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Date : 20131106


 

Dossier : IMM-9694-12

 

Référence : 2013 CF 1127

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 novembre 2013

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

EHIZUELEN EMMANUEL UMANE

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire [demande CH], aux termes du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. Sa demande a été rejetée. Il conteste maintenant cette décision dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[2]               Le demandeur souhaite faire annuler la décision défavorable concernant sa demande CH. Dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, il prie la Cour de faire l’une de trois choses :

            1.         accorder directement la dispense;

            2.         renvoyer l’affaire à l’autorité compétente, mais ordonner à cette autorité d’accorder la dispense;

            3.         renvoyer l’affaire à l’autorité compétente pour qu’elle rende une nouvelle décision.

 

[3]               Dans les observations qu’il a présentées de vive voix, le demandeur a fait valoir des arguments sur le troisième point seulement, mais il a également demandé à la Cour de donner instruction de ne pas tenir compte d’une décision antérieure concernant le parrainage conjugal.

 

Contexte

 

[4]               Le demandeur est citoyen du Nigeria. Il affirme s’être enfui de son pays le 20 octobre 2001 parce qu’il était persécuté en raison des croyances religieuses et des opinions politiques de sa famille. Il a passé du temps dans d’autres pays avant d’arriver au Canada le 28 septembre 2008 et de demander l’asile. Sa demande a été rejetée le 4 octobre 2011.

 

[5]               Toutefois, pendant que sa demande d’asile était en instance, le demandeur a également présenté deux demandes de résidence permanente : une demande au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada (paragraphe 12(1) de la Loi et article 124 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement]), et une demande CH. Les principaux documents semblent avoir été signés le 14 septembre 2009, bien que certains l’aient été à une date ultérieure. Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] les a reçus en octobre 2009.

 

[6]               Le 1er septembre 2010, un agent d’immigration a envoyé au demandeur une lettre dans laquelle il semble rejeter la demande de parrainage conjugal, mais continuer d’examiner le dossier comme une demande CH. Après avoir reçu la lettre, M. Umane a déposé une demande de contrôle judiciaire. Conformément à l’article 9 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, le greffe a demandé les motifs de la décision à CIC. CIC a répondu qu’il n’y avait ni dispositif ni motifs écrits relativement à cette demande.

 

[7]               Il semble finalement que l’agent avait en fait consigné des motifs dans le Système de soutien des opérations des bureaux locaux [SSOBL]. Il y a aussi les notes d’entrevue. Toutes ces notes sont datées du 1er septembre 2010 ou ont été signées à cette date.

 

[8]               Ces notes n’ont toutefois jamais été produites, et la demande de contrôle judiciaire a apparemment été abandonnée le 28 janvier 2011. Dans son affidavit, le demandeur a expliqué que c’était parce que l’avocat représentant le défendeur à l’époque avait communiqué avec son conseil pour lui dire que la demande de contrôle judiciaire était prématurée, étant donné que la demande de résidence permanente n’avait pas été rejetée, mais était toujours en instance.

 

[9]               Le 8 mai 2012, le demandeur a soumis d’autres documents à l’appui de sa demande CH.

 

[10]           Le demandeur ajoute qu’il a présenté une nouvelle demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada le 25 juin 2012.

 

Décision

 

[11]           Dans une décision datée du 8 août 2012, une agente principale d’immigration [l’agente] a rejeté la demande CH. Bien qu’au départ le demandeur n’ait pas indiqué au titre de quelles dispositions il demandait une dispense (maintenant, il indique seulement l’article 11 dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire), l’agente a adopté un point de vue large et considéré qu’il s’agissait [traduction] « d’une dispense des critères de sélection applicables aux demandes présentées depuis le Canada et de l’exigence de ne pas être interdit de territoire au Canada ».

