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Date : 20131104


Dossier : T-230-13

 

Référence : 2013 CF 1120

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 4 novembre 2013

En présence de monsieur le juge Hughes

Dossier : T-230-13

 

ENTRE :

LYNETTE SUZANNE DERKSEN

 

demanderesse

et

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 20 décembre 2012, rendue par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) par laquelle la Commission a décidé, en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6, de ne pas enquêter sur la plainte présentée par la demanderesse. Pour les motifs qui suivent, je rejette la présente demande.

 

[2]               La demanderesse, Lynette Suzanne Derksen, a commencé à travailler pour le défendeur, le Service correctionnel du Canada, en novembre 2001. En 2006, elle a reçu le diagnostic d’une invalidité pour laquelle elle a subi une opération en 2007. Elle a repris le travail en mars 2008, mais elle continuait à avoir des limitations dans l’accomplissement de ses fonctions. En janvier 2011, elle s’est engagée à accepter le poste de chef des Services administratifs dans l’un des établissements du défendeur. Plus tard en 2011, son médecin l’a avisée de cesser de travailler dans l’attente d’une autre opération. Une série de faits ont eu lieu, en mai 2011, entre la demanderesse, son superviseur et d’autres personnes à l’établissement, relativement à l’assiduité de la demanderesse au travail, la formation d’un remplaçant, et des questions connexes. En conséquence, le 24 mai 2011, la demanderesse a déposé auprès du défendeur une plainte de harcèlement contre son superviseur.

 

[3]               Le 1er septembre 2011, la demanderesse a été avisée qu’il y aurait une enquête sur sa plainte de harcèlement et que, entre temps, elle serait temporairement réaffectée à d’autres fonctions. M. Larocque a été nommé comme l’enquêteur chargé de l’enquête relative à la plainte de harcèlement. Environ au même moment, la demanderesse a communiqué avec la Commission canadienne des droits de la personne pour déposer une plainte de discrimination relative à son invalidité. À la suite de ses discussions avec un représentant de la Commission, la demanderesse avait l’impression que la plainte de harcèlement et la plainte de discrimination proposée, bien que reliées, seraient traitées comme des affaires distinctes.

 

[4]               Au début du mois de décembre 2011, la demanderesse a reçu un rapport préliminaire relativement à la plainte de harcèlement. Elle a fait des observations relativement à ce rapport préliminaire vers la fin décembre, et s’est engagée à déposer d’autres éléments de preuve que l’enquêteur n’a pas acceptés, étant donné qu’ils avaient été déposés trop tard et qu’ils avaient une importance plutôt marginale. Le 6 février 2012, un rapport final a été rendu rejetant la plainte de harcèlement comme étant vexatoire, et il a été prévu qu’un examen disciplinaire des actes de la demanderesse s’ensuivrait. Les avocats des deux parties m’ont avisé qu’un contrôle judiciaire de cette décision a été déposé par la demanderesse à la Cour, mais que ce dernier a été rejeté parce qu’il avait été déposé en retard.

 

[5]               Entre‑temps, le 20 janvier 2012, environ deux semaines avant que la décision relative à la plainte de harcèlement ne soit rendue, la demanderesse a déposé une plainte de discrimination à la Commission canadienne des droits de la personne. C’est cette plainte qui a, en définitive, mené à la décision soumise au contrôle en l’espèce.

 

[6]               En ce qui concerne la plainte de discrimination, la Commission a avisé la demanderesse par une lettre, datée du 21 mars 2012, qu’elle examinerait la question en vertu des dispositions de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et elle lui a fourni un rapport préliminaire. Le 10 octobre 2012, la demanderesse a donné à la Commission son énoncé de position relativement au rapport préliminaire.

 

[7]               Le 8 novembre 2012, le défendeur a fourni ses observations à la Commission.

 

[8]               Le 5 décembre 2012, la Commission a rendu une décision par laquelle elle adoptait les conclusions énoncées dans le rapport et selon lesquelles la plainte de discrimination n’était pas fondée, que la demanderesse avait eu l’occasion de voir ses questions visant les droits de la personne traitées au moyen d’un autre processus, nommément, la plainte de harcèlement.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[9]               La demanderesse a soulevé les questions suivantes :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision contestée?

