Date : 20140213
Dossier :
IMM‑3364‑13
Référence : 2014 CF 113
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 13 février 2014
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE : |
IVAN SIMKOVIC |
demandeur |
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le demandeur a quitté son pays d’origine sans prévenir qui que ce soit de son départ. Le demandeur, un professionnel ayant fait des études universitaires, a reconnu qu’il n’a pas tenté de régulariser sa situation au Canada pendant plus de 16 ans. Il n’a pas non plus tenté de retourner dans son pays d’origine, ni n’a pas non plus demandé l’asile pendant toute la période de 16 ans qu’il a passée au Canada. Affirmant qu’il n’était pas au courant qu’il avait été accusé et condamné pour fraude fiscale dans son pays d’origine, le demandeur allègue également que ni sa mère ni sa sœur, qui sont venues au Canada lui rendre visite, ne lui ont fait part de ce qu’elles savaient du procès qui avait eu lieu à ce sujet ainsi que du jugement et de la peine qui ont été prononcés contre lui.
[2] L’avocat du demandeur souligne la situation kafkaïenne dans laquelle se trouve le système judiciaire en Slovaquie, citant à l’appui des extraits du dossier certifié du tribunal (le DCT) de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié dans lesquels il est affirmé que la première ministre de la Slovaquie, Iveta Radicova, aurait déclaré au cours de la période qui nous intéresse en l’espèce : [traduction] « JE NE CROIS PAS EN LA MAGISTRATURE » et « nous avons besoin d’une réforme en profondeur de la magistrature », faisant directement allusion à la corruption qui règne au sein de la magistrature (DCT, vol. 3, à la p. 458; DCT, vol. 2, aux pages 230 à 233 inclusivement; DCT, vol. 2, aux pages 242 à 244 où l’on trouve également un rapport du Département d’État sur la situation en Slovaquie), mais ces éléments ne nous permettent pas à eux seuls de justifier d’écarter les éléments de preuve non contredits concernant l’implication du demandeur dans le crime économique dont il a été accusé et reconnu coupable. Pour rendre sa décision, notre Cour ne peut tenir compte uniquement d’un rapport sur la situation portant sur un pays déterminé ou d’autres documents à cet égard sans tenir également compte des éléments de preuve non contredits concernant le demandeur. Ainsi, même s’il existe des problèmes en ce qui concerne le « système judiciaire » au sens large, les éléments de preuve non contredits qui ont été présentés au sujet du demandeur amènent la Cour à conclure que tant à première vue que sur le fond, la décision de la SPR était raisonnable, comme le démontre le raisonnement qu’elle a suivi en se fondant sur l’ensemble de la preuve dont elle disposait et qu’elle satisfaisait aux critères élaborés dans la trilogie d’arrêts de la Cour suprême suivante : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654, et Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708.
[3] Le fait que le pays d’origine du demandeur, la Tchécoslovaquie, était scindé en deux, la République tchèque et la République slovaque, lorsque le demandeur a quitté le pays, ne constitue pas une raison suffisante pour le justifier de s’enfuir de son pays, et ce, malgré le fait que des changements étaient inévitables, étant donné que le demandeur n’avait aucun profil politique ou antécédent politique de quelque nature que ce soit.
[4] Bien qu’une ligne du paragraphe 53 de la décision de la SPR – où il est écrit : « Même si l’entreprise est décrite comme le [traduction] “plus important fraudeur de l’impôt” de la Slovaquie, il n’y a aucun renseignement selon lequel l’entreprise est engagée dans des activités illicites, autres que les impôts impayés » [non souligné dans l’original] – comporte une faute d’inadvertance, cette erreur ne change rien au caractère raisonnable de l’ensemble de la décision, qui compte quatre‑vingt‑sept paragraphes.
[5] Le présent jugement fait suite à une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la SPR a conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de « réfugiés au sens de la Convention » ni celle de « personnes à protéger » au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], étant donné qu’il était exclu par application de l’alinéa 1Fb) de la Convention relative au statut des réfugiés [la Convention].
[6] Voici un extrait de l’alinéa 1Fb) :
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser:
[…]
b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;
[…] |
F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:
…
(b) He has committed a serious non‑political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;
… |
(Annexe de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, sections E et F de l’article 1 de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés).