 

[12]           L’agente a commencé par décrire les événements qui se seraient produits, selon le demandeur, entre le départ du Nigeria de celui‑ci et son arrivée au Canada et a fait observer que le demandeur était entré au pays à l’aide d’un faux passeport. L’agente a poursuivi en disant que bon nombre des allégations de persécution et de difficultés personnelles au Nigeria avancées par le demandeur avaient déjà été rejetées par la Section de la protection des réfugiés au motif que M. Umane n’était pas crédible. Elle a passé en revue les conditions au Nigeria, mais conclu que le demandeur n’avait pas réussi à prouver que ces conditions auraient [traduction] « un effet négatif personnel direct sur lui, notamment sur son profil à titre de chrétien, ou qu’il n’aurait pas accès à des recours ou à des redressements au Nigeria ».

 

[13]           L’agente a ensuite évalué le degré d’établissement au Canada du demandeur. Elle a reconnu qu’il fallait s’attendre à un certain degré d’établissement étant donné que le demandeur vivait au Canada depuis quatre ans, mais, selon elle, [traduction] « il ne saurait être allégué que toute difficulté résultante n’a pas été envisagée par la Loi ou qu’elle découle de circonstances indépendantes de la volonté du demandeur ». En parvenant à cette conclusion, l’agente a reconnu que le demandeur avait présenté une offre d’emploi signée, mais elle a mis en doute la légitimité du document, le poste offert ne correspondant pas au poste que le demandeur affirmait occuper. Elle a aussi noté que le demandeur semblait bien gérer ses finances, mais n’avait pas établi qu’il possédait des biens au Canada.

 

[14]           De plus, l’agente a conclu que le demandeur n’avait pas de famille au Canada hormis son épouse, et a minimisé les conséquences sur l’épouse en raison de la [traduction] « conclusion précédente selon laquelle le mariage du demandeur avait été contracté aux fins d’immigration ». Se fondant sur la même conclusion et sur le fait que le demandeur avait été déclaré coupable de mariage frauduleux aux États‑Unis, elle a ajouté que le demandeur n’avait pas respecté la loi dans plusieurs pays.

 

[15]           Enfin, l’agente a reconnu que le demandeur avait un fils de sept ans vivant aux États‑Unis. Elle a toutefois conclu que le renvoi du demandeur au Nigeria n’influerait pas sur l’intérêt supérieur de cet enfant étant donné que le demandeur était de toute façon interdit d’entrée aux États‑Unis.

 

[16]           Par conséquent, l’agente a rejeté la demande.

 

[17]           L’agente a énuméré les sources sur lesquelles elle s’était fondée, dont [traduction] « la demande de dispense du visa de résident permanent reçue le 13 octobre 2009, y compris les observations ainsi que l’information à jour et la preuve documentaire à l’appui. » Toutefois, elle a affirmé dans son affidavit ne pas avoir tenu compte des observations présentées en mai 2012 parce qu’elles ne figuraient pas au dossier à l’époque.

 

 

 

Questions en litige

 

[18]           Le demandeur allègue de nombreuses erreurs à l’appui de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Pour paraphraser le demandeur, je dirai qu’il reproche à la décideure : 1) d’avoir suivi un processus non régulier; 2) d’avoir indûment entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire; 3) d’avoir déraisonnablement pondéré la preuve en examinant des éléments de preuve non pertinents, en faisant abstraction d’éléments de preuve pertinents, en ne comprenant pas la preuve et en tirant des conclusions de fait erronées; 4) d’avoir porté atteinte aux droits conférés au demandeur par la Charte; 5) d’avoir contrevenu aux dispositions de la Loi et du Règlement; 6) de ne pas avoir donné au demandeur une possibilité adéquate de dissiper ses préoccupations et ses doutes; et 7) de s’être fondée sur des éléments de preuve extrinsèques sans en aviser le demandeur au préalable. Le demandeur allègue aussi que les dispositions de la Loi régissant la demande étaient inconstitutionnelles. Bon nombre de ces questions ont été circonscrites ou abandonnées dans les observations accompagnant la demande d’autorisation.

