Date : 20130815
Dossier: IMM-12032-12
Référence : 2013 CF 867
Montréal (Québec), le 15 août 2013
En présence de monsieur le juge Annis
ENTRE :
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ROBERTO CARLOS PULIDO BARRON
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partie demanderesse
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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partie défenderesse |
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. Le demandeur conteste une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] rendue le 1er novembre 2012, concluant qu’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger selon l’article 97 de la LIPR.
Contexte
[2] Le demandeur est originaire du Mexique. Il a travaillé initialement à la mairie de sa ville et ensuite comme imprimeur, et comptait des restaurateurs et des propriétaires de bars parmi sa clientèle. Ses problèmes ont débuté durant l’été de 2008 lorsqu’il a été convoqué au bureau d’un client propriétaire de bar. Les gardiens de sécurité du propriétaire lui ont menacé avec un pistolet et l’ont poussé et fouillé. Une demi-heure plus tard, le propriétaire l’a rappelé au bureau et les gardiens se sont excusés, disant qu’ils l’avaient pris pour un autre. Plus tard le même soir, le propriétaire a expliqué au demandeur que ces hommes étaient membres des Zetas et l’auraient enlevé sans son intervention. Le lendemain, le demandeur a en a parlé au maire de la ville en lui demandant la discrétion. Le demandeur a indiqué que le maire en a néanmoins discuté avec le directeur de la police.
[3] Deux jours plus tard, une voiture a suivi celle du demandeur. Il s’est enfui et a percuté une camionnette, perdant connaissance et se réveillant à la Croix-Rouge. Quelques jours plus tard, il a revu ses agresseurs et le propriétaire de bar lui a informé que les Zetas demandaient des informations à son sujet. Ne connaissant pas la raison pourquoi il a été ciblé et croyant que sa vie était en danger, il a fui le pays.
[4] Par la suite, tel que rapporté par son père, en novembre 2010, les Zetas ont bloqué l’avenue où l’accident avait eu lieu. Ils ont volé la voiture du père du demandeur, en faisant des menaces s’il portait plainte aux autorités et en le laissant savoir qu’ils attendaient le retour au pays du demandeur pour régler leurs comptes avec lui. Ils ont dit qu’ils étaient au courant que le directeur de police avait pris connaissance de l’incident de septembre 2008.
Décision contestée
[5] La SPR a trouvé que le préjudice redouté ne découlait pas d’un motif énuméré à l’article 96 de la LIPR, mais plutôt de la criminalité. Le tribunal a donc étudié le risque sous l’angle de l’article 97 de la LIPR. Le tribunal n’a pas questionné la crédibilité du demandeur, mais a conclu que celui-ci n’avait pas établi que le risque était personnel comme le requiert l’article 97 et non généralisé à la population mexicaine. Le tribunal a considéré la prétention du demandeur que sa situation différait d’un simple risque de vengeance provenant des Zetas parce qu’il avait discuté de son cas avec le maire et supposait que ce dernier en avait parlé à la police, mais le tribunal a rejeté l’argument que de porter plainte pouvait créer un risque suffisamment personnalisé. Quant à la situation vécue par le père du demandeur, le tribunal a conclu que le témoignage du demandeur démontrait qu’il n’était pas rare que les Zetas bloquent les boulevards et forcent les conducteurs à descendre de leur voiture pour ensuite les voler.
Question en litige
[6] La question en litige est la suivante :
Est-ce que le tribunal a évalué correctement le risque généralisé ?
Norme de contrôle
[7] Je suis d’accord avec les parties qui soutiennent qu’il s’agit d’une question d’évaluation des faits et donc la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12).
Analyse
[8] L’argumentation principale de la partie demanderesse est que le tribunal a mal saisi son témoignage concernant le risque personnalisé à son égard, surtout tel que décrit au paragraphe 21 de la décision :
[21] Le demandeur qui déclare ne pas connaître les motifs qui poussent les Zetas à agir de la sorte à son endroit, a fait valoir que sa situation était différente du fait que les Zetas voudront se venger, car il aurait parlé de son problème avec le maire de sa ville et il suppose que ce dernier l’a dit aux policiers. (Soulignée par la partie demanderesse)
[9] Le demandeur, en réponse aux questions du tribunal, ainsi que dans son formulaire de renseignements personnels a indiqué qu'il n'était pas au courant des raisons pour lesquelles il a été la cible des Zetas. Il s'appuie sur une lettre de son père, la pièce R-24, qui fait état des menaces proférées à son père comme étant les raisons pour lesquelles le demandeur a été la cible des Zetas parce que le maire avait parlé à la police au sujet de son attaque.