[7] Après avoir tenu une audience qui s’est échelonnée sur trois jours et après avoir ensuite examiné les observations écrites qui lui avaient été soumises, la SPR a conclu que le demandeur était exclu de la protection de réfugié par application de l’alinéa 1Fb), notamment pour les raisons suivantes :
a) compte tenu des documents détaillés provenant de Slovaquie démontrant que le demandeur avait commis, avant d’arriver au Canada, un crime pour lequel il avait été reconnu coupable de « diminution de l’impôt » en contravention des paragraphes 148(1) et (5) du code pénal slovaque;
b) à l’audience, la SPR a expliqué que ce crime correspondait à l’infraction de « fraude » prévue au paragraphe 380(1) du Code criminel du Canada;
c) même s’il a nié avoir commis les crimes qui lui étaient imputés, le demandeur n’a pas contesté qu’il s’agissait effectivement de sa situation légale actuelle en Slovaquie;
d) le demandeur a allégué qu’en tant qu’associé d’une entreprise commerciale, il a été victime d’individus peu scrupuleux qui l’ont induit en erreur, ajoutant que les actes criminels ont été commis à son insu par d’autres personnes;
e) la SPR s’était vue présenter des extraits du Code criminel du Canada qui indiquaient que les actes commis par le demandeur étaient de nature criminelle au Canada. De plus, le crime en question était considéré comme « un crime grave de droit commun commit en dehors du pays d’accueil avant d’y être admis comme réfugié »;
f) l’article 98 de la LIPR dispose :
98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger. |
98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection. |
g) l’article 380 du Code criminel du Canada, LRC 1985, c C‑46 est ainsi libellé :
Fraude
380. (1) Quiconque, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, constituant ou non un faux semblant au sens de la présente loi, frustre le public ou toute personne, déterminée ou non, de quelque bien, service, argent ou valeur :
a) est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, si l’objet de l’infraction est un titre testamentaire ou si la valeur de l’objet de l’infraction dépasse cinq mille dollars;
b) est coupable :
(i) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans,
(ii) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire,
si la valeur de l’objet de l’infraction ne dépasse pas cinq mille dollars.
Peine minimale
(1.1) Le tribunal qui détermine la peine à infliger à une personne qui, après avoir été poursuivie par acte d’accusation, est déclarée coupable d’une ou de plusieurs infractions prévues au paragraphe (1) est tenu de lui infliger une peine minimale d’emprisonnement de deux ans si la valeur totale de l’objet des infractions en cause dépasse un million de dollars.
Influence sur le marché public
(2) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, constituant ou non un faux semblant au sens de la présente loi, avec l’intention de frauder, influe sur la cote publique des stocks, actions, marchandises ou toute chose offerte en vente au public. |
Fraud
380. (1) Every one who, by deceit, falsehood or other fraudulent means, whether or not it is a false pretence within the meaning of this Act, defrauds the public or any person, whether ascertained or not, of any property, money or valuable security or any service,
(a) is guilty of an indictable offence and liable to a term of imprisonment not exceeding fourteen years, where the subject‑matter of the offence is a testamentary instrument or the value of the subject‑matter of the offence exceeds five thousand dollars; or
(b) is guilty
(i) of an indictable offence and is liable to imprisonment for a term not exceeding two years, or
(ii) of an offence punishable on summary conviction,
where the value of the subject‑matter of the offence does not exceed five thousand dollars.
Minimum punishment
(1.1) When a person is prosecuted on indictment and convicted of one or more offences referred to in subsection (1), the court that imposes the sentence shall impose a minimum punishment of imprisonment for a term of two years if the total value of the subject‑matter of the offences exceeds one million dollars.
