Cour fédérale |
|
Federal Court |
Date : 20140217
Dossier :
IMM‑1214‑13
Référence : 2014 CF 151
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 17 février 2014
En présence de monsieur le juge Roy
ENTRE : |
RAZBURGAJ, Pashko RAZBURGAJ, Lule RAZBURGAJ, Juljana RAZBURGAJ, Klaudia
|
demandeurs |
et
|
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
|
défendeur |
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une affaire difficile. Il n’y a aucun doute que les vendettas existent toujours en Albanie. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a toutefois conclu que, dans le cas qui nous occupe, la crédibilité des demandeurs principaux, Pashko Razburgaj et sa femme Lule Razburgaj, ne permettait pas de leur reconnaître la qualité de « personnes à protéger » du fait de deux présumées vendettas. La Commission s’est par ailleurs dite d’avis que les demandeurs pouvaient compter sur la protection de l’État en Albanie et que cette protection était adéquate et que leur refus catégorique de même envisager la possibilité de demander la protection de l’État constituait une raison suffisante de leur refuser la réparation sollicitée. J’en suis arrivé à la conclusion qu’il n’y a pas lieu de modifier les conclusions de la Commission étant donné qu’elles satisfont au critère du caractère raisonnable.
[2] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée conformément à l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi). Les demandeurs ont sollicité la qualité de réfugiés en vertu de l’article 96 ainsi que celle de personnes à protéger en vertu de l’alinéa 97(1)b) de la Loi. La Commission a tranché rapidement la demande fondée sur l’article 96 en concluant qu’aucun lien n’avait été établi avec l’un quelconque des motifs énumérés à l’article 96. L’existence d’une vendetta ne répond pas aux conditions préalables prévues à l’article 96. Notre Cour n’est pas saisie de cette question, étant donné que cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire. Ainsi, la seule question à laquelle notre Cour doit répondre est celle de savoir si l’alinéa 97(1)b) s’applique ou non. En voici le libellé :
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :
b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :
(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, (ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas; (iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes – sauf celles infligées au mépris des normes internationales – et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles, (iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.
|
97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally
(b) to a risk to their life or to a risk of cruel or unusual treatment or punishment if
(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themselves of the protection of that country, (ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country, (iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and (iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.
|
[3] Compte tenu des circonstances de la présente affaire, j’estime que la démarche qu’il convient d’adopter consiste à s’en tenir strictement à une analyse rigoureuse, ce qui, en l’espèce, nous oblige à bien définir la norme de contrôle, à déterminer sur qui repose la charge de la preuve et à nous assurer que l’intéressé s’est acquitté de cette charge et, enfin, à faire preuve, s’il y a lieu, de la déférence nécessaire.
Les faits
[4] Les demandeurs affirment que, s’ils devaient retourner dans le pays dont ils ont la nationalité, l’Albanie, ils seraient personnellement exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, et ce, parce que leurs familles sont impliquées dans des vendettas en Albanie.
[5] En ce qui concerne la vendetta dans laquelle la famille du demandeur principal est impliquée, voici les faits pertinents. Un conflit a éclaté avec une autre famille au sujet d’une parcelle de terrain qui avait été donnée à une autre famille par le gouvernement communiste de l’Albanie. Toutefois, la famille du demandeur principal affirmait être la propriétaire légitime de ce terrain. À partir de 1992, la famille du demandeur principal a entrepris des démarches en vue de récupérer cette parcelle de terrain. Il semble que le conflit ait dégénéré avec le temps.
[6] Il semble qu’en 1998, le demandeur principal et son frère aient entrepris des démarches en vue de délimiter ce qu’ils considéraient être leur propriété; ils se sont heurtés à une violente résistance de la part de représentants de l’autre famille. Par suite d’une confrontation, le demandeur principal a été agressé et a perdu connaissance. Il aurait laissé passer encore six ans avant de quitter l’Albanie pour se rendre aux États‑Unis. Il convient toutefois de signaler que la codemanderesse, l’épouse du demandeur principal, avait quitté l’Albanie pour les États‑Unis en 1999 en compagnie de l’un de leurs enfants. Ils ont vécu aux États‑Unis sans statut et, à l’arrivée du demandeur principal en 2004, ils ont tenté de régulariser leur statut juridique aux États‑Unis en présentant une demande d’asile.