[10] Les passages pertinents de la lettre du père sont les suivants:
Ils m’ont dit de dire à mon fils qu’à son retour ils allaient lui régler son compte, parce qu’ils savent que Roberto Carlos a dit au maire Zeferino Salgado qu’ils voulaient l’enlever au bar Los Rieles et que Fernando Garza l’avait protégé et que Salgado avait commenté ceci au directeur de la police, ils savaient cela, ils m’ont dit aussi de transmettre à mon fils qu’ils avaient été clairs de ne le répéter à personne. (souligné dans l’original)
[11] Comme ce n'était pas un témoignage avéré, étant du ouï-dire dans la nature et sans aucune possibilité pour l'intimé ou pour le tribunal d'obtenir des éclaircissements, je peux comprendre pourquoi le tribunal décrivait la preuve du père de nature d’une prétention de savoir pourquoi il avait été pris pour cible.
[12] Je trouve en tout cas que le fondement de la décision du tribunal se trouve aux paragraphes 22 et 23, où il conclut que le fait de signaler à la police donnant lieu à des représailles n’a pas eu pour effet de personnaliser le risque faisant de lui un membre du groupe représentant les ennemis des Zetas.
[22] La Cour fédérale a tranché un cas similaire dans Chavez Fraire. Dans cette affaire le demandeur craignait « Los Zetas ». Il prétendait que le risque, auquel il était exposé, était différent du fait qu’il avait dénoncé aux autorités leurs activités criminelles et que ces derniers voulaient se venger. Or, le juge Zinn a déclaré que « ce risque n’est pas devenu un risque personnalisé du simple fait que le demandeur appartenait désormais au groupe représentant les ennemis des Zetas. »
[23] Le juge Rennie a tenu des propos semblables dans Flores Romero Damian, lorsqu’un demandeur cherchant à résister à l’extorsion dont il était victime l’a signalée à la police. Le fait de porter plainte ne le rend pas unique, ou ne fait pas de lui un membre d’un sous-groupe unique ou distinct de la population en général.
[13] À cet égard, le tribunal s'est appuyé sur les décisions de Chavez Fraire c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 763 et Flores Romero c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 772 impliquant des décisions factuelles similaires. Celles-ci sont compatibles avec les décisions plus récentes, y compris Cartes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1378, Ayala c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 183, Vivero c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 138.
[14] La partie demanderesse soutenait que la Cour devrait tenir compte de la cause Portillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 678, au para 50 :
[50] …Il a été démontré que Carlos avait adhéré à la MS et qu'il avait personnellement proféré des menaces à l'endroit du demandeur. La situation du demandeur était donc radicalement différente de celle d'autres personnes pouvant être exposées au risque général d'être recrutées ou de faire l'objet de menaces ou même d'agressions de la part de la MS. Il a été démontré que le demandeur était personnellement et directement exposé à une menace de mort. On est très loin du risque d'extorsion, de recrutement ou d'agression, et le risque auquel le demandeur est exposé est beaucoup plus sérieux et plus direct que celui auquel d'autres hommes du Salvador sont exposés. Par conséquent, la décision de la SPR est à la fois déraisonnable et incorrecte.
[15] En plus des décisions qui sont d’un effet contraire, le tribunal a trouvé que M. Portillo avait « été personnellement pris pour cible » ce qui a donné lieu à la question de la juge au sujet du raisonnement du tribunal afin de conclure que le demandeur n’était exposé qu’à un risque généralisé.
[2] … En ce qui concerne l'article 97, la Commission a estimé que le demandeur avait "été personnellement pris pour cible" par la MS (la décision, au paragraphe 34) [non souligné dans l'original]. Toutefois, en dépit de cette conclusion, la SPR a conclu que le risque auquel le demandeur était exposé était un risque généralisé, étant donné que la violence liée aux gangs est un phénomène généralisé au Salvador.
[16] Le tribunal n’a pas conclu que la partie demanderesse a été personnellement ciblée dans cette affaire.
Conclusion
[17] Il n'y avait aucune preuve devant le tribunal que le demandeur a été personnellement visé pour les représailles au-delà des présomptions fondées sur une phrase de la lettre de son père décrivant une menace par les Zetas. Ce type de risque a été trouvé être généralisé et insuffisant pour appuyer une demande de protection. La décision du tribunal a été soutenue par l'autorité et la preuve et ne peut pas être qualifiée de déraisonnable.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.
« Peter Annis »
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-12032-12
INTITULÉ : ROBERTO CARLOS PULIDO BARRON
ET MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 12 août 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE ANNIS
DATE DES MOTIFS : le 15 août 2013
COMPARUTIONS :
Claudette Menghile
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
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Salima Djerroud |
POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Claudette Menghile Montréal (Québec) |
POUR LA PARTIE DEMANDERESSE
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William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |