Date : 20140116
Dossier :
T-1737-12
Référence : 2014 CF 46
Montréal (Québec), le 16 janvier 2014
En présence de monsieur le juge Annis
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ENTRE : |
AICHA OUZKRI |
partie demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION |
partie défenderesse |
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] Mme Ouzkri, la demanderesse, s’appuyant sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC (1985), ch C-29 [la Loi], conteste le refus de lui accorder la citoyenneté canadienne selon la décision rendue en date du 25 juillet 2012 par une juge de la citoyenneté parce qu’elle n’avait pas satisfait aux exigences relatives à la résidence conformément à l’alinéa 5(1)c).
[2] Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande de contrôle judiciaire.
II. Les faits
[3] Mme Ouzkri, une citoyenne du Maroc, est devenue résidente permanente du Canada le 15 décembre 2001. Veuve âgée de 66 ans, elle fut parrainée par son fils dans la catégorie du regroupement familial. Elle a cinq enfants; deux parmi eux sont citoyens canadiens, mais durant la période pertinente tous ses enfants résidaient à l’extérieur du Canada.
[4] Elle a maintenu son statut de résidente permanente, mais n’a jamais travaillé au Canada et ne comprend ni le français, ni l’anglais (étant donné son âge, elle a été exemptée des exigences linguistiques). En 2004, elle a présenté une demande de citoyenneté, mais s’est vu refuser parce qu’elle n’avait pas accumulé les jours de présence au Canada requis, mais que 828 jours.
[5] Quatre ans plus tard, le 30 septembre 2008, disant avoir accumulé une présence physique au pays de 1 290 jours depuis le 30 septembre 2004, elle a de nouveau présenté sa demande de citoyenneté, accompagnée de deux passeports marocains. La demanderesse prétend n’avoir été absente du Canada que pendant une période d’environ 170 jours, ayant donc accumulé une présence de 1 290 jours durant les quatre ans en question. Toutefois, elle n’est pas en mesure de confirmer sa présence au Canada à cause d’un manque de clarté dans quelques-unes des inscriptions dans son passeport.
[6] Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] lui a demandé de se présenter pour une entrevue avec une agente de la citoyenneté le 24 septembre 2009. L’agente a commenté que Mme Ouzkri était arrivée d’outre-mer quelques jours seulement avant la date de son entrevue et qu’il avait été impossible d’établir avec clarté son historique.
[7] Le 20 mars 2012, elle a été convoquée à une entrevue avec une juge de la citoyenneté, Veronica Johnson. Aucun interprète du ministère n’a été fourni et elle a eu recours à un ami. La demanderesse avait préalablement communiqué son questionnaire sur la résidence ainsi que des photocopies de tous ses passeports valides et expirés, puis a présenté les originaux des passeports lors de l’audience. Toutefois, la juge de la citoyenneté a demandé des preuves supplémentaires.
III. La décision contestée
[8] La juge de la citoyenneté explique dans sa décision que la demanderesse prétend avoir accumulé le temps de résidence nécessaire, mais qu’un examen attentif de ses documents et de son témoignage ne s’est pas avéré convaincant, selon la prépondérance des probabilités, quant au total prétendu.
[9] La juge de la citoyenneté commente qu’aucun membre de la famille de la demanderesse ne vit au Canada et que la question se pose de savoir si elle a vraiment « centralisé son mode d’existence » ici. Elle ajoute qu’il n’était pas possible de déterminer si le Canada est le pays où la demanderesse « vit régulièrement, normalement ou habituellement ». Le fardeau de la preuve était à la demanderesse et elle n’a pas réussi à démontrer qu’elle satisfaisait aux conditions.
IV. Question en litige
[10] La question en litige est celle de savoir si la décision prise par la juge de la citoyenneté était raisonnable.
V. Norme de contrôle
[11] La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Takla, 2009 CF 1120 au para 39; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Naveen, 2013 CF 972 [Naveen], aux para 13-14).
VI. Analyse
[12] À mon avis, la juge de la citoyenneté n'a pas commis d'erreur dans les résultats, même si elle a mal appliqué le critère approprié pour déterminer la résidence. Toutefois, tel que noté dans ma décision Naveen, précitée, il semble que la confusion dans ces tests existe depuis longtemps.
