Date : 20131108
Dossier : T-1802-12
Référence : 2013 CF 1137
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 8 novembre, 2013
En présence de madame la juge Gleason
ENTRE : |
AVON PRODUCTS, INC. |
demanderesse (intimée) |
et |
MOROCCANOIL ISRAEL LTD. |
défenderesse (requérante) |
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Dans la présente requête, la défenderesse, Moroccanoil Israel Ltd. [Moroccanoil ou la défenderesse] interjette appel de la décision rendue le 30 mai 2013 par le protonotaire Morneau par laquelle il a rejeté la requête présentée par Moroccanoil en vue de faire radier 58 paragraphes (en totalité ou en partie) de l’affidavit de Dean Philip Michaud, déposée par la demanderesse, Avon Products, Inc. [Avon]. Moroccanoil prétend que les paragraphes contestés de l’affidavit de M. Michaud constituent du ouï-dire inadmissible et que leur radiation aurait donc dû être ordonnée à titre interlocutoire.
[2] Dans la demande sous-jacente dans le cadre de laquelle la présente affaire a pris naissance, Avon demande la radiation de la marque de commerce « Moroccanoil » employée par Moroccanoil. Moroccanoil est le nom sous lequel la défenderesse vend une ligne de produits de soins capillaires. Dans sa demande de radiation, Avon prétend que la marque de commerce Moroccanoil est invalide parce qu’elle n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement et qu’elle n’était pas distinctive au moment où les procédures mettant en doute sa validité ont été entreprises.
[3] Les 58 paragraphes contestés de l’affidavit de M. Michaud contiennent des éléments de preuve par ouï-dire qui décrivent en détail les conversations que M. Michaud a eues avec des personnes dans diverses entreprises au Canada. Les conversations portaient sur la vente par ces entreprises d’autres produits de soins capillaires dont les noms comportaient les mots « Moroccan », « Morocco » et « Oil » ou « Argan Oil » et la date à laquelle ces produits ont été vendus pour la première fois par les entreprises au Canada. Les parties conviennent que cette preuve est pertinente quant au deuxième motif invoqué par Avon dans sa demande de radiation, à savoir la prétention que la marque de commerce « Moroccanoil » n’était pas distinctive au moment où les procédures mettant en cause sa validité ont été entreprises.
Décision du protonotaire
[4] Dans la décision faisant l’objet de l’appel, le protonotaire Morneau, renvoyant à Armstrong c Canada (Procureur général), 2005 CF 1013, 141 ACWS (3d) 5 [Armstrong] et Gravel c Telus Communications Inc, 2010 CF 595 [Gravel], a d’abord énoncé le critère applicable pour déterminer si les paragraphes contestés devraient être radiés et a conclu que la partie qui demande, à un stade interlocutoire, la radiation d’un affidavit déposé dans une demande doit établir l’existence de circonstances exceptionnelles qui justifient la délivrance de l’ordonnance. Les extraits d’Armstrong et de Gravel auxquels a renvoyé le protonotaire indiquent que de telles circonstances n’existent que lorsque l’intérêt de la justice exige que l’affidavit soit radié. Les exemples donnés dans les extraits d’Armstrong quant à la question de savoir quand l’intérêt de la justice peut exiger qu’un affidavit soit radié à titre interlocutoire visent des situations où une partie subirait un préjudice important si l’ordonnance n’est pas rendue ou lorsque l’omission de radier l’affidavit pourrait nuire au bon déroulement de l’audition de la demande sur le fond.
[5] Après avoir énoncé le droit applicable, le protonotaire Morneau a ensuite examiné les faits qui lui ont été soumis et a conclu que Moroccanoil n’avait pas établi l’existence de circonstances suffisamment exceptionnelles pour justifier la radiation des paragraphes contestés de l’affidavit de M. Michaud. Selon son raisonnement à cet égard, c’est au juge qui entend la demande de radiation sur le fond qu’il incombe de décider si les paragraphes contestés de l’affidavit sont admissibles, et, le cas échéant, de décider du poids qu’il convient de leur accorder. Il a également conclu que Moroccanoil n’avait pas établi qu’il lui serait trop ardu d’effectuer ses propres vérifications quant aux déclarations relatées figurant dans l’affidavit. Le protonotaire a donc conclu que Moroccanoil ne subirait aucun préjudice important si on laissait au juge qui entend la demande sur le fond le soin de décider de l’admissibilité des paragraphes contestés de l’affidavit de M. Michaud et il a donc rejeté la requête de Moroccanoil.
