Date : 20131211
Dossier : T‑764‑13
Référence : 2013 CF 1243
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), 11 décembre 2013
En présence de monsieur le juge Campbell
|
ENTRE : |
LANCIA DAVIS |
demanderesse |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
I. Introduction
[1] En avril 2009, Lancia Davis (DDN : 18 août 1989) et sa jeune sœur, Terika Davis (DDN : 23 décembre 1991), toutes les deux citoyennes jamaïcaines, ont été adoptées par leur grand‑mère canadienne, Ida Brown (Ida). Une fois adoptées, Lancia et Terika ont demandé la citoyenneté canadienne en juin 2009. La même agente d’immigration (l’agente) a rejeté les deux demandes pour les mêmes motifs. À la suite de quoi, Lancia et Terika ont déposé des demandes de contrôle judiciaire distinctes auprès de la Cour dans lesquelles elles contestaient ces refus (dossier T‑764‑13 pour Lancia et dossier T‑765‑13 pour Terika).
[2] Étant donné que Lancia avait plus de 18 ans à la date de l’adoption, sa demande de citoyenne était régie par le paragraphe 5.1 (2) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29 (la Loi). Terika ayant moins de 18 ans à la date de son adoption, sa demande de citoyenneté était régie par le paragraphe 5.1 (1) de la Loi. Les paragraphes 5.1 (1) et 5.1(2) se lisent ainsi :
5.1 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté à la personne adoptée par un citoyen le 1er janvier 1947 ou subséquemment lorsqu’elle était un enfant mineur. L’adoption doit par ailleurs satisfaire aux conditions suivantes :
a) elle a été faite dans l’intérêt supérieur de l’enfant;
b) elle a créé un véritable lien affectif parent‑enfant entre l’adoptant et l’adopté;
c) elle a été faite conformément au droit du lieu de l’adoption et du pays de résidence de l’adoptant;
d) elle ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatifs à l’immigration ou à la citoyenneté. Note marginale : Cas de personnes adoptées — adultes
(2) Sous réserve du paragraphe (3), le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté à la personne adoptée par un citoyen le 1er janvier 1947 ou subséquemment lorsqu’elle était âgée de dix‑huit ans ou plus, si les conditions suivantes sont remplies :
a) il existait un véritable lien affectif parent‑enfant entre l’adoptant et l’adopté avant que celui‑ci n’atteigne l’âge de dix‑huit ans et au moment de l’adoption;
b) l’adoption satisfait aux conditions prévues aux alinéas (1)c) et d). |
5.1 (1) Subject to subsection (3), the Minister shall on application grant citizenship to a person who was adopted by a citizen on or after January 1, 1947 while the person was a minor child if the adoption
(a) was in the best interests of the child;
(b) created a genuine relationship of parent and child;
(c) was in accordance with the laws of the place where the adoption took place and the laws of the country of residence of the adopting citizen; and
(d) was not entered into primarily for the purpose of acquiring a status or privilege in relation to immigration or citizenship.
(2) Subject to subsection (3), the Minister shall on application grant citizenship to a person who was adopted by a citizen on or after January 1, 1947 while the person was at least 18 years of age if
(a) there was a genuine relationship of parent and child between the person and the adoptive parent before the person attained the age of 18 years and at the time of the adoption; and
(b) the adoption meets the requirements set out in paragraphs (1)(c) and (d). |
[3] Pour ce qui est des demandes de citoyenneté, l’agente a interrogé Lancia, Terika et Ida et a pris des notes au cours de chacune des entrevues. Les notes d’entrevues sont les preuves sur lesquelles chaque refus était fondé (dossier du tribunal, pages 009 à 040). Au début de chacune des décisions relatives à Lancia et Terika, l’agente a présenté un exposé des faits tiré des notes d’entrevue et qui touchait la situation de chacune de ces personnes. Les principales conclusions auxquelles l’agente en est arrivée dans les décisions sont toutefois identiques, avec de légères variations de fait : « il n’existait pas un véritable lien affectif parent‑enfant » et l’adoption « visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatif à l’immigration ou à la citoyenneté ».
[4] Par conséquent, par souci de clarté, les motifs de l’ordonnance et l’ordonnance (MOO) pour chacune des demandes de contrôle judiciaire présentées par Lancia et Terika prendront la forme suivante : l’ANNEXE 1 de chacun des MOO contiendra les énoncés de fait précis de l’agente repris dans la décision prononcée et l’exposé circonstancié contenu dans chacun des MOO fournira les motifs de décision de l’agente. Compte tenu de la forte similarité du contenu des décisions examinées, mon analyse des questions que soulèvent les conclusions de fait et les motifs de la décision de l’agente sera également très semblable. Ainsi, à des fins de clarté et pour éviter des répétitions inutiles, les MOO concernant la demande de Lancia seront les motifs principaux dont certaines conclusions seront incorporées par renvoi dans les MOO concernant la demande de Terika. L’ANNEXE 2 des MOO de Lancia contient ce qui m’apparait être des preuves particulièrement pertinentes aux fins des adoptions.
[5] Un aspect unique distingue la demande de Terika de l’autre, c’est l’obligation de tenir compte de l’intérêt supérieur de cet enfant pour traiter sa demande de citoyenneté. Cet aspect sera abordé dans les MOO concernant Terika.