[13] La confusion provient de la cause Koo (Re), [1993] 1 CF 286 (1re inst) [Koo] dans laquelle la Cour a mal interprété le nombre de jours de présence physique du demandeur dans une cause décidée antérieurement, Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 CF 208 (1re inst) [Papadogiorgakis], sous-estimant par un facteur de près de 840 jours. C'est-à-dire que la Cour dans Koo, précitée a par mégarde attribué 79 jours de présence physique au demandeur dans la cause Papadogiorgakis, précitée, tandis que le comptage approprié semble s’élever à un minimum de 921 jours.
[14] Le juge Thurlow n’a jamais eu l’intention d’apporter des modifications importantes au principe strict de la nécessité d’avoir une longue présence au Canada comme exigence à rencontrer pour devenir citoyen du Canada. Il a pris soin d’indiquer que le nouveau test qu’il formulait ne devait être appliqué que dans « un cas extrême », comme indiqué au paragraphe 15 de sa décision :
15 [. . .] Il me semble que les termes « résidence » et « résident » employés dans l'alinéa 5(1)b) de la nouvelle Loi sur la citoyenneté ne soient pas strictement limités à la présence effective au Canada pendant toute la période requise, ainsi que l'exigeait l'ancienne loi, mais peuvent aussi comprendre le cas de personnes ayant un lieu de résidence au Canada, qu'elles utilisent comme un lieu de domicile dans une mesure suffisante fréquente pour prouver le caractère effectif de leur résidence dans ce lieu pendant la période pertinente, même si elles en ont été absentes pendant un certain temps. Cette interprétation n'est peut-être pas très différente de l'exception à laquelle s'est référé le juge Pratte lorsqu'il emploie l'expression « (d'une façon au moins habituelle) », mais, dans un cas extrême, la différence peut suffire pour mener le requérant au succès ou à la défaite.
[Je souligne.]
[15] Les conséquences du mauvais comptage de jours de présence au Canada dans Papadogiorgakis, précitée ont donné lieu à des erreurs de deux ordres. Tout d’abord, Papadogiorgakis, est citée comme la décision à partir de laquelle le test du « mode centralisé de vie » a été établi, permettant une interprétation de la présence physique très libérale. Deuxièmement, la décision Koo, précitée a développé son propre test très libéral, donnant lieu à la longue histoire de causes accordant la citoyenneté canadienne sur la base d’un minimum de présence physique au Canada.
[16] J’ai résumé les conclusions à retirer de Papadogiorgakis, précitée de la façon suivante au paragraphe 47 de la décision dans Naveen :
[47] Par conséquent, en résumé, la Cour a déclaré ceci dans la décision Papadogiorgakis : (1) il s’agissait d’un modeste changement par rapport à la précédente interprétation stricte de la résidence; (2) le demandeur avait physiquement résidé au Canada durant les cinq sixièmes, ou plus de 80 p. 100, de la période prescrite de trois ans; (3) le demandeur avait « effectivement » résidé au Canada pendant un autre trois ans avant le début de sa période de référence pour l’octroi de la citoyenneté et il avait déjà été soumis à une canadianisation de fait considérable; (4) de même, le demandeur a présenté d’autres éléments de preuve probants démontrant ce que la Cour voulait dire par centraliser son mode de vie habituel au Canada, y compris son intégration complète dans la plupart des institutions canadiennes – celles relatives à la famille et à l’éducation – avant d’aller fréquenter l’université aux États‑Unis.
[17] En l’espèce, on n’est pas en mesure de calculer la présence de la demanderesse au Canada. En raison de l’illisibilité des dates dans son passeport et de la période non documentée par un passeport, la juge de citoyenneté a dû demander que sa présence soit vérifiée par des moyens additionnels. Malheureusement, la demanderesse n’a pas pu fournir de documents ou autres renseignements démontrant qu’elle vivait au Canada pendant la période en question.
[18] Ayant examiné le dossier, je conclus que la juge de la citoyenneté pouvait raisonnablement conclure à la lumière des faits devant elle que la partie défenderesse dans la présente espèce n’avait pas démontré qu’elle avait accumulé le nombre requis de jours de présence au Canada. La déférence appropriée exige le respect de sa décision (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 48).
VII. Conclusion
[19] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Peter Annis »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T-1737-12
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INTITULÉ : |
AICHA OUZKRI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE :
LE 9 JANVIER 2014
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :
LE JUGE ANNIS
DATE DES MOTIFS :
LE 16 janvier 2014
COMPARUTIONS :
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Pour la partie demanderesse
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Simone Truong |
Pour la partie défenderesse
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Joseph Daoura
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Pour la partie dEMANDEResse
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada
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Pour la partie dÉFENderesse
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