[7] Les demandeurs ont tenté d’obtenir un statut aux États‑Unis en invoquant leurs opinions politiques. Un des frères du demandeur principal avait déjà réussi des démarches en ce sens et les demandeurs estimaient qu’ils avaient des chances d’obtenir gain de cause eux aussi. Il semble toutefois que la demande d’asile du frère du demandeur principal ait été présentée en 1989, alors que le régime communiste était toujours au pouvoir en Albanie, ce qui avait fort probablement contribué au succès de sa demande. Quoi qu’il en soit, la demande dont les demandeurs ont saisi les autorités américaines n’a pas été accueillie. Ils n’avaient pas tenté de faire valoir qu’ils craignaient les vendettas en Albanie.
[8] Le 26 novembre 2010, les demandeurs ont franchi illégalement la frontière canadienne. Ils ont demandé l’asile le 9 décembre 2010.
[9] Il semble que les démarches entreprises pour récupérer le terrain en Albanie se soient poursuivies après le départ du demandeur principal pour les États‑Unis en 2004. Le 26 septembre 2010, des frères et des cousins du demandeur principal ont décidé d’expulser les membres de l’autre famille de ce qu’ils estimaient être leur terre et d’en redéfinir les limites. Ainsi que le demandeur principal l’a relaté dans son Formulaire de renseignements personnels (FPR), des coups de feu ont alors été échangés. Il a expliqué que [traduction] « ils (les représentants de l’autre famille) ont commencé à s’approcher de nous et, voyant que notre famille ne bougeait pas, ils ont commencé à jurer et à tirer des coups de feu en direction des membres de ma famille; ils ont grièvement blessé mon frère Gjek Razburgaj, alors que d’autres étaient couchés à plat ventre et ripostaient en tirant des coups de feu. Luvigji Pjetraci a été abattu d’un coup de feu et Gjeto Pjetraci a été grièvement blessé ». Si j’ai bien compris, lorsque le demandeur principal explique [traduction] « ils ont commencé à s’approcher de nous », il parle des membres de sa famille sans s’inclure parmi eux parce que, suivant son FRP, il se trouvait encore aux États‑Unis.
[10] Le demandeur principal affirme qu’à la suite de cet incident tragique, les membres de sa famille se sont barricadés chez eux en Albanie et qu’ils s’attendaient à tout de la part de la famille Pjetraci.
[11] L’autre soi‑disant vendetta implique la famille de la codemanderesse. Elle ferait suite au meurtre commis par le frère de la codemanderesse en 2003 dans l’État du Michigan, aux États‑Unis. Voici un extrait de l’affidavit du demandeur principal :
[traduction]
[11] En marge de ces événements, un incident violent a éclaté en 2003 entre la famille de mon épouse, la famille Pepaj, et la famille Sufaj. L’incident a dégénéré en vendetta. Ma femme fait partie de la famille Pepaj et de nombreux membres de cette famille se trouvent au Michigan, aux É.‑U. En 2003, le frère de ma femme s’est rendu dans une église et a tiré neuf coups de feu dans le dos d’un homme qu’il connaissait. Il y avait eu une escalade de violence entre la victime et mon beau‑frère. Une vendetta a été déclarée en Albanie entre ces familles. Ma femme a reçu un appel des membres de sa famille qui l’ont prévenue de l’existence de la vendetta officielle.
Questions et points en litige
[12] Comme je l’ai déjà souligné, la Commission avait de sérieuses réserves au sujet de la crédibilité des demandeurs et, de toute façon, elle reprochait aux demandeurs de ne pas avoir cherché à obtenir la protection de l’État dans le pays de leur nationalité. Pour obtenir gain de cause devant notre Cour, les demandeurs doivent réussir sur ces deux aspects. Les demandeurs soutiennent par ailleurs à cette étape‑ci que la Commission n’a pas respecté l’obligation d’équité procédurale à laquelle elle était tenue envers eux dans la façon dont elle a appliqué ses connaissances spécialisées en réponse aux allégations formulées au sujet des vendettas en Albanie.
Norme de contrôle
[13] Les parties conviennent – et la Cour est du même avis – que l’allégation de manquement à l’équité procédurale est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339), et que les questions concernant la crédibilité et la protection de l’État sont, pour leur part, assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Lawal c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2010 CF 558; Jiang c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 775; Mendez c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 584; Hinzman c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CAF 171).
Analyse
[14] Comme nous l’avons déjà signalé, la présente demande porte désormais uniquement sur l’alinéa 97(1)b) de la Loi. Les demandeurs ne revendiquent plus la qualité de réfugiés sur le fondement de l’article 96.
