Date : 20130821
Dossier : IMM-9680-12
Référence : 2013 CF 889
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 21 août 2013
En présence de monsieur le juge Mosley
ENTRE :
|
ELVIRA RUTH MARCOS PALOGAN
|
|
|
demanderesse
|
|
et
|
|
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
|
|
|
défendeur
|
|
|
|
|
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La demanderesse sollicite un contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas en poste à Manille, aux Philippines, a refusé de lui délivrer un permis de travail à titre d’aide familiale résidante.
CONTEXTE :
[2] Mme Palogan, une citoyenne des Philippines, a obtenu un permis de travail à titre d’aide familiale résidante pour une période de 11 mois à compter d’octobre 2007. Son beau‑frère l’a embauchée au Canada pour qu’elle prenne soin de son enfant. Au terme du contrat, en septembre 2008, son employeur n’était plus en mesure de garder Mme Palogan comme employée. Celle‑ci a fait appel à une agence afin de trouver un nouvel employeur et de renouveler son permis de travail. Elle a été embauchée par une de ses belles‑sœurs, mais elle a omis de présenter sa demande de permis de travail dans le délai prévu de 90 jours. Sa demande a été rejetée, et le centre de traitement l’a sommée de quitter le Canada sur‑le‑champ.
[3] C’est à ce moment‑là que Mme Palogan a retenu les services d’un avocat et qu’elle a présenté une demande de l’étranger, de New York. Cette demande a également été rejetée et elle a une nouvelle fois été sommée de quitter le Canada sur‑le‑champ. Elle a présenté une troisième demande, en passant par le bureau des visas de Buffalo cette fois, ce qui lui a valu un autre refus.
[4] Mme Palogan a finalement quitté le Canada le 10 janvier 2011, après quoi elle a présenté une demande des Philippines. La décision par laquelle cette demande a été refusée fait l’objet du présent contrôle judiciaire.
[5] La demanderesse est mariée. Elle a un mari, des enfants et des frères et sœurs aux Philippines. Sa fille aînée et d’autres proches, dont ses beaux‑parents et quatre de leurs enfants, vivent au Canada.
DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE :
[6] La lettre de décision envoyée par l’agent des visas contient un formulaire de refus et une liste de vérification où la dernière case, « autres motifs », a été cochée par l’agent. La lettre va comme suit :
[traduction]
Vous avez été sommée de quitter le Canada sur‑le‑champ par le CTD de Vegreville le 2009/03/07, parce que vous n’aviez pas de statut au Canada. Vous êtes restée au Canada jusqu’en janvier 2011. Je ne suis pas convaincu que vous respecterez les lois canadiennes en matière d’immigration.
[7] Les notes consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers [notes du STIDI], qui figurent au dossier, font état des antécédents de la demanderesse en matière d’immigration. On y apprend également que la fille aînée de la demanderesse vit dans la même ville que le nouvel employeur éventuel de la demanderesse, et que six des membres de la belle‑famille de la demanderesse vivent au Canada, ce qui [traduction] « réduit les liens avec les Phils [sic]. » Enfin, les notes révèlent que [traduction] « la DP n’a pas respecté les lois et les directives en matière d’immigration. Pas convaincu que la demanderesse est de bonne foi. Pas convaincu de l’existence d’une double intention dans l’éventualité où la DP se voyait accorder le droit d’entrer au Canada ».
QUESTION EN LITIGE :
[8] La question en litige est celle de savoir si la décision de l’agent était raisonnable. Au cœur de cette question figure celle de savoir si l’agent a commis une erreur dans sa conclusion concernant la double intention.
ANALYSE :
Norme de contrôle;
[9] La jurisprudence a établi de manière satisfaisante que, pour l’examen des demandes de permis de travail temporaire, la norme de contrôle applicable était celle de la raisonnabilité. Dans Kachmazov c Canada (MCI), 2009 CF 53 [Kachmazov], la juge Layden-Stevenson affirme ce qui suit :
8 La norme de contrôle applicable à la question de savoir si l’agent des visas a commis une erreur dans son analyse de la demande de permis de travail temporaire est celle de la raisonnabilité : Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, 2008 CSC 9; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1284, 2008 CF 1284. La Cour ne doit pas intervenir, à moins que la décision n’appartienne pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, au par. 47
Voir aussi les commentaires du juge de Montigny dans Maxim c Canada (MCI), 2012 CF 1029, une décision qui concerne également une aide familiale résidante, au paragraphe 19.
L’agent a‑t‑il commis une erreur dans sa conclusion concernant la double intention?
[10] Comme l’a expliqué la juge Layden-Stevenson dans la décision Kachmazov, précitée, au paragraphe 15 :
[…] une personne « peut avoir la double intention d’immigrer et de respecter les règles de droit applicables au sujet du séjour temporaire » : Rebmann c. Canada (Solliciteur général), [2005] 3 C.F. 285 (C.F.); Bondoc c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. no 1063.
[11] La catégorie des aides familiaux est définie comme étant une catégorie d’étrangers qui peuvent devenir résidents permanents, sur le fondement des exigences prévues à la partie 6, section 3, article 110 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement).
