été présentées en vertu de l’alinéa 416(1)f) et, s’agissant des dossiers de la Cour T‑1325‑13 et T‑1603‑13, de l’alinéa 416(1)g) des Règles des Cours fédérales, DORS/2004‑283, article 2 [Règles].

 

[11]           Aux termes du paragraphe 416(1) des Règles, la Cour peut ordonner à un demandeur de fournir le cautionnement pour les dépens qui pourraient être adjugés au défendeur, notamment dans les situations suivantes :

f)       le défendeur a obtenu une ordonnance contre le demandeur pour les dépens afférents à la même instance ou à une autre instance et ces dépens demeurent impayés en totalité ou en partie;

 

g)      il y a lieu de croire que l’action est frivole ou vexatoire et que le demandeur ne détient pas au Canada des actifs suffisants pour payer les dépens s’il lui est ordonné de le faire […]

 

[12]           Lorsque la Cour rend une ordonnance en application du paragraphe 416(1) des Règles, le demandeur ne peut prendre de nouvelles mesures dans l’instance jusqu’à ce que le cautionnement soit fourni, sauf ordonnance contraire de la Cour (paragraphe 416(3) des Règles).

 

[13]           Nonobstant ce qui précède, l’article 417 des Règles dispose que la Cour peut refuser d’ordonner la fourniture d’un cautionnement pour les dépens dans les situations visées entre autres aux alinéas 416(1)f) et g) si le demandeur fait la preuve de son indigence et si elle est convaincue du bien‑fondé de la cause.

 

[14]           Les dispositions précédentes s’appliquent également aux demandes dont est saisie la Cour (Chaudhry c Canada (Procureur général), 2009 CAF 237, au paragraphe 12; article 415 des Règles).

 

[15]           Aux termes du paragraphe 400(1) des Règles, la Cour a entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les payer.

 

IV.       Analyse 

 

            a)         Existence à première vue droit de la GRC au cautionnement pour dépens

 

[16]           Un défendeur a à première vue droit au cautionnement pour dépens dès lorsqu’il démontre que l’exigence énoncée à l’alinéa 416(1)f) des Règles a été respectée, soit que le défendeur a obtenu une ordonnance contre le demandeur pour les dépens afférents à la même instance ou à une autre instance et ces dépens demeurent impayés en totalité ou en partie (Sauvé c Sa Majesté la Reine, 2011 CF 1081, au paragraphe 14 [Sauvé 2011 CF 1081]; confirmé par 2012 CAF 287 [Sauvé CAF], au paragraphe 6).

 

[17]           Lors de l’audience relative aux présentes requêtes, M. Sauvé a expressément refusé de contester la preuve de la GRC selon laquelle un montant de 41 886,58 $ en dépens qu’il lui a été ordonné de verser dans le cadre de nombreuses instances remontant jusqu’à juin 2009, instruites tant par la Cour que la CAF, demeure impayé. Par conséquent, la défenderesse a à première vue droit au cautionnement pour dépens.

 

b)         Indigence alléguée de M. Sauvé

 

[18]           Pour satisfaire aux exigences de l’article 417 des Règles, et ainsi supprimer le droit à première vue de la GRC au cautionnement pour dépens, M. Sauvé doit faire la preuve (i) de son indigence et (ii) du bien‑fondé de la cause sous‑jacente aux présentes requêtes.

 

[19]           Lorsqu’un demandeur n’est pas représenté par un avocat, la Cour doit faire preuve de beaucoup de souplesse dans l’évaluation de ses actes de procédures, de ses observations et de sa preuve. Cependant, il ne faut pas que cette souplesse confère au demandeur des droits additionnels ou des dispenses spéciales (Sauvé 2011 CF 1081, au paragraphe 28).

 

[20]           Pour faire la preuve de l’indigence, la norme exigée est élevée. Plus précisément, on exige une divulgation franche et complète, et le fardeau incombant au demandeur doit être repoussé « de façon particulièrement robuste » afin qu’aucune question importante ne soit laissée sans réponse (Heli Tech Services (Canada) Ltd c Weyerhaeuser Company, 2006 CF 1169, au paragraphe 8 [Heli Tech]).

 

[21]           À au moins trois occasions différentes, cela a été expliqué à M. Sauvé. La dernière fois, dans l’arrêt Sauvé CAF, précité, le juge Mainville a déclaré ce qui suit :

[9]        La seule preuve que l’appelant a présentée au soutien de son allégation d’indigence se limite à de simples affirmations. Une simple affirmation d’une partie au litige selon laquelle elle n’a pas les moyens de fournir un cautionnement pour les dépens est manifestement insuffisante pour déclencher l’application de l’article 417 des Règles : B‑Filer Inc. c Bank of Nova Scotia, 2007 CAF 409; 371 NR 292, aux paragraphes 9 à 11; Chaudhry c Canada (Procureur général), 2009 CAF 237, 393 NR 67, au paragraphe 10.

 

[10]      Des éléments de preuve importants doivent être présentés au soutien d’une allégation d’indigence, y compris des renseignements financiers clairs et complets sous une forme compréhensible. Des déclarations de revenus, des relevés bancaires, des listes d’éléments d’actif et des états financiers (si possible) devraient être fournis. Une preuve de l’impossibilité de contracter un emprunt d’une tierce partie pour respecter l’ordonnance de cautionnement devrait également être présentée. L’accès aux ressources familiales et communautaires devrait aussi être envisagé. Aucune question importante ne devrait être laissée sans réponse.