 

[19]           En outre, le défendeur admet maintenant que le fait de ne pas avoir tenu compte des observations présentées en mai 2012 constituait un manquement à l’obligation d’équité procédurale. Par conséquent, la plupart des questions énumérées par le demandeur n’ont pas été plaidées.

 

[20]           Un point de désaccord subsiste : que faire avec les notes qui ont été prises dans le cadre de la décision concernant la demande de parrainage conjugal? Le demandeur souhaite que la décision soit annulée et que les notes ne soient pas prises en considération dans le nouvel examen de sa demande CH. Le défendeur reconnaît que la décision concernant le parrainage posait problème, mais affirme que la réparation appropriée consiste à annuler la décision, et non à écarter les notes.

 

[21]           Les questions qui restent sont donc les suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle?

            2.         Y a‑t‑il eu manquement à l’obligation d’équité procédurale?

            3.         Que faut-il faire des notes prises dans le cadre de la demande de parrainage conjugal?

 

Analyse et décision

 

[22]           Question 1

            Quelle est la norme de contrôle?

            Les parties n’ont pas fourni d’observations sur la norme de contrôle, mais les deux autres questions concernent l’équité procédurale. Comme l’a déclaré monsieur le juge Binnie au paragraphe 43 de l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 SCR 339, « les questions de procédure (sous réserve d’une dérogation législative valide) doivent être examinées par un tribunal judiciaire selon la norme de la décision correcte ». L’agente n’a pas droit à la déférence.

 

[23]           Question 2

            Y a‑t‑il eu manquement à l’obligation d’équité procédurale?

            Le demandeur a soumis des documents additionnels qui ont été reçus le 8 mai 2012. Ils figurent au dossier et leur réception est aussi mentionnée dans les notes du SSOBL jointes à l’affidavit de l’agente. Pour une raison quelconque, peut‑être à la suite d’une erreur administrative, ils ne se trouvaient pas dans le dossier quand l’agente a tranché l’affaire. Ainsi, des observations dûment présentées à l’agente n’ont pas été prises en considération.

 

[24]           Le demandeur soutient qu’il s’agit d’un manquement à l’obligation d’équité procédurale. Le défendeur en convient.

 

[25]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a présenté d’observations sur le degré d’équité procédurale requis selon les facteurs mis de l’avant dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. Toutefois, l’arrêt Baker portait lui-même sur une demande CH. Madame la juge L’Heureux‑Dubé a déclaré, au paragraphe 32, que le degré d’équité procédurale requis était plus que minimal et que :

[…] les circonstances nécessitent un examen complet et équitable des questions litigieuses, et le demandeur et les personnes dont les intérêts sont profondément touchés par la décision doivent avoir une possibilité valable de présenter les divers types de preuves qui se rapportent à leur affaire et de les voir évalués de façon complète et équitable.

 

 

 

[26]           En l’espèce, bien que les observations présentées par le demandeur en mai 2012 aient été dûment reçues, elles n’ont pas été « évaluées de façon complète et équitable ». Elles n’ont pas été évaluées du tout. Par conséquent, je conviens qu’il y a eu manquement à l’obligation d’équité procédurale.

 

[27]           De plus, le manquement aurait pu influer sur l’issue de la décision. À titre d’exemple, les observations comprenaient des éléments de preuve établissant que Mme Pedro, l’épouse du demandeur, était enceinte. S’il est accepté que le demandeur est le père, ces éléments de preuve peuvent influer sur la question de l’authenticité du mariage et sur le facteur de l’intérêt supérieur de l’enfant, deux points sur lesquels l’agente a tiré des conclusions défavorables à l’égard de demandeur.

 

[28]           En raison de ce manquement à l’obligation d’équité procédurale, la décision concernant la demande CH doit être annulée, et l’affaire doit être renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

 

[29]           Question 3

            Que faut-il faire des notes prises dans le cadre de la demande de parrainage conjugal?