[6] Il est admis que la norme de contrôle des décisions de refus est la raisonnabilité. L’avocat de Lancia et Terika soutient que les décisions de refus contestées sont déraisonnables. Pour les motifs qui suivent, je souscris à cet argument.
II. Un véritable lien affectif parent‑enfant?
[7] L’exposé des faits concernant la situation de Lancia est cité à l’ANNEXE 1 des présents motifs. Voici les motifs de la décision de l’agente :
[traduction]
En me fondant sur les renseignements que vous avez fournis dans votre demande
et au cours des entrevues, vous ne respectez pas les conditions des
alinéas 5.1(2)a) et 5.1(1)d) de la Loi sur la
citoyenneté. J’en suis venue à ces conclusions en tenant compte de
l’ensemble des preuves et des facteurs exposés à l’alinéa 5.3(3)a)
du Règlement sur la citoyenneté.
Je ne suis pas convaincue qu’il ait existé un véritable lien affectif parent‑enfant entre la personne et le parent adoptif avant que la personne ait atteint l’âge de 18 ans et au moment de l’adoption. Je note que vous aviez 19½ ans au moment de l’adoption et que vous aviez vécu avec votre père naturel avant votre adoption. Les preuves indiquent que le lien qui existe entre vous et vos parents naturels est demeuré identique; vous avez des contacts réguliers avec vos parents et votre père naturel continue à vous fournir des conseils et un certain soutien financier.
Pendant l’entrevue, vous avez mentionné que votre père naturel avait une situation financière stable, qu’il travaillait et vous fournissait toujours les nécessités de la vie, comme le logement, la nourriture et qu’il veillait à ce que vous fréquentiez une école. Les preuves indiquent que le lien qui existait entre vous et votre père naturel était le lien affectif parent‑enfant habituel, avant l’adoption.
Il est admis qu’Ida s’occupe de vous depuis le 22 juillet 2008; il semble cependant que votre lien avec elle soit le lien affectif grand‑parent petit‑enfant habituel. C’est pourquoi je ne suis pas convaincue qu’il existe un véritable lien affectif parent‑enfant entre vous et Ida avant que vous ayez atteint l’âge de 18 ans et au moment de l’adoption.
[Non souligné dans l’original.]
[8] Comme je l’ai mentionné, les motifs de la décision de l’agente au sujet de Terika sont pratiquement identiques à ceux de Lancia. C’est pourquoi l’avocat de Lancia et de Terika avance l’argument suivant pour contester l’analyse des preuves à laquelle a procédé l’agente à l’égard des deux demandes de citoyenneté :
[traduction]
Il nous semble que l’agente s’est posée la mauvaise question juridique. La
question de savoir si le lien qui unit la demanderesse à ses parents adoptifs
ressemble à un lien entre grand‑parent et petit‑enfant n’a pas de
rapport avec la question de savoir s’il existe un véritable lien affectif
parent‑enfant. L’existence d’un véritable lien parent‑enfant
n’exclut pas qu’il y ait simultanément un véritable lien grand‑parent et
petit‑enfant, et vice‑versa. Tout lien entre deux personnes
peut comporter des caractéristiques, des expressions et des titres différents
qui peuvent se combiner. Les gens décrivent et comprennent souvent différemment
leurs relations, et aucune de ces descriptions n’est nécessairement
incompatible avec les autres. Par exemple, un conjoint peut être à la fois un
partenaire de vie, le meilleur ami, un confident et un amant. De la même façon,
pour un enfant, une personne peut être à la fois un parent et un grand‑parent.
L’agente aurait dû se demander si, en se fondant sur les facteurs de la décision Guzman exposés précédemment et sur les preuves présentées, si le lien entre la demanderesse et son parent adoptif faisait ressortir l’existence d’un véritable lien affectif parent‑enfant. Au lieu de procéder ainsi, elle a fait une constatation non pertinente selon laquelle ces deux personnes semblaient entretenir un lien grand‑parent et petit‑enfant et a expressément motivé le refus de la demande de la demanderesse sur cette constatation. Cette analyse juridique est erronée et justifie l’intervention des tribunaux.
(Exposé des arguments de la demanderesse, paragraphes 63 et 64)
Je souscris à cet argument. Les motifs de l’agente font ressortir ce qui me parait être une croyance erronée selon laquelle il existe une différence entre un « lien parent‑enfant normal » et un « lien grand‑parent petit‑enfant normal », sans qu’il soit nécessaire de préciser davantage la qualité de chacun de ces liens, ni la différence entre les deux.
[9] Pour savoir s’il existe un véritable lien affectif parent‑enfant entre une personne adoptée et l’adoptant, l’agent d’immigration doit tout d’abord déterminer quelle est la véritable nature d’une relation parent‑enfant. Cette étape est obligatoire si l’on veut établir une norme vérifiable permettant de juger si les faits établis démontrent l’existence d’un tel lien. L’avocat de Lancia et Terika invoque l’arrêt Guzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 33 Imm. L.R. (2d) 28 (Imm. & Ref. Bd. (App. Div.) à la page 32, comme exemple de raisonnement qui propose une telle approche :
La question consiste alors à savoir ce qui constitue un véritable lien de filiation ou, plus justement, quels sont les facteurs à prendre en considération dans l’évaluation de l’authenticité du lien de filiation en ce qui concerne une adoption au sens du Règlement sur l’immigration de 1978?
