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Date : 20140331


Dossier :

T‑2006‑12

 

Référence : 2014 CF 310

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 mars 2014

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

ANNE COLE

 

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le comité d’appel de l’admissibilité (le comité d’appel) du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le TAC) a refusé la demande de pension d’invalidité relative à une affection de dépression majeure présentée par Anne Cole (la demanderesse) en vertu de l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P‑6, et de l’article 25 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18, (la Loi sur le TAC). La décision a été rendue le 10 septembre 2012, mais la demanderesse dit n’en avoir reçu notification que le 6 octobre suivant.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 

Les faits

[3]               La demanderesse s’est enrôlée dans les Forces canadiennes (FC) en février 1986 et en a été libérée pour des raisons médicales en février 2007 parce qu’elle souffrait de quatre affections, dont une seule (dépression majeure et dysthymie chronique à caractère obsessionnel compulsif) constitue le fondement de la présente demande. Bien qu’elle ait été jugée par ailleurs apte à servir, il a été établi qu’elle ne pouvait faire l’objet d’un déploiement parce qu’elle nécessitait davantage qu’un soutien médical minimal.

 

[4]               Il appert des différents rapports médicaux et psychologiques que la demanderesse a eu une enfance difficile. Elle a été prise en charge par sa grand‑mère, qui l’a toujours poussée à la réussite et au dépassement, deux caractéristiques personnelles qu’elle semble avoir valorisées toute sa vie durant.

 

[5]               Les deux parties reconnaissent que le Rapport d’examen physique établi au moment où la demanderesse s’est enrôlée dans les FC n’a révélé aucun problème lié à la dépression. Peu après avoir rejoint l’armée, la demanderesse prétend qu’on l’a priée d’indiquer ses choix parmi plusieurs endroits où elle était susceptible d’être affectée. Elle a finalement été transférée à Trenton (Ontario) alors que cet endroit, selon ce qu’elle prétend, ne faisait pas partie de ceux qui lui avaient été proposés; elle souhaitait être affectée à Lahr (Allemagne). Elle en a éprouvé de la déception, de la colère et de la surprise, ce qui a mené au premier diagnostic de dépression, qualifiée plus précisément de « dépression réactionnelle » ou « dépression situationnelle » en 1987.

 

[6]               La situation a fini par s’arranger, et la demanderesse a été commissionnée du rang afin de s’inscrire à un programme d’administration des affaires de l’Université du Nouveau‑Brunswick; elle a obtenu son diplôme en 1993 alors qu’elle était mère de deux enfants en bas âge. Son époux avait fait l’objet d’un déploiement dans le cadre de la guerre du Golfe pendant la majeure partie de sa première grossesse.

 

[7]               La demanderesse a servi dans l’armée pendant huit ans après son enrôlement (1986‑1994), sans recevoir de diagnostic de dépression majeure ou d’autre maladie mentale. En mai 1994, elle a été avisée qu’elle avait été désignée comme officier responsable du peloton ambulancier dans le cadre d’une mission des Nations Unies en ancienne Yougoslavie. Elle a suivi la formation nécessaire en vue du déploiement, et les officiers de l’instruction lui ont fait savoir que sa performance était satisfaisante. En septembre 1994, son commandant adjoint l’a informée qu’elle était retirée de l’opération, et qu’il y avait eu double affectation. Compte tenu de la date de cette décision, il se trouvait par ailleurs qu’elle ne pouvait plus rejoindre son unité d’appartenance qui allait être déployée au Rwanda pour combattre l’épidémie de choléra qui sévissait à cette époque.

 

[8]               Cet état de fait a engendré une « crise situationnelle » que la demanderesse a reçu des soins médicaux. Elle affirme qu’elle s’est sentie stigmatisée parce qu’elle avait été exclue du déploiement. Un nouveau diagnostic plus grave de dépression majeure a par la suite été établi. Malgré la thérapie et les médicaments, la maladie de la demanderesse a persisté. Pour la soustraire à cet environnement de travail stigmatisant, la demanderesse a été mutée à un nouvel emploi.

