Date : 20131016
Dossier : T-529-13
Référence : 2013 CF 1062
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Edmonton (Alberta), le 16 octobre 2013
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE : |
HARPREET SINGH TUNG |
demandeur |
et |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION |
défendeur |
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
(Prononcés à l’audience à Edmonton (Alberta))
[1] Le dossier révèle que Harpreet Singh Tung, un citoyen de l’Inde âgé de 34 ans, est arrivé au Canada le 23 mars 2004 et est devenu résident permanent le même jour, parrainé par son épouse, laquelle est citoyenne canadienne. M. Tung a deux enfants nés au Canada. Son père de 77 ans et sa mère de 67 ans vivent avec lui et ont été parrainés par lui à titre de résidents permanents. Le dossier montre qu’ils dépendent totalement de leur fils.
[2] M. Tung travaille comme conducteur de camion de classe 1. Il possède une maison unifamiliale à Edmonton.
[3] Le 4 mai 2011, M. Tung a passé un examen de citoyenneté et obtenu une note de 13 sur 20, alors que la note de passage était de 15 sur 20. Le 4 mars 2013, M. Tung a rencontré une juge de la citoyenneté qui lui a fait passer un examen de connaissances oral; M. Tung a obtenu une note de 9 sur 20 à cet examen.
[4] En raison de cette note, la juge de la citoyenneté a conclu que M. Tung ne satisfaisait pas aux conditions en matière de connaissances énoncées dans la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29, et a rejeté sa demande de citoyenneté. La juge de la citoyenneté a également examiné mais refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire de recommander au ministre d’exempter, en vertu du paragraphe 5(3), le demandeur des conditions en matière de connaissances pour des motifs d’ordre humanitaire, ou d’ordonner au ministre, en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi, d’attribuer la citoyenneté afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada.
[5] Il semble à la Cour que seulement deux questions sont vraiment en litige dans le présent appel. La première est celle de savoir si la conclusion de la juge de la citoyenneté sur la connaissance du Canada de M. Tung était raisonnable, et la deuxième est celle de savoir si la décision de la juge de la citoyenneté de refuser d’exercer le pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 5(3) et (4) de la Loi était raisonnable.
[6] Examinons la première question, c’est‑à‑dire le caractère suffisant de la connaissance du Canada de M. Tung. La conclusion de la juge de la citoyenneté selon laquelle M. Tung n’avait pas une connaissance suffisante du Canada n’avait rien de déraisonnable. En fait, M. Tung n’a pas contesté sérieusement cette conclusion. Il a obtenu une note de 9 sur 20 à l’examen. J’ai examiné les réponses aux questions contenues dans le dossier du défendeur, et l’évaluation de ces réponses était raisonnable. Le fait que M. Tung avait auparavant obtenu une note de 13 sur 20 à un examen écrit en mai 2011 renforce la conclusion selon laquelle il n’a pas une connaissance suffisante du Canada. J’ouvre ici une parenthèse pour souligner que ce fait renforce également l’observation soumise aujourd’hui voulant que M. Tung ait de la difficulté à se souvenir des faits et des chiffres lorsqu’il est stressé. En effet, M. Tung a obtenu un moins bon résultat à l’examen passé devant la juge de la citoyenneté qu’à l’examen qu’il avait passé deux ans auparavant.
[7] La deuxième question, présentée à la Cour aujourd’hui en ce qui concerne le défaut de la juge de la citoyenneté d’exercer le pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 5(3) et (4) de la Loi sur la citoyenneté, est celle de savoir si le refus d’exercer ce pouvoir discrétionnaire était raisonnable ou non.
[8] M. Tung présente certains facteurs exposés dans ses mémoires dont la juge, affirme‑t‑il, a fait abstraction, notamment sa carte de résidence permanente, le parrainage par son épouse, sa présence ininterrompue au Canada depuis neuf ans, son âge, ses deux enfants, ses parents âgés qu’il parraine et qui vivent avec lui, le fait qu’il produit des déclarations de revenus depuis son arrivée au Canada, qu’il possède une maison unifamiliale, qu’il parle, écrit et lit l’anglais mieux que la moyenne des gens, et qu’il travaille comme conducteur de camion. Il se fonde sur ces facteurs pour soutenir qu’il satisfait à tous les critères pour l’attribution de la citoyenneté canadienne.
[9] M. Tung, vous avez certainement été un membre productif et utile de la société canadienne pendant votre séjour au pays, et je vous en félicite. Toutefois, la faculté du juge de la citoyenneté d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour des motifs d’ordre humanitaire, quoique vaste, n’est pas sans limite, et la Cour peut intervenir seulement si le juge a déraisonnablement refusé d’exercer son pouvoir ou l’a exercé déraisonnablement. Malheureusement, M. Tung, rien dans le dossier ne me convainc qu’il était déraisonnable pour la juge de la citoyenneté de refuser de recommander que la citoyenneté vous soit attribuée pour des motifs d’ordre humanitaire. Pour dire franchement, votre situation au Canada, votre travail, votre famille, si admirables soient‑ils, ne vous permettent pas de vous distinguer pas parmi nombre d’autres personnes dans notre société.
[10] Aujourd’hui, vous m’avez dit que vous aviez étudié et que vous possédiez une connaissance adéquate du Canada, mais que vous oubliez les faits et les chiffres quand vous êtes stressé. Malheureusement, ce « besoin particulier » nécessitant des mesures d’adaptation n’était pas mentionné dans votre formulaire de demande. Il n’y avait aucun moyen pour la juge de la citoyenneté ou pour quiconque de savoir que vous éprouveriez une telle difficulté. Il vous est loisible de demander encore la citoyenneté canadienne n’importe quand. En effet, il est possible de demander la citoyenneté un nombre illimité de fois. Je pense qu’une telle demande est assortie de frais, mais, autrement, rien ne vous empêche de demander encore la citoyenneté. Le seul critère de citoyenneté que vous n’avez pas respecté est celui de la connaissance du Canada. Vous avez satisfait à tous les autres critères, et c’est à cet égard que vous affirmez avoir un besoin particulier pour lequel des mesures d’adaptation doivent ou devraient être prises.
[11] Je vous suggère d’étudier encore et de présenter ensuite une nouvelle demande, en y indiquant ce besoin particulier. Le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration et le juge de la citoyenneté en tiendront compte. J’espère que vous réussirez la prochaine fois, car vous semblez exactement faire partie des gens honnêtes et travailleurs que les Canadiens souhaitent avoir comme concitoyens.
[12] Malheureusement, pour les motifs susmentionnés, l’appel doit être rejeté, sans préjudice de votre droit de demander encore la citoyenneté. Aucuns dépens ne sont adjugés.
[13] Je vous remercie beaucoup des observations très judicieuses que vous m’avez présentées aujourd’hui. J’ai bon espoir que vous demanderez à nouveau la citoyenneté dans un avenir rapproché.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.
« Russel W. Zinn »
Juge
Traduction certifiée conforme
Johanne Brassard, trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : |
T-529-13
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INTITULÉ : |
HARPREET SINGH TUNG ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE : Edmonton (Alberta)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 16 octobre 2013
MOTIFS DU JUGEMENT ET
JUGEMENT : LE JUGE ZINN
PRONONCÉS
À L’AUDIENCE : Le 16 octobre 2013
COMPARUTIONS :
Harpreet Singh Tung
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DEMANDEUR (POUR SON PROPRE COMPTE)
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Anna Kuranicheva
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
S.O. |
LE DEMANDEUR, POUR SON PROPRE COMPTE
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Edmonton (Alberta)
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POUR LE DÉFENDEUR
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