La réponse à cette question peut sembler intuitive; cependant, après réflexion, comme tous les examens touchant des conditions humaines, la réponse est foncièrement complexe. Néanmoins, des indications peuvent être fournies dans le principe généralement accepté qu’habituellement les parents agissent dans le meilleur intérêt de leurs enfants.
Dans cette optique, le tribunal a dressé une liste de facteurs pouvant faciliter l’évaluation d’un lien de filiation :
a) les motifs des parents adoptifs;
b) dans une moindre mesure, les motifs et la situation des parents naturels;
c) l’autorité et l’influence exercées par les parents adoptifs sur l’enfant adopté;
d) le fait que l’autorité des parents adoptifs a supplanté celle des parents naturels;
e) les rapports de l’enfant avec ses parents naturels après l’adoption;
f) le traitement accordé à l’enfant adopté par les parents adoptifs en comparaison de celui accordé à leurs enfants naturels;
g) les rapports entre l’enfant adopté et les parents adoptifs avant l’adoption;
h) les changements découlant du nouveau statut de l’enfant adopté, p. ex. des registres, des droits, et notamment la reconnaissance, par des documents, que l’enfant est le fils ou la fille des parents adoptifs;
i) les dispositions et mesures prises par les parents adoptifs relativement au soin, au soutien et à l’avenir de l’enfant.
Cette liste n’est pas exhaustive. Certains facteurs ne s’appliquent peut‑être pas à un cas particulier, tandis que d’autres ne figurant pas sur cette liste peuvent être pertinents.
[Non souligné dans l’original.]
[10] J’estime que l’analyse proposée dans la décision Guzman est utile parce qu’elle fait ressortir la nécessité d’adopter une méthode structurée pour tirer une conclusion au sujet de ce qu’est un « véritable lien » et le « but principal ». Cependant, le juge qui a rendu l’opinion dans Guzman pose la bonne question, à savoir « Qu’est‑ce qu’un véritable lien affectif parent‑enfant », mais il ne fournit pas de réponse claire. À mon avis, l’agent d’immigration ne peut éviter de répondre à cette question en fondant sa décision sur l’article 5.1 de la Loi.
[11] Lorsque j’examine les preuves de la présente affaire, la première question à laquelle l’agente aurait dû répondre était : « Que dois‑je rechercher dans les preuves? » La réponse est la norme qui doit s’appliquer pour tirer une conclusion à partir des preuves. L’agente n’a vu qu’un lien « grand‑parent‑petit‑enfant » entre Ida, Lancia et Terika. La recherche d’une réponse exige une analyse beaucoup plus approfondie. À un tel niveau, pour ce qui est du comportement d’Ida, la question est peut‑être celle‑ci : « Est‑ce bien là quelque chose qu’un parent aimant ferait? » Un parent aimant prend soin de son enfant, mais surtout, il s’engage irrévocablement à long terme à agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Quel que puisse être le lien familial apparent, à un niveau d’analyse des preuves approfondi, c’est ce que l’agente aurait dû rechercher.
[12] À mon avis, en ne posant pas les bonnes questions, et en n’exposant pas clairement les réponses à la question du « lien véritable » à la base des décisions rendues à l’égard des demandes de citoyenneté de Lancia et de Terika, l’agente a tenu un raisonnement dépourvu de transparence et de justification intelligible qui rend la décision attaquée déraisonnable.
[13] L’approche adoptée par l’agente pour traiter chacune des demandes soulève également un deuxième problème fondamental.
[14] Les motifs de la décision examinée indiquent comment l’agente a compris la pertinence du lien existant entre la personne adoptée et son ou ses parents naturels, pour décider s’il existait un véritable lien parent‑enfant avec les parents adoptifs. Il semble que l’agente ait eu l’impression que le maintien d’une relation continue entre Lancia et Terika et leurs parents naturels ait créé une sorte d’obstacle à la conclusion selon laquelle le lien entre Ida et Lancia et Terika est un véritable lien parent‑enfant.
[15] Dans la décision citée ci‑dessus, l’agente énonce :
[traduction]
En me fondant sur les renseignements que vous avez fournis dans votre demande et au cours des entrevues, vous ne respectez pas les conditions des alinéas 5.1(2)a) et 5.1(1)d) de la Loi sur la citoyenneté. J’en suis venue à ces conclusions en tenant compte de l’ensemble des preuves et des facteurs exposés à l’alinéa 5.3(3)a) du Règlement sur la citoyenneté.
[Non souligné dans l’original.]