 

[22]           Après avoir indiqué que M. Sauvé n’avait pas présenté de tels éléments de preuve, le juge Mainville a rejeté l’appel de l’ordonnance faisant droit à la demande de cautionnement pour dépens rendue par la protonotaire Aronovitch et confirmée par le juge Martineau, qui avaient tous les deux clairement expliqué les principes généraux présentés ci‑dessus.

 

[23]           Dans les dossiers qu’il a déposés à l’appui des requêtes, M. Sauvé a présenté un affidavit dans lequel il affirme, entre autres, ce qui suit : il n’a pas reçu de revenu d’emploi, d’allocation d’invalidité, de prestations de pension ni toute autre forme de rémunération ou d’indemnisation de la GRC depuis la suspension de son salaire et de ses avantages sociaux en 2005; il n’était pas autorisé à occuper un autre poste pendant qu’il était toujours officiellement employé par la GRC, soit jusqu’en 2010; il est indigent, invalide et itinérant; il est obligé d’habiter avec différents amis de façon temporaire ou dans la rue; il dépend entièrement de la générosité de ses amis, des membres de sa famille et des banques alimentaires, il doit de l’argent à beaucoup de gens; il n’a pas d’argent, de revenu, de véhicule, de propriété ou d’autres biens de valeur; et, par conséquent, il est incapable de payer les honoraires d’un avocat ou le cautionnement pour dépens. M. Sauvé a également inclus dans un de ses dossiers de requête la transcription de son contre‑interrogatoire sous serment tenu le 29 mai 2009, dans lequel il a fait des déclarations semblables.

 

[24]           Par ailleurs, dans la copie de sa déclaration de revenus pour l’année 2012 qu’il a fournie à la Cour, M. Sauvé a déclaré un revenu total de ‑1 219,70 $, malgré un revenu de location déclaré de 6 600 $.

 

[25]           Je comprends que la situation financière de M. Sauvé est très difficile. Cependant, le fait de montrer qu’il vit une telle situation ne constitue pas une preuve de son indigence aux fins de l’article 417 des Règles. Je suis très troublé par le fait que M. Sauvé continue de faire fi des directives que lui ont données la Cour et la CAF concernant la nature des éléments nécessaires pour faire la preuve de son indigence. Comme l’a mentionné la GRC, M. Sauvé continue de refuser de présenter des éléments de preuve corroborant ses simples allégations au sujet de sa situation financière, comme la preuve de son incapacité d’emprunter de l’argent auprès de l’une ou de plusieurs des personnes qui, selon ses dires, lui en ont déjà prêté, notamment pour financer les nombreuses poursuites qu’il a intentées contre la GRC jusqu’à maintenant, la preuve qu’il n’a pas d’argent en banque ni d’autres actifs financiers et une preuve de la valeur de la propriété dont il tire un revenu de location et des dépenses qui y sont liées.

 

[26]           Par conséquent, j’ai conclu à contrecœur que M. Sauvé ne s’était pas acquitté du fardeau de faire une divulgation franche et complète concernant son indigence. En bref, il continue d’omettre de présenter les éléments de preuve particulièrement robustes requis pour étayer ses allégations. Des questions importantes concernant sa capacité de payer le cautionnement pour dépens restent donc sans réponse (décision Heli Tech, précitée), et il n’apparaît pas clairement que l’effet de l’ordonnance de cautionnement pour dépens empêcherait M. Sauvé de présenter une demande par ailleurs bien fondée (arrêt Sauvé CAF, précité, au paragraphe 7).

 

[27]           Au cas où j’aurais commis une erreur en concluant que M. Sauvé n’avait pas présenté une preuve suffisante de son indigence et ainsi écarté le droit à première vue de la GRC au cautionnement pour dépens, j’examinerai maintenant brièvement le bien‑fondé de la demande et des deux actions faisant l’objet des requêtes.

 

c)         Bien‑fondé de l’instance

                        (i)         T‑1101‑13

[28]           Le dossier de la Cour T‑1101‑13 concerne une demande de contrôle judiciaire. Dans l’avis de demande de contrôle judiciaire qu’il a présenté le 21 juin 2013, M. Sauvé cherche entre autres à obtenir une ordonnance annulant les deux « décisions » suivantes : (i) la décision, datée du 28 janvier 2010, par laquelle un comité d’arbitrage de la GRC a congédié M. Sauvé [décision de congédiement] et (ii) la décision qui, selon M. Sauvé, a été prise par M. Craig MacMillan, commissaire adjoint et agent d’intégrité professionnelle de la GRC, dans une lettre datée du 5 avril 2013 [lettre]. Dans la lettre, M. Sauvé était notamment informé du fait qu’il ne pouvait présenter de grief au commissaire de la GRC à l’égard d’une ordonnance, rendue en janvier 2005, [ordonnance de 2005] suspendant son salaire et ses avantages sociaux, parce qu’il n’avait pas déposé de grief au niveau II concernant cette ordonnance dans les délais prescrits.

 

[29]           Dans l’affidavit qu’il a déposé à l’appui de sa demande dans le dossier T‑1101‑13, M. Sauvé semble également solliciter le contrôle judiciaire de la décision de congédiement et de l’ordonnance de 2005 mentionnée dans la lettre.

 

[30]           Je ne suis pas certain que le contenu de la lettre constitue une mesure administrative susceptible de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, 1985, c F‑7, modifiée [Loi], puisque la lettre décrit simplement l’effet juridique de l’omission de M. Sauvé de déposer son grief au niveau II dans les délais prescrits. Elle ne contenait pas de décision qui portait atteinte aux droits de M. Sauvé, lui imposait des obligations juridiques ou entraînait des effets préjudiciables (Air Canada c Administration portuaire de Toronto et al, 2011 CAF 347, paragraphes 21‑42).