 

[9]               En 1999, deux décisions administratives ont plongé la demanderesse dans la crise dépressive la plus grave qu’elle ait connue. Elle a d’abord reçu un mauvais rapport d’appréciation du personnel (RAP), ce qui l’a déçue et bouleversée parce qu’elle travaillait fort et qu’elle avait reçu des commentaires favorables. Elle a trouvé cela injuste, étant donné que le document contredisait les RAP favorables précédents et les commentaires qu’elle recevait en général; ce rapport émanait d’un nouveau superviseur qui ne la connaissait que depuis quelques mois. Par ailleurs, elle a été choisie en septembre 1999 pour une affectation à Washington, D.C. en vue de laquelle elle a immédiatement amorcé sa formation. Elle a également mis fin à sa grossesse, craignant que ce poste ne lui soit retiré si elle était enceinte. D’autre part, elle a entamé une procédure formelle de règlement des griefs pour supprimer la mention d’un niveau de rendement faible dans son RAP, de manière à ce que son dossier fasse état d’une bonne performance constante et ne contienne rien qui puisse empêcher qu’elle fasse l’objet d’un déploiement. Finalement, elle est parvenue à faire intégralement retirer le RAP de son dossier, mais en mars 2000 la demanderesse a été informée qu’elle ne serait plus affectée à Washington, D.C..

 

[10]           La demanderesse soutient que cette perte d’opportunité, le stress lié aux procédures de règlement des griefs, son avortement, et le déploiement dont son mari avait fait l’objet en Israël durant cette période, expliquent son effondrement et son second épisode de dépression majeure.

 

[11]           En 2002, la demanderesse a demandé une pension d’invalidité pour cause de trouble d’adaptation, que le ministère des Anciens combattants (ACC) a refusée le 12 janvier 2003. Un comité d’appel de l’admissibilité du TAC a également rejeté la demande le 27 octobre 2003, au motif qu’il n’existait aucun lien entre l’affection alléguée et les fonctions remplies durant le service.

 

[12]           La demanderesse prétend avoir rencontré d’autres problèmes d’ordre professionnel qui lui ont occasionné du stress. D’une part, elle croisait fréquemment le superviseur qui lui avait retiré l’affectation à Washington, D.C., ce qui était un [traduction] « rappel constant des douleurs [qu’elle avait] subies ». D’autre part, elle soutient qu’elle a dû se battre pour obtenir sept jours complets de congé de deuil en 2004 après le décès de son père.

 

[13]           De plus, comme elle le reconnaît elle‑même, les rapports médicaux et psychologiques indiquent qu’elle avait des soucis conjugaux depuis de nombreuses années et qu’elle suivait une thérapie en vue de les régler. Elle évoque, entre autres difficultés, l’alcoolisme de son mari et les problèmes de drogue et les idées suicidaires de sa fille.

 

[14]           De septembre 2000 à 2007, la demanderesse s’est fait traiter par un psychiatre (Dr Kelly) et divers psychologues (les Drs Sims, Chambers et O’Connor). Elle prend des antidépresseurs et a reçu un diagnostic rétrospectif de dysthymie ou dépression chronique.

 

[15]           Après sa libération des FC, la demanderesse a réclamé à ACC des prestations d’invalidité pour cause de dépression majeure. Le 10 juillet 2007, le ministère a refusé la demande au motif qu’il n’avait pas été établi que les fonctions liées au service militaire avaient provoqué l’évolution et/ou à l’aggravation de la dépression ou y avaient contribué. Le 17 juin 2008, cette décision a été confirmée par un comité d’appel de l’admissibilité du TAC. Celui‑ci a noté, après avoir examiné toute la preuve, que la demanderesse était aux prises avec de nombreux facteurs de stress n’ayant pas de lien avec son service militaire, qui concernent notamment son enfance, sa mère, son père, des tensions conjugales et son avortement. Le comité a estimé qu’il [traduction] « ne pouvait pas conclure que les facteurs liés au service avaient causé l’affection alléguée ni une aggravation permanente » (dossier de la demanderesse, page 204).

 

[16]           En 2011, la demanderesse a retenu les services de Mme Harrison, une psychologue clinique, afin qu’elle passe en revue ses antécédents médicaux et psychologiques et donne un avis professionnel sur la question de savoir si son service militaire avait nui à sa santé mentale. Dans son rapport, Mme Harrison évalue ses conversations avec Mme Cole, les résultats du test d’inventaire clinique multiaxial de Millon qu’elle lui a administré, ainsi que ses antécédents médicaux.