[16] Le paragraphe 5.3(3) du Règlement sur la citoyenneté (Règlement), DORS 93‑246 se lit ainsi :
(3) Les facteurs ci‑après sont considérés pour établir si les conditions prévues au paragraphe 5.1(2) de la Loi sont remplies à l’égard de l’adoption de la personne visée au paragraphe (1) :
a) dans le cas où la personne a été adoptée par un citoyen qui résidait au Canada au moment de l’adoption :
(i) le fait que les autorités compétentes de la province de résidence du citoyen au moment de l’adoption ont déclaré par écrit qu’elles ne s’opposent pas à celle‑ci,
(ii) le fait que l’adoption a définitivement rompu tout lien de filiation préexistant;
b) dans les autres cas, le fait que l’adoption a définitivement rompu tout lien de filiation préexistant. |
(3) The following factors are to be considered in determining whether the requirements of subsection 5.1(2) of the Act have been met in respect of the adoption of a person referred to in subsection (1):
(a) whether, in the case a person who has been adopted by a citizen who resided in Canada at the time of the adoption,
(i) a competent authority of the province in which the citizen resided at the time of the adoption has stated in writing that it does not object to the adoption, and
(ii) the pre‑existing legal parent‑child relationship was permanently severed by the adoption; and
(b) whether, in all other cases, the pre‑existing legal parent‑child relationship was permanently severed by the adoption. |
Il semble que l’interprétation littérale du Règlement ait eu une influence déterminante sur la décision de l’agente. J’estime cependant que l’interprétation que l’agente a donnée du Règlement ne tient pas compte d’autres considérations interprétatives importantes.
[17] L’agente avait accès aux Directives du gouvernement du Canada pour prendre la décision contestée : CP14 Adoptions : Attribution de la citoyenneté canadienne aux personnes adoptées par un citoyen canadien le 1er janvier 1947 ou ultérieurement (Recueil de jurisprudence et de doctrine de la demanderesse, onglet 10).
[18] La Directive 12.5 parle du fait que seule une « adoption plénière » permet de réaliser les objectifs des politiques du Canada :
En vertu des paragraphes L5.1(1) et L5.1(2), l’intention est que l’adoption soit considérée comme une adoption plénière qui rompt le lien juridique parent‑enfant préexistant entre les parents biologiques et l’enfant adopté. Les articles R5.1, R5.2 et R5.3 indiquent les facteurs qui doivent être considérés par l’agent de citoyenneté devant établir si les exigences des paragraphes L5.1(1) et L5.1(2) ont été remplies. Un de ces facteurs consiste à déterminer si l’adoption a définitivement rompu le lien affectif parent‑enfant préexistant entre les parents biologiques et l’enfant adopté.
[…]
L’évaluation de la rupture du lien affectif parent‑enfant préexistant entre les parents biologiques et l’enfant adopté répond à plusieurs besoins :
• Assurer que l’intérêt supérieur de l’enfant adopté est respecté;
• Préserver l’intégrité du programme d’immigration en empêchant le parrainage ultérieur des parents naturels par l’enfant adopté;
• Assurer que l’adoption est une adoption plénière (par opposition à une adoption simple ou une tutelle) qui satisfait aux exigences d’admissibilité prévues au paragraphe L5.1(1) ou L5.1(2).
Une évaluation de la rupture du lien affectif parent‑enfant ne s’appliquera que lorsque les parents biologiques ont un lien affectif parent‑enfant avec l’enfant adopté avant l’adoption. Cette exigence ne sera pas pertinente dans les cas d’enfants orphelins ou abandonnés, où il n’y a aucun lien affectif parent‑enfant préexistant
[19] L’intitulé de la Directive 12.5.3 est « La rupture du lien affectif parent‑enfant préexistant n’est pas une exigence, mais un facteur à considérer ». Cette Directive fournit un guide sur la façon d’interpréter le Règlement :
Une demande d’attribution de la citoyenneté canadienne effectuée en vertu du paragraphe L5.1 ne peut être refusée que si elle ne satisfait pas aux conditions prescrites par la Loi sur la citoyenneté; une décision définitive ne devrait pas être fondée uniquement sur les facteurs à considérer énumérés dans le Règlement sur la citoyenneté. Les facteurs énumérés dans le Règlement ont pour but de contribuer à déterminer si les conditions prévues par la Loi ont été remplies ou non.
En tant que facteur réglementaire à considérer, la rupture du lien affectif parent‑enfant préexistant entre les parents biologiques et l’enfant adopté devrait être évaluée afin de déterminer si l’adoption satisfait ou non aux conditions prescrites aux paragraphes L5.1(1) et L5.1(2).
Cependant, il est important de noter que seule une adoption reconnue par la Loi comme une adoption plénière, où les parents adoptifs détiennent tous les droits parentaux en ce qui concerne l’enfant adopté, peut remplir les conditions du paragraphe 5.1(1) ou 5.1(2) de la Loi sur la citoyenneté. Une adoption simple ou une tutelle, où le lien affectif parent‑enfant préexistant entre les parents biologiques et l’enfant adoptif n’est pas entièrement et définitivement rompu, ne satisfait pas aux exigences d’attribution de la citoyenneté à un enfant adopté aux termes des paragraphes 5.1(1) et 5.1(2) de la Loi sur la citoyenneté.
