Dossier :
IMM-12670-12
Référence : 2014 CF 20
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 8 janvier 2014
En présence de monsieur le juge Roy
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ENTRE : |
JIE GUAN |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ |
ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Par la présente, le demandeur, M. Jie Guan, demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 8 novembre 2012 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission a refusé d’accorder la qualité de réfugié aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c. 27.
[2] Les faits en l’espèce sont simples. Le demandeur est originaire de la province du Fujian de la République populaire de Chine. Il prétend être exposé à un risque parce qu’il s’est converti à la religion catholique romaine.
[3] Après une période d’études en Irlande, le demandeur a obtenu un visa d’étudiant pour venir au Canada. Il est arrivé en octobre 2011. Il prétend avoir commencé à s’intéresser à la foi catholique pendant son séjour en Irlande et, après son arrivée au Canada, il affirme s’être joint à une église catholique romaine peu après. Sa demande d’asile repose sur une crainte de persécution religieuse s’il devait rentrer dans son pays d’origine.
[4] Initialement, le demandeur avait aussi invoqué son opposition à la politique de l’enfant unique de la Chine, mais il a depuis abandonné cet argument, et celui‑ci n’est donc pas devant la Cour.
[5] En bref, la Commission a jugé que la demande d’asile du demandeur n’était pas crédible. Le demandeur est arrivé au Canada le 23 octobre 2011 et n’a pas demandé l’asile alors. De plus, il est reconnu que le demandeur n’avait aucune conviction religieuse lorsqu’il est arrivé au Canada. Pourtant, deux mois plus tard, il affirme s’être joint à une église catholique romaine. La Commission a interrogé le demandeur sur les fondements de ses nouvelles croyances religieuses, mais les réponses de celui-ci n’étaient pas convaincantes. C’est ce qui a amené la Commission à conclure :
[…] [J]e conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d’asile n’est pas un véritable catholique romain pratiquant et qu’il est devenu membre d’une église catholique à Toronto seulement pour appuyer une fausse demande d’asile.
[6] Le demandeur a aussi prétendu que, s’il devait retourner dans la province du Fujian, il ne pourrait pas pratiquer librement sa religion. Après avoir examiné les éléments de preuve documentaire, la Commission a conclu que la province du Fujian est considérée comme étant plus tolérante à l’égard des églises clandestines.
[7] La persécution pour des motifs religieux devient une question réelle seulement si l’on peut établir que le demandeur mérite d’être protégé par la loi. L’argument présenté pour le demandeur peut se résumer ainsi. Le tribunal, soutient‑il, s’est livré à des conjectures sur les valeurs et les croyances personnelles du demandeur, ce qui serait interdit.
[8] Pour avoir gain de cause, le demandeur devra prouver que la décision de la Commission est déraisonnable, selon la description figurant dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47. Après avoir examiné les motifs de la Commission, il m’apparaît clair que la Commission a simplement conclu que le demandeur n’était pas un véritable catholique romain. Il existait beaucoup d’éléments de preuve à l’appui de cette conclusion. En fait, l’affirmation selon laquelle le demandeur a adopté la foi catholique romaine n’a pas, à mon avis, apparence de vraisemblance.
[9] Il est clair, selon le dossier, que le demandeur ne souhaite pas rentrer en Chine et voulait s’établir au Canada. On ne peut certes pas le lui reprocher. Cependant, il aurait pu faire sa demande sur place bien avant les mois qu’il a choisis d’attendre pour ce faire. En fait, il s’est prévalu de cette période de deux mois pour se joindre à une communauté catholique. Il était loisible à la Commission de conclure que son adhésion à une communauté catholique à Toronto était motivée par la volonté de créer des circonstances favorisant l’accueil d’une demande d’asile. Je ne vois rien de répréhensible dans le fait de chercher à évaluer l’authenticité d’une telle adhésion. Étant donné la rapidité avec laquelle le demandeur s’est joint à cette communauté, il est plutôt normal que sa conversion soulève des doutes. Les questions que la Commission a posées au demandeur visaient manifestement à établir l’authenticité des croyances. Lus dans leur ensemble, les motifs de la Commission établissent clairement que cette conclusion voulant que le demandeur ne soit pas un véritable catholique pratiquant était parfaitement raisonnable. Voilà qui tranche la question.
[10] Si j’avais conclu que le demandeur avait qualité de réfugié au motif de sa foi religieuse, j’aurais quand même conclu qu’il pouvait retourner dans la province du Fujian en Chine parce que les éléments de preuve documentaire n’établissent pas l’existence d’un risque objectif de persécution s’il rentrait dans le pays dont il a la nationalité. Quoi qu’il en soit, il n’est pas nécessaire de rendre cette conclusion compte tenu du caractère raisonnable de la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n’est pas un véritable catholique romain pratiquant. À la lumière des éléments de preuve, cette conclusion est raisonnable.
[11] L’affaire était inusitée parce que le demandeur n’a pas communiqué avec son conseil depuis de nombreux mois. L’avocat du demandeur a comparu devant moi le 16 décembre 2013 pour être autorisé à cesser d’occuper. Il était sans nouvelles de son client depuis longtemps et n’avait reçu aucune instruction concernant la poursuite de l’instance. Cependant, rien n’indiquait que le demandeur ne souhaitait pas poursuivre l’instruction lorsque sa demande d’autorisation a été accueillie. Autrement dit, pouvons‑nous instruire l’affaire avec le dossier dont nous disposions? L’échange que j’ai eu avec l’avocat m’a convaincu que c’était le cas.
[12] Quoi qu’il en soit, la Cour a ajourné l’affaire le 16 décembre et demandé à l’avocat de communiquer avec la communauté catholique à laquelle le demandeur prétend s’être joint pour essayer de trouver le demandeur, ce que l’avocat a accepté de faire. Ce dernier a fait savoir le 18 décembre que le demandeur n’y avait pas été vu depuis un certain temps.
[13] Dans la plus noble tradition du Barreau, l’avocat a accepté de présenter l’affaire pour le demandeur parce que la Cour avait fait droit à la demande d’autorisation. Il y avait une cause à présenter, et celle‑ci a bien été présentée le 18 décembre.
[14] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 8 novembre 2012 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié soit rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.
« Yvan Roy »
Juge
Traduction certifiée conforme
Line Niquet
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-12670-12
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INTITULÉ : |
JIE GUAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
TORONTO (ONTARIO)
DATES DE L’AUDIENCE :
LES 16 ET 18 DÉCEMBRE 2013
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE ` : LE JUGE ROY
DATE DES MOTIFS ET
DE L’ORDONNANCE :
LE 8 JANVIER 2014
COMPARUTIONS :
Jayson Thomas
Teresa Ramnarine
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POUR LE DEMANDEUR
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Levine Associates Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR
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