[15] La difficulté que comporte la présente affaire s’explique par le fait que l’on se fonde sur des éléments de preuve qui sont souvent peu fiables ou non corroborés au sujet d’un phénomène, les vendettas en Albanie, phénomène qui n’est pas clairement défini. Dans le cas qui nous occupe, il est admis que les demandeurs n’ont pas communiqué avec les autorités albanaises et que la vendetta n’a pas été formellement déclarée. Certes, les vendettas existent bel et bien en Albanie. Le problème est ailleurs : la Commission avait l’obligation de déterminer si la preuve appuyait l’allégation suivant laquelle la famille en question était effectivement impliquée dans une vendetta, et de s’assurer que cette famille n’invoque pas ce phénomène dans le but d’obtenir le statut de réfugiés au Canada. Autrement dit, il faut passer du général au particulier. Des allégations générales ne suffisent pas.
[16] La Cour doit faire preuve de déférence à l’égard de l’appréciation effectuée par la Commission. Elle ne doit pas substituer son opinion de l’affaire à celle de la Commission, mais doit appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable qui, pour reprendre les termes de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47 :
[...] tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[17] Avant d’aborder les deux questions assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable, nous pouvons statuer sur l’argument suivant lequel il y a eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce. Les demandeurs affirment que le commissaire, qui affirmait posséder une certaine expertise en raison de dossiers analogues qu’il avait déjà examinés, a utilisé ses « connaissances spécialisées » d’une manière qui n’a pas fourni au demandeur principal l’occasion de contester les « connaissances spécialisées » en question pour cause de manque de précisions à cet égard.
[18] En toute déférence, je ne puis retenir l’argument des demandeurs. J’ai lu attentivement la transcription des audiences de la Commission et des échanges tenus entre le demandeur principal et le commissaire. Il me semble que l’article 22 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256, codifie les règles de common law qui exigent que les parties soient avisées lorsque la Section est susceptible de s’appuyer sur des renseignements qui ne se trouvent pas déjà au dossier. Ce n’est que justice que d’accorder aux intéressés la possibilité de faire valoir leur point de vue avant de tirer des conclusions susceptibles d’aller à l’encontre de leurs intérêts (Judicial Review of Administrative Action in Canada, Toronto, Carswell, 2013, au paragraphe 7:3110). Voici le libellé de l’article 22 :
22. Avant d’utiliser des renseignements ou des opinions qui sont du ressort de sa spécialisation, la Section en avise le demandeur d’asile ou la personne protégée et le ministre – si celui‑ci est présent à l’audience – et leur donne la possibilité de faire ce qui suit : a) présenter des observations sur la fiabilité et l’utilisation du renseignement ou de l’opinion; b) transmettre des éléments de preuve à l’appui de leurs observations. |
22. Before using any information or opinion that is within its specialized knowledge, the Division must notify the claimant or protected person and, if the Minister is present at the hearing, the Minister, and give them an opportunity to (a) make representations on the reliability and use of the information or opinion; and (b) provide evidence in support of their representations.
|
De toute évidence, les exigences prévues par les Règles sont davantage de nature « judiciaire » que de nature « politique » ou « législative ».
[19] Les demandeurs n’ont pas soutenu, précédents à l’appui, que l’obligation imposée à la Commission était plus lourde que celle prévue à l’article 22 des Règles, et je n’ai moi non plus trouvé aucune décision en ce sens. Les audiences de Commission ne doivent pas se transformer en procès. Ces audiences entraînent de graves conséquences et le degré d’équité procédurale doit être proportionnel à ces conséquences. Le degré de communication exigé n’est toutefois pas aussi élevé qu’il le serait, par exemple, en matière criminelle. L’article 22 des Règles prévoit que la personne protégée doit se voir accorder la possibilité de présenter des observations et de transmettre des éléments de preuve qui vont dans le même sens que ses observations.
[20] Dans le cas qui nous occupe, il n’y a aucun doute que le demandeur principal et son avocat étaient parfaitement au courant des renseignements et des opinions transmis au demandeur principal. Le demandeur principal a, en fait, eu l’occasion à deux reprises de corriger les « connaissances spécialisées » sur lesquelles la Commission s’était fondée. Il était au courant de la preuve et des arguments qu’il devait présenter, et les renseignements que possédait la Commission étaient précis et clairs. Contrairement à ce que prétend l’avocat dans le présent contrôle judiciaire, je ne puis conclure que les connaissances spécialisées en question étaient [traduction] « à ce point vagues et non vérifiables » et qu’il était impossible d’y répondre. Au contraire, les renseignements étaient précis.