[20] La Directive 12.7 précise qu’en cas d’adoption par des membres de la famille, la rupture du lien affectif juridique parent‑enfant préexistant entre les parents biologiques et l’enfant adopté ne doit pas être considéré comme un obstacle au maintien d’une relation permanente entre les deux et cette relation entre les deux ne devrait pas empêcher de conclure qu’il existe un véritable lien affectif parent‑enfant entre les parents adoptifs et l’enfant adopté :
12.7. Adoption par des membres de la famille
Dans les cas où l’enfant adopté a un lien de parenté avec les parents adoptifs, le lien affectif juridique parent‑enfant préexistant doit être rompu en vertu de la loi. Bien que les parents naturels ne doivent plus agir en tant que parents auprès de l’enfant adopté après la finalisation de l’adoption, un lien et une communication continus entre les parents naturels et l’enfant ainsi que la famille élargie peut toujours exister. Cependant, le nouveau lien affectif parent‑enfant entre l’enfant adopté et ses parents adoptifs devrait être évident et ne pas exister simplement au sens de la loi. De plus, des éléments de preuve attestant que les parents naturels comprennent parfaitement les conséquences d’une adoption plénière et qu’ils ont donné leur consentement démontreront que les exigences des paragraphes L5.1(1) et L5.1(2) ont été remplies.
[Non souligné dans l’original.]
[21] Par conséquent, j’estime que l’agente a interprété le Règlement sans tenir compte des Directives et que la décision contestée est donc déraisonnable.
III. L’adoption visait‑elle l’acquisition d’un statut ou d’un
privilège relatif à l’immigration ou à la citoyenneté?
[22] Voici la conclusion de l’agente sur cette question :
[traduction]
Je ne suis pas non plus convaincue que l’adoption ne visait pas principalement
l’acquisition d’un statut ou d’un privilège relatif à l’immigration ou à la
citoyenneté.
Les motifs que vous et Ida avez fournis sur les raisons de cette adoption étaient que l’on voulait ainsi vous donner une meilleure éducation, une meilleure situation économique, renforcer les liens familiaux et vous offrir une meilleure qualité de vie au Canada.
Par conséquent, vous n’avez pas établi que vous avez satisfait aux conditions d’octroi de la citoyenneté canadienne et par conséquent, votre demande a été refusée.
[Non souligné dans l’original.]
À mon avis, la constatation qui figure dans le paragraphe souligné n’est pas conforme aux preuves obtenues à l’entrevue citée à l’ANNEXE 2 quant aux circonstances qui ont amené Ida à envisager d’adopter à la fois Lancia et Terika. L’agente disposait de nombreuses preuves dans le dossier pour établir que le motif qui avait poussé Ida à adopter Lancia et Terika était principalement le souci de les protéger.
[23] Si l’on veut interpréter correctement les notes de l’entrevue, il est évident que ce sont les déclarations d’appui aux adoptions qu’a faites le père, plutôt que le motif qui a poussé Ida à proposer l’adoption, qui motivent principalement la décision de l’agente. D’après les preuves, l’opinion du père a été obtenue après qu’Ida ait décidé d’adopter Lancia et Terika. J’estime que le fait que l’agente ait omis d’analyser avec exactitude les preuves pour en arriver à sa conclusion sur « l’objet » de l’adoption rend déraisonnable la décision de l’agente contestée ici.
[24] En outre, à mon avis, les preuves et les conclusions concernant la nature de la relation entre Ida, Lancia et Terika, sont inextricablement reliées à la conclusion relative au but dans lequel les demandes de citoyenneté ont été déposées. Par conséquent, une décision déraisonnable sur la question de la relation a entraîné une décision déraisonnable au sujet du but recherché. Cela vient du fait que l’adoption d’un membre de la famille fondée sur l’existence d’un lien parent‑enfant a des répercussions concrètes sur les aspects touchant la réunification familiale. À mon avis, il y a lieu d’examiner ces aspects pour en arriver à une conclusion au sujet du but recherché avec l’adoption. En l’espèce, les éléments démontrant qu’Ida souhaitait faire tout ce qu’elle pouvait pour assurer la sécurité et le bien‑être de ses petits‑enfants qu’elle aimait beaucoup est une question concrète qui touche la réunification familiale. J’estime que l’omission de la part de l’agente d’examiner l’objet recherché avec les adoptions en ayant à l’esprit cette considération très importante rend la décision contestée déraisonnable.
IV. Résultat
[25] Pour les motifs exposés ci‑dessus, il y a lieu d’infirmer la décision examinée.
ANNEXE 1
[traduction]
Mme Lancia Lesette DAVIS
106 ‑ 177, rue Pendrith, Toronto (Ontario) M6G 1S1
22 mars 2013
Madame,
J’ai terminé le traitement de votre demande de citoyenneté canadienne pour une personne adoptée par un citoyen canadien (le 1er janvier 1947 ou par la suite). La présente lettre a pour but de vous informer que votre demande a été refusée pour les motifs exposés ci‑dessous.
Vous étiez présente avec votre conseil juridique, Nathan Higgins, dans nos bureaux le 5 mars 2013 et je vous ai interrogée. J’avais déjà interrogé Ida Brown, votre grand‑mère et mère adoptive le 22 janvier 2013. Au cours de ces entrevues, vous m’avez fourni les détails suivants dont j’ai tenu compte pour prendre ma décision.