[6] Le protonotaire Morneau, dans des remarques incidentes (des commentaires figurant dans sa décision qui ne font pas partie des motifs pour lesquels la requête a été rejetée), s’est ensuite penché sur la question de savoir si les paragraphes contestés pourraient être admissibles en vertu de l’exception à la règle du ouï-dire. Encore une fois, il a commencé son analyse en énonçant d’abord les principes juridiques applicables en renvoyant à l’arrêt-clé R c Smith, [1992] 2 RCS 915, 94 DLR (4th) 590 [Smith], et a souligné que pour être visé par l’exception à la règle interdisant la preuve par ouï-dire, il faut satisfaire au double critère de la nécessité et de la fiabilité. Le protonotaire a ensuite conclu que, si on lui avait demandé de décider, il aurait conclu que ces critères étaient satisfaits en ce qui concerne les paragraphes contestés de l’affidavit de M. Michaud parce qu’il n’y a aucune autre façon raisonnable de soumettre la preuve à la cour car les déclarants ne veulent pas signer d’affidavit. Il a également conclu que la preuve par ouï-dire était fiable car elle était corroborée par deux séries d’appels téléphoniques qui ont été faits et, dans une certaine mesure, par les pièces documentaires que M. Michaud a jointes à son affidavit (dont l’admissibilité n’a pas été contestée par Moroccanoil).
Critère applicable dans le présent appel
[7] Les parties conviennent que pour avoir gain de cause dans le présent appel, Moroccanoil doit démonter que l’ordonnance du protonotaire Morneau était entachée d’une erreur flagrante car l’ordonnance est de nature discrétionnaire et n’est pas une influence déterminante sur l’issue de l’affaire. À cet égard, comme les parties l’ont convenu, il est bien établi que pour infirmer une ordonnance discrétionnaire rendue par un protonotaire, un appelant doit soit démontrer que les questions soulevées dans la requête avaient une influence déterminante sur l’issue de l’affaire, soit démontrer que l’ordonnance est entachée d’une erreur flagrante (Merck & Co c Apotex Inc, 2003 CAF 488, au paragraphe 17, 315 NR 175 [Apotex]; R c Aqua-Gem Investments Ltd (1993), 149 NR 273, 61 FTR 44, au paragraphe 67). Selon le critère permettant de déterminer si une ordonnance est entachée d’une erreur flagrante, l’appelant doit démontrer que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits (Apotex, au paragraphe 19; Gordon c R, 2013 DTC 5112, au paragraphe 11, 229 ACWS (3d) 90).
La décision du protonotaire est-elle entachée d’une erreur flagrante?
[8] En ce qui a trait à la conclusion essentielle tirée par le protonotaire Morneau selon laquelle Moroccanoil n’avait pas établi l’existence de circonstances suffisamment exceptionnelles pour qu’il soit justifié de radier les paragraphes contestés de l’affidavit de M. Michaud, Moroccanoil prétend que le protonotaire s’est trompé au sujet du droit applicable. Elle prétend que l’exigence selon laquelle il doit exister des circonstances exceptionnelles avant que des éléments de preuve dans une demande soient radiés à titre interlocutoire ne s’applique qu’en matière de contrôle judiciaire et souligne qu’Armstrong était une affaire de contrôle judiciaire. Moroccanoil prétend en outre que le protonotaire Morneau n’a pas tenu compte de la question du préjudice qu’elle subirait si les paragraphes contestés de l’affidavit n’étaient pas radiées ou, subsidiairement, qu’il a mal évalué le préjudice qu’elle subirait et prétend qu’elle ne doit pas avoir à répondre à des éléments de preuve inadmissibles, peu importe le temps exigé pour le faire. Elle prétend à cet égard qu’il est en soi préjudiciable de se trouver devant la perspective qu’une décision sur la question de l’admissibilité soit rendue par le juge qui entend sur le fond l’affaire de radiation parce qu’elle devrait peut-être déposer ses propres éléments de preuve inadmissibles pour répondre à ceux d’Avon. Elle prétend de plus que le protonotaire a mal appliqué les critères de nécessité et de fiabilité. Elle prétend en dernier lieu que le refus du protonotaire d’examiner cette question aura pour effet de rallonger et de complexifier l’audience sur le fond, ce qui pourrait être évité en tranchant la question de l’admissibilité à titre interlocutoire. Elle prétend que la présente espèce est identique aux affaires Canadian Tire Corp c P S Partsource Inc, 2001 CAF 8, 267 NR 135 [Canadian Tire] et GlaxoSmithKline Inc c Apotex Inc, 2003 CF 920, 27 CPR (4th) 49 [GlaxoSmithKline], dans lesquels on a ordonné la radiation d’éléments preuve qui, selon Moroccanoil, sont semblables à ceux dont il est question en l’espèce.