 

[17]           Mme Harrison note que la demanderesse a de longs antécédents de traitements antidépresseurs, un premier diagnostic de dépression majeure ayant été posé en 1995, un deuxième en 2000 par le Dr Girvin, et un troisième en 2004 par le Dr Kelly. Dans le cours de la psychothérapie, les psychiatres et psychologues traitants ont découvert et établi une histoire psychologique caractérisée par des troubles de l’humeur et des mécanismes d’adaptation mésadaptés, ainsi que des antécédents familiaux de dépression. Le rapport fait également état de divers facteurs de stress d’ordre familial, conjugal et professionnel et d’autres difficultés étalés dans le temps. Dans ses conclusions et recommandations, Mme Harrison déclare :

[traduction
S’agissant des cycles dépressifs de Mme Cole, il est manifeste que les difficultés liées à son emploi dans les Forces canadiennes exacerbent ses symptômes. Plus précisément, elle réagit très mal à la perte des affectations (ou à son exclusion d’un déploiement) pour lesquelles elle estime s’être préparée et pense avoir été choisie. En fait, à part deux exemples issus de son enfance, ses difficultés d’ordre professionnel semblent étroitement liées aux pires épisodes dépressifs de Mme Cole. […]

 

Il est ironique que Mme Cole ait été libérée des Forces canadiennes parce qu’elle ne pouvait plus faire l’objet d’un déploiement alors qu’elle n’a pas été envoyée à l’extérieur du pays depuis 1998. Cela semble d’ailleurs confirmer aussi que la participation à un déploiement est une étape importante dans une carrière au sein des Forces canadiennes. Cela permet de comprendre la déception et la crainte de l’échec ressenties par Mme Cole lorsque les déploiements dont elle était censée faire l’objet ont été annulés. N’ayant reçu aucune explication bien qu’elle ait été choisie et qu’elle se préparait, Mme Cole a été, à juste titre, déçue. Les malencontreux attributs de sa personnalité et la vulnérabilité de ses humeurs la plongent dans des épisodes dépressifs beaucoup plus graves que ce qui serait normal dans sa situation. Néanmoins, je ne pense pas que ses comportements puissent être simplement qualifiés de réactions excessives à des déceptions mineures.

 

En conclusion, Mme Cole est une personne sujette à des épisodes dépressifs récurrents en raison de son histoire psychologique et de ses antécédents familiaux de dépression. D’un point de vue psychodynamique, elle est déchirée entre les sentiments cruciaux d’autonomie et de dépendance. Elle est aux prises avec une faible estime de soi, une intellectualisation excessive, une colère liée au fait de se sentir peu importante et à un besoin d’encouragement. Malgré deux épisodes durant l’enfance où elle a eu du mal à gérer une déception, Mme Cole est passée à travers l’adolescence et le début de l’âge adulte sans souffrir de dépression. Le premier épisode de dépression majeur n’a été diagnostiqué qu’au début de la vingtaine, après l’annulation d’une importante (à ses yeux) affectation. Cependant, elle s’en est remise et a été affectée en Italie pendant trois mois en 1998. Lorsqu’une fois de plus en 1999, elle n’a pas été retenue pour l’affectation en vue de laquelle elle se préparait et pour laquelle elle croyait avoir été choisie, Mme Cole a souffert de dépression et ses sentiments d’inadaptation se sont exacerbés. Elle est traitée depuis longtemps, et ses progrès sont inégaux, mais elle a continué de suivre les recommandations de traitement. J’estime qu’il faut reconnaitre que les événements qui ont eu lieu durant son service militaire ont autant contribué à sa dépression que les prédispositions liées à sa personnalité mal adaptée et la vulnérabilité associée à ses humeurs.

 

Dossier de la demanderesse, pages 239 et 240

 

[18]           En juillet 2012, Mme Cole a interjeté appel devant le comité d’appel de l’admissibilité du TAC et lui a soumis le rapport de Mme Harrison ainsi que de nouveaux éléments de preuve médicaux. Le 10 septembre suivant, le comité d’appel a confirmé la décision du comité et conclu qu’il n’y avait pas lieu d’octroyer une pension. Le 5 novembre 2012, la demanderesse a présenté sa demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du comité d’appel.

 

La décision contestée

[19]           La demanderesse a fait valoir devant le comité d’appel que son affection a été déclenchée par des facteurs de stress professionnels, comme l’indiquent les nombreux rapports documentaires contenus dans son dossier médical. Une importance particulière est accordée à trois événements : l’échec de l’affectation désirée en Yougoslavie en 1994, un RAP perçu comme défavorable en août 1999, et la décision de ne pas l’envoyer à Washington, D.C. en mars 2000.