Ida a déclaré qu’elle avait décidé de vous adopter pour aider son frère, Oral Conrad Davis, votre père naturel, qui demeurait en Jamaïque. Elle a continué en déclarant que son frère n’était plus en mesure d’assurer votre sécurité et elle a pensé qu’il serait préférable que vous rejoigniez votre famille étendue au Canada. Au cours de votre visite au Canada, vous avez informé Ida du fait que vous vouliez demeurer au Canada de façon permanente. Vous avez déclaré que vous aviez communiqué avec votre père naturel pour lui expliquer les raisons qui vous faisaient souhaiter demeurer de façon permanente au Canada avec Ida. Vous avez mentionné qu’il avait accepté votre décision parce qu’il estimait que votre grand‑mère serait un meilleur modèle de parent que lui, que vous auriez la possibilité d’avoir une meilleure éducation, celle de fréquenter l’église régulièrement et d’avoir, d’une façon générale, une meilleure qualité de vie; il a donc consenti à ce qu’Ida vous adopte.
Ida a mentionné que vous aviez vécu avec vos parents naturels et avec votre sœur, Terika Anna‑Stacia Davis, depuis votre naissance jusqu’à l’âge d’environ 8 ans, moment auquel vos parents naturels se sont séparés. À l’époque, vous avez commencé à résider avec votre mère naturelle et votre sœur dans la maison de vos grands‑parents, Maye et Nathan Ellis. Vous avez toutefois déclaré que vous ne vous souveniez pas avoir habité avec vos parents naturels en famille, mais seulement d’avoir vécu avec votre sœur et votre mère dans la maison de vos grands‑parents depuis votre plus jeune âge. Vous avez poursuivi en déclarant que vers 13 ans, vous êtiez allée habiter chez votre père naturel et votre belle‑mère (conjointe de fait). En outre, Ida a déclaré que votre père naturel a continué à subvenir à vos besoins et à ceux de votre sœur après la séparation de vos parents naturels et pendant que vous viviez avec vos grands‑parents.
Vous et Ida avez déclaré que vous aviez une bonne relation avec votre père naturel et que le problème venait de votre belle‑mère, Shelly‑Ann Earle. Vous avez toutes les deux continué en déclarant que votre belle‑mère vous agressait verbalement et qu’elle vous avait également agressé physiquement à une reprise. Vous avez ainsi été amenées à quitter la maison pour vivre dans une maison qui appartenait à votre père naturel. Vous dites que vous aviez 16 ans au moment où vous et votre sœur avez choisi ce nouveau mode de vie. En outre, vous avez déclaré qu’Ida avait payé les frais reliés à la fréquentation d’un collège communautaire en Jamaïque pendant une année. Vous et Ida avez déclaré que votre père naturel travaillait beaucoup pour subvenir aux besoins de la famille et vous l’avez décrit comme étant une personne humble, simple et bonne. Vous avez toutes les deux déclaré que votre père naturel était un « bon père » parce qu’il avait toujours subvenu à vos besoins et à ceux de votre sœur. Vous avez toutefois dit que vous estimiez ne pas avoir de lien affectif avec lui et qu’il ne vous soutenait pas comme un parent le ferait quand vous en aviez besoin.
Ida a déclaré qu’elle craignait pour votre sécurité en Jamaïque en raison du comportement de votre belle‑mère et aussi parce que quelques jeunes filles avaient été violées derrière la maison de votre père. En outre, Ida s’est déclarée préoccupée de votre situation et de celle de votre sœur qui résidait seules dans une maison d’une chambre à coucher où il y avait une cuisine, mais pas de salle de bain. C’est pourquoi votre grand‑mère vous a proposé, à vous et à votre sœur, de venir la voir au Canada. Le 22 juillet 2008, vous et votre sœur êtes arrivées au Canada en qualité de visiteur. Pendant votre séjour, vous avez informé votre grand‑mère que vous ne vouliez pas retourner en Jamaïque et souhaitiez demeurer au Canada. Après avoir entendu cette demande, votre grand‑mère et ses deux filles, Deon et Marsha, ont décidé d’appeler le bureau d’immigration pour savoir s’il vous serait possible de demeurer au Canada de façon permanente. Vous avez déclaré que l’agent d’immigration avait conseillé à votre grand‑mère de vous adopter vous et votre sœur, étant donné que vos parents naturels n’étaient pas des citoyens canadiens. À l’époque, votre grand‑mère a communiqué avec un conseil juridique des West Toronto Community Legal Services. Ce centre de services lui a également dit de s’adresser à un avocat spécialisé en adoption qui a démarré le processus d’adoption.
Pendant votre entrevue, vous avez déclaré que votre relation avec votre grand‑mère n’avait fait que se renforcer depuis l’adoption. Vous avez dit que vous vous étiez rapprochées et qu’elle était devenue comme un modèle de mère pour vous; elle vous manifestait de l’affection et vous valorisait.
Pendant l’entrevue d’Ida, celle‑ci m’a informée que votre relation avec vos parents naturels était demeurée la même après l’adoption et que vous étiez régulièrement en contact avec votre père avec qui vous échangez des messages textes et des appels téléphoniques, ainsi qu’avec votre mère naturelle par messages textes et par Facebook. En outre, elle a déclaré que votre père naturel continuait de participer aux décisions vous concernant et vous fournissait un soutien financier; il vous offrait des cadeaux chaque fois qu’il le pouvait.
