Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), ce 22e jour de janvier 2014
En présence de l’honorable juge Roy
ENTRE :
ET DE L’IMMIGRATION
Demandeur
et
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC (2001), ch 27, (la Loi) doit être rejetée.
[2] Madame Marie Mirlaine Harvey-St Vil, la défenderesse, est citoyenne d’Haïti mais bénéficie du statut de « belonger » aux îles Turks-et-Caicos. Selon la preuve non contredite, cela signifie qu’elle peut y retourner si elle le désire. Son statut n’aurait pas été révoqué et ce statut lui confère le droit de vivre à cet endroit, d’y travailler et d’y bénéficier de tous les droits civiques, dont le droit de vote.
[3] Sur la base des témoignages et de la preuve documentaire qui lui étaient présentés, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR) a conclu que la défenderesse ne peut être une réfugiée au sens de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, le tout en application de la section E de l’article premier de ladite Convention. Cette conclusion n’est pas contestée.
[4] Ce qui est contesté, c’est la décision de la SPR que l’article 97 de la Loi trouve application en la présente affaire. À cause d’incidents impliquant les forces policières des îles Turks-et-Caicos, la SPR en vient à la conclusion qu’une protection adéquate ne pourrait être fournie à la défenderesse.
[5] Le fardeau dont doit se décharger celui qui veut obtenir le contrôle judiciaire d’une décision fondée exclusivement sur l’appréciation des faits est lourd. Sur la base de la preuve présentée par la défenderesse, j’aurais pour ma part été tenté ne pas donner suite à son argumentaire. Mais tel n’est pas le test.
[6] Depuis Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, il est établi que :
[47] . . . Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues probables acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
La déférence qui est implicite lorsque l’on traite de la norme de la raisonnabilité procède d’un désir de laisser aux tribunaux administratifs le soin de prendre des décisions. Ainsi, on peut lire au paragraphe 49 de Dunsmuir :
[49] . . . La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien.
[7] J’ai lu avec attention les mémoires présentés par le demandeur et j’ai écouté la plaidoirie qui m’a été présentée. Je ne puis me convaincre que la décision de la SPR tombait à l’extérieur des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. C’était le fardeau du demandeur que de démontrer que la décision est déraisonnable. Il s’agit, à mon avis, d’une de ces situations de fait où le témoignage de la défenderesse et la preuve documentaire présentés pouvaient permettre d’arriver à la conclusion à laquelle la SPR en est arrivé. On doit disposer de ce dossier sur la base du fardeau auquel était astreint le demandeur.
[8] Le demandeur avait indiqué à la Cour, par lettre du 31 octobre 2013, se désister partiellement de sa demande. Le demandeur, avec élégance, ne conteste plus la conclusion de la SPR à l’égard d’Haïti. Seule la conclusion quant à Turks-et-Caicos faisait l’objet d’un contrôle judiciaire.
[9] En conséquence, sans pour autant endosser la décision prise par la SPR dans cette affaire, je ne puis conclure que la décision était déraisonnable. Il en résulte que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Cette affaire reposant exclusivement sur des faits très particuliers, il n’y a pas de question à certifier.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 4 mars 2013 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est rejetée. Il n’y a pas ici de question à certifier.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2348-13
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c Marie Mirlaine HARVEY-ST VIL
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 20 novembre 2013
ET ORDONNANCE : Le juge Roy
DATE DES MOTIFS : Le 22 janvier 2014
COMPARUTIONS :
Me Suzon Létourneau POUR LE DEMANDEUR
Me Stéphane Handfield POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
William F. Pentney POUR LE DEMANDEUR
Sous-procureur général du Canada
Handfield & Associés POUR LA DÉFENDERESSE
Montréal (Québec)