            Sur le plan procédural, l’affaire est quelque peu étrange et, pour bien saisir la question, il faut exposer le contexte plus en détail. Comme il a été mentionné ci‑dessus, le demandeur a présenté deux demandes de résidence permanente en même temps : une demande au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada et une demande CH.

 

[30]           La demande de parrainage conjugal a été examinée d’abord et, le 1er septembre 2010, l’agent a envoyé au demandeur une lettre qui disait ceci :

[traduction] Le 5 octobre 2009, vous avez demandé, pour des considérations d’ordre humanitaire, d’être dispensé de l’exigence suivante :

 

         être l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vivre avec ce répondant au Canada [alinéa 124a) du Règlement];

 

Par conséquent, vous ne respectez pas les conditions d’admissibilité au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. Puisque vous avez demandé que des circonstances d’ordre humanitaire soient prises en considération, votre demande sera traitée comme une demande de résidence permanente présentée depuis le Canada pour des circonstances d’ordre humanitaire.

 

 

[31]           Cette lettre prête à confusion. Le demandeur ne demandait pas d’être dispensé de l’obligation d’avoir une épouse; selon son allégation principale, le demandeur était marié à Mme Pedro et avait donc une épouse au Canada. La lettre n’en fait pas mention.

 

[32]           Toutefois, les notes consignées dans le SSOBL révèlent que l’agent a examiné la question et conclu que le mariage du demandeur et de Mme Pedro n’était pas authentique. L’agent a plus particulièrement noté deux choses :

            1.         Quand Mme Pedro a signalé un passeport manquant à la police, elle ne pouvait se rappeler la date de naissance du demandeur ni épeler correctement son nom, et elle a nommé quelqu’un d’autre comme plus proche parent;

            2.         Quand les agents ont effectué un contrôle à domicile en l’absence de Mme Pedro, personne ne connaissait le demandeur, et le colocataire de Mme Pedro ne savait même pas qu’elle était mariée. Les notes font mention des raisons que le demandeur et Mme Pedro ont données pour expliquer ces situations, mais l’agent les a rejetées et a conclu ce qui suit :

[traduction] Je ne suis pas convaincu que la répondante et le demandeur ont établi une relation conjugale authentique, et non une relation qui visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi.

 

 

[33]           Il a ensuite passé en revue l’article 4 et l’alinéa 124a) du Règlement et déclaré ceci : [traduction] « Puisque le demandeur n’est pas considéré comme un époux au sens de l’article 4 du Règlement, il ne satisfait pas aux exigences de la catégorie. »

 

[34]           Toutefois, ni le demandeur ni la Cour n’ont reçu ces notes, même après que le demandeur eut déposé sa demande de contrôle judiciaire et que le greffe eut demandé les motifs. Avant aujourd’hui, les seuls documents pertinents que le demandeur avait reçus étaient la lettre susmentionnée, la lettre envoyée conformément à l’article 9 disant qu’il n’y avait pas de motifs et une déclaration du défendeur selon laquelle l’affaire était encore en instance.

 

[35]           Donc, l’examen du dossier fait ressortir les points suivants, qui exposent avec concision la genèse de l’instance :

            1.         Le demandeur a d’abord présenté une demande de parrainage conjugal et une demande CH.

            2.         Le demandeur a reçu une lettre prêtant à confusion concernant sa demande de parrainage conjugal le 1er septembre 2010.

            3.         Après avoir reçu cette lettre, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire de ce qu’il croyait être une décision.

            4.         Le demandeur, se fondant sur la déclaration faite par le défendeur selon laquelle aucune décision n’avait encore été rendue, a abandonné sa demande de contrôle judiciaire.

            5.         La demande CH présentée par le demandeur a été rejetée.

            6.         L’agente ayant rejeté la demande CH présentée par le demandeur disposait des notes consignées dans le SSOBL dans le cadre de la demande de parrainage conjugal initiale. Le demandeur n’avait pas reçu ces notes du SSOBL, qui lui étaient défavorables.

