Date : 20130618
Dossier : IMM-8532-12
Référence : 2013 CF 672
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 18 juin 2013
En présence de monsieur le juge O’Reilly
ENTRE :
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ESHETU NEGUSSIE GEBRE
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demandeur
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Et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Aperçu
[1] Monsieur Eshetu Negussie Gebre a demandé l’asile au Canada parce qu’il craint d’être persécuté pour ses opinions politiques en Éthiopie. Il a déclaré qu’il a été arrêté, détenu et battu un certain nombre de fois à cause de sa participation aux activités d’un parti d’opposition. De plus, il risquait de subir de mauvais traitements en raison de son origine amhara.
[2] Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de M. Gebre parce qu’il n’a pas cru son récit des événements qu’il a vécus en Éthiopie. M. Gebre a prétendu avoir organisé des manifestations, mais les éléments de preuve n’étayaient pas cette affirmation. La Commission a plutôt conclu qu’il était simplement membre d’un parti d’opposition. Elle n’a pas cru que M. Gebre avait été arrêté ou battu. De plus, elle a conclu qu’il avait vécu en sécurité à Jimma pendant quelques années et qu’il pourrait y vivre encore en sécurité.
[3] En outre, la Commission a conclu que M. Gebre avait tardé à demander l’asile au Canada, ce qui contredisait son affirmation selon laquelle il risquait d’être persécuté en Éthiopie.
[4] M. Gebre ne conteste pas vigoureusement les conclusions de la Commission relatives à la crédibilité ni la conclusion de celle‑ci selon laquelle le fait qu’il ait tardé à demander l’asile au Canada est incompatible avec une crainte de persécution en Éthiopie. Il soutient, cependant, que la Commission a omis de reconnaître qu’il s’exposait à un risque de persécution du simple fait de son appartenance à un parti d’opposition et en raison des activités politiques de son père. Il me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué.
[5] Je conviens qu’une nouvelle audience est nécessaire. La Commission n’a pas pris en compte des éléments de preuve documentaire démontrant que les membres ordinaires de partis d’opposition et leurs familles sont victimes de persécution en Éthiopie. Par conséquent, même s’il était loisible à la Commission de conclure que M. Gebre n’a pas été arrêté, détenu ou battu, celle‑ci a omis de reconnaître qu’il risquait d’être persécuté en raison uniquement de son appartenance à un parti d’opposition. Pour cette raison, je dois faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire.
[6] L’unique question en litige est celle de savoir si la décision de la Commission était déraisonnable.
II. La décision de la Commission était‑elle déraisonnable?
[7] Le ministre soutient que la Commission a raisonnablement conclu que M. Gebre n’exerçait aucune fonction de premier plan dans l’opposition et n’a jamais été arrêté ou détenu. De plus, le demandeur n’a jamais connu la persécution à cause de son origine amhara.
[8] J’estime que la Commission a semblé ne pas prendre en compte les éléments de preuve documentaire démontrant clairement que des membres ordinaires de partis d’opposition, et leurs familles, risquent d’être persécutés en Éthiopie. Par conséquent, la conclusion de la Commission selon laquelle M. Gebre n’exerçait aucune fonction de premier plan et n’a pas été maltraité physiquement n’était pas suffisante pour trancher la demande d’asile.
[9] Plus particulièrement, les éléments de preuve démontraient que M. Gebre est membre du parti politique Unity for Democracy (UDJ) au Canada. La Commission a jugé que la lettre faisant état de cette information ne fournissait pas de preuve que M. Gebre serait exposé à un risque. Toutefois, la lettre faisait expressément mention des dangers qu’il courrait à son retour en Éthiopie. La Commission devait aborder la question de savoir si ces éléments de preuve, et les autres éléments se rapportant aux risques potentiels courus par M. Gebre, démontraient que celui‑ci s’exposait à une possibilité raisonnable de persécution en Éthiopie s’il devait y retourner. La question consiste à savoir s’il subsiste « des éléments de preuve crédibles étayant le bien‑fondé d’une crainte de persécution », malgré le fait que certains des éléments de preuve produits par le demandeur devraient être écartés : Joseph c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 548, au paragraphe 11.
[10] Enfin, il n’est pas possible d’établir, d’après les motifs de la Commission, que celle‑ci a pris en compte le risque couru par M. Gebre en tant que personne d’origine amhara.
[11] Par conséquent, je suis convaincu que la décision de la Commission était déraisonnable.
III. Conclusion et décision
[12] Même si la Commission peut avoir tiré des conclusions raisonnables au sujet des activités de M. Gebre en Éthiopie et de son absence de crainte subjective de persécution lorsqu’il est arrivé au Canada, elle n’a pas pris en compte la question de savoir s’il subsiste des éléments de preuve étayant le bien-fondé de sa demande d’asile en raison de son origine ethnique et de son appartenance à un parti d’opposition. Par conséquent, je conclus que la décision de la Commission était déraisonnable et je dois ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué. Aucune partie n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est certifiée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. La demande de contrôle judiciaire est acceptée. La question est renvoyée à la Commission pour la tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué;
2. Aucune question de portée générale n’est énoncée.
« James W. O’Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Line Niquet
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-8532-12
INTITULÉ : ESHETU NEGUSSIE GEBRE c MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 11 JUIN 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : LE 18 JUIN 2013
COMPARUTIONS :
Meera Budovitch
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POUR LE DEMANDEUR |
Nicole Paduraru
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Patricia Wells Avocats en droit de l’immigration Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR |
William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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