[9] Selon moi, aucun de ces arguments n’est fondé.
[10] En ce qui concerne la prétention selon laquelle le protonotaire Morneau a appliqué les mauvais principes, contrairement à ce que prétend Moroccanoil, la nécessité de l’existence de circonstances exceptionnelles avant que la preuve déposée dans le cadre d’une demande soit radiée à titre interlocutoire s’applique à toutes les demandes et non pas seulement aux demandes de contrôle judiciaire, comme il a d’ailleurs été conclu par la Cour d’appel fédérale dans Canadian Tire. Cette affaire portait sur des éléments de preuve déposés dans une procédure en radiation de marque de commerce. Le juge Malone, au nom de la Cour d’appel, a déclaré ce qui suit :
Je tiens toutefois à souligner que les plaideurs ne doivent pas prendre l'habitude de recourir systématiquement à des requêtes en radiation de la totalité ou d'une partie d'un affidavit et ce, peu importe le degré de notre Cour, surtout lorsque la question porte sur la pertinence. Ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles où l'existence d'un préjudice est démontrée et que la preuve est de toute évidence dénuée de pertinence que ce type de requête est justifié. Lorsqu'elle est fondée sur le ouï-dire, cette requête ne doit être présentée que lorsque le ouï-dire soulève une question controversée, lorsque le ouï-dire peut être clairement démontré ou lorsqu'on peut démontrer que le fait de laisser au juge du fond le soin de trancher la question causerait un préjudice.
[11] L’exigence voulant qu’il doive exister des circonstances exceptionnelles avant qu’un affidavit déposé dans le cadre d’une demande autre qu’une demande de contrôle judiciaire soit radié à titre interlocutoire a également été reconnue dans GlaxoSmithKline, où le juge Rouleau a souligné ce qui suit au paragraphe 4 de ses motifs :
Il est de jurisprudence constante que les requêtes en radiation d'affidavits ne doivent être accueillies que dans des cas exceptionnels. Une des exceptions à cette règle générale se présente lorsque l'affidavit en question est manifestement dénué de pertinence, ce qui est précisément le point litigieux soumis à la Cour en l'espèce.
[12] Par conséquent, on ne peut pas dire que le protonotaire Morneau a appliqué un mauvais principe pour conclure qu’il incombait à Moroccanoil de démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles pour obtenir la radiation de la preuve contestée. Le protonotaire a par ailleurs énoncé le critère qu’il convient d’appliquer selon la jurisprudence pertinente pour déterminer ce qui constitue des circonstances exceptionnelles.
[13] Selon moi, le protonotaire n’a pas non plus commis une erreur susceptible de contrôle dans la façon dont il a appliqué le critère approprié aux faits de l’espèce. Comme Avon le fait valoir à juste titre, la présente espèce est fondamentalement différente de Canadian Tire et de GlaxoSmithKline.
[14] Dans GlaxoSmithKline, le juge Rouleau a conclu que la preuve en cause était manifestement sans pertinence et ne pouvait donc pas être jugée admissible par le juge qui instruit la demande sur le fond (au paragraphe 5). Par contre, en l’espèce, les éléments de preuve contestés sont pertinents quant à une question clé de la demande de radiation, comme le reconnaît d’ailleurs Moroccanoil.
