Date : 20131212
Dossier : IMM-7916-13
Référence : 2013 CF 1251
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2013
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE : |
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
demandeur |
et |
MOHAMMAD NASEEM EJAZ |
défendeur |
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La mise en liberté d’une personne soupçonnée de constituer un danger pour la sécurité publique est un risque que la Cour, dans l’application de son obligation d’interprétation de la loi, ne peut pas prendre. Le législateur a établi des principes clés à l’alinéa 3(1)h), et au paragraphe 4(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 (la LIPR), selon lesquels la Cour a une obligation d’interprétation de la LIPR lorsqu’elle l’applique, et il ne lui est pas loisible de reformuler la loi :
3. (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet :
[…]
h) de protéger la santé et la sécurité publiques et de garantir la sécurité de la société canadienne;
[…]
4.
…
Compétence du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile
(2) Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est chargé de l’application de la présente loi relativement :
a) au contrôle des personnes aux points d’entrée;
b) aux mesures d’exécution de la présente loi, notamment en matière d’arrestation, de détention et de renvoi;
c) à l’établissement des orientations en matière d’exécution de la présente loi et d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour activités de criminalité organisée;
d) aux déclarations visées à l’article 42.1. |
3. (1) The objectives of this Act with respect to immigration are
…
(h) to protect public health and safety and to maintain the security of Canadian society;
…
4.
[…]
Minister of Public Safety and Emergency Preparedness
(2) The Minister of Public Safety and Emergency Preparedness is responsible for the administration of this Act as it relates to
(a) examinations at ports of entry;
(b) the enforcement of this Act, including arrest, detention and removal;
(c) the establishment of policies respecting the enforcement of this Act and inadmissibility on grounds of security, organized criminality or violating human or international rights; or
(d) declarations referred to in section 42.1.
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[2] Le présent jugement est en réponse à une requête visant l’obtention d’une ordonnance de sursis à la mise en liberté du défendeur, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue quant à la demande sous‑jacente du demandeur d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision rendue par un commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR), datée du 11 décembre 2013, par laquelle le commissaire a ordonné la mise en liberté du défendeur sous certaines conditions.
[3] La Cour a appris que la décision la plus récente eu égard à la détention, décision subséquente à une première décision rendue il y a environ une semaine, est en complète contradiction de cette première décision. Il appert que dans la décision la plus récente, le commissaire a rendu sa décision sans avoir connaissance des antécédents du défendeur.
[4] La Cour reconnaît que le défendeur est au Canada depuis moins de deux semaines; à son arrivée, le défendeur a déclaré que son passeport avait été volé, une vérification de ses effets personnels a permis d’établir qu’il possédait une carte de membre d’une organisation nommée le Front de libération du Jammu‑et‑cachemire (le JKLF). Le JKLF, tel qu’il est reconnu, est une organisation dont on sait qu’elle s’est livrée à des activités terroristes ayant des issues violentes contre le gouvernement pakistanais dans les années 90, jusqu’en 2000.
[5] Après vérification de la carte de membre qu’il avait en sa possession, le défendeur a admis qu’il avait été président de section de l’organisation de 1995 à 2000. La période concernée coïncide avec l’insurrection militante au Pakistan.
[6] Lors d’un interrogatoire subséquent, le défendeur a nié ses déclarations précédentes relatives à son rôle de premier plan et à sa participation au sein de ladite organisation terroriste.
[7] Ainsi, au début, le défendeur a déclaré qu’il appartenait à un groupe culturel ou social; ensuite, il a précisé qu’il avait joué un rôle et qu’il avait été président de section de l’organisation. Subséquemment, il a nié toute participation au sein de cette dernière. Toutes ces déclarations ont entraîné des réponses contradictoires, bien qu’une carte de membre de l’organisation ait été trouvée en la possession du défendeur à cet égard.
[8] Le défendeur a demandé l’asile à l’aéroport, demande à la suite de laquelle le ministre a entrepris les démarches nécessaires pour commencer une enquête. Il appert qu’en raison des faits tels qu’ils sont précisés, il existait des motifs raisonnables de soupçonner que le défendeur était interdit de territoire pour des raisons de sécurité au sens de l’alinéa 58(1)c) de la LIPR, précisément, qu’il était soupçonné d’être un membre du JKLF; et que son déni ultérieur, après avoir précisé son rôle dans l’organisation, n’était pas digne de foi.