            7.         Le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision défavorable concernant sa demande CH, décision faisant l’objet du présent contrôle.

            8.         Le demandeur a présenté une deuxième demande de parrainage conjugal.

 

[36]           Il est particulièrement important de se rappeler que le demandeur avait présenté deux demandes distinctes, à savoir une demande de parrainage conjugal et une demande CH. Les notes du SSOBL ont été consignées dans le cadre de la demande de parrainage conjugal, laquelle n’est visée par aucune demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en instance, le demandeur ayant retiré cette dernière demande.

 

[37]           Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec le défendeur pour dire que la demande de parrainage conjugal a été « convertie » en demande CH. Je ne connais aucun pouvoir prévu par la Loi ou son Règlement qui permettrait une telle conversion. L’avocat du défendeur a affirmé qu’il s’agissait d’une pratique recommandée dans un guide utilisé par les agents d’immigration, mais il n’a pas fourni d’exemplaire de ce guide ni indiqué où trouver l’information. Bien entendu, le paragraphe 25.1(1) de la Loi permet au ministre d’étudier, de sa propre initiative, des considérations d’ordre humanitaire. Toutefois, ce pouvoir ne signifie pas que tout processus antérieur est « converti » au sens où il devient simplement une étape préliminaire du processus de demande CH.

 

[38]           Par conséquent, la Cour ne peut, dans le cadre du présent contrôle judiciaire, traiter de la demande de parrainage conjugal.

 

[39]           Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si la décision concernant la demande de parrainage conjugal doit être annulée, mais plutôt de savoir si le fait de se fonder sur les motifs non divulgués de cette décision pour trancher la demande CH constituait un manquement à l’obligation d’équité procédurale. Cette question est peut-être théorique, car j’ai déjà conclu que la décision concernant la demande CH devait être annulée. Cependant, en vertu de l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, la Cour a le pouvoir de renvoyer une affaire à un tribunal « pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées ». En définitive, le demandeur demande à la Cour de donner instruction de ne pas tenir compte des notes, de sorte qu’il reste un litige actuel relevant à bon droit de la compétence de la Cour, lequel exige une réponse.

 

[40]           Je conviens avec le demandeur que le fait que l’agente se soit fondée sur les conclusions exposées dans les notes consignées dans le SSOBL par le premier agent pose problème. Le demandeur n’avait aucun moyen de savoir que ces notes existaient et n’a pas eu l’occasion de présenter des observations sur ces notes dans le cadre de sa demande CH.

 

[41]           Par ailleurs, cette préoccupation ne se manifestera pas dans le cadre d’une nouvelle décision, car le demandeur a maintenant accès aux notes.

 

[42]           Néanmoins, corriger l’iniquité subie par le demandeur ne suffit pas. En raison de la ligne de conduite adoptée par le défendeur, le demandeur n’a pas eu l’occasion de soumettre au contrôle judiciaire la décision concernant sa demande de parrainage conjugal. Ainsi, le fait de se fonder sur cette décision désavantage le demandeur et est fondamentalement injuste, et cette injustice persistera tant et aussi longtemps que les notes demeureront un facteur. Je donnerai donc, à l’agent qui sera saisi de la demande CH, instruction de ne pas tenir compte des notes du SSOBL.

 

[43]           Le demandeur a également parlé de sa nouvelle demande de parrainage conjugal et suggéré que les instructions s’appliquent aussi à l’agent qui sera saisi de cette demande. Bien que la logique dont il est question ci‑dessus laisse présumer le même résultat, la Cour n’est pas encore saisie de cette affaire, et je ne peux trouver aucune disposition qui donnerait à la Cour le pouvoir de rendre une telle ordonnance de manière préventive. Les instructions s’appliqueront donc uniquement dans le cadre du nouvel examen de la demande CH.