(Dossier du tribunal, pages 001 et 002)
ANNEXE 2
Les notes suivantes ont été prises par l’agente au cours de l’entrevue avec Lancia le 5 mars 2013 (Dossier du tribunal, pages 009 à 017) :
[traduction]
Pages 009 et 010
[Lancia] est arrivée au Canada le 22 juillet 2008 comme l’indique le tampon sur le passeport (copie au dossier).
Arrivée à titre de visiteur. Elle est venue voir sa grand‑mère, Ida Brown.
Arrivée avec sa sœur, Terika Davis, le 22 juillet 2008.
But de la visite : passer du temps avec grand‑maman.
Pourquoi ne sont‑elles jamais reparties? Dès leur arrivée au Canada, elles ont constaté que le Canada était un pays plus sûr que la Jamaïque, parce qu’une fille s’était fait violer à quelques coins de leur maison en Jamaïque et que cela les avait terrifiées.
Elle veillait toujours à être chez elle et pas dans les rues après 19 h, une fois rentrée de l’école, à cause des coups de feu qu’elle pouvait entendre et qui sont utilisés... il y a eu des coups de feu dans la cour et elle était terrifiée parce qu’elle ne savait pas ce qui pouvait arriver, étant donné qu’il n’y avait qu’elle et sa sœur Terika dans la maison.
Y a‑t‑il d’autres raisons pour lesquelles vous vouliez rester?
Oui, parce que vous viviez seule avec votre sœur Terika, parce que votre belle‑mère vous agressait verbalement et physiquement (seulement une fois).
Combien de temps avez‑vous vécu avec votre belle‑mère?
De 13 à 16 ans.
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Agressive, mais comment?
Elle m’a immobilisée sur le lit pour prendre l’agent que son père lui avait donné, mais elle a refusé de lui donner parce qu’elle lui a mordu la jambe (cuisse) très fort et elle a pris l’argent.
1re fois : elle m’a attrapée.
2e fois : je me suis débattue pour m’échapper.
3e fois : elle m’a poussée sur le lit pour essayer de me prendre mon argent.
4e fois : elle m’a mordue à la jambe pour que j’allonge mes jambes et elle a réussi à lui prendre l’argent.
5e fois : elle s’est enfuie et la belle‑mère l’a insultée pendant qu’elle s’enfuyait (Lancia et sa sœur Terika). Elle n’a pas agressé physiquement Terika (sa sœur). Elle l’a simplement traitée de tous les noms.
Elle a dit à son père naturel ce qui était arrivé. Il s’est disputé avec la belle‑mère, mais cela n’a rien changé, ils ont continué leur relation et Lancia et sa sœur, Terika, ont dû l’affronter seules.
Le père de Lancia et Terika leur a dit d’aller habiter dans une autre maison qui se trouvait à quatre maisons de celle où vivaient son père et sa belle‑mère.
Lancia et Terika ont accepté de déménager dans cette maison. Elle sait qu’elle avait 16 ans à cette époque, parce qu’elle avait déjà terminé ses études secondaires. Sa sœur Terika avait 14 ans.
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Lancia est demeurée là avec sa sœur Terika et leur grand‑mère leur envoyait de l’argent pour qu’elles puissent continuer à fréquenter le collège communautaire « Cambridge Community College » à Sav‑Annah ramar Westmoreland en Jamaïque. Lancia a fréquenté le collège pendant un an. Ensuite, à l’âge de 18 ans, au cours de l’été (juillet 2008), elle est venue voir sa grand‑mère et lui a raconté qu’elle était maltraitée par sa belle‑mère et qu’elles ne s’entendaient pas et qu’elle se sentait en sécurité ici.
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Déclaration de grand‑maman
Elle était sensible à leur situation et était inquiète à leur sujet parce que Lancia a dit qu’elle s’était mise à pleurer et avait avoué à sa grand‑mère qu’elle ne voulait pas retourner là‑bas (en Jamaïque).
La grand‑mère a montré qu’elle l’aimait et qu’elle avait de l’affection pour elle, sentiment que personne d’autre ne lui avait manifesté auparavant et qu’elle aimait bien être avec elle, parce qu’elle pouvait lui parler de ses problèmes personnels qu’elle gardait pour elle auparavant.
La grand‑mère lui a manifesté davantage d’amour et d’affection après l’adoption parce qu’après l’adoption, elle pouvait l’appeler maman, même si c’était sa grand‑mère.
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En septembre 2008 ou vers cette époque, Lancia a eu une discussion avec sa grand‑mère pour parler des possibilités qu’elle avait de demeurer au Canada.
1er choix. Grand‑mère a dit qu’elle allait voir si elle pouvait adopter Lancia et sa sœur Terika.
Elle a donc communiqué avec une travailleuse sociale qui est son amie, Joan, pour savoir comment il fallait faire pour les adopter.
Elle a pris quelques numéros de téléphone d’avocats spécialisés en adoption. Elle a appelé David, un avocat spécialisé en adoption, et c’est lui qui a complété le processus de l’adoption.