[21] À l’instar de mon collègue le juge Yves de Montigny dans la décision Linares Morales c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada, 2011 CF 1496, je trouve plutôt étonnant que la question soit soulevée dans le cadre d’un contrôle judiciaire et qu’elle ne l’ait pas été devant la Commission. Ainsi que le défendeur l’a souligné, ces questions étaient abordées dans les documents communiqués à la Commission et on ne peut guère qualifier de nouvelles les questions qui ont été soulevées. Je souscris aux propos formulés par le juge de Montigny au paragraphe 13 de la décision Linares Morales :
Je note tout d’abord que le demandeur était représenté par une avocate expérimentée en droit de l’immigration lors de son audition devant le tribunal. Or, cette dernière ne s’est pas objectée à l’utilisation par le tribunal de sa connaissance spécialisée et n’a jamais même demandé des éclaircissements au tribunal quant aux sources sur lesquelles il s’appuyait pour établir ce qu’il considérait comme des pratiques établies. Sans aller jusqu’à dire que le demandeur est maintenant forclos de soulever cette question devant la Cour, il n’en demeure pas moins qu’il se fait bien tard pour le faire; cela ne peut que miner le sérieux de cet argument.
Il n’y a eu aucune violation de l’obligation d’équité en l’espèce.
[22] Pour obtenir gain de cause dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs doivent démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les conclusions tirées par la Commission sur leur crédibilité et sur la possibilité pour eux de compter sur une protection suffisante de l’État en Albanie étaient déraisonnables. Si la protection de l’État était adéquate, toute conclusion concernant la crédibilité devient théorique. Étant donné que les demandeurs n’ont pas réussi à me convaincre qu’ils ne pouvaient compter sur une protection suffisante de l’État, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de leur crédibilité.
[23] Les règles de droit relatives à la protection de l’État ont récemment été analysées de façon utile dans l’affaire Ruszo c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2013 CF 1004 [Ruszo]. Le fardeau de la preuve repose donc sur les épaules des demandeurs, étant donné que l’État est présumé être en mesure de protéger ses ressortissants (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689). Cette présomption ne peut être réfutée qu’au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants et l’on s’acquitte de ce fardeau de preuve selon la prépondérance des probabilités (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Carrillo, 2008 CAF 94).
[24] Les deux paragraphes suivants extraits de la décision Ruszo, précitée, sont particulièrement pertinents dans le cas qui nous occupe :
[32] Le demandeur d’asile doit démontrer qu’il n’a ménagé aucun effort objectivement raisonnable afin d’épuiser tous les recours auxquels il a raisonnablement accès avant de demander l’asile à l’étranger (arrêt Hinzman, précité, au paragraphe 46; Dean c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 772, au paragraphe 20; décision Salamon, précitée, au paragraphe 5). Pour ce faire, les demandeurs d’asile sont notamment tenus « de s’adresser à leur État d’origine pour obtenir sa protection avant que la responsabilité d’autres États ne soit engagée » (arrêt Ward, précité, au paragraphe 25; Kim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1126, au paragraphe 10 [Kim]; Hassaballa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 489, aux paragraphes 20‑22); Camacho c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 830, au paragraphe 10; Del Real c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 140, au paragraphe 44; Ramirez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1214, au paragraphe 28; Stojka c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1371, au paragraphe 3; Ruiz Coto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1211, au paragraphe 11; Matthews c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 535, aux paragraphes 43‑45; Kotai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 693, au paragraphe 31; Muli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 237, aux paragraphes 17‑18; Ndoja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 163, aux paragraphes 16‑18 et 25; Dieng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 450, au paragraphe 32).
[33] À cet égard, remettre en doute l’efficacité de la protection de l’État sans vraiment la mettre à l’épreuve ou simplement faire valoir une réticence subjective à faire intervenir l’État ne suffit pas à réfuter la présomption de protection de l’État (décisions Ramirez et Kim, précitées). En l’absence d’une explication convaincante, le défaut de prendre des mesures raisonnables pour épuiser toutes les avenues raisonnablement existantes dans l’État d’origine avant de demander l’asile à l’extérieur, est généralement considéré comme un fondement raisonnable pouvant justifier la SPR de conclure qu’un demandeur d’asile n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État au moyen d’une preuve claire et convaincante (décision Camacho, précitée).