 

[20]           Le comité d’appel a passé en revue tous les éléments de preuve au dossier. Dans sa décision, il récapitule en détail cet examen, et renvoie notamment aux rapports médicaux spécifiquement évoqués par le conseil de la demanderesse devant le comité. Le comité d’appel a également tenu compte de l’obligation qu’il a résoudre la preuve en faveur de la demanderesse toute incertitude quant au bien‑fondé de la demande, conformément aux articles 3 et 39 de la Loi sur le TAC. Cependant, comme le comité d’appel l’a rappelé, [traduction] « [c]’est à l’appelante qu’il incombe de démontrer au comité que les facteurs militaires ont causé et/ou aggravé l’affection alléguée » (dossier de la demanderesse, page 31).

 

[21]           Le comité a reconnu que la demanderesse avait connu des conflits de travail durant sa carrière, et a relevé les diverses mentions des événements d’ordre professionnel dans les rapports de traitement psychologique. Cependant, le comité n’était pas convaincu que ses difficultés professionnelles étaient la source de sa dépression. Tout en compatissant avec ses sentiments de déception, le comité était d’avis que les documents au dossier n’indiquaient pas que ses supérieurs avaient de façon délibérée décider de l’exclure d’un déploiement ou empêcher l’avancement de sa carrière, ni que les Forces étaient même au courant de ce que la demanderesse ressentait à l’idée de ne pas faire l’objet d’un déploiement.

 

[22]           Le comité a également déclaré ce qui suit :

[traduction
Tout au long des séances de psychothérapie de l’appelante, un thème prépondérant domine les rapports : la faible estime de soi, le désir de succès, les sentiments d’inaptitude et de désespoir, etc. Bien que des facteurs de stress liés au travail soient signalés, ils ne semblent pas avoir joué un rôle déterminant lors des séances de traitement.

 

[…]

 

Bien que tous ces médecins [les Drs Kelly, Chambers et O’Connor], spécialistes dans leur domaine notent effectivement les déceptions et l’insatisfaction liées au travail, aucun d’entre eux n’a présenté d’analyse détaillée ou complète sur le rôle qu’ont joué ces facteurs de stress professionnel. Dans l’ensemble, ils semblent mettre l’accent sur les traits de personnalité de l’appelant, des événements remontant à son enfance et des problèmes conjugaux.

 

Dossier de la demanderesse, page 32.

 

[23]           Le comité a également examiné l’avis de Mme Harrison, mais l’a écarté. Il a estimé qu’il n’était pas particulièrement utile dans la mesure où Mme Harrison se contente d’examiner les antécédents médicaux et psychologiques de Mme Cole sans préciser si elle avait ou non effectué elle‑même des évaluations psychologiques. Le comité a conclu qu’il ne pouvait rendre de décision favorable à la demanderesse en l’absence d’éléments de preuve établissant que les facteurs liés au service militaire avaient causé ou aggravé l’affection alléguée.

 

Questions en litige

[24]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les trois questions suivantes :

            a)         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            b)         Quelle norme de causalité convient‑il d’appliquer?

c)         Le comité a‑t‑il commis une erreur en évaluant la preuve et en concluant que la demanderesse n’avait pas droit à une pension au titre de l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions?

 

Analyse

a)         Quelle est la norme de contrôle applicable?

[25]           Les parties ne contestent pas que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. La seule question que devait trancher le comité d’appel était de savoir si la demanderesse avait établi que son invalidité était consécutive à son service militaire ou y était rattachée directement. Pour trancher cette question, il faut interpréter la loi habilitante du comité d’appel et appliquer le droit aux faits. Notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont confirmé à de nombreuses reprises que l’appréciation des éléments de preuve par le comité d’appel et l’interprétation qu’il fait de sa loi habilitante sont assujetties à la norme de la décision raisonnable.

 

[26]           Dans la décision McTague c Canada (Procureur général), [2000] 1 CF 647, le juge Evans (devenu par la suite juge à la Cour d’appel fédérale) s’est précisément interrogé sur la norme de contrôle à appliquer lorsqu’il est allégué que le comité d’appel a conclu à tort que la blessure d’un demandeur n’était pas « consécutive » ou « rattachée directement » au service militaire. Estimant que le comité d’appel était le mieux placé pour examiner cette question et que le régime législatif était conçu pour que les demandes soient tranchées avec un minimum de formalités et de retard, et moyennant un minimum de frais, le juge a déclaré que « les termes utilisés pour définir le droit à une pension montrent que, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, la décision du Tribunal devrait faire l’objet d’une retenue judiciaire considérable » (au paragraphe 26). Il ajoute que les tribunaux de révision doivent résister à la tentation de formuler des questions de principe lorsque le langage législatif n’est pas technique et relativement ouvert, comme c’est le cas de l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions (au paragraphe 42). Voici ce qu’il dit à ce sujet :

« Légaliser » le processus en morcelant en une série de questions d’« interprétation » ce qui devrait constituer un exercice d’évaluation de la situation factuelle dans son ensemble me semble susceptible de contrecarrer l’intention du législateur selon laquelle les tribunaux administratifs appelés à se prononcer sur le droit à une pension devraient avoir un processus décisionnel accessible, informel, rentable et rapide.

