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Cour fédérale

Federal Court

 

 

 

Date : 20131025

Dossier : IMM-8892-12

Référence : 2013 CF 1076

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 25 octobre 2013

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

AMITHA LAL DASANAYAKE DASANAYAKE MUDIYANSELAGE

(ALIAS AMITHA LAL DASA DASANAYAKE MUDIYANSE)

 

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande d’asile du demandeur est fondée sur son témoignage selon lequel, en tant que citoyen du Sri Lanka, il craint avec raison d’être persécuté par les autorités gouvernementales du Sri Lanka parce qu’il a été accusé d’être un partisan des Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (TLET). Dans le cadre de la présente demande, le demandeur conteste la décision rendue le 1er août 2012 par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés, en application de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, selon laquelle le demandeur n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

 

[2]               Dans sa décision, la SPR a conclu, relativement à l’alinéa Fa) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut de réfugié, qu’il y avait des raisons sérieuses de croire que, parce que le demandeur avait été policier pour les forces policières sri-lankaises (SLPF) de 1992 à 2003 et que celle-ci a, durant cette période, commis des crimes contre l’humanité visant spécifiquement les personnes d’origine ethnique tamoule, il était complice des crimes commis. Un aspect important de cette conclusion a trait au poids que la SPR a accordé au poste de gestion de niveau intermédiaire du demandeur au sein des SLFP.

 

[3]               La question centrale en l’espèce consiste à déterminer s’il est juste et équitable d’annuler la décision parce que la SPR l’a rendue en appliquant une norme juridique énoncée par la Cour fédérale dans Ezokola c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 224, relativement à la notion de complicité suivant l’alinéa Fa) de l’article premier de la Convention, laquelle a été « clarifiée » par la Cour suprême du Canada dans sa décision sur l’appel rendue le 19 juillet 2013 (Ezokola c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CSS 40).

 

[4]               Le juge Noël, dans la décision de la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 72, répond comme suit à la question certifiée :

J’en viens donc à la conclusion que la question certifiée telle que reformulée doit recevoir une réponse affirmative. Selon moi, un haut dirigeant, en demeurant en poste sans protêt et en continuant à défendre les intérêts de son gouvernement alors qu’il a connaissance des crimes commis par ce gouvernement peut démontrer sa « participation personnelle et consciente » à ces crimes et se rendre complice de son gouvernement dans leur commission. Il est utile de rappeler cependant que la réponse ultime est toujours fonction des faits particuliers de chaque affaire (Ramirez, p. 220; Bazargan, para 12).

 

[5]               Pour rendre la décision relative à l’exclusion examinée en l’espèce, la SPR a appliqué l’avis de la Cour d’appel fédérale en concluant que « la CAF a conclu que le critère de la "participation personnelle et consciente" doit être plus large que le fait pour le demandeur d’asile d’avoir participé personnellement aux crimes » (décision, para 36). Après avoir examiné la preuve relative à la dénégation du demandeur du fait qu’il était au courant des crimes contre l’humanité commis par les SLPF, la SPR a rendu une conclusion défavorable en matière de crédibilité, pour ensuite conclure, de façon plus générale, ce qui suit :

Compte tenu de la conclusion défavorable tirée, le tribunal juge, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile était au courant des violations des droits de la personne commis par les SLPF et qu’il était leur complice. Le demandeur d’asile a travaillé dans de nombreux détachements et postes de police dans diverses régions du Sri Lanka et, en omettant de protéger les civils visés par les SLPF, il a contribué aux violations des droits de la personne commises. Subsidiairement, le demandeur d’asile a délibérément ignoré les atrocités commises, alors que, selon son témoignage, il avait reçu une formation relative aux droits de la personne et que les SLPF offrent une telle formation à l’échelle internationale.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, para 64)

 

En appel, la Cour suprême du Canada a fourni les précisions suivantes relativement à l’approche adoptée par la Cour d’appel fédérale :

En répondant par l’affirmative à la question certifiée, la Cour d’appel fédérale peut donner à penser qu’elle avalise une interprétation trop large de la complicité, une interprétation qui englobe la complicité par association ou acquiescement passif (para 79).

[…]

On ne doit pas considérer que la décision de la Cour d’appel fédérale permet de conclure à la complicité par association du fait de la fonction exercée ni à celle fondée sur l’acquiescement passif, car ce serait perpétuer une rupture avec le droit pénal international et les principes fondamentaux du droit pénal (para 83).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Aussi, en plus d’énoncer clairement qu’il faut éviter de donner une interprétation trop large de la complicité, la Cour suprême a établi un nouveau critère :

Compte tenu de ce qui précède, il devient nécessaire de clarifier la notion de complicité aux fins de l’application de l’art. 1Fa). Pour refuser l’asile à un demandeur sur le fondement de cette disposition, il doit exister des raisons sérieuses de penser qu’il a volontairement contribué de manière significative et consciente aux crimes ou au dessein criminel d’une organisation (para 84).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[6]               À mon avis, la volonté de la Cour suprême du Canada de clarifier la notion de complicité aux fins de l’application de l’alinéa Fa) de l’article premier de la Convention vient remettre en question la décision de la SPR. Il en est ainsi parce que le critère juridique appliqué par la SPR a été effectivement éteint en droit.

 

[7]               Néanmoins, le conseil du ministre fait valoir l’argument suivant :

[traduction]
Bien que la SPR n’a pas eu l’avantage de prendre connaissance de l’arrêt Ezokola de la Cour suprême du Canada, les conséquences sur la décision finale sont minimes parce que, dans les faits, la SPR a conclu que le demandeur avait volontairement contribué de manière significative et consciente aux crimes et au dessein criminel des forces policières sri-lankaises (SLPF).

 

(Exposé des arguments du défendeur, 20 septembre 2013).

 

Selon moi, l’argument n’a aucun poids parce qu’il vise une demande particulière à laquelle je ne peux acquiescer : rendre une décision concernant la demande d’asile du demandeur en appliquant la preuve du dossier dont disposait la SPR au nouveau critère énoncé par la Cour suprême du Canada. À mon avis, il revient uniquement à la SPR de rendre une nouvelle décision à l’égard de la présente demande. Je conclus qu’un redressement juste et équitable en l’espèce exige que la SPR assume sa responsabilité.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que, pour les motifs qui précèdent, la décision faisant l’objet du contrôle soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué afin qu’une nouvelle décision soit rendue. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                             imm-8892-12 

 

INTITULÉ :

AMITHA LAL DASANAYAKE DASANAYAKE MUDIYANSELAGE (ALIAS. AMITHA LAL DASA DASANAYAKE MUDIYANSE) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

                                                           

DATE DE L’AUDIENCE :                         LE 23 OCTOBRE 2013        

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE CAMPBELL

                       

DATE DES MOTIFS :                     LE 25 OCTOBRE 2013                    

COMPARUTIONS :

Tara Mcelroy

Lorne Waldman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ildikó Erdei

Catherine Vasilaros

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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