[25] Dans le cas qui nous occupe, les demandeurs n’ont même pas tenté de chercher à obtenir la protection de leur pays d’origine. D’ailleurs, ils n’ont même pas soulevé la question des vendettas aux États‑Unis, où ils ont résidé pendant des années. Ce n’est qu’au Canada qu’ils demandent à l’État de les protéger contre les vendettas en Albanie. Quant à l’Albanie, les demandeurs affirment plutôt qu’ils ne pourraient compter sur la protection de l’État. La Commission s’est dite en désaccord avec leur prétention et cette conclusion ne peut être qualifiée que de raisonnable, vu l’ensemble du dossier. Les demandeurs ne se sont jamais acquittés du fardeau qui leur incombait.
[26] Pour examiner la question, la Commission a cité de larges extraits d’un rapport sur l’Albanie, daté du 31 octobre 2012, ainsi que le « Rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires » publié dans le cadre d’une mission menée en Albanie par un dénommé Philip Alston (le Rapport Alston). Dans ce rapport réalisé pour le compte du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, M. Alston expose ses opinions et ses observations sur le phénomène des vendettas en Albanie en citant à l’appui des éléments de preuve documentaire et de nombreuses entrevues réalisées auprès de hauts fonctionnaires albanais. Il n’est pas étonnant que la Commission ait accordé une grande valeur à ce rapport. J’ai lu moi aussi ce Rapport.
[27] Bien que les demandeurs aient démontré une réticence subjective à solliciter la protection de l’État, la Commission a conclu que les propos plus convaincants des Nations Unies démontraient que les demandeurs pouvaient compter sur une protection suffisante de l’Albanie contre les vendettas, dont certaines font l’objet de poursuites en Albanie. Ainsi, non seulement il existe en Albanie des lois réprimant les meurtres commis à l’occasion de vendettas, mais encore ces lois sont appliquées.
[28] Le Rapport Alston fait observer, au paragraphe 29 que, pour de nombreuses familles [traduction] « [...] l’État devrait répugner à intervenir étant donné que les questions d’honneur et de respect doivent être réglés de façon privée plutôt que par la police ». Ce passage trouve écho dans la décision de la Commission, aux paragraphes 48 et 49 :
[48] Le demandeur d’asile principal a été invité à expliquer si sa famille a tenté d’obtenir l’aide de l’État pour résoudre la vendetta et il a répondu par l’affirmative en expliquant qu’elle s’est adressée aux aînés du village ainsi qu’aux représentants municipaux [commune du village]. Il s’est ensuite fait demander si, après le défaut des aînés de régler le différend, la famille a demandé l’aide des cours ou du gouvernement fédéral albanais. Il a répondu par la négative. Il a indiqué que la vendetta/le différend était [traduction] « considéré comme une affaire privée ». À la question visant à savoir si sa famille avait consulté un avocat, il a répondu par la négative en ajoutant [traduction] « nous n’avions aucune idée de ce qu’était un avocat ». Le demandeur d’asile principal a confirmé que sa famille et lui n’ont jamais tenté d’obtenir de l’aide d’un palier supérieur à celui du village. Aucune aide n’a été demandée au gouvernement albanais. Il a été précisément demandé au demandeur d’asile principal s’il a déposé une plainte auprès de la police après qu’il s’est fait agresser en 2000. Il a répondu [traduction] « personne ne s’adresse à la police. La police n’aide pas. Il s’agit d’une affaire privée et la police est corrompue. »
[49] Le conseil du demandeur d’asile principal a demandé à ce dernier de préciser les lois que les habitants de sa région de l’Albanie respectent et il a répondu qu’il s’agit du kanun. Le conseil lui a ensuite demandé si les personnes étaient au courant du fait que l’État a des lois aussi. Il a répondu : [traduction] « Personne ne parle des lois albanaises parce que personne ne les reconnaît. Les lois de l’État ne sont pas reconnues. » Lorsqu’il s’est fait demander si l’État protégerait sa famille et lui s’ils retournaient dans le pays, le demandeur d’asile principal a répondu « non, l’État ne nous donne aucun espoir. De plus, dans la région dont nous sommes [originaires], ce n’est pas honorable de s’adresser à l’État [...] Nous devons respecter le kanun. »
[29] La conclusion tirée par la Commission à la lumière de la thèse défendue par le demandeur principal me semble inattaquable. La Commission a conclu que ce type d’attitude consistant à considérer les vendettas comme des affaires privées et la non‑reconnaissance de l’autorité de l’État peuvent difficilement être considérés comme des éléments de preuve clairs et convaincants réfutant la présomption de protection suffisante de l’État. La décision de ne pas chercher à obtenir la protection de l’État ne constitue pas un élément de preuve clair et convaincant démontrant que les demandeurs ne pouvaient se prévaloir de la protection de l’État.