 

[31]           Par ailleurs, aux termes de l’article 302 des Règles, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance ou décision.

 

[32]           En outre, la demande de M. Sauvé concernant la lettre et la décision de congédiement a été présentée bien après le délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi.

 

[33]           Enfin, M. Sauvé n’a pas encore épuisé tous les recours à sa disposition relativement à la décision de congédiement. Plus précisément, il n’a pas demandé de prorogation de délai pour présenter son appel en application de l’article 45.14 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, c R‑10.

 

[34]           Dans une lettre datée du 15 juillet 2013, M. Sauvé a été informé de la position de la GRC à l’égard des points susmentionnés, mais il n’en a pas traité dans ses observations écrites et orales relatives aux présentes requêtes.

 

[35]           Contrairement à la position de M. Sauvé, rien dans l’affidavit déposé à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour T‑1101‑13 ou dans les nombreuses pièces versées au dossier à l’égard des questions susmentionnées, y compris en ce qui concerne son indigence alléguée.

 

[36]            À la lumière de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincu que M. Sauvé a démontré de façon adéquate, aux fins de l’article 417 des Règles, le bien‑fondé de sa cause dans le dossier de la Cour T‑1101‑13.

 

(ii)        T‑1325‑13

[37]           Le dossier de la Cour T‑1325‑13 concerne une action intentée par M. Sauvé le 6 août 2013. Dans sa déclaration, M. Sauvé sollicite environ trois millions de dollars en dommages‑intérêts généraux, majorés et punitifs contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et Moneco Sobeco, partie à l’action, pour des violations alléguées de la Charte, divers dommages physiques et psychologiques, une perte de revenus et d’avantages reliés à l’emploi et d’autres préjudices allégués, qui découlent tous de la détérioration de sa relation avec la GRC, notamment des prétendues violations des procédures de règlement des griefs et le non‑respect de la procédure de la GRC en matière disciplinaire.

 

[38]           La déclaration présentée par M. Sauvé est très longue, alambiquée et répétitive. En résumé, il allègue que la GRC l’a menacé, intimidé et harcelé pendant plusieurs années après sa suspension en février 2005; a indûment suspendu son salaire et certains avantages sociaux à ce moment‑là; a omis de signifier des documents à son avocat; a cessé de lui fournir les services d’un avocat de la GRC juste avant son audience disciplinaire; a intentionnellement fait en sorte qu’il ait peu de liquidités et ignore les procédures applicables à l’égard des diverses instances; a refusé de lui remettre les documents dont il avait besoin pour obtenir des prestations du régime d’assurance‑maladie de l’Ontario; n’a pas payé les intérêts ou les dommages‑intérêts relatifs au paiement des congés annuels et des congés compensatoires qu’il avait accumulés; n’a pas respecté les procédures de règlement des griefs et les procédures en matière disciplinaire; n’a pas voulu reconnaître ses dommages physiques et psychologiques; a violé les principes d’équité procédurale à maintes reprises dans le cadre de ces instances; n’a pas tenu compte de ses dommages physiques et psychologiques pendant ces instances, lui causant ainsi préjudice; a détruit des documents après l’expiration du délai; a mis un terme le 11 août 2011 à son assurance médicale et dentaire et à d’autres avantages sociaux; de février 2005 au 11 août 2011, a cessé le versement de ses cotisations au régime de pension et de ses primes d’assurance; et ne lui a pas versé d’indemnité de départ pour la période allant du 25 juin 1986 au 11 août 2011.

 

[39]           Aux paragraphes 4 à 85 de sa déclaration, M. Sauvé répète également, aux fins uniquement de présentation du contexte et non dans le but de remettre les questions en litige, une longue liste d’allégations qu’il avait faites dans le cadre d’autres instances devant la Cour.

 

[40]           La GRC soutient que l’action dans le dossier T‑1325‑13 est dénuée de toute chance de succès, car les allégations soulevées ont déjà fait ou font actuellement l’objet d’autres instances devant la Cour ou ont été radiées. À l’appui de cette position, la GRC a présenté un tableau utile à l’onglet 3J de son dossier de requête. La GRC a également soutenu à l’audition des requêtes que toute nouvelle allégation soulevée par M. Sauvé dans le cadre de cette action ne constituait pas une cause d’action.

 

[41]           Le terme « bien‑fondé » contenu à l’article 417 des Règles a été défini comme désignant une affaire qui « mérite d’être examinée » (Lavigne c Canada (Commission des droits de la personne), 2010 CF 1038, paragraphes 19‑20). Selon moi, il s’agit d’une autre façon de dire que l’affaire soulève une question importante à trancher. Ce seuil est plus élevé que celui qui consiste à déterminer « […] s’il est évident et manifeste [que la demande] ne révèle aucune cause d’action raisonnable », lequel est appliqué dans les requêtes en radiation. Selon moi, un seuil plus élevé est approprié pour déterminer le bien‑fondé d’une affaire au sens de l’article 417 des Règles en raison de l’objet de cette disposition, qui est de donner à la Cour le pouvoir de refuser d’ordonner la fourniture d’un cautionnement pour dépens dans des situations où une telle ordonnance aurait autrement pu être rendue. Il importe également de mentionner que, contrairement à une requête en radiation où il incombe au défendeur de prouver que l’action n’est pas fondée, le fardeau est imposé au demandeur aux termes de l’article 417 des Règles. Ainsi, en l’espèce, M. Sauvé doit convaincre la Cour que sa cause est suffisamment fondée pour être dégagé de l’obligation de fournir un cautionnement pour dépens. Par ailleurs, même si la Cour juge que M. Sauvé ne s’est pas acquitté de ce fardeau, cela ne veut pas dire que l’action devrait être radiée.