Affecting public market
(2) Every one who, by deceit, falsehood or other fraudulent means, whether or not it is a false pretence within the meaning of this Act, with intent to defraud, affects the public market price of stocks, shares, merchandise or anything that is offered for sale to the public is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding fourteen years. |
h) l’article 380.1 du Code criminel du Canada dispose :
Détermination de la peine : circonstances aggravantes
380.1 (1) Sans que soit limitée la portée générale de l’article 718.2, lorsque le tribunal détermine la peine à infliger à l’égard d’une infraction prévue aux articles 380, 382, 382.1 ou 400, les faits ci‑après constituent des circonstances aggravantes :
a) l’ampleur, la complexité, la durée ou le niveau de planification de la fraude commise est important;
b) l’infraction a nui — ou pouvait nuire — à la stabilité de l’économie canadienne, du système financier canadien ou des marchés financiers au Canada ou à la confiance des investisseurs dans un marché financier au Canada;
c) l’infraction a causé des dommages à un nombre élevé de victimes; c.1) l’infraction a entraîné des conséquences importantes pour les victimes étant donné la situation personnelle de celles‑ci, notamment leur âge, leur état de santé et leur situation financière;
d) le délinquant a indûment tiré parti de la réputation d’intégrité dont il jouissait dans la collectivité;
e) il n’a pas satisfait à une exigence d’un permis ou d’une licence, ou à une norme de conduite professionnelle, qui est habituellement applicable à l’activité ou à la conduite qui est à l’origine de la fraude;
f) il a dissimulé ou détruit des dossiers relatifs à la fraude ou au décaissement du produit de la fraude.
Circonstance aggravante : valeur de la fraude
(1.1) Sans que soit limitée la portée générale de l’article 718.2, lorsque le tribunal détermine la peine à infliger à l’égard d’une infraction prévue aux articles 382, 382.1 ou 400, le fait que la fraude commise ait une valeur supérieure à un million de dollars constitue également une circonstance aggravante.
Circonstances atténuantes
(2) Lorsque le tribunal détermine la peine à infliger à l’égard d’une infraction prévue aux articles 380, 382, 382.1 ou 400, il ne prend pas en considération à titre de circonstances atténuantes l’emploi qu’occupe le délinquant, ses compétences professionnelles ni son statut ou sa réputation dans la collectivité, si ces facteurs ont contribué à la perpétration de l’infraction, ont été utilisés pour la commettre ou y étaient liés.
Inscription obligatoire
(3) Le tribunal fait inscrire au dossier de l’instance les circonstances aggravantes ou atténuantes qui ont été prises en compte pour déterminer la peine. |
Sentencing — aggravating circumstances
380.1 (1) Without limiting the generality of section 718.2, where a court imposes a sentence for an offence referred to in section 380, 382, 382.1 or 400, it shall consider the following as aggravating circumstances:
(a) the magnitude, complexity, duration or degree of planning of the fraud committed was significant;
(b) the offence adversely affected, or had the potential to adversely affect, the stability of the Canadian economy or financial system or any financial market in Canada or investor confidence in such a financial market;
(c) the offence involved a large number of victims;
(c.1) the offence had a significant impact on the victims given their personal circumstances including their age, health and financial situation;
(d) in committing the offence, the offender took advantage of the high regard in which the offender was held in the community;
(e) the offender did not comply with a licensing requirement, or professional standard, that is normally applicable to the activity or conduct that forms the subject‑matter of the offence; and
(f) the offender concealed or destroyed records related to the fraud or to the disbursement of the proceeds of the fraud.
Aggravating circumstance — value of the fraud
(1.1) Without limiting the generality of section 718.2, when a court imposes a sentence for an offence referred to in section 382, 382.1 or 400, it shall also consider as an aggravating circumstance the fact that the value of the fraud committed exceeded one million dollars.
Non‑mitigating factors
(2) When a court imposes a sentence for an offence referred to in section 380, 382, 382.1 or 400, it shall not consider as mitigating circumstances the offender’s employment, employment skills or status or reputation in the community if those circumstances were relevant to, contributed to, or were used in the commission of the offence.