            2.         La demanderesse a‑t‑elle bénéficié de l’équité procédurale?

3.         La décision de rejet devrait‑elle être annulée et renvoyée pour qu’une nouvelle décision soit rendue?

 

NORME DE CONTRÔLE

[10]           Chacune des parties convient que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable qui appartient aux issues possibles, comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada aux paragraphes 46 et 47 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190.

 

[11]           Toutefois, la question est plus large, dans les affaires où la Cour examine une décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi). Comme la juge Kane l’a déclaré dans la décision O’Grady c Bell Canada, 2012 CF 1448, quand la Commission agit en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi, elle fournit un rôle d’examen préalable, lorsque la Cour effectue le contrôle d’une telle décision, sa fonction n’est pas d’examiner le bien‑fondé de l’affaire, le rôle de la Cour est de décider si la décision relative à l’examen préalable était raisonnable. La juge a écrit ce qui suit au paragraphe 37 :

Le rôle de la Commission est d’exercer des fonctions « d’examen préalable »; elle fait enquête sur des plaintes afin d’établir si celles-ci doivent être soumises au Tribunal canadien des droits de la personne. Le rôle du Tribunal consiste à examiner le bien-fondé des plaintes, à établir si elles sont établies et à accorder la réparation appropriée. La Commission n’exerce pas cette fonction. Dans le contrôle d’une décision par laquelle la Commission a refusé de traiter une plainte, la Cour ne peut outrepasser le rôle de la Commission et examiner elle‑même le bien‑fondé de la plainte. La Cour peut simplement établir si la décision de la Commission, exerçant ses fonctions « d’examen préalable », était raisonnable.

 

Équité procédurale

[12]           Je conclus que la demanderesse a bénéficié de l’équité procédurale. La demanderesse a reçu une ébauche du rapport et a fait des commentaires substantiels relatifs à ce rapport avant qu’un rapport final ne soit rendu.

 

[13]           Dans son mémoire déposé à la Cour et dans ses plaidoiries, la demanderesse s’est opposée à certaines procédures suivies lors de l’enquête sur la plainte de harcèlement. Il ne s’agit pas en l’espèce du contrôle judiciaire de ces procédures, et la présente instance ne devrait pas être utilisée comme contestation indirecte de ces procédures et de la décision qui y a été rendue.

 

LA DÉCISION DE REJET ÉTAIT-ELLE RAISONNABLE?

[14]           Je conclus que le rapport rendu au sujet de la plainte de discrimination doit être considéré comme étant les motifs pour lesquels la Commission a rendu sa décision de rejet.

 

[15]           Ce rapport était approfondi et il tenait clairement compte des questions et des décisions rendues dans la procédure de harcèlement. J’ai en particulier à l’esprit la partie de l’analyse du rapport, aux paragraphes 25 à 40, menant à la conclusion et aux recommandations des paragraphes 41 et 42 du rapport. Je ne reproduirai aucun de ces paragraphes ici. Je conclus que l’analyse est approfondie et que la conclusion et la recommandation sont raisonnables.

 

[16]           Je ne trouve aucune base, fondée sur le rapport, justifiant l’annulation de la décision de la Commission.

 

DÉPENS

[17]           Le défendeur soutient que des dépens d’un montant de 500 $ seraient appropriés. La demanderesse soutient qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés en cas d’échec.

 

[18]           Le montant de 500 $ est très raisonnable. Tout demandeur dans une affaire telle que celle‑ci devrait savoir qu’il y a des conséquences sur les dépens en cas d’échec de la demande. J’accorderai au défendeur des dépens d’un montant de 500 $.

 

 


JUGEMENT

Pour les motifs susmentionnés :

LA COUR STATUE que :

1.         La demande est rejetée.

2.         Le défendeur a droit aux dépens exigibles de la demanderesse et établis au montant de 500,00 $.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

T-230-13

 

INTITULÉ :

LYNETTE SUZANNE DERKSEN

c

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                      Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                    Le 4 novembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

                                                                    Le 4 novembre 2013

COMPARUTIONS :

 

Stephanie B. Gorner

 

POUR LA DEMANDERESSE

Graham Stark

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Baker Newby LLP

Avocat

Chilliwack (C-B)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C-B)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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