[30] La Commission disposait d’éléments de preuve appuyant l’avis que la loi est appliquée en Albanie. La perfection n’est évidemment pas exigée. Elle est d’ailleurs impossible à atteindre. La Cour d’appel fédérale l’a très clairement expliqué dans l’arrêt Villafranca c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (1992), 99 DLR (4th) 334, au paragraphe 7 :
Aucun gouvernement qui professe des valeurs démocratiques ou affirme son respect des droits de la personne ne peut garantir la protection de chacun de ses citoyens en tout temps. Ainsi donc, il ne suffit pas que le demandeur démontre que son gouvernement n’a pas toujours réussi à protéger des personnes dans sa situation. Le terrorisme au service d’une quelconque idéologie perverse est un fléau qui afflige aujourd’hui de nombreuses sociétés; ses victimes, bien qu’elles puissent grandement mériter notre sympathie, ne deviennent pas des réfugiés au sens de la Convention simplement parce que leurs gouvernements ont été incapables de supprimer ce mal. Toutefois, lorsque l’État se révèle si faible, et sa maîtrise sur une partie ou l’ensemble de son territoire est si tenue qu’il n’est qu’un gouvernement nominal, comme cette Cour a trouvé que c’était le cas dans l’arrêt Zalzali c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), un réfugié peut à bon droit affirmer être capable de se réclamer de sa protection. Par contre, lorsqu’un État a le contrôle efficient de son territoire, qu’il possède des autorités militaires et civiles et une force policière établies, et qu’il fait de sérieux efforts pour protéger ses citoyens contre les activités terroristes, le seul fait qu’il n’y réussit pas toujours ne suffit pas à justifier la prétention que les victimes du terrorisme ne peuvent pas se réclamer de sa protection.
[31] Dans son rapport, M. Alston écrit que le gouvernement albanais devrait essayer d’en faire plus, notamment en matière de recherche, de sensibilisation du public et de travail de proximité (paragraphe 47). Le phénomène, qui a des fondements culturels, est complexe et s’explique par les pressions sociales. En revanche, le Rapport conclut que non seulement des lois ont été adoptées, mais les mesures prises pour les appliquer semblaient avoir produit de bons résultats :
[traduction]
27. Bien que le système de justice criminelle comporte de graves lacunes, il semble exagéré de soutenir qu’il est à ce point inefficace et corrompu pour qu’on doive continuer à recourir aux vendettas pour obtenir justice. Rien ne permet de penser que le présumé vide à l’égard de l’ordre public explique l’attachement persistant de la population aux vendettas. Bien que certains cas, surtout les plus anciens, ne soient toujours pas réglés et que certaines personnes accusées de meurtre soient passées dans la clandestinité ou aient fui le pays et n’aient pas été extradées, dans la plupart des cas que j’ai examinés, l’assassin s’est rendu ou a été rapidement arrêté, poursuivi et condamné. De plus, la réduction observée au cours des dernières années dans le nombre général d’homicides s’est également accompagnée d’une baisse du nombre de vendettas, ce qui confirme l’efficacité des mesures de maintien de l’ordre qui ont été prises.
28. Un problème beaucoup plus grave est le fait que de nombreuses familles impliquées dans des vendettas estiment que le système de justice criminelle de l’État n’est pas en mesure de répondre à leurs inquiétudes, qui ont principalement trait au déshonneur et au sang à venger à la suite du premier meurtre. Le fait de condamner l’assassin à une longue peine d’emprisonnement pourrait être considéré comme ne répondant pas à la conception de la justice de certaines familles qui estiment que, pour rétablir l’honneur perdu, un autre meurtre doit être commis à titre de mesure de représailles, à moins que les deux familles se réconcilient de leur plein gré de façon officielle. Les mesures prises par l’État à l’égard de l’auteur du crime sont donc ainsi parfois perçues comme n’ayant rien à voir avec l’idée que se font les familles d’une réponse « juste ».
