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Date : 20130819

Dossier : IMM-8351-12

Référence : 2013 CF 879

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 août 2013

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

 

MUHAMMAD USMAN ALI

NABILA USMAN

WALEED USMAN

RAFIA USMAN

TALHIA USMAN

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par une première secrétaire (Immigration) à l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne (l’agente de réexamen), présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi). L’agente de réexamen a refusé de réexaminer la demande du demandeur principal (le DP) visant l’obtention de la résidence permanente au Canada à titre de travailleur qualifié (fédéral).

 

[2]               Le DP présente aussi des demandes relatives à la première décision rendue par un premier agent des visas (le premier agent).

 

I.          Contexte

[3]               Le DP est un citoyen pakistanais. En mai 2010, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de travailleur qualifié (fédéral).

 

[4]               À l’appui de sa demande, le DP a fourni son diplôme d’études secondaires, ses relevés de notes du collège, son diplôme de baccalauréat en commerce et ses diplômes de comptable agréé, lesquels représentent, selon lui, 18 années d’études à temps plein et équivalent à un diplôme de deuxième cycle, comme appui à la catégorie « Études » de la grille de points des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[5]               Dans le but d’appuyer la catégorie « Capacité d’adaptation » de sa demande, il a fourni en outre le passeport d’Asmi Nadeem, une résidente permanente du Canada dont il dit qu’elle est la sœur de son épouse.

 

[6]               Le 20 mars 2012, le premier agent a rejeté la demande du DP, au motif que ce dernier n’avait pas atteint le seuil de 67 points requis pour satisfaire aux critères du paragraphe 76(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés et se qualifier pour la résidence permanente. Le DP s’est vu accorder 63 points, lesquels incluaient 20 points pour la catégorie « Études » et zéro pour la catégorie « Capacité d’adaptation ».

 

[7]               Il ressortait de la lettre de rejet que le DP avait produit certains éléments de preuve dans sa demande selon laquelle il avait une belle‑sœur au Canada, mais ce n’était pas le genre de renseignements demandés dans le guide de demande.

 

[8]               Le 23 mai 2012, le DP a écrit au gestionnaire de programme du premier agent et demandé le réexamen de la décision. Les motifs de réexamen étaient doubles. Premièrement, le DP a donné à entendre qu’il avait droit à 25 points dans la catégorie « Études », étant donné son diplôme de deuxième cycle. À l’appui de ce motif, le DP a joint une lettre du Conseil des études supérieures du Pakistan, datée du 20 avril 2012, selon laquelle le niveau d’études du DP était équivalent à un diplôme de deuxième cycle.

 

[9]               Le deuxième motif de la demande de réexamen était lié à la belle‑sœur du DP. Ce dernier a produit des documents supplémentaires, notamment un certificat de mariage, un passeport, un avis de cotisation, une évaluation foncière, un permis de conduire et une facture de téléphone récente, pour établir la résidence de sa belle‑soeur.

 

[10]           Le 19 juin 2012, l’agente de réexamen a écrit au DP en réponse à sa demande de réexamen. L’agente de réexamen a refusé de rouvrir la demande, notant que les éléments de preuve supplémentaires relatifs à la relation avec sa belle‑sœur n’avaient pas été déposés au moment de la demande. Il n’a pas été fait mention de l’élément de preuve supplémentaire relatif au diplôme de deuxième cycle.

 

II.        Questions en litige

[11]           Les questions en litige soulevées sont les suivantes :

A.    Le premier agent et l’agente de réexamen ont‑ils fourni des motifs suffisants dans leurs décisions?

B.     La décision de l’agente de réexamen de refuser de prendre en compte la nouvelle preuve présentée par le DP était‑elle déraisonnable?

 

III.       Norme de contrôle

[12]           Un contrôle du caractère suffisant des motifs ne peut servir de fondement unique pour l’annulation d’une décision, et toute remise en question doit être interprétée dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62).

 

[13]           L’entrave au pouvoir discrétionnaire est une question d’équité procédurale. La norme de contrôle applicable est la décision correcte (Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, au paragraphe 43).

 

[14]           La norme de contrôle applicable à la décision générale d’un agent des visas est la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 47 et 53).

 

IV.       Analyse

A.  Le premier agent et l’agente du réexamen ont‑ils fourni des motifs suffisants dans leurs décisions?

 

[15]           Le DP allègue que les deux agents, en n’expliquant pas pourquoi le DP s’était vu accorder seulement 20 points sur les 25 points de la catégorie « Études », n’ont pas fourni de motifs suffisamment clairs, précis et intelligibles pour que le DP sache pourquoi sa demande avait été rejetée (Ogunfowara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 471, au paragraphe 58 (Ogunfowara)). Le DP souligne que, dans le dossier du tribunal, aucun document ne fournit de motifs pour cette décision.

 

[16]           Premièrement, je suis d’accord avec le défendeur que le fait d’invoquer le moyen du caractère raisonnable de la décision du premier agent équivaut à attaquer indirectement la première décision, comme cela ressort du paragraphe 6 de l’arrêt Chamchuk c Canada (Procureur général), 2011 CAF 93, et cela ne devrait pas être pris en compte dans la présente demande.