[9] L’Agence des services frontaliers du Canada a demandé un protocole des contrôles de sécurité pour cinq pays au Pakistan et au Royaume‑Uni, en raison de la présence du JKLF.
[10] Étant donné qu’il est reconnu que le défendeur est en détention depuis moins de deux semaines, il s’agit en l’espèce d’une question pour laquelle l’interdiction de territoire pour des motifs de sécurité est litigieuse, avec un soupçon qui a entraîné une enquête, éléments qui paraissent tous raisonnables compte tenu de l’élément de preuve trouvé en la possession du défendeur, de même que de ses déclarations aux fonctionnaires de l’immigration.
[11] Un commissaire de la CISR a l’obligation de fournir des motifs clairs et convaincants pour établir un changement d’avis relativement à une question de détention; cela n’a pas été fait dans la plus récente décision de la CISR eu égard à la détention du défendeur. Comme le juge Marshall Rothstein, j.c.a. (tel était alors son titre) l’a déclaré dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Thanabalasingham, 2004 CAF 4 :
[12] La meilleure façon pour le commissaire de fournir des motifs clairs et convaincants serait d’expliquer précisément ce qui a entraîné la nouvelle conclusion, c’est-à-dire expliquer ce que la décision antérieure énonçait et les raisons pour lesquelles il a tiré une conclusion contraire.
[13] Cependant, même si le commissaire n’énonce pas explicitement les raisons pour lesquelles il a tiré une conclusion différente de celle tirée par le commissaire antérieur, il peut le faire de façon implicite dans ses motifs de la décision subséquente. Ce qui serait inacceptable serait une décision rendue hâtivement sans qu’il soit fait mention d’une manière significative des motifs antérieurs de la détention.
[12] En outre, si le défendeur est mis en liberté, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devient théorique et le demandeur ne serait plus en mesure de présenter des observations quant à la légalité de l’ordonnance de mise en liberté rendue par le commissaire. De plus, la mise en liberté d’une personne soupçonnée de constituer un danger pour la sécurité publique est un risque que la Cour, en application de son obligation d’interprétation de la loi, ne peut pas prendre. Le législateur a établi des principes clés à l’alinéa 3(1)h), et au paragraphe 4(2) de la LIPR, selon lesquels la Cour a une obligation d’interprétation de la LIPR lorsqu’elle l’applique, et il ne lui est pas loisible de reformuler la loi.
[13] Reconnaissant que le demandeur a satisfait aux trois critères conjonctifs et décisifs de l’arrêt Toth c Canada (Ministre de l’emploi et de l’immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF), la requête du demandeur est donc accueillie et le sursis à la détention doit demeurer en vigueur jusqu’au prochain contrôle légal obligatoire des motifs de la détention du défendeur ou jusqu’à ce que la Cour ait eu l’occasion de terminer tout ce qui est nécessaire relativement à l’issue de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE : la requête du demandeur est accueillie et le sursis à la détention demeure en vigueur jusqu’au prochain contrôle légal obligatoire des motifs de la détention du défendeur ou jusqu’à ce que la Cour ait eu l’occasion de terminer tout ce qui est nécessaire relativement à l’issue de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur.
« Michel M.J. Shore »
Juge
Traduction certifiée conforme
Laurence Endale
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
IMM-7916-13
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INTITULÉ : |
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c MOHAMMAD NASEEM EJAZ
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REQUÊTE ENTENDUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 12 DÉCEMBRE 2013 D’OTTAWA (ONTARIO) ET D’EDMONTON (ALBERTA)
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE SHORE
DATE DES MOTIFS ET DE L’ORDONNANCE : LE 12 DÉCEMBRE 2013
COMPARUTIONS :
Brad Hardstaff
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POUR LE DEMANDEUR
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Birjinder Mangat |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Edmonton (Alberta)
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POUR LE DEMANDEUR
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Mangat Law Office Avocat Ottawa (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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