29. Par ailleurs, le rôle que joue l’État à l’égard des familles isolées varie. Dans le cas de nombreuses familles, ce rôle est, au mieux, limité. Certaines croient qu’en pratique, l’État ne peut pas faire grand‑chose pour les protéger. D’autres pensent que l’État devrait éviter d’intervenir parce que les questions d’honneur et de respect doivent être réglées de façon privée plutôt que par la police. Une famille m’a expliqué que, même si elle était profondément insatisfaite des contraintes et de l’isolement auxquels le kanun les condamnait, elle s’estimait obligée de demeurer isolée par respect des règles du kanun de l’autre famille. Pour cette famille, l’intervention de l’État n’est pas pertinente. De plus, de nombreuses familles isolées ne font jamais l’objet de menaces précises auxquelles la police peut répondre; elles croient tout simplement que l’absence de besa signifie qu’elles peuvent être visées en tout temps.
[32] Le droit d’asile international n’est qu’un substitut de protection. Ce n’est que lorsque la protection de l’État est insuffisante qu’il y a lieu de se tourner vers un autre État pour obtenir une protection. Mais avant de franchir cette étape, il faut des éléments de preuve clairs et convaincants. Les paragraphes qui suivent, extraits de la décision Ruszo, précitée, sont très éclairants à cet égard :
[49] À mon avis, la jurisprudence établit que, en l’absence d’une preuve convaincante qui démontre l’existence d’un fondement objectivement raisonnable d’exploiter tous les moyens raisonnables existants de protection de la part de l’État, il est raisonnable que la SPR conclue que la présomption de protection de l’État n’a pas été réfutée au moyen d’une preuve claire et convaincante.
[50] À cet égard, une preuve convaincante est une preuve qui fournit un fondement objectif à la conclusion que la mise en œuvre de l’une de ces actions pourrait raisonnablement exposer le demandeur à la persécution, à des lésions ou à des dépenses excessives ou serait objectivement déraisonnable. Il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce qu’une personne qui fait appel à l’aide et à la générosité du Canada fasse des efforts sérieux pour recenser et épuiser toutes les sources raisonnablement existantes de protection potentielle dans son pays d’origine, sauf s’il existe un fondement incontestable au défaut d’agir ainsi. En résumé, ce comportement ne satisferait pas aux exigences du volet « ne peut » de l’article 96, dont il a été question aux paragraphes 30 à 33 des présents motifs. Par ailleurs, en l’absence de la preuve que les personnes visées craignaient objectivement et avec raison d’être persécutées, il ne serait pas non plus satisfait aux exigences du volet « ne veut », dont il a été question au paragraphe 34 des présents motifs.
[51] J’ajoute, pour plus de clarté, que l’impression subjective qu’une personne perdrait son temps en demandant la protection de la police ou en essayant de corriger les manquements de la police locale en soumettant l’affaire à d’autres sources de protection policière ne constituerait pas une preuve convaincante, sauf si le demandeur avait demandé sans succès la protection de la police à de multiples reprises, comme dans l’affaire Ferko c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1284, au paragraphe 49.
[33] Dans sa décision, le commissaire a tenu compte de l’ensemble de la preuve dont il disposait. Il a d’abord et avant tout conclu que l’Albanie disposait de lois en vigueur pour réprimer les meurtres commis dans le cadre de vendettas et que ces lois étaient appliquées. Le commissaire a cité diverses sources confirmant la réduction du nombre d’homicides et le fait que, dans le cadre des vendettas albanaises, les personnes ciblées étaient l’assassin et la famille nucléaire de l’assassin et non les membres de la famille élargie (comme le demandeur principal et son épouse). Il a conclu, en se fondant sur les éléments de preuve les plus fiables portés à sa connaissance, que les femmes et les enfants ne sont pas visés. À mon avis, les conclusions du commissaire répondent au critère du caractère raisonnable.
[34] Les demandeurs ont tenté, dans leur mémoire complémentaire, de se fonder sur la décision Cekaj c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 1531, [Cekaj] dans laquelle notre Cour avait annulé la décision d’un agent d’examen des risques avant renvoi. Cette décision n’est d’aucun secours pour les demandeurs.