[15] L’arrêt Canadian Tire se distingue également de la présente espèce, et, en outre, n’étaye pas la thèse avancée par Moroccanoil, à savoir qu’une partie sera toujours pénalisée si elle fait l'objet d'une décision concernant l’admissibilité d'éléments de preuve rendue par le juge même qui entend la demande. Dans Canadian Tire, la Cour d’appel fédérale a affirmé que « le tribunal ne prend généralement pas de décision a priori sur l'admissibilité à moins qu'il ne s'agisse d'un cas évident » (au paragraphe 17). Toutefois, dans cette affaire, la Cour a conclu qu’il était manifeste que le paragraphe contesté de l’affidavit constituait du ouï-dire et il n’a pas été avancé que l’exception fondée sur la nécessité et la fiabilité qui a été énoncée dans Smith et R c Khan, [1990] 2 RCS 531, 113 NR 53 [Khan], s’appliquait. En effet, dans cette affaire, le protonotaire ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si l’exception à la règle du ouï-dire s’appliquait, aucun élément de preuve ou argument n’a été soumis quant à savoir pourquoi il était nécessaire que la demanderesse soumette une preuve par ouï-dire et la preuve ne contenait aucun détail quant à la source du ouï-dire ou de tout autre élément susceptible de confirmer sa fiabilité (au paragraphe 14).
[16] En l’espèce, par contre, le protonotaire a évalué l’admissibilité de la preuve et a conclu qu’elle était admissible. On ne peut pas dire que son raisonnement sur ce point est manifestement erroné car il a énoncé le droit applicable et son évaluation de la nécessité et de la fiabilité est raisonnable, comme il est expliqué plus en détail plus loin.
[17] En ce qui concerne le critère de la nécessité qui s’applique en matière d’admission du ouï-dire, la partie qui veut faire admettre une preuve doit démontrer qu’il est raisonnablement (contrairement à absolument) nécessaire que le ouï-dire soit admis (Khan, au paragraphe 31). Selon moi, il existe un fondement raisonnable à la conclusion du protonotaire selon laquelle le critère de la nécessité serait satisfait en l’espèce car on peut fortement prétendre qu’il n’existe aucun moyen raisonnable permettant que la preuve des déclarants soit soumise à la Cour dans le cadre d’une demande de radiation, sauf assigner chacun d’eux à témoigner durant l’audience sur le fond, ce qui serait en soi tout à fait exceptionnel et exigerait l’autorisation du juge saisi de la demande en vertu de l’article 316 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles]. Moroccanoil ne peut citer aucune jurisprudence qui va dans le sens contraire.
[18] De plus, il existe un fondement raisonnable à la conclusion du protonotaire Morneau selon laquelle la preuve par ouï-dire qui figure dans les 58 paragraphes contestés de l’affidavit de M. Michaud satisfait au critère de la fiabilité. À cet égard, le fait que de nombreux déclarants ont soumis la même preuve à deux reprises au cours des deux séries d’appels téléphoniques que M. Michaud a faits confirme la fiabilité des déclarations. En outre, les pièces documentaires corroborent plusieurs des déclarations relevant du ouï-dire contenues dans l’affidavit et confirment donc également leur fiabilité.
[19] J’estime sans fondement la prétention de Moroccanoil selon laquelle la preuve par ouï‑dire devrait être considérée comme suspecte parce qu’elle a été recueillie conformément aux directives de l’avocat d’Avon ou parce que l’avocat était présent au cours de deux des appels téléphoniques mentionnés dans l’affidavit. Il n’y a absolument rien qui donne à penser que l’avocat a indûment adapté les réponses ou que M. Michaud n’a pas suivi la procédure établie pour faire ses appels. En outre, dans toute instance, la preuve est toujours recueillie conformément aux directives de l’avocat, donc le fait que l’avocat d’Avon a retenu les services de M. Michaud n’a aucune incidence sur la fiabilité de son affidavit.
[20] De plus, la prétention de Moroccanoil selon laquelle certains déclarants étaient prêts à signer des affidavits et qu’Avon a négligé de les obtenir est sans fondement. Cette prétention est fondée sur ce qui était manifestement des erreurs typographiques dans l’affidavit de M. Michaud, comme l’avocat de Moroccanoil aurait dû s’en rendre compte facilement.
[21] Les autres points soulevés par Moroccanoil concernant la prétendue absence de fiabilité des déclarations relevant du ouï-dire sont également sans fondement car Moroccanoil a mal compris l’affidavit de M. Michaud dans les nombreux exemples où, selon elle, les déclarations relevant du ouï-dire ne confirment pas la vente des produits en question. Dans la même veine, le fait que chaque déclarant n’a consulté aucune base de données avant de répondre aux questions de M. Michaud ne rend pas nécessairement leurs déclarations moins fiables. Par conséquent, la conclusion du protonotaire selon laquelle les déclarations relevant du ouï-dire contenues dans l’affidavit de M. Michaud étaient fiables reposait sur des motifs raisonnables.