 

[42]           Aux fins de la requête en cautionnement pour dépens, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que M. Sauvé n’a pas démontré dans sa déclaration dans le dossier T‑1325‑13 que sa cause était fondée ou soulevait une question importante à trancher.

 

[43]           Les allégations soulevées par M. Sauvé dans le dossier T‑1325‑13 contre la GRC et Moneco Sobeco pour des prétendues violations de la Charte, divers dommages physiques et psychologiques, une perte de revenus et d’avantages reliés à l’emploi, des prétendues violations des procédures de règlement des griefs et des procédures de la GRC en matière disciplinaire et d’autres préjudices, ressemblent grandement aux allégations qu’il a soulevées contre la GRC et Moneco Sobeco dans le cadre d’autres actions déposées devant la Cour (décision Sauvé T‑447‑10, précitée; Sauvé c Canada (T‑682‑10, 16 janvier 2013, protonotaire Tabib) [Sauvé T‑682‑10]; Sauvé c Canada (T‑682‑10, 3 février 2011, protonotaire Aronovitch); Sauvé c Canada, 2009 CF 1011 (T‑996‑09, 6 octobre 2009, juge Mainville) [Sauvé T‑996‑09]; Sauvé c Canada (T‑1646‑08, 12 juin 2009, juge Hansen) [Sauvé T‑1648‑08]).

 

[44]           Les diverses allégations que M. Sauvé a soulevées dans le dossier T‑1325‑13 sont présentées ci‑dessous, tout comme les autres actions dans lesquelles essentiellement les mêmes allégations ont été soulevées.

Allégations formulées dans le dossier T‑1325‑13

Dossiers dans lesquels la même allégation a essentiellement été formulée

Menaces, intimidation, discrimination et harcèlement par les représentants de la GRC à la suite de sa suspension en 2005

T‑1‑10; T‑996‑09; T‑447‑10; T‑682‑10

Suspension indue du salaire et de certains avantages sociaux après sa suspension

T‑996‑09; T‑682‑10; T‑447‑10; T‑1‑10

Omission de signifier des documents à son avocat

T‑447‑10, T‑996‑09

Retrait de l’avocat interne de la GRC juste avant l’audience disciplinaire

T‑1101‑13; T‑447‑10

Intentionnellement faire en sorte qu’il ait peu de liquidités et qu’il ignore les procédures applicables à l’égard de diverses instances

T‑682‑10

Non‑respect des procédures de règlement des griefs et des procédures en matière disciplinaire

T‑682‑10

Violation des principes d’équité procédurale de diverses façons dans le cadre des procédures de règlement des griefs et des procédures en matière disciplinaire, notamment la tenue tardive de l’audience disciplinaire et la tenue de cette audience sans la présence de M. Sauvé ou de son représentant.

T‑1101‑13; T‑682‑10 ; T‑1646‑08

 

Interruption du versement de ses cotisations au régime de pension et de ses primes d’assurance de février 2005 à août 2011

T‑996‑09 (assurance‑vie), T‑1646‑08 (assurance‑vie)

Prétendue violation des articles 7, 12 et 15 de la Charte

T‑682‑10; T‑996‑09; T‑1‑10; T‑1752‑06; T‑447‑10

Violation du droit de M. Sauvé de travailler et de soutenir financièrement sa famille

T‑682‑10; T‑996‑09; T‑447‑10

Refus de reconnaître les dommages qu’il a subis en raison de six ans et demi de harcèlement, de discrimination et de préjudice, au cours desquels il a été battu, torturé et menacé et s’est vu infliger de mauvais traitements

T‑1‑10; T‑996‑09; T‑447‑10; T‑682‑10

Refus de verser les intérêts ou les dommages‑intérêts relatifs au paiement des congés annuels ou des congés compensatoires accumulés

T‑996‑09

Refus de lui fournir les documents requis pour qu’il puisse obtenir des prestations du régime d’assurance‑maladie de l’Ontario

 

Destruction de documents après l’expiration du délai

 

Fin de l’assurance médicale et dentaire et de certains autres avantages sociaux le 11 août 2011

 

Refus de lui verser son indemnité de départ correspondant à sa période d’emploi alléguée (du 25 juin 1986 au 11 août 2011)

 

 

 

[45]           Il y a abus de procédure quand le demandeur intente de multiples procédures en justice fondées sur les mêmes faits ou circonstances, même lorsqu’un litige antérieur a été rejeté pour des motifs procéduraux (décision Sauvé T‑682‑10, précitée; décision Sauvé T‑996‑09, précitée, aux paragraphes 25 et 26). Compte tenu des similitudes mentionnées ci‑dessus, il incombait à M. Sauvé de convaincre la Cour que les allégations n’étaient pas répétitives et qu’il ne s’agit donc pas d’un abus de procédure, ce qu’il n’a pu faire.