 

(McTague, au paragraphe 43)

Voir aussi Beauchene c Canada (Procureur général), 2010 CF 980, au paragraphe 21; Canada (Procureur général) c Wannamaker, 2007 CAF 126, au paragraphe 12 [Wannamaker].

 

[27]           Au moment d’appliquer la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se garder de substituer sa propre opinion à celle du comité d’appel. La décision doit être maintenue, à moins que le raisonnement ne soit lacunaire et que la décision qui en découle n’appartienne pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

 

b)         Quelle norme de causalité convient‑il d’appliquer?

[28]           La demanderesse soutient que le comité d’appel a commis l’erreur de ne pas expliquer à quelle norme de causalité il avait recours, et comment elle s’appliquait à son cas. L’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions prévoit :

Milice active non permanente ou armée de réserve en temps de paix

(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l’armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l’annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d’invalidité causée par une blessure ou maladie — ou son aggravation — consécutive ou rattachée directement au service militaire;

Service in militia or reserve army and in peace time

(2) In respect of military service rendered in the non‑permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

 

[29]           L’avocat de la demanderesse a fait valoir, en s’appuyant sur la décision Matusiak c Canada (Procureur général), 2005 CF 198, que cette disposition prévoit deux normes de causalité : ainsi, le terme « consécutive » oblige les demandeurs à n’établir qu’un lien de causalité et non un lien étroit entre le service militaire et l’invalidité, alors que l’expression « rattachée directement » impose d’établir que le service militaire a causé la blessure ou y a contribué suivant le critère du facteur déterminant. Autrement dit, les demandeurs ne sont pas tenus d’établir l’existence d’un lien causal unique ou direct.

 

[30]           Je me suis déjà penché sur cette question dans la décision Boisvert c Canada (Procureur général), 2009 CF 735, et je ne vois aucune raison de revenir sur la décision que j’ai rendue dans cette affaire; elle a d’ailleurs été suivie dans Lunn c Canada (Anciens combattants), 2010 CF 1229, Leroux c Canada (Procureur général), 2012 CF 869, et McLean c Canada (Procureur général), 2011 CF 1047.

 

[31]           Il ne fait aucun doute que la législation touchant l’aide sociale doit être interprétée de manière libérale; l’article 2 de la Loi sur les pensions de même que les articles 3 et 39 de la Loi sur le TAC prescrivent d’ailleurs explicitement d’interpréter ces deux lois de manière libérale et généreuse :

Loi sur les pensions, LRC 1985, c P‑6

 

Pensions Act, RSC 1985, c P‑6

 

Règle d’interprétation

2. Les dispositions de la présente loi s’interprètent d’une façon libérale afin de donner effet à l’obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d’indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides ou sont décédés par suite de leur service militaire, ainsi que les personnes à leur charge.

Construction

2. The provisions of this Act shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to provide compensation to those members of the forces who have been disabled or have died as a result of military service, and to their dependants, may be fulfilled.

 

Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18

 

Veterans Review and Appeal Board Act, SC 1995, c 18

 

Principe général

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

 

Construction

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

 

Règles régissant la preuve

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui‑ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui‑ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien‑fondé de la demande.

 

Rules of evidence

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

[32]           Cela étant dit, il faut tenir compte du langage employé par le législateur, et la Loi sur les pensions doit être interprétée de manière cohérente. Il est bien établi que chaque disposition d’une loi doit être considérée à la lumière des autres dispositions qu’elle contient. Comme le déclarait le juge Beetz dans l’arrêt R c Nabis, [1975] 2 RCS 485, « […] l’interprète des lois doit tendre à leur intégration en un système cohérent plutôt qu’à leur morcellement et à leur discontinuité ». Voir également l’ouvrage rédigé par Pierre‑André Côté avec la collaboration de Stéphane Beaulac et Mathieu Devinat, The Interpretation of Legislation in Canada, 4e éd. (Toronto : Carswell, 2011), aux pages 326 et suivantes.