Record of proceedings
(3) The court shall cause to be stated in the record the aggravating and mitigating circumstances it took into account when determining the sentence. |
i) si l’acte criminel en question avait été commis au Canada, il aurait été considéré comme un acte criminel passible d’une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement;
j) le jugement slovaque explique expressément les motifs sur lesquels reposent ses conclusions :
• En tant que partenaire de l’entreprise Coreco, le demandeur aurait conclu des contrats visant une grande quantité de rhum avec un fabricant et grossiste de boissons alcoolisées. Le rhum devait être exporté et ne devait pas être vendu sur le marché national slovaque. Ces marchandises seraient exemptes de taxes de vente, tandis que des taxes sont imposées sur les ventes intérieures;
• Contrairement aux lois slovaques, le rhum a été vendu sur le marché intérieur slovaque, de sorte que le demandeur aurait ainsi [traduction] « a causé des préjudices d’une valeur totale de 4 406 160 106 couronnes à l’État, selon le Bureau des revenus de Bratislava 1, en omettant de payer les taxes de vente », ce qui constituait [traduction] « une infraction criminelle de fraude fiscale » (au par. 26). La somme en jeu équivaut à plus de 180 000 $ canadiens. Le demandeur s’est vu infliger une peine d’emprisonnement de cinq ans et il a perdu le droit de se livrer à des activités commerciales durant les cinq années suivantes. La SPR a par conséquent conclu que le ministre avait démontré que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun;
k) suivant la jurisprudence, la norme des « motifs raisonnables de croire » exige davantage qu’un simple soupçon, mais est moins stricte que celle de la prépondérance des probabilités applicable en matière civile (Chiau c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 297, au paragraphe 60 (CAF));
l) de plus, la croyance en l’existence de motifs raisonnables doit posséder un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi (Sabour c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 195 FTR 59, 9 Imm LR (3d) 61 (CF 1re inst.)).
[8] Il est significatif que le demandeur ait déclaré qu’il avait effectivement signé le contrat initial d’achat de rhum au nom de l’entreprise dont il était un associé. Il a par ailleurs également reconnu que le contrat visait des produits destinés à l’exportation et qu’il était au courant du fait que les produits exportés étaient vendus à un prix inférieur et que le producteur était par conséquent exonéré de la taxe de vente au point d’achat. Le demandeur n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer que le rhum était effectivement destiné à l’exportation; il a également reconnu que sa compagnie avait été payée pour les opérations auxquelles il avait participé.
[9] Dans l’arrêt Xie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 250, [2004] 1 RCF 304, la Cour d’appel fédérale a jugé que la SPR pouvait se fonder sur un acte d’accusation et un mandat d’arrestation pour conclure à l’existence de motifs raisonnables de croire que le demandeur d’asile avait commis un crime. Dans le cas qui nous occupe, les extraits du jugement du tribunal slovaque renferment effectivement des détails au sujet des accusations elles‑mêmes ainsi que des éléments de preuve démontrant que le demandeur a éludé l’impôt. Le tribunal slovaque a rendu sa décision après avoir entendu des témoins à ce sujet et après avoir examiné des éléments de preuve documentaire à cet égard.
[10] Bien que le demandeur signale les faiblesses de la preuve en ce qui concerne l’acte d’accusation et le jugement slovaques, les éléments de preuve versés au dossier démontrent qu’il existe une preuve suffisante à première vue, ou « des raisons sérieuses de considérer » que le demandeur a commis un crime grave de droit commun en Slovaquie.
[11] Il n’appartient pas à la SPR de mener un procès criminel selon la norme de la conviction hors de tout doute raisonnable ou selon celle de la prépondérance des probabilités. L’acte d’accusation et le jugement slovaques appuient effectivement la conclusion de la SPR suivant laquelle il existait des raisons sérieuses de considérer que le demandeur avait commis un crime (Sing c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 125).
[12] Après analyse, la Cour estime, compte tenu de la décision de la SPR, qu’il y a lieu, en l’espèce, de faire preuve de déférence (Febles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CAF 324).
[13] Une infraction qui serait punissable d’une peine d’emprisonnement de dix ans si elle était commise au Canada constitue un crime grave. Un crime économique peut constituer un crime grave (Jayasekara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 404, [2009] 4 RCF 164).
[14] Le demandeur a été reconnu coupable d’avoir fraudé le gouvernement slovaque pour l’équivalent d’environ 180 000 $ en taxes, ce qui n’a été contredit par aucun élément de preuve substantiel présenté par le demandeur.