[12] Si, dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants, les demandeurs entrent au Canada grâce à un permis de travail temporaire, on s’attend à ce qu’ils présentent une demande de résidence permanente à la fin de la période de travail obligatoire de deux ans.
[13] Voilà qui est clairement établi dans les objectifs du programme, qui sont énoncés dans le guide opérationnel du ministre intitulé OP 14 Traitement des demandes au titre du Programme des aides familiaux résidants :
2. Objectifs du programme
Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a mis sur pied ce programme afin de combler une pénurie d’aides familiaux résidants sur le marché du travail au Canada tout en offrant aux participants la possibilité de travailler et, par la suite, de demander la résidence permanente au Canada.
Le PAFR permet de faire venir au Canada des travailleurs qualifiés temporaires afin de fournir des services de garde d’enfants à domicile, de soins à domicile aux personnes âgées ou de soins à des personnes handicapées. Le PAFR permet aux demandeurs de présenter une demande de résidence permanente depuis le Canada après avoir été employés à temps plein comme aides familiaux résidants durant au moins 24 mois, ou encore, durant au moins 3 900 heures réparties sur une période d’au moins 22 mois, au cours des quatre ans suivant leur entrée au Canada au titre du PAFR.
[14] Ainsi, l’agent n’a pas à être convaincu que le demandeur rentrera dans son pays d’origine au terme de la période de validité de son permis de travail. Cela dit, l’agent doit être convaincu que le demandeur ne demeurera pas illégalement au Canada dans l’éventualité où il ne respectait pas les exigences et que sa demande de résidence permanente était rejetée : Kachmazov, au paragraphe 16.
[15] La prise de dispositions de convenance visant l’obtention d’un statut au Canada ne cadre pas avec les objectifs du programme ni avec les exigences énoncées dans le Règlement. Cela dit, rien dans la loi n’empêche les membres de la famille d’offrir un emploi d’aide familial à un proche : Nazir c Canada (MCI), 2010 CF 553, au paragraphe 23. La relation entre le demandeur et l’employeur peut constituer un facteur dont l’agent tiendra compte dans son évaluation de l’authenticité du contrat : Duroseau c Canada (MCI), 2008 CF 72, au paragraphe 19.
[16] Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland and Labrador Nurses], au paragraphe 15, la Cour suprême du Canada souligne que la cour de révision ne devrait pas substituer ses propres motifs à ceux de l’instance décisionnelle, mais qu’elle peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat.
[17] En l’espèce, les notes du STIDI s’ajoutent aux explications laconiques fournies dans la lettre de décision et, à la lumière de l’ensemble du dossier, je conclus que la demande de permis de travail a été refusée pour trois motifs :
a. Mme Palogan a des antécédents de non‑respect des lois en matière d’immigration et n’a pas su démontrer de façon satisfaisante qu’elle avait l’intention de se conformer aux exigences dans l’éventualité où le permis lui était délivré;
b. Elle n’a pas convaincu l’agent qu’elle était une demanderesse de bonne foi à titre d’aide familiale résidante;
c. Elle n’a pas montré qu’elle avait la double intention d’obtenir la résidence permanente et de quitter le Canada à la fin de la période autorisée.
[18] La situation de la demanderesse attire la sympathie. Il semble évident que la demanderesse souhaitait se conformer aux exigences du programme pour éventuellement faire venir son mari et ses enfants, et qu’elle avait effectivement travaillé comme aide familiale résidante, quoique pour une période trop courte pour la rendre admissible à la résidence permanente. Cela dit, elle a délibérément prolongé son séjour après l’expiration du permis de travail, et trois de ses demandes subséquentes ont été refusées. La demanderesse soutient qu’elle comprend maintenant qu’elle a fait une erreur, et elle dit avoir l’intention de se conformer aux exigences. Cela dit, les explications qu’elle a données pour justifier le prolongement de son séjour n’ont pas été présentées à l’agent, et ce dernier ne peut être blâmé pour ne pas en avoir tenu compte.
[19] L’agent n’avait pas à analyser chacun des facteurs favorables à la demande, comme les liens étroits qu’entretenait la demanderesse avec sa famille aux Philippines : arrêt Newfoundland and Labrador Nurses, précité, au paragraphe 16. La demanderesse n’avait pas droit à un permis de travail. Cette décision était de nature discrétionnaire, et le raisonnement de l’agent était transparent et intelligible. Il y avait des raisons de penser que le risque de prolongation indue du séjour était beaucoup plus élevé pour l’avenir. La décision appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[20] En dépit du plaidoyer très habile de l’avocate de la demanderesse, je ne suis pas convaincu qu’il y a lieu que la Cour intervienne.
[21] Aucune question n’a été proposée pour certification.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.
« Richard G. Mosley »
Juge
Traduction certifiée conforme
Geneviève Tremblay, trad. a.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-9680-12
INTITULÉ : ELVIRA RUTH MARCOS PALOGAN
ET
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 14 août 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : Le juge Mosley
DATE DES MOTIFS : Le 21 août 2013
COMPARUTIONS :
Jennifer Pollock
|
POUR LA DEMANDERESSE
|
Martin Anderson |
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
JENNIFER POLLOCK Bellissimo Law Group Toronto (Ontario)
|
POUR LA DEMANDERESSE
|
WILLIAM F. PENTNEY Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
|