Grand‑mère ne lui a jamais parlé de la parrainer et de la faire venir légalement comme RP au Canada. Elle lui a uniquement parlé de l’adopter.
Entre‑temps, en attendant que l’adoption se fasse, elles n’ont pas pu fréquenter l’école secondaire. Elles n’ont pu retourner à l’école secondaire qu’après leur adoption en 2009.
Grand‑mère a parlé au père biologique (qui est son fils) au sujet de l’adoption de Lancia et de Terika.
Lancia a également parlé à son père et lui a dit qu’elle ne voulait pas retourner, parce qu’elle ne se sentait pas en sécurité là‑bas et qu’il ne passait pas beaucoup de temps avec elle et sa sœur Terika parce qu’il travaillait la plupart du temps ou demeurait dans la maison de la belle‑mère.
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Papa – Il a accepté de les laisser avec la grand‑mère – Il a donné son accord parce que grand‑mère serait un bon modèle de parent pour ses filles parce qu’elle serait toujours là pour les aider financièrement et pour leur montrer de l’affection, parce qu’elle est très affectueuse et compréhensive; elles pouvaient lui parler de tout.
Papa – Il pensait également qu’il était mieux qu’elles restent au Canada parce que le système scolaire en Jamaïque n’était pas très bon et il coûtait très cher de poursuivre des études au collège là‑bas en Jamaïque. Lancia avait déjà obtenu son diplôme d’études secondaires en Jamaïque, à l’âge de 16 ans et avait déjà fait un an de collège en Jamaïque, mais lorsqu’elle est arrivée au Canada et a fréquenté une école secondaire, elle a appris des choses qu’on ne lui avait pas enseignées en Jamaïque. Le système scolaire canadien est meilleur, de sorte que lui, le père, a estimé qu’il serait souhaitable qu’elle demeure au Canada et soit adoptée par sa grand‑mère. Grand‑mère pourrait lui fournir une meilleure éducation. En outre, elle leur fournirait également la possibilité de fréquenter régulièrement l’église parce qu’en Jamaïque, Lancia affirme qu’elle allait rarement à l’église.
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Pour résumer, papa pensait que dans l’ensemble c’était la bonne décision (être adoptées par grand‑mère), parce que Lancia et sa sœur Terika auraient un parent qui serait toujours avec elles, elles auraient la possibilité d’avoir une meilleure éducation, de participer à des activités communautaires religieuses et parce que grand‑mère se chargerait de leurs besoins financiers.
Papa n’a jamais envoyé d’argent d’après ce dont se souvient Lancia.
Elle ne recevait de lui que quelques cadeaux, comme du pain, des fruits, du poisson, des chaussons et une blouse.
Papa n’a jamais envoyé de cartes d’anniversaire ou de Noël, ni de cadeaux depuis son arrivée au Canada.
Elle parle de temps à autre à son père au téléphone. Comment ça va? Conversations très brèves.
Les notes suivantes ont été prises par l’agente au cours de l’entrevue avec Ida après l’entrevue de Lancia (Dossier du tribunal, pages 027 et 028) :
[traduction]
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Avec quelle fréquence vous êtes‑vous rendue en Jamaïque depuis la naissance de Terika?
Une fois par an, cela variait entre deux et quatre semaines par an.
Parlez‑moi de votre relation avec Terika avant l’adoption.
J’avais une bonne relation avec elles.
J’ai toujours envoyé de l’argent tous les trois ou quatre mois, en septembre, janvier et mars‑avril, environ.
J’envoyais 150 à 200 $ à chaque fois.
Lorsque j’allais là‑bas, j’apportais des vêtements, des souliers, des jouets pour Terika et Lancia.
Combien de temps passiez‑vous avez elles? – Tout le temps – Je les amenais chez moi en Jamaïque et elles dormaient et restaient là pendant tout le temps que j’y étais – deux à quatre semaines.
Excellente relation générale, ils l’appelaient « maman ».
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Relation actuelle – Pas de changement depuis l’adoption.
Avait une bonne relation avec elles.
Motif de l’adoption de Terika
Dans une relation agressive avec belle‑mère – Pas d’agression physique
Pas nourrie suffisamment, rien à manger après l’école.
Devait faire des travaux ménagers après l’école.
Elle arrivait en retard à l’école.
Elle n’était pas en mesure de faire ses devoirs.
Elle criait après elles et les insultait.
La belle‑mère n’a agressé physiquement que sa sœur Lancia, mais cela n’a été grave qu’une fois.
« Morsures et coups »
[Non souligné dans l’original.]
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire soit infirmée et que l’affaire soit renvoyée pour nouvel examen à un autre agent de citoyenneté conformément aux directives suivantes :
1. Le nouvel examen s’effectuera conformément aux motifs de la décision fournis dans les présentes;
2. L’avocat de la demanderesse aura le droit de présenter de nouvelles observations.
« Douglas R. Campbell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DoSSIER : T‑764‑13
INTITULÉ : |
LANCIA DAVIS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 3 DÉCEMBRE 2013
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : LE 11 DÉCEMBRE 2013
COMPARUTIONS :
Nathan Higgins
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POUR LA DEMANDERESSE
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Modupe Oluyomi
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
West Toronto Legal Services Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR
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