[22] Moroccanoil soulève trois autres arguments à l’appui de son appel qui, selon moi, n’ont aucun fondement. Premièrement, elle prétend qu’elle ne devrait pas être tenue de répondre à une preuve inadmissible et prétend qu’il est fondement inéquitable qu’elle soit tenue de le faire. Cette prétention équivaut à prétendre que les questions de preuve doivent toujours être tranchées à titre interlocutoire. Toutefois, la jurisprudence établit que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, les questions d’admissibilité devraient normalement être tranchées par le juge qui instruit la demande sur le fond. Par conséquent, il est à prévoir que dans la plupart des cas, une partie n’obtiendra pas une décision anticipée quant à la preuve qu’elle souhaite contester. Selon Canadian Tire et GlaxoSmithKline, un cas exceptionnel comporte des circonstances où la preuve contestée est manifestement inadmissible. Pour les motifs déjà exposés, ce n’est pas le cas des paragraphes contestés de l’affidavit de M. Michaud.
[23] Deuxièmement, Moroccanoil prétend que l’impossibilité qu’elle a eue de contre‑interroger les déclarants est fondamentalement inéquitable et ne devrait pas être tolérée. Cette prétention est manifestement erronée car l’absence de possibilité de pouvoir contre‑interroger un déclarant n’a absolument aucune incidence sur l’admissibilité des déclarations relevant du ouï‑dire. Dans chaque cas où il y a preuve par ouï-dire, le déclarant ne peut pas être contre-interrogé, et c’est pourquoi la preuve constitue du ouï‑dire. Pour démontrer son admissibilité il faut établir que la preuve qui n’a pas été vérifiée par contre-interrogatoire est nécessaire et fiable, comme je l’ai déjà mentionné. L'absence de vérification par contre‑interrogatoire touche donc à la valeur probante et non à l'admissibilité (Smith, au paragraphe 40).
[24] Enfin, je ne suis pas d’accord pour affirmer que permettre le maintien de cette preuve aura pour effet de rallonger l’audience ou de la rendre moins efficace. Des délais sont plus susceptibles d’être occasionnés dans le cas où des requêtes interlocutoires, comme la présente requête, et des appels interlocutoires sont déposés que dans le cas où, comme cela se fait normalement, le juge qui entend l’affaire sur le fond se prononce sur l’admissibilité des éléments de preuve; en l’espèce il s’agit des paragraphes contestés de l’affidavit de M. Michaud.
[25] Par conséquent, on ne peut pas dire que le protonotaire Morneau a manifestement commis une erreur. Le présent appel doit donc être rejeté.
[26] Avon a demandé qu’on lui adjuge ses dépens dans le présent appel, sur une base plus élevée, payables sur-le-champ. Moroccanoil a demandé qu’aucune ordonnance sur les dépens ne soit rendue et, par conséquent, que les dépens suivent l’issue de la cause. Elle souligne que cette approche a été adoptée par le protonotaire dans la décision faisant l’objet de l’appel et prétend que je devais la suivre si je rejette l’appel.
[27] Vu l’absence de jurisprudence s’appliquant directement, je ne peux pas affirmer que le présent appel était tellement non fondé qu’il n’aurait pas dû être déposé et, par conséquent, selon moi, Avon ne devrait pas se voir adjuger des dépens en vertu du paragraphe 401(1) des Règles. J’estime plutôt que l’approche suivie par le protonotaire Morneau quant aux dépens est celle qu’il convient de suivre et, par conséquent, je n’adjugerai aucuns dépens. Les dépens suivront ainsi l’issue de la cause.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La requête en appel de l’ordonnance délivrée le 30 mai 2013 par le protonotaire Morneau est rejetée.
« Mary J.L. Gleason »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DoSSIER :
T-1802-12
INTITULÉ : |
AVON PRODUCTS, INC. c MOROCCANOIL ISRAEL LTD.
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
Montréal (QuÉbec)
DATE DE L’AUDIENCE :
LE 27 AOÛT 2013
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE :
LA JUGE GLEASON
DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE :
le 8 novembre 2013
COMPARUTIONS :
Scott Miller Adam Tracey
Pascal Lauzon |
POUR LA DEMANDERESSE
POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mbm Intellectual Property Law Ottawa (Ontario)
BCF Avocats d’affaires Montréal (Québec) |
POUR LA DEMANDERESSE
POUR LA DÉFENDERESSE |