[35] Dans l’affaire Cekaj, les erreurs qui avaient amené la Cour à faire droit à la demande de contrôle judiciaire étaient d’un ordre tout à fait différent. La Cour avait conclu que des éléments de preuve cruciaux n’avaient pas été examinés, que l’auteur de la décision avait recouru à des formules toutes faites en affirmant par exemple que la preuve était vague, et ce, sans avoir examiné attentivement la preuve. L’auteur de la décision n’avait pas soupesé la valeur probante des éléments de preuve qui lui avaient été soumis, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. La Commission a effectivement procédé à une analyse rigoureuse et approfondie de la preuve documentaire et des éléments de preuve corroborants. Une chose est sûre : lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour ne peut pas se prononcer sur la question de savoir si la protection de l’État est suffisante ou non dans un pays déterminé. Je partage à ce propos l’opinion exprimée dans la décision Konya c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2013 CF 975, au paragraphe 47 :
[47] Le second problème est que la demanderesse semble se servir de conclusions de la Cour comme preuves qu’en Hongrie, la protection de l’État n’est pas adéquate. Il s’agirait là d’une application erronée du droit. Un juge de la Cour fédérale, siégeant dans le cadre d’un contrôle judiciaire, ne décide pas si la protection de l’État est adéquate ou non en Hongrie. La tâche de ce juge est de contrôler la décision afin de déterminer si elle raisonnable. Chaque affaire est tranchée en fonction des faits et des arguments qui sont soumis à la Cour. Dans le cadre de son analyse, un juge peut exprimer des opinions sur ce que la preuve documentaire tend à montrer. Mais on ne peut pas transformer les commentaires du juge en conclusions de fait. Seule la Commission est en mesure de tirer de telles conclusions. Le fait d’utiliser la jurisprudence comme le voudrait la demanderesse est inapproprié.
(Voir également Karimzada c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 152, au paragraphe 24).
[36] Les demandeurs invoquent également la décision Andoni c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 516. On ne voit pas comment les demandeurs peuvent utiliser de quelque façon que ce soit les arguments soulevés par le demandeur dans cette affaire. On ne peut guère se fonder sur de tels arguments à titre de précédents. De même, les demandeurs semblent se fonder sur certains extraits de la décision de la Cour pour appuyer les conclusions de crédibilité tirées dans l’affaire Andoni. La crédibilité est appréciée au cas par cas. Ce type d’argument est sans fondement.
[37] Le rôle qui incombe à la cour de révision consiste à déterminer si la conclusion de la Commission quant au caractère suffisant de la protection de l’État était raisonnable, en ce sens qu’elle appartient aux issues acceptables pouvant se justifier compte tenu de l’ensemble de la preuve dont disposait la Commission. La Loi exige par ailleurs que l’on présente des éléments de preuve clairs et convaincants pour pouvoir réfuter cette présomption. J’estime que la décision de la Commission est raisonnable.
[38] Comme je l’ai déjà fait observer, le fait de conclure que les demandeurs pouvaient compter sur une protection de l’État suffisante rend sans objet tout examen des arguments formulés au sujet de leur crédibilité. Je tiens toutefois à souligner que le témoignage d’un certain Gjin Marku, président d’un organisme appelé Comité albanais de réconciliation nationale, a depuis été discrédité. La Commission a cité de larges extraits d’un rapport récent sur l’Albanie qui fait partie du Cartable national de documentation; il semble que de faux documents aient été publiés par cet organisme, ce qui ne fait qu’ajouter à la confusion entourant le phénomène des vendettas et leur fréquence. Compte tenu du fait que ces rapports datent déjà de 14 mois, il se peut que les enquêtes menées au sujet des activités de M. Marku et de son organisme soient terminées et qu’une mise à jour s’impose.
[39] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. À l’audience, j’ai demandé aux parties si elles avaient des questions graves de portée générale à faire certifier en vertu de l’article 74 de la Loi. Elles ne m’ont proposé aucune question.
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 12 décembre 2012 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est rejetée. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.
« Yvan Roy »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM‑1214‑13
|
INTITULÉ : |
Pashko RAZBURGAJ, Lule RAZBURGAJ, Juljana RAZBURGAJ, Klaudia RAZBURGAJ c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE :
LE 20 JANVIER 2014
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
LE JUGE ROY
DATE DES MOTIFS :
LE 17 FÉVRIER 2014
COMPARUTIONS :
Me Mike Bell
Me Leah Garvin
|
POUR LES DEMANDEURS
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Workable Immigration Solutions Ottawa (Ontario)
|
POUR LES DEMANDEURS
|
William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada
|
POUR LE DÉFENDEUR
|