 

[46]           Il semble que certaines des pertes alléguées dans la nouvelle action concernent la période suivant celle visée par les allégations antérieures. Cependant, ces nouvelles pertes semblent être attribuables ou avoir trait aux mêmes causes d’action plaidées antérieurement. Le fait de présenter dans le cadre d’une nouvelle action les mêmes causes d’action qui ont fait l’objet d’un litige ou qui ont été présentées dans des instances antérieures demeure, à première vue, un abus de procédure, même si des dommages‑intérêts nouveaux ou différents sont réclamés, y compris à l’égard d’une période subséquente (Grandview (Ville) c Doering [1975] ACS no 93; [1976] 2 RCS 621 [Grandview]; Ahani c R (1999), 163 FTR 296, aux paragraphes 8 à 11 (CF 1re inst) [Ahani]; Singh c R (1996), 123 FTR 241, aux paragraphes 8 à 13 (CF 1re inst); Oak Bay Marine Group c Jackson, [1994] 3 CF 177, 75 FTR 105, au paragraphe 13 (CF 1re inst)).

 

[47]           En ce qui concerne les allégations présentées dans le tableau ci‑dessus qui n’ont pas été expressément soulevées dans le cadre d’autres poursuites qu’il a intentées devant la Cour, M. Sauvé n’a pas démontré, ni même allégué, qu’« il lui avait été impossible, tout en étant diligent, de mettre de l’avant » sa thèse dans l’une des instances antérieures qu’il a engagées devant la Cour (arrêt Grandview, précité, à la page 638; décision Ahani, précitée). De prime abord, ces allégations semblent découler essentiellement des mêmes circonstances qui constituent le fondement de certaines allégations soulevées par M. Sauvé dans une ou plusieurs des instances antérieures.

 

[48]           Quoi qu’il en soit, ces « nouvelles » allégations sont toutes à première vue liées à l’emploi et doivent donc être traitées selon le processus légal de règlement des griefs. Sauf en de rares cas où il peut être démontré que le processus de règlement des griefs n’est pas un recours approprié, l’action en dommages‑intérêts ne se prête pas à de telles allégations, même quand le demandeur a omis d’exercer les recours administratifs qui s’offraient à lui et qu’il ne peut peut‑être plus y avoir accès. L’action de M. Sauvé dans le dossier T‑682‑10 a été rejetée pour les mêmes motifs (décision Sauvé T‑682‑10, précitée), et M. Sauvé, dans le cadre de la présente requête, ne m’a pas convaincu que les circonstances justifieraient un résultat différent. 

 

[49]           À la lumière de tout ce qui précède, je ne suis pas convaincu que M. Sauvé a démontré, aux fins de l’article 417 des Règles, le bien‑fondé de la cause dans le dossier de la Cour T‑1325‑13.

 

[50]           Vu cette conclusion, je n’ai pas besoin d’examiner les observations faites par la partie défenderesse relativement à l’alinéa 416(1)g) des Règles.  

 

(iii)       T‑1603‑13

[51]           Le dossier de la Cour T‑1603‑13 concerne une action intentée par M. Sauvé le 30 septembre 2013. Dans sa déclaration, M. Sauvé réclame un montant approximatif de 240 000 $ en dommages‑intérêts généraux, majorés et punitifs contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada, pour des prétendues violations de la Charte, un manquement à l’obligation de diligence, divers dommages physiques et psychologiques, une perte de jouissance de la vie, une perte de mobilité, une perte de réputation et d’autres préjudices, qui découlent tous d’une visite effectuée à son domicile le 26 septembre 2013 par les agents Anthony Costantini et Stephen McDougall des services de police d’Ottawa, qui étaient à ce moment‑là, selon M. Sauvé, en détachement à la GRC).

 

[52]           Par ailleurs, on trouve aux paragraphes 46 à 52 de la déclaration des allégations déjà présentées par M. Sauvé dans le dossier de la Cour T‑1325‑13, dont j’ai déjà traité et qu’il n’est donc pas nécessaire d’analyser davantage.

 

[53]           Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincu du bien‑fondé des nouvelles allégations soulevées dans le dossier de la Cour T‑1603‑13.

 

[54]           Comme l’a allégué M. Sauvé dans sa déclaration, les agents Costantini et McDougall se sont rendus au lieu de résidence de son enfant le lendemain de la comparution de M. Sauvé devant la juge Gagné relativement à sa requête d’avance de fonds pour payer son avocat dans le dossier de la Cour T‑1101‑13. 

 

[55]           Les agents Costantini et McDougall rendaient visite à M. Sauvé à cette occasion pour le questionner sur sa conduite devant la juge Gagné.

 

[56]           La transcription de l’audience devant la juge Gagné montre que, à l’appui de sa requête, M. Sauvé a indiqué devoir 50 000 $ à une personne appelée « Joe », qui finance ses poursuites. Comme M. Sauvé a été incapable de fournir des éléments de preuve à cet égard dans son dossier de requête, la juge Gagné a expliqué qu’elle ne pouvait admettre sa déclaration en tant que preuve. En réponse, M. Sauvé a affirmé qu’il ne croyait pas que l’audience allait durer longtemps parce que [traduction] « quand on n’a pas d’avocat, on n’a pas beaucoup d’espoir, et on — parce qu’on est contre un avocat; je ne suis pas représenté par un avocat, j’irai donc droit au but ».

 

[57]           M. Sauvé a ensuite déclaré que « Joe » lui avait demandé de remettre à la Cour trois listes, soit une [traduction] « liste de 62 pages contenant le nom des juges et des procureurs de la Couronne d’Ottawa et leurs adresses », une autre liste de [traduction] « personnes‑ressources » et une troisième liste de [traduction] « 30 informateurs, 30 informateurs de la GRC ». Il a remis à la Cour la première page de la première liste et la première page de la deuxième liste, où il était indiqué « 100 pages » dans le haut. Il a affirmé avoir déchiqueté le restant de ces listes, ainsi que la troisième liste au complet.