 

[17]           Bien que le DP affirme, à juste titre, que les motifs ne doivent pas être complétés par un affidavit produit après le fait, les motifs fournis par les agents étaient suffisamment clairs, précis et intelligibles, comme l’exige la décision Ogunfowara, précitée, si bien que le demandeur savait pourquoi sa demande avait échoué.

 

[18]           Des motifs plus complets auraient été l’idéal, étant donné que les agents pouvaient être plus explicites quant à la raison pour laquelle le DP a obtenu 20 points sur 25 dans la catégorie « Études » de la grille de points. Toutefois, le DP avait accès aux renseignements qui décrivaient les documents appropriés requis, et il avait reçu une grille de points complète dans les motifs du premier agent, laquelle montrait la ventilation de ses points. À partir de ces faits, et vu que la demande de réexamen du DP a été présentée, le 23 mai 2012, accompagnée de documents supplémentaires pour la catégorie « Études », il y a des éléments à l’appui de la position selon laquelle les motifs étaient adéquats.

 

B.        La décision de l’agente de réexamen de refuser de prendre en compte la nouvelle preuve présentée par le DP était‑elle déraisonnable?

 

[19]           Le DP soutient que l’agente de réexamen a entravé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé de réexaminer la demande au motif que la nouvelle preuve n’avait pas été présentée au premier agent lorsque la décision avait été rendue. À l’appui, le DP cite les paragraphes 6 à 9 de la décision Mansouri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1242 (Mansouri). Il ressort de cette décision que le pouvoir discrétionnaire d’un agent des visas ne peut ni être entravé ni interprété trop étroitement.

 

[20]           Cet argument du demandeur se fonde sur une ligne de la décision de l’agente de réexamen selon laquelle [traduction] « je ne suis pas prête à rouvrir votre demande, parce que cette preuve n’était pas dans le dossier au moment de l’examen ».

 

[21]           Bien que l’agente de réexamen puisse exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est délégué et choisir de ne pas réexaminer la demande, ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé de façon pratique et selon une approche juste.

 

[22]           Le motif pour ce faire a été formulé par le juge Russell Zinn au paragraphe 57 de la décision Marr c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 367 :

Les principes de base de l’équité et du bon sens suggèrent que si, dans les jours qui suivent le prononcé d’une décision négative au sujet d’une demande qui est en suspens depuis bon nombre d’années, l’agent des visas reçoit un document confirmant une information déjà portée à sa connaissance et ayant une incidence importante pour le dénouement de la demande, il devrait exercer son pouvoir discrétionnaire afin de réexaminer sa décision. Il ne sert strictement à rien de forcer un demandeur à reprendre le processus depuis le départ et à attendre son aboutissement pendant des années alors que le souvenir de la demande et de la preuve est encore frais dans l’esprit de l’agent et que l’intention du demandeur n’est pas de soumettre des faits nouveaux qui n’ont pas été communiqués antérieurement.

 

[23]           Le juge Michael L. Phelan a souscrit à cette approche au paragraphe 8 de la décision Mansouri, précitée.

 

[24]           Le défendeur soutient qu’il n’y a pas d’obligation générale de réexaminer une demande sur le fondement de nouveaux renseignements, et que l’obligation du DP de [traduction] « présenter sa cause sous son meilleur jour » dans la première demande devrait prévaloir. Bien que je souscrive à la position du défendeur selon laquelle il ressort du pouvoir discrétionnaire de l’agent des visas de réexaminer une demande de résidence permanente, et qu’une telle décision devrait généralement se voir accorder de la retenue, en l’espèce, il n’y a pas d’apparente justification raisonnable pour le rejet de la demande du DP.

 

[25]           Les documents présentés maintenant par le DP semblent lui permettre d’obtenir 67 points dans la grille de points d’un travailleur qualifié. Il serait déraisonnable de lui demander de reprendre le processus depuis le début. Bien que l’efficience du processus d’immigration soit une justification raisonnable pour le rejet d’une demande de réexamen, l’efficience n’est pas atteinte par le refus de la présente demande.

 

[26]           Par conséquent, cette décision fait défaut sur les plans du bon sens, des considérations pratiques et des principes de base de l’équité, critères extrinsèques qui ont été déclarés être des composantes de la décision raisonnable dans le contexte de l’immigration, à la fois dans la décision Mansouri et dans la décision Marr.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.                  La décision de l’agente de réexamen de refuser la demande de réexamen du demandeur principal visant sa demande de visa de résident permanent à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est annulée.

2.                  La demande du demandeur principal, y compris les documents qu’il a présentés le 23 mai 2012, est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen, et la nouvelle décision devra être rendue au plus tard six mois après la date du présent jugement.

3.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Michael D. Manson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                 IMM-8351-12

 

INTITULÉ :                                              Ali et autres

c

MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     Le 14 août 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                     Le juge Manson

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                              Le 19 août 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Orman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Tamrat Gebeyehu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Orman

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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