Date : 20140331
Dossier :
IMM-11638-12
Référence : 2014 CF 306
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 31 mars 2014
En présence de monsieur le juge Mosley
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ENTRE : |
SPARTAK RADI |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
défendeurs |
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le demandeur, un citoyen albanais, demande le contrôle judiciaire d’une décision défavorable d’examen des risques avant renvoi (ERAR), selon laquelle sa vie ne serait pas menacée et il ne risquerait pas d’être persécuté, torturé ou d’être soumis à des traitements ou des châtiments cruels et inhabituels s’il rentrait en Albanie.
[2] Le demandeur allègue avoir été victime d’une vendetta survenue en 2000 à la suite d’un conflit relatif à certaines terres. Le demandeur est allé aux États‑Unis en juillet 2002, où il a déposé une demande d’asile politique sans évoquer la vendetta. Sa demande a été rejetée. Le 15 décembre 2007, il est entré au Canada sans se présenter aux autorités frontalières. Quelques jours plus tard, il a présenté une demande d’asile.
[3] Dans une décision datée du 9 février 2011, il a été déterminé que le demandeur est une personne visée à l’article 1 Fb) de la Convention sur les réfugiés, RTNU vol. 189, p. 137, datée du 28 juillet 1951 (prise d’effet le 22 avril 1954, adhésion par le Canada le 4 juin 1969) [Convention sur les réfugiés], et qu’il n’était par conséquent ni un réfugié aux termes de la Convention ni une personne à protéger au sens de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. Cette décision tenait compte d’une série d’accusations criminelles et de déclarations de culpabilité aux É.‑U.
[4] Dans sa demande d’ERAR, le demandeur affirmait que sa famille avait demandé de l’aide des Anciens du village et des autorités locales, y compris la police et le Comité de réconciliation nationale (CRN), en vue de mettre fin pacifiquement à la vendetta. Ces tentatives ont toutes échoué.
[5] La demande d’ERAR a été rejetée le 5 octobre 2012 au motif que le demandeur n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que sa vie était menacée, ou qu’il risquait d’être torturé ou d’être soumis à des traitements ou des châtiments cruels et inhabituels s’il était renvoyé en Albanie. En application de l’alinéa 112(3)c) de la LIPR, le demandeur n’était pas admissible à une évaluation des risques en vertu de l’article 96 de la LIPR sur la base des motifs énoncés dans la Convention.
[6] L’agent a examiné les éléments de preuve présentés, y compris un article de presse daté du 3 juin 2003 relatant un assassinat, mais auquel il a accordé peu de poids. Il a également examiné une attestation du CRN à la lumière de rapports de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) qui portaient sur le rôle des groupes de réconciliation en Albanie, et la possibilité d’acheter des attestations auprès de ces groupes, y compris du CRN. En conséquence, l’agent a également décidé d’accorder peu de poids à l’attestation. Des lettres émanant de la Direction des services de police et du tribunal du district ont également été examinées, mais l’agent a jugé leur provenance douteuse et estimé qu’elles étaient peu utiles.
[7] L’agent a reconnu que les éléments de preuve fournis par le demandeur quant à la situation actuelle en Albanie établissaient l’existence de vendettas. Toutefois, il a déterminé, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer que lui ou sa famille étaient impliqués dans l’une d’elles. En outre, aucun document objectif sur la situation en Albanie ne permettait de conclure qu’il serait personnellement exposé à un risque à l’avenir.
[8] La seule question que soulève la demande dont la Cour est saisie est celle de savoir si l’agent a commis une erreur dans l’examen des éléments de preuve.
[9] Il ressort de la jurisprudence que la norme de la décision raisonnable s’applique aux conclusions de fait, ou mixtes de fait et de droit, d’un agent d’ERAR : Corona c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 759, [2012] ACF no 738, au paragraphe 10. En vertu de cette norme déférente d’examen, la Cour n’intervient que si les conclusions de l’agent n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 47, 53, 55 et 62; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, 302 DLR (4th) 1, aux paragraphes 52 à 62; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62.
[10] Je conclus que les conclusions et la décision de l’agent ne sont pas déraisonnables.
[11] Selon la preuve présentée à l’agent, il y avait eu des tentatives de réconciliation à partir du 3 juillet 2011. Il était donc raisonnable qu’il conclue que l’attestation aurait fait mention d’une date antérieure si des tentatives de réconciliation avaient effectivement eu lieu par l’entremise du CRN avant cette date. Par ailleurs, il incombait au demandeur, en vue d’établir la date à laquelle la vendetta avait commencé, de fournir les éléments de preuve montrant qu’il y avait eu des tentatives de réconciliation ou que l’aide du CRN ou d’un autre organisme avait été sollicitée à une date antérieure. L’agent n’a pas estimé que le demandeur s’est acquitté de ce fardeau.
[12] En ce qui a trait aux observations présentées par le demandeur en vue de contester le fait que l’agent s’est appuyé sur des rapports de la CISR, il était loisible à l’agent de conclure que ceux‑ci permettaient de douter de l’authenticité de l’attestation. L’évaluation effectuée par l’agent de la lettre de la Direction des services de police du district de Lezhe est elle aussi raisonnable. Bien qu’il n’appartienne pas à la Cour d’apprécier les éléments de preuve présentés à l’agent dans le cadre de la demande, il suffit de comparer cette lettre à d’autres documents officiels déposés en preuve devant l’agent et figurant au dossier pour comprendre pourquoi l’agent lui a accordé peu de poids. Ce document ne semble pas officiel. L’agent a par ailleurs tenu compte de la lettre émanant du bureau du procureur du tribunal du district relatant un vol à main armée, mais a estimé que son contenu ne corroborait pas l’existence d’une vendetta.
[13] Contrairement à ce que soutient le demandeur, l’agent a examiné les éléments de preuve objectifs, y compris ceux présentés par le demandeur. L’agent a reconnu l’existence de vendettas en Albanie, mais n’a pas estimé que le demandeur avait établi que lui et sa famille étaient visés par l’une d’elles. Les motifs de l’agent étaient transparents, intelligibles et justifiables. La décision qui en résulte fait partie des issues possibles acceptables fondées sur la preuve et le droit.
[14] Le demandeur n’a pas réussi à établir le bien‑fondé de sa demande, laquelle doit par conséquent être rejetée. Aucune question importante de portée générale n’a été proposée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.
« Richard G. Mosley »
Juge
Traduction certifiée conforme
Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-11638-12
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INTITULÉ DE LA CAUSE : |
SPARTAK RADI
c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
LIEU DE L’AUDIENCE :
Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE :
Le 27 janvier 2014
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :
LE JUGE MOSLEY
DATE DES MOTIFS :
Le 31 mars 2014
COMPARUTIONS :
Yehuda Levinson |
Pour le demandeur
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Margherita Braccio |
Pour les DÉFENDEURS
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
YEHUDA LEVINSON Levinson & Associates Toronto (Ontario)
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Pour le demandeur
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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Pour les DÉFENDEURS
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