[15] Il importe de bien préciser que la SPR a procédé à une analyse approfondie et claire pour évaluer la gravité du crime et qu’elle a tenu compte des éléments suivants :
a) les éléments constitutifs du crime;
b) le mode de poursuite;
c) la peine prévue;
d) les faits sous‑jacents à la déclaration de culpabilité;
e) les circonstances atténuantes et aggravantes en rapport avec la déclaration de culpabilité. (Jayasekara, précité, au paragraphe 44).
[16] Dans le cas qui nous occupe, les éléments constitutifs du crime ont été établis. Bien que le procès ait eu lieu par contumace, cette situation s’expliquait par le fait que le demandeur avait quitté la Slovaquie en 1992 pour venir au Canada. Le tribunal a tenu compte de la situation personnelle du demandeur, ainsi que du fait qu’il avait trempé dans ce crime avec d’autres individus. Elle a également tenu compte de ses possibilités de se réadapter et du fait qu’il n’avait aucun antécédent judiciaire. Pour en arriver à établir une peine de cinq ans d’emprisonnement, le tribunal a tenu compte de la gravité de son crime sur le plan social. Le tribunal a tenu compte de tous les facteurs susmentionnés, ainsi que du fait que le demandeur avait quitté la Slovaquie pour se soustraire à des poursuites.
[17] De plus, le demandeur n’a été en mesure de présenter aucune preuve à l’appui de son allégation que la SPR avait commis une erreur en concluant qu’il devrait être exclu alors que la Slovaquie ne pouvait faire exécuter le jugement en raison du délai de prescription. Le demandeur n’a pas démontré ce fait. Cet argument n’aide pas vraiment le demandeur, car, s’il était retenu, il s’ensuivrait qu’il pourrait retourner en Slovaquie, où cette condamnation criminelle ne jouerait plus contre lui en raison de la prescription – en supposant que ce délai existe –, qu’il invoque pour minimiser l’importance de la sentence prononcée contre lui. La question de la prescription joue à son détriment dans les deux sens en l’espèce : s’il affirme qu’il ne peut retourner en Slovaquie, c’est donc que l’affaire n’est pas prescrite; si elle l’est, il pourrait dès lors rentrer dans son pays d’origine. Le demandeur ne peut gagner sur les deux tableaux.
[18] La SPR a procédé « à une instruction approfondie de l’affaire ». La SPR exerce des fonctions d’enquête dont ses membres s’acquittent pour s’assurer de clarifier les questions relevant de la compétence de la SPR afin de faciliter le déroulement de l’audience (Arica c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1995), 182 NR 392 (CAF)).
[19] Quant à l’allégation formulée par le demandeur au sujet du parti pris qu’aurait eu le commissaire, il ressort à l’évidence de la transcription que le commissaire a mené un interrogatoire approfondi et vigoureux qui ne suscite aucune crainte raisonnable de partialité de sa part. Il ressort de la transcription que le commissaire a fait tout en son possible pour bien comprendre la preuve en vue de l’analyser et de rendre sa décision.
[20] La décision de la SPR n’était entachée d’aucune erreur. Il existait des raisons sérieuses de penser que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun avant d’être admis au Canada. De plus, le demandeur n’a pas démontré que la SPR avait un parti pris ou qu’elle avait tenu compte de facteurs non pertinents, comme il le prétend (Bande indienne Wewaykum c Canada, 2003 CSC 45, [2003] 2 RCS 259; Committee for Justice and Liberty c Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 RCS 369).
[21] Pour tous les motifs qui ont été exposés, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.
JUGEMENT
LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire du demandeur. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.
« Michel M.J. Shore »
Juge
Traduction certifiée conforme
Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM‑3364‑13
|
INTITULÉ : |
IVAN SIMKOVIC c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)
DATE DE L’AUDIENCE :
LE 29 JANVIER 2014
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :
LE JUGE SHORE
DATE DES MOTIFS :
LE 13 FÉVRIER 2014
COMPARUTIONS :
Andrew Z. Wlodyka
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POUR LE DEMANDEUR
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Helen Park
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POUR LE défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Wlodyka MacDonald Teng Avocat Vancouver (Colombie‑Britannique)
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POUR LE DEMANDEUR
|
William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Vancouver (Colombie‑Britannique)
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POUR LE défendeur
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