 

[58]           Comme il ressort également de la transcription de cette audience, la réaction initiale de la juge Gagné à ce qui est survenu a été de [traduction] « considérer l’incident comme une menace ». En effet, dans un des attendus de l’ordonnance qu’elle a rendue pour rejeter la requête de M. Sauvé, elle a déclaré que M. Sauvé avait [traduction] « explicitement menacé la Cour » afin d’obtenir une des réparations qu’il sollicitait (ordonnance datée du 4 novembre 2013, dossier de la Cour T‑1101‑13).

 

[59]           Selon moi, une personne raisonnable aurait vraisemblablement de la difficulté à ne pas considérer comme une menace le fait que M. Sauvé a remis les premières pages des documents susmentionnés à la juge Gagné.

 

[60]           Par conséquent, il était tout à fait raisonnable et approprié que les agents Costantini et McDougall rendent visite à M. Sauvé à l’endroit où ils croyaient qu’il se trouverait le 26 septembre 2013 afin de le questionner sur sa conduite devant la juge Gagné la veille et le rôle que « Joe » a joué, selon lui, au regard des documents qu’il a remis à la juge Gagné. En fait, le public s’attendrait raisonnablement à ce qu’une telle visite soit effectuée dans le cadre des étapes initiales de l’enquête sur ce qui est survenu à l’audience devant la juge Gagné la veille. Quoi qu’il en soit, M. Sauvé ne m’a pas convaincu du bien‑fondé des allégations qu’il a soulevées contre les agents Costantini et McDougall pour lui avoir rendu visite à cette fin.

 

[61]           Par ailleurs, il importe de mentionner que, après que M. Sauvé a commencé ses observations orales à l’audition de la requête en déclarant qu’il se sentait vraiment mal au regard de ce qui était arrivé le 25 septembre et qu’il n’avait pas eu l’intention de menacer la juge Gagné, je lui ai demandé à plusieurs reprises d’expliquer sa conduite, ou de l’interpréter, ce que j’ai fait sans le menacer. Il a été incapable de donner cette explication. 

 

[62]           Étant donné qu’une personne raisonnable considérerait vraisemblablement comme une menace ce qui s’est produit à l’audience devant la juge Gagné, et que M. Sauvé n’a pas donné d’autres explications, je ne peux conclure que les autres allégations faites par M. Sauvé dans le dossier T‑1603‑13 sont fondées, notamment (i) l’allégation générale qu’il a faite concernant les paroles, gestes et actes des agents Costantini et McDougall pendant qu’ils le questionnaient, (ii) l’allégation selon laquelle un policier a pris une photo de lui à la Cour fédérale, à son insu et sans son consentement, et l’a montrée à d’autres agents, (iii) la façon dont l’agent Costantini a décrit la conduite de M. Sauvé devant la juge Gagné, soit qu’il a été menaçant, et (iv) l’allégation selon laquelle l’agent McDougall lui a dit qu’il avait proféré des menaces à l’endroit de la juge Gagné.

 

[63]           De même, je suis convaincu que les causes d’action que M. Sauvé fait précisément valoir concernant la façon dont la GRC aurait qualifié la remise des deux pages à la juge Gagné sont sans fondement. Même si M. Sauvé a allégué au paragraphe 41 de sa déclaration que ces deux pages [traduction] « sont des documents publics contenant des renseignements qui sont accessibles à tous les citoyens canadiens », il a été incapable d’indiquer, lors de l’audition de sa requête, où ces documents se trouvent dans le domaine public ou qui les publie. En fait, comme il est indiqué à la page 58 de la transcription de l’audience, il a affirmé que les deux documents qui, selon lui, font partie du domaine public sont des répertoires et qu’il ne s’agit pas des documents dont les deux pages en question ont été tirées.

 

[64]           En résumé, pour les motifs énoncés ci‑dessus, je ne suis pas convaincu du bien‑fondé des diverses causes d’action que M. Sauvé a présentées dans le dossier de la Cour T‑1603‑13.

 

[65]           Vu la conclusion que j’ai tirée à cet égard, il n’est pas absolument nécessaire que j’examine les observations qui ont été faites pour le compte de la partie défenderesse concernant l’alinéa 416(1)g). Néanmoins, dans les circonstances, je me sens obligé de souligner qu’il y a, selon moi, des motifs de croire que l’action dans le dossier de la Cour T‑1603‑13 est frivole et vexatoire au sens de cet alinéa des Règles.

 

d)         Conclusion et exercice du pouvoir discrétionnaire

[66]           À la lumière de tout ce qui précède, je suis convaincu qu’il est approprié d’accueillir les requêtes en cautionnement pour dépens des défendeurs relativement aux dossiers de la Cour T‑1101‑13, T‑1325‑13 et T‑1603‑13, avec modifications.

 

[67]           En ce qui concerne le dossier de la Cour T‑1101‑13, le défendeur a demandé qu’on ordonne à M. Sauvé de fournir un cautionnement pour dépens d’un montant de 14 880 $. Cependant, compte tenu des éléments de preuve disponibles concernant la situation financière de M. Sauvé, je ne suis pas prêt à rendre une ordonnance prévoyant ce montant, lequel a été calculé selon la colonne V du tarif B des Règles.