 

[33]           Comme je le notais dans la décision Boisvert, la portée de l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions est évidemment plus étroite que celle de l’alinéa 21(1)a), qui s’applique en temps de guerre ou de service spécial. Tandis que l’alinéa 21(1)a) évoque une blessure ou une maladie « survenue au cours du service militaire ou attribuable à celui‑ci », l’alinéa 21(2)a) parle plutôt d’une blessure ou d’une maladie « consécutive ou rattachée directement au service militaire ». La Cour doit donc s’efforcer de donner effet à cette différence de formulation.

 

[34]           Il est clair que la maladie ou la blessure (ou leur aggravation) doit être directement liée au service militaire, comme en témoigne la conjonction « ou » à l’alinéa 21(2)a) qui vient lier l’expression « rattachée directement » à « consécutive ». En même temps, il va de soi qu’un demandeur ne pourrait se contenter de démontrer qu’il servait dans les Forces armées durant la période pertinente, ce qui est implicite si la demande est présentée au titre de l’alinéa 21(1)a). C’est précisément la conclusion à laquelle la Cour d’appel fédérale est parvenue dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Frye, 2005 CAF 264. Dans cette affaire, la Cour a estimé que « […] même s’il ne suffit pas de prouver que la personne servait dans les Forces armées à l’époque, il n’est pas nécessaire que le demandeur établisse un lien de causalité direct ou immédiat entre le décès ou la blessure et le service militaire » (au paragraphe 29). Voir également Bradley c Canada (Procureur général), 2011 CF 309; Hall c Canada (Procureur général), 2011 CF 1431.

 

[35]           En d’autres termes, je conviens avec la demanderesse que l’alinéa 21(2)a) n’exige pas de prouver un lien direct, mais je ne pense pas qu’il suffise d’établir une certaine forme de lien de causalité ou que le service militaire ait été l’une des causes qui ont contribué à son invalidité. Il me semble, que le terme « consécutive » et le contexte général de la loi exigent qu’il soit démontré davantage qu’un certain lien ou rapport causal, et que le service militaire doit être la cause principale ou prédominante de la maladie ou de la blessure, ou à tout le moins avoir joué un rôle significatif. On pourrait sans doute tout aussi bien dire qu’il doit être établi que la blessure ou la maladie ne serait pas survenue n’eût été le service militaire.

 

[36]           C’est exactement la norme que le comité d’appel a appliquée dans sa décision. Bien qu’il n’ait pas explicitement énoncé le concept de causalité qu’il a retenu, il ressort de son analyse (et notamment des deux extraits reproduits au paragraphe 22 des présents motifs) qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse ne souffrirait pas de toute façon de dépression majeure si elle n’avait pas été exposée aux facteurs de stress liés à son travail et les difficultés professionnelles rencontrées tout au long de sa carrière militaire. L’interprétation de l’alinéa 21(2)a) était manifestement raisonnable et conforme à la jurisprudence applicable en cette matière. Contrairement à ce qu’elle affirme, le comité d’appel n’attendait pas d’elle qu’elle établisse un lien causal unique ou direct, mais qu’elle prouve que les facteurs militaires avaient joué un rôle principal ou majeur dans l’aggravation ou l’apparition de l’affection alléguée. Ce faisant, le comité d’appel n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle.

 

c)         Le comité a‑t‑il commis une erreur en évaluant la preuve et en concluant que la demanderesse n’avait pas droit à une pension au titre de l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions?

[37]           La demanderesse a fait valoir que le comité d’appel n’a pas examiné adéquatement la preuve soumise et n’a pas justifié l’examen superficiel qu’il a fait de certains éléments de preuve déterminants. La demanderesse a présenté cinq arguments pour étayer son allégation.

 

[38]           Premièrement, elle prétend que le comité d’appel a écarté des éléments de preuve qui lui étaient favorables, en particulier les carnets de visite médicale remontant à l’époque où sa participation au déploiement dont elle était censée faire l’objet dans l’ancienne Yougoslavie et son affectation à Washington, D.C. ont été annulées, ainsi que les rapports du DSims et de Mme Harrison. Elle reconnaît que le comité d’appel est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve et qu’il n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite quant à chacun des éléments pour arriver à sa décision finale. Cependant, elle affirme qu’en l’espèce cette présomption est réfutée, car le comité n’a fait aucun renvoi à la preuve dans la partie de sa décision réservée à l’analyse et aux motifs, alors qu’il l’a fait dans la partie concernant les arguments et la preuve. La demanderesse estime que le comité d’appel s’en est tenu à un examen superficiel des éléments de preuve en cause et qu’il a formulé des conclusions générales, empêchant de ce fait la demanderesse de comprendre comment il était parvenu à la décision de lui refuser une pension.