 

[44]           La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision. L’agent ne devra pas s’appuyer sur les notes du SSOBL pour rendre sa décision.

 

[45]           Aucune partie n’a souhaité proposer de question grave de portée générale aux fins de certification.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

            1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

            2.         L’agent ne s’appuiera en aucune façon sur les notes du SSOBL quand il procèdera au nouvel examen de la demande.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

12. (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement.

 

[…]

 

13. (1) Tout citoyen canadien, résident permanent ou groupe de citoyens canadiens ou de résidents permanents ou toute personne morale ou association de régime fédéral ou provincial — ou tout groupe de telles de ces personnes ou associations — peut, sous réserve des règlements, parrainer un étranger.

 

 

[…]

 (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

 

 (1) Le ministre peut, de sa propre initiative, étudier le cas de l’étranger qui est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 — ou qui ne se conforme pas à la présente loi; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by le Règlement. The visa or document may be issued if, following an examination, l’agent is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

12. (1) A foreign national may be selected as a member of the family class on the basis of their relationship as the spouse, common-law partner, child, parent or other prescribed family member of a Canadian citizen or permanent resident.

 

 

 

 

13. (1) A Canadian citizen or permanent resident, or a group of Canadian citizens or permanent residents, a corporation incorporated under a law of Canada or of a province or an unincorporated organization or association under federal or provincial law — or any combination of them — may sponsor a foreign national, subject to le Règlement.

 

 

 (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

 

 (1) The Minister may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning a foreign national who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

 

 

Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7

 

18.1 [...] (3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

 

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

 

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral 

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

 

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

 

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

 (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

 

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

 

 

b) n’est pas authentique.

 

[…]

 

123. Pour l’application du paragraphe 12(1) de la Loi, la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

 

124. Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes :

 

a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

 

 

b) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

 

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

 (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership

 

 

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

 

(b) is not genuine.

 

 

123. For the purposes of subsection 12(1) of the Act, the spouse or common-law partner in Canada class is hereby prescribed as a class of persons who may become permanent residents on the basis of the requirements of this Division.

 

 

124. A foreign national is a member of the spouse or common-law partner in Canada class if they

 

 

(a) are the spouse or common-law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

 

 

(b) have temporary resident status in Canada; and

 

 

(c) are the subject of a sponsorship application.

 


Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22

 

 (1) Dans le cas où le demandeur indique dans sa demande d’autorisation qu’il n’a pas reçu les motifs écrits du tribunal administratif, le greffe envoie immédiatement à ce dernier une demande écrite à cet effet selon la formule IR-3 figurant à l’annexe.

 

(2) Dès réception de la demande prévue au paragraphe (1), le tribunal administratif envoie :

 

a) à chacune des parties une copie du dispositif et des motifs écrits de la décision, de l’ordonnance ou de la mesure, certifiée conforme par un fonctionnaire compétent, et au greffe deux copies de ces documents;

 

b) si aucun motif n’a été donné à l’appui de la décision, de l’ordonnance ou de la mesure visée par la demande, ou si des motifs ont été donnés sans être enregistrés, un avis écrit portant cette précision à toutes les parties et au greffe.

 

 (1) Where an application for leave sets out that le demandeur has not received the written reasons of the tribunal, the Registry shall forthwith send the tribunal a written request in Form IR-3 as set out in the schedule.

 

 

(2) Upon receipt of a request under subrule (1) a tribunal shall, without delay,

 

(a) send a copy of the decision or order, and written reasons therefor, duly certified by an appropriate officer to be correct, to each of the parties, and two copies to the Registry; or

 

 

(b) if no reasons were given for the decision or order in respect of which the application is made, or reasons were given but not recorded, send an appropriate written notice to all the parties and the Registry.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

IMM-9694-12

 

INTITULÉ :

EHIZUELEN EMMANUEL UMANE c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :             Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 8 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 6 novembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

Kingsley Jesuorobo

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Teresa Ramnarine

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley Jesuorobo

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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