 

[68]           Je reconnais que l’octroi du cautionnement en conformité avec la colonne V serait normalement approprié dans les cas où, comme en l’espèce, le demandeur fait depuis longtemps l’objet d’ordonnances de cautionnement pour dépens pour lesquelles des montants élevés n’ont toujours pas été payés. Néanmoins, en fonction des faits très particuliers en l’espèce, je ne suis pas convaincu qu’il serait dans l’intérêt de la justice d’ordonner que les dépens soient établis en conformité avec la colonne V pour ce qui est du dossier de la Cour T‑1101‑13. J’exercerai plutôt mon pouvoir discrétionnaire et ordonnerai que le montant du cautionnement pour dépens corresponde environ au point médian de la fourchette figurant à la colonne III du tarif B, soit 5 000 $.

 

[69]           En ce qui concerne le dossier de la Cour T‑1325‑13, la GRC a demandé que l’on ordonne à M. Sauvé de fournir un cautionnement pour dépens de 30 000 $. Encore une fois, ce montant a été calculé en fonction de la colonne V du tarif B des Règles.

 

[70]           Pour essentiellement les mêmes motifs que j’ai énoncés au paragraphe 68 ci‑dessus, je ne suis pas disposé à rendre une ordonnance pour le paiement du montant demandé. J’ordonnerai plutôt à M. Sauvé de fournir un cautionnement pour dépens d’un montant correspondant environ au point médian de la fourchette figurant à la colonne III du tarif B, soit 12 000 $.

 

[71]           En ce qui concerne le dossier de la Cour T‑1603‑13, la GRC a de nouveau demandé que l’on ordonne à M. Sauvé de fournir un cautionnement pour dépens de 30 000 $, lequel a été calculé en fonction de la colonne V du tarif B des Règles. Pour cette affaire, je conclus qu’il serait entièrement approprié d’octroyer le montant complet du cautionnement pour dépens demandé par la défenderesse.

 

[72]           J’ai tiré cette conclusion pour les trois motifs principaux qui suivent. Tout d’abord, j’ai conclu qu’il y avait des motifs de croire que l’action dans le dossier de la Cour T‑1603‑13 était frivole et vexatoire. Ensuite, les circonstances me font croire que M. Sauvé avait l’intention d’intimider la partie défenderesse, ou de « paralyser » l’enquête de la partie défenderesse portant sur ce qui s’était produit à l’audience devant la juge Gagné le 25 septembre 2013. Enfin, contrairement à sa déclaration lors de l’audition de la requête selon laquelle il avait l’intention d’être franc et honnête devant la Cour (transcription, page 62), sa conduite a été tout autre, comme en témoignent ses nombreux refus de répondre aux questions de base que je lui ai posées lors de l’audition de la requête concernant des faits importants liés à l’audience qui a eu lieu devant la juge Gagné, lesquels étaient décrits dans les observations écrites de M. Sauvé relatives à la requête ainsi que dans la déclaration qu’il a présentée dans le dossier de la Cour T‑1603‑13.

 

[73]           Par exemple, M. Sauvé a maintes fois refusé d’expliquer comment il croyait que le fait de remettre les deux pages contenant les noms et les adresses des juges et des « personnes‑ressources » à la juge Gagné aurait dû être interprété par elle ou par toute personne raisonnable. Il a également refusé à maintes reprises d’expliquer autrement la nature non menaçante de ce geste. Par ailleurs, il a refusé de répondre aux questions sur ces deux pages, notamment celles visant à déterminer s’il savait ce qu’elles contenaient, de quelle façon il joint la personne qui, selon lui, lui a demandé de fournir les documents à la Cour (« Joe »), où dans les dossiers publics ces deux pages ou les renseignements qu’elles contiennent peuvent être trouvés et qui lui a parlé de l’existence de ces documents qui, selon ses dires, sont du domaine public (transcription, pages 43 et 47‑67). En fait, à un moment donné, il a affirmé qu’on lui avait simplement remis deux pages, alors que, ultérieurement, il a déclaré que les documents lui avaient été initialement remis dans une enveloppe et qu’il avait déchiqueté tous les documents, sauf les deux pages qu’il a données à la juge Gagné (transcription, page 45). En outre, l’explication qu’il m’a donnée selon laquelle il avait fourni les deux pages à la juge Gagné après coup, tandis qu’il s’apprêtait à quitter la salle d’audience, a été démentie par la transcription de l’audience, qui indique qu’il voulait aller droit au but en remettant ces deux documents à la juge Gagné (transcription de l’audience datée du 25 septembre 2013, page 8, dossier de la Cour T‑1101‑13).

 

[74]           Selon moi, il ne serait pas approprié que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire en faveur d’une personne qui est si réticente, évasive et, en fait, de mauvaise foi. Les parties qui ne sont pas franches et honnêtes devant la Cour ne peuvent s’attendre à ce que celle‑ci exerce son pouvoir discrétionnaire en leur faveur.

 

[75]           Par conséquent, je suis convaincu qu’il est approprié d’accorder le montant complet du cautionnement pour dépens demandé par la défenderesse dans le dossier de la Cour T‑1603‑13, soit 30 000 $.

 

[76]           Je suis également convaincu qu’il est approprié d’accueillir la demande présentée par la partie défenderesse pour que le cautionnement pour dépens dans les trois dossiers de la Cour faisant l’objet des requêtes soit fourni à la Cour dans les 30 jours, pour l’affaire T‑1101‑13, et dans les 90 jours, pour les affaires T‑1325‑13 et T‑1603‑13 . Par ailleurs, en ce qui concerne le paragraphe 416(3) des Règles, je suis convaincu qu’il est approprié d’interdire à M. Sauvé de prendre de nouvelles mesures, y compris la présentation d’autres requêtes, dans les dossiers de la Cour T‑1101‑13, T‑1325‑13 et T‑1603‑13, jusqu’à ce qu’il fournisse le cautionnement pour dépens requis et qu’un avis à cet égard soit remis à la partie défenderesse.