 

[39]           Deuxièmement, la demanderesse soutient que le comité d’appel s’est arrêté sur des éléments de preuve qu’il a jugés lui être défavorables et leur a accordé plus d’importance qu’à d’autres éléments et un trop grand poids. Plus précisément, le comité d’appel a accordé trop de poids aux rapports de psychothérapie, qui selon lui donnaient à penser qu’il existait d’autres causes à la dépression majeure de la demanderesse, ce qui jetait à ses yeux un doute sur l’origine de l’invalidité. Ce faisant, le comité d’appel a ouvertement accordé plus d’importance à ces rapports qu’aux éléments de preuve favorables susmentionnés.

 

[40]           Troisièmement, la demanderesse avance que le comité d’appel n’a pas tenu compte des particularités des problèmes de santé mentale. Elle souligne qu’il est quasiment impossible de distinguer tout à fait les facteurs de stress professionnels et personnels, et que nul ne devrait y être tenu au moment de recevoir un traitement ou de demander une pension. Elle note par ailleurs que son affection préexistante de dysthymie ne devrait pas faire échouer sa demande fondée sur la dépression.

 

[41]           Quatrièmement, la demanderesse fait valoir que le comité d’appel a eu tort de rejeter le rapport de Mme Harrison. Contrairement aux motifs qu’il a fournis pour justifier cette décision, elle rappelle que Mme Harrison lui a fait subir une entrevue clinique, qu’elle a examiné la preuve médicale de manière approfondie, qu’elle a effectué ses propres évaluations et analyses et qu’elle a formulé un avis professionnel motivé. De plus, Mme Harrison ne se contente pas de supposer l’existence d’une cause, comme le suggère le comité d’appel, mais conclut sans équivoque que les événements survenus durant son service militaire ont contribué à sa dépression.

 

[42]           Enfin, la demanderesse estime que le comité d’appel n’a pas tiré les inférences qui convenaient en sa faveur. Elle affirme qu’il a mal appliqué l’alinéa 39a) de la Loi sur les pensions et qu’il n’a pas tiré toutes les inférences raisonnables en sa faveur, compte tenu des circonstances de l’affaire et de la preuve. Le fait que les facteurs de stress professionnels soient mentionnés dans ses dossiers médicaux au moins aussi souvent que les facteurs de stress personnels ou que ses traits de personnalité, aurait dû amener le comité d’appel, sur la foi d’une interprétation libérale de l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, à conclure que la preuve d’un lien de causalité entre l’invalidité et les facteurs de stress professionnels était suffisante.

 

[43]           Bien entendu, l’affirmation de la demanderesse voulant que le comité d’appel se soit trompé dans son évaluation de la preuve procède et dépend de l’argument selon lequel il lui suffisait d’établir que son service militaire n’était qu’une des causes ayant contribué à son invalidité. Comme j’ai déjà traité de la norme de causalité applicable, je ne m’attarderai dans les paragraphes suivants que sur le caractère raisonnable du traitement de la preuve par le comité d’appel.

 

[44]           Le comité d’appel a, comme il se devait, reconnu son obligation aux termes de l’article 39 de la Loi sur le TAC.

 

[45]           Dans l’arrêt Wannamaker, précité, la Cour d’appel fédérale a relevé que l’article 39 vise à faire en sorte que la preuve soumise par un demandeur à l’appui d’une demande de pension soit examinée « sous le jour lui étant le plus favorable possible » (au paragraphe 5). Comme le relève le défendeur, la Cour d’appel a également souligné que cette disposition « ne dispense pas le demandeur de la charge d’établir, selon la prépondérance des probabilités, les faits nécessaires pour ouvrir droit à une pension » (ibidem). La Cour d’appel poursuit :

[6] L’article 39 n’oblige pas non plus le Tribunal à admettre toute la preuve présentée par le demandeur. Le Tribunal n’a pas l’obligation d’accepter des éléments de preuve présentés par le demandeur s’il conclut qu’ils ne sont pas crédibles, et ce, même s’ils ne sont pas contredits. Par contre, il se peut que le Tribunal doive expliquer la raison pour laquelle il conclut que les éléments de preuve ne sont pas crédibles […]. La preuve est crédible si elle est plausible, fiable et logiquement capable d’établir la preuve du fait en question.

