Cour fédérale |
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Federal Court |
Date : 20140416
Dossier :
IMM-10936-12
Référence : 2014 CF 366
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 16 avril 2014
En présence de monsieur le juge Roy
ENTRE : |
NASREEN IMTIAZ et IMITIAZ AHMED
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demandeurs |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ |
ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeurs |
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Les défendeurs en l’espèce ont présenté une demande à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR) en vue de l’annulation de la décision accueillant la demande d’asile des demandeurs. Dans une décision rendue le 22 septembre 2012, la SPR a conclu que la décision d’accueillir la demande d’asile devait être annulée.
[2] La demande de contrôle judiciaire porte sur cette décision de la SPR, présentée en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi). Pour les motifs qui suivent, j’estime qu’il serait plus prudent de renvoyer l’affaire à la Section de protection des réfugiés pour un nouvel examen de la question.
[3] Il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, ce qui, par ailleurs, exige de faire preuve d’une certaine déférence. Le rôle des tribunaux de révision ne consiste cependant pas à substituer leur point de vue sur l’affaire ou à effectuer leur propre analyse de la preuve en vue de rendre une décision. Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau- Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, la Cour suprême du Canada a ainsi décrit le rôle des tribunaux :
[47] […] La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[4] L’examen de la décision rendue par la SPR nous amène à nous demander ce qui s’est exactement produit. La seule chose évidente est le manque de clarté entourant la question de l’identité des demandeurs. Il appert cependant aussi du dossier que les autorités ont été informées, peu de temps après l’arrivée des demandeurs au Canada, que ces derniers avaient voyagé munis de faux documents. S’il est vrai que la question déterminante de l’affaire consiste « à savoir si la décision ayant accueilli les demandes d’asile des intimés a résulté, directement ou indirectement, de présentations erronées sur l’identité de Mme Nasreen IMTIAZ ainsi que sur la situation réelle de M. Imtiaz AHMED, ou de réticence sur un fait important quant à l’identité de Mme Nasreen IMTIAZ et à la situation personnelle de M. Imtiaz AHMED », on se serait attendu à ce que la SPR explique pourquoi la divulgation de l’utilisation de faux documents d’identité n’avait pas suffi à la convaincre.
[5] Nous avons au contraire une explication tortueuse selon laquelle il serait possible que la demanderesse soit en fait une citoyenne britannique. En termes simples, la décision visée par le contrôle ne présente pas les attributs d’intelligibilité et de justification requises dans le cadre du processus décisionnel. Au bout du compte, le critère énoncé dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, exige que les motifs « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles » […] (au paragraphe 16).
[6] Il m’a été impossible, en l’espèce, d’en arriver à une telle compréhension des choses. De toute évidence, la question débattue devant cette formation de la SPR était celle de l’identité des demandeurs. Dans la décision qui devait être annulée, la SPR concluait de la façon suivante : [traduction] « leur identité respective est étayée par de nombreux documents, dont le passeport de Madame, des cartes d’identité nationales, un certificat de mariage ainsi qu’un certificat d’enregistrement familial. Ils ont aussi présenté des documents confirmant le statut professionnel de Mme Imtiaz et leurs démêlés avec la justice au Pakistan. » La formation qui a conclu que la décision initiale devait être annulée n’a jamais fait référence à ces éléments de preuve ni d’ailleurs à l’affidavit daté du 21 mars 2005, souscrit environ un mois après leur arrivée, dans lequel il était déclaré qu’ils avaient voyagé avec de faux documents.
[7] Après avoir soigneusement examiné le dossier, entendu les parties et réexaminé le dossier, je suis toujours perplexe. La décision rendue par la SPR n’a pas aidé à clarifier la situation.
[8] Dans les circonstances, je conclus que la décision visée par le contrôle ne présente pas les attributs requis pour conclure qu’il s’agit d’une décision raisonnable. À mon avis, l’affaire doit être renvoyée pour réexamen par une formation différemment constituée. Il conviendrait pour le défendeur de tenter d’expliquer de façon plus systématique les incohérences en matière d’identité et on s’attendrait, en ce qui concerne les demandeurs, à ce qu’ils fournissent une explication claire des circonstances entourant leur arrivée au Canada, le 18 février 2005.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée pour réexamen par une formation différemment constituée de la Section de protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés. Le défendeur devra tenter d’expliquer de façon plus systématique les incohérences en matière d’identité et on s’attendra, en ce qui concerne les demandeurs, à ce qu’ils fournissent une explication claire des circonstances entourant leur arrivée au Canada, le 18 février 2005.
« Yvan Roy »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jean-Jacques Goulet, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSSIER
DOSSIER : |
IMM-10936-12
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INTITULÉ : |
NASREEN IMTIAZ et IMITIAZ AHMED c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE :
le 24mars 2014
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :
LE JUGE ROY
DATE DES MOTIFS :
LE 16 AVRIL 2014
COMPARUTIONS :
Munyonzwe Hamalengwa
Alex C. Kam
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POUR LES DEMANDEURS
POUR LES DÉFENDEURS
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Munyonzwe Hamalengwa Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada
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POUR LES DÉFENDEURS
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