 

[77]           En ce qui concerne les dépens pour les présentes requêtes, la GRC a initialement demandé qu’ils soient fixés à 1 540 $ pour la requête concernant le dossier de la Cour T‑1101‑13 et à 2 000 $ pour celle visant les dossiers de la Cour T‑1325‑13 et T‑1603‑13. Cependant, comme ces requêtes ont par la suite été regroupées, l’avocat de la GRC a reconnu que les dépens liés à la préparation et à la participation à l’audition des requêtes étaient moindres, car ces dernières avaient été entendues ensemble. Compte tenu de ce fait, je fixerai les dépens pour les requêtes, dont l’audition a duré un peu plus de deux heures, à 500 $ pour chacun des dossiers de la Cour T‑1101‑13, T‑1325‑13 et T‑1603‑13, montant payable immédiatement et ne pouvant être déduit du cautionnement pour dépens à payer.

 

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

 



 

ORDONNANCE

 

En ce qui concerne le dossier de la Cour T‑1101‑13, LA COUR ORDONNE ce qui suit :

 

1.                  Le demandeur, M. Gary Sauvé, doit fournir un cautionnement pour dépens d’un montant de 5 000 $ dans les trente (30) jours suivant la date de la présente ordonnance.

 

2.                  M. Sauvé ne doit pas prendre de nouvelles mesures dans le cadre de la demande, y compris la présentation de requêtes, jusqu’à ce qu’il ait fourni le cautionnement pour dépens ordonné. Cette disposition ne s’applique pas au dépôt d’un appel visant la présente ordonnance.

 

3.                  M. Sauvé doit fournir dans les vingt‑quatre (24) heures suivant le paiement du cautionnement pour dépens susmentionné un avis écrit au défendeur.

 

4.                  M. Sauvé doit payer immédiatement au défendeur ses dépens afférents à la présente requête, établis à 500 $, quelle que soit l’issue de la cause. Le paiement de ces dépens n’aura pas d’incidence sur le montant total du cautionnement pour dépens qu’il doit payer en vertu de la présente ordonnance.

 

« Paul S. Crampton »

Juge en chef


ORDONNANCE

 

En ce qui concerne le dossier de la Cour T‑1325‑13, LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.                  Le demandeur, M. Gary Sauvé, doit fournir un cautionnement pour dépens d’un montant de 12 000 $ dans les quatre‑vingt‑dix (90) jours suivant la date de la présente ordonnance.

 

2.                  M. Sauvé ne doit pas prendre de nouvelles mesures dans le cadre de l’action, y compris la présentation de requêtes, jusqu’à ce qu’il ait fourni le cautionnement pour dépens susmentionné. Cette disposition ne s’applique pas au dépôt d’un appel visant la présente ordonnance.

 

3.                  M. Sauvé doit fournir dans les vingt‑quatre (24) heures suivant le paiement du cautionnement pour dépens susmentionné un avis écrit à la partie défenderesse.

 

4.                  M. Sauvé doit payer immédiatement au défendeur, le procureur général du Canada, ses dépens afférents à la présente requête, établis à 500 $, quelle que soit l’issue de la cause. Le paiement de ces dépens n’aura pas d’incidence sur le montant total du cautionnement pour dépens qu’il doit payer en vertu de la présente ordonnance.

 

« Paul S. Crampton »

Juge en chef



ORDONNANCE

 

En ce qui concerne le dossier de la Cour T‑1603‑13, LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.                  Le demandeur, M. Gary Sauvé, doit fournir un cautionnement pour dépens d’un montant de 30 000 $ dans les quatre‑vingt‑dix (90) jours suivant la date de la présente ordonnance.

 

2.                  Le demandeur, M. Gary Sauvé, ne doit pas prendre de nouvelles mesures dans le cadre de l’action, y compris la présentation de requêtes, jusqu’à ce qu’il ait fourni le cautionnement pour dépens susmentionné. Cette disposition ne s’applique pas au dépôt d’un appel visant la présente ordonnance.

 

3.                  Le demandeur, M. Gary Sauvé, doit fournir dans les vingt‑quatre (24) heures suivant le paiement du cautionnement pour dépens susmentionné un avis écrit à la partie défenderesse.

 

4.                  Le demandeur, M. Gary Sauvé, doit payer immédiatement au défendeur, le procureur général du Canada, ses dépens afférents à la requête, établis à 500 $, quelle que soit l’issue de la cause. Le paiement de ces dépens n’aura pas d’incidence sur le montant total du cautionnement pour dépens qu’il doit payer en vertu de la présente ordonnance.

 

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

T‑1101‑13

 

INTITULÉ :

GARY SAUVÉ c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET MONECO SOBECO

 

ET DOSSIER :

                                                            T‑1325‑13

INTITULÉ :

GARY SAUVÉ c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET MONECO SOBECO

 

et dossier :

                                                            T‑1603‑13

INTITULÉ :

GARY SAUVÉ c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Ottawa (OntariO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 18 DÉCEMBRE 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

                                                            LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

DATE :

                                                            LE 31 JANVIER 2014

COMPARUTIONS :

Gary Sauvé (agissant pour son propre compte)

 

POUR le demandeur

 

Agnieszka Zagorska

 

POUR LE défendeur/LA DÉFENDERESSE

 

Aucune comparution

pour la partie à l’action

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gary Sauvé (agissant pour son propre compte)

 

POUR le demandeur

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR/LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

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