 

Voir aussi Leroux c Canada (Procureur général), 2012 CF 869, au paragraphe 53; Moar c Canada (Procureur général), 2006 CF 610, au paragraphe 10; Tonner c Canada (Ministre des Anciens combattants) (1995), 94 FTR 146, au paragraphe 33.

 

[46]           Je conviens avec le défendeur que c’est au comité de décider du poids à accorder aux éléments de preuve. À moins que son évaluation ne soit entachée d’une erreur manifeste ou qu’une conclusion de fait erronée ne soit « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont [l’office fédéral] dispose » (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7), la Cour doit se garder d’intervenir même si elle aurait pu arriver à une conclusion différente. Dans le cas qui nous occupe, je n’ai pas été en mesure de relever une telle erreur. Une quantité considérable d’éléments de preuve ont été présentés au comité d’appel, à partir desquels il pouvait conclure que la demanderesse n’avait pas établi un lien de causalité suffisant entre son affection et son service militaire. À la lumière des avis des Drs Kelly, Chambers et O’Connor, le comité d’appel a reconnu qu’il était surtout question des facteurs de stress liés au travail dans les documents versés au dossier, et que la demanderesse avait connu des conflits de travail durant sa carrière militaire, mais sans être convaincu que ces problèmes d’ordre professionnel étaient la source de sa dépression ou qu’ils s’agissaient des principaux problèmes abordés lors des séances de traitement de la demanderesse. Au contraire, le comité d’appel a déterminé que la faible estime de soi de la demanderesse, son désir de succès, ses sentiments d’insuffisance et de désespoir constituaient le sujet central des rapports de psychothérapie. Il était tout à fait loisible au comité d’appel de parvenir à la conclusion susmentionnée compte tenu de la preuve dont il disposait.

 

[47]           Quant au rapport de Mme Harrison, le comité d’appel l’a dûment considéré et en a cité de longs extraits (voir les pages 29 à 31 de la décision). Il a néanmoins décidé de ne lui accorder que peu de poids, d’abord parce qu’il [traduction] « documente simplement les antécédents de [la demanderesse] tels qu’ils lui ont été fournis », et ensuite parce qu’[traduction] « elle n’indique nullement si elle a effectué ou non des évaluations psychologiques sur lesquels fonder son opinion ». Encore une fois, je ne vois rien d’erroné dans le traitement que le comité d’appel a réservé à cet élément de preuve.

 

[48]           Je note tout d’abord que la conclusion de Mme Harrison n’est pas, à strictement parler, incompatible avec celle du comité d’appel. Elle déclare à la toute fin de son rapport que [traduction] « […] les événements qui ont eu lieu durant son service militaire ont autant contribué à sa dépression que les prédispositions liées à sa personnalité mal adaptée et la vulnérabilité associée à ses humeurs » (dossier de la demanderesse, page 240). Comme je l’ai déjà indiqué, le comité d’appel n’écarte pas cette conclusion, mais estime qu’elle est insuffisante pour fonder la demande de pension de la demanderesse au titre de l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions.

 

[49]           De plus, la demanderesse a obtenu l’avis de Mme Harrison en prévision de l’appel devant le comité d’appel. La Cour a estimé que les déclarations faites en vue d’une demande ou au moment où elle est présentée doivent recevoir moins de poids que celles qui lui sont antérieures : voir Hall c Canada (Procureur général) (1998), 152 FTR 58, au paragraphe 21. Dans les circonstances, il était d’autant plus raisonnable que le comité d’appel privilégie la preuve préalable des Drs Kelly, Chambers et O’Connor.

 

[50]           Pour toutes les raisons qui précèdent, je suis d’avis que le comité d’appel pouvait raisonnablement conclure, sur la base des éléments de preuve dont il disposait, que l’affection médicale de la demanderesse ne découlait pas de son service militaire.

 

Conclusion

[51]           La demanderesse n’a pas démontré que la décision du comité n’appartenait pas aux issues possibles acceptables. Bien que sa situation mérite évidemment la sympathie, il ne revient pas à la Cour de substituer sa propre opinion à celle du comité d’appel, en l’absence d’une erreur de fait ou de droit susceptible de contrôle. Après avoir attentivement examiné le dossier et les observations des deux parties, je ne puis arriver à la conclusion que le comité d’appel a commis une erreur de cette nature.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

 

 

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

T‑2006‑12

 

INTITULÉ :

ANNE COLE c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            le 3 décembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :

                                                            le 31 mars 2014

COMPARUTIONS :

Stephen Acker

Yael Wexler

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Craig Collins‑Williams

 

POUR LE défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau DuMoulin, s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA demanderesse

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

 

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