Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20130618

Dossier : T-951-10

Référence : 2013 CF 669

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 juin 2013

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

MOHAWKS OF THE BAY OF QUINTE

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

ET DU NORD CANADIEN

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Les Mohawks of the Bay of Quinte (les demandeurs) occupent le territoire mohawk de Tyendinaga (réserve indienne no 38) dans le sud-est de l’Ontario. Ce territoire fait partie de la parcelle originale des Mohawks qui avait été accordée aux Six Nations par le Traité 3½, lequel est également connu sous le nom de l’acte de Simcoe de 1793.

 

 

[2]               La parcelle de Culbertson est un lot de terre de 923 acres qui fait partie de la parcelle des Mohawks. Les demandeurs allèguent qu’elle avait été aliénée illicitement par la Couronne en 1837. Le ministre a accepté cette revendication aux fins de négociations, conformément aux critères de la Politique sur les revendications particulières (la Politique) en 2003. Une décennie plus tard, la revendication n’est toujours pas réglée.

 

[3]               Les demandeurs soutiennent que le ministre contrevient à son obligation fiduciaire de négocier de bonne foi. Les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire portant que, en tant qu’aspect de son obligation de négocier de bonne foi, le ministre doit examiner toutes les avenues possibles, y compris l’acquisition de droits appartenant à des tierces parties dans la parcelle de Culbertson, et la restitution des terres aux demandeurs. Les demandeurs sollicitent une ordonnance enjoignant au ministre de négocier sur ce fondement.

 

[4]               Le ministre ne conteste pas l’obligation de négocier de bonne foi, laquelle découle l’honneur de la Couronne; le ministre qualifie plutôt la présente demande de tentative d’imposer à la Couronne une position de négociation en particulier et de contravention aux dispositions relatives à la confidentialité qui sont contenues dans le protocole régissant les négociations.

 

[5]               Bien que la présente affaire mette en jeu des questions de droit autochtone, elle cadre aussi dans les principes orthodoxes du droit administratif. Le ministre s’est publiquement engagé à l’égard d’une politique et il possède un vaste pouvoir discrétionnaire à l’égard de la manière avec laquelle il mènera ces négociations. Le ministre doit, dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, tenir compte des paramètres et des modalités de la Politique. Cette exigence n’est pas nouvelle en droit, et elle n’est pas propre au droit autochtone; il s’agit plutôt simplement de l’application des principes bien établis du droit administratif.

 

[6]               Le ministre a déclaré publiquement que la Politique ne permet pas un règlement prévoyant la restitution de terres et qu’elle ouvre seulement la porte à une indemnisation pécuniaire. Cela est faux. La Politique envisage expressément l’acquisition et la restitution de terres. Les déclarations du ministre donnent à penser qu’il a mal compris l’étendue des possibilités de règlement qui s’offrent à lui ou qu’il a refusé de les reconnaître.

 

[7]               Bien qu’il appartienne au ministre de décider quelle position de négociation il adoptera, l’obligation de négocier de bonne foi l’empêche de faire une présentation erronée en public à l’égard de la Politique. Bien qu’en dernière analyse la distinction soit minime, elle est toutefois réelle. Cette distinction est la différence entre affirmer « je ne peux pas faire quelque chose » et affirmer « je peux faire quelque chose, mais je choisis de ne pas le faire ».

 

[8]               La Cour ne peut s’immiscer dans les négociations, ni obliger le ministre à adopter une position précise de négociation. Selon la Politique, le ministre peut, dans le cadre des négociations, offrir des terres, une indemnisation pécuniaire ou une combinaison de ces deux éléments, dans toute proportion qu’il juge indiquée. Cependant, à la lumière des déclarations publiques du ministre, il est approprié de rendre un jugement déclaratoire. Je souscris à l’argument des demandeurs portant que la présentation erronée du ministre au sujet de la Politique a une incidence sur la perception qu’ont les autres résidents de la collectivité élargie, lesquels peuvent, par ricochet, considérer les demandeurs comme étant intransigeants et exigeants. Le fait de mal décrire les outils à la disposition du ministre peut effectivement nuire à un règlement et à la réconciliation. Par conséquent, un jugement déclaratoire visant à clarifier la politique régissant les négociations serait d’une certaine utilité.

 

Le contexte

 

            Le processus des revendications particulières

 

[9]               La Politique avait été établie en 1973 dans le but de créer un cadre pour la négociation des revendications portant sur l’administration des terres et autres des Premières Nations et sur le respect des obligations découlant d’un traité. Une Première Nation peut présenter une revendication et, si celle‑ci est acceptée aux fins de négociation, des négociations officielles débutent, conformément au protocole. Si les parties ne parviennent pas à un règlement, le litige peut être porté devant les tribunaux ou le Tribunal des revendications particulières.

 

[10]           La Politique a été modifiée à deux reprises, soit en 1982 et en 2009. La ligne directrice d’indemnisation 3(i) est pratiquement identique dans les deux versions; celle contenue dans la version de 2009 est libellée ainsi :

Lorsqu’une bande requérante peut prouver que certaines de ses terres de réserve n’ont jamais été cédées légalement, ou autrement prises par autorisation légale, cette bande est indemnisée par la restitution des terres en question ou par le paiement de leur valeur au moment du règlement, sans égard aux améliorations qui ont pu y être apportées entre-temps.

 

 

[11]           La Politique prévoit aussi que, « […] règle générale, le gouvernement n’accepte pas de règlement entraînant la dépossession de tierces parties ».

 

            Les terres visées par la contestation

 

[12]           Le 1er avril 1793, la Couronne a accordé, par le Traité 3½, qui est aussi connu sous le nom de l’acte de Simcoe, la parcelle des Mohawks aux Six Nations, les prédécesseures des demandeurs. Le traité reconnaissait la fidélité des Six Nations à la Couronne au cours de la guerre de l’Indépendance américaine et leur fournissait les terres à titre d’indemnité pour les pertes qu’elles avaient subies.

 

[13]           Le Traité 3½ garantissait les terres aux Six Nations [traduction] « à perpétuité, pour leur usage exclusif et à leur bénéfice ainsi que celui de leurs héritiers ». Le traité prévoyait que les Six Nations pouvaient céder les terres, mais que celles-ci devaient être achetées par la Couronne. Le Traité 3½ prévoyait aussi que la Couronne pouvait déposséder toute personne qui occupait la parcelle des Mohawks sans autorisation légale et que toute aliénation des terres à une personne n’appartenant pas aux Six Nations [traduction] « serait nulle et sans aucun effet ». Compte tenu du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, ce traité a dorénavant une portée constitutionnelle.

 

[14]           Les demandeurs allèguent que la Couronne a illégalement concédé en 1837 environ 923 acres de ces terres, connues sous le nom de parcelle de Culbertson, et ce, en dépit du fait que les terres en question n’avaient jamais fait l’objet d’une cession. Avec le temps, diverses tierces parties ont acquis des droits dans la parcelle de Culbertson. Environ 500 acres font maintenant partie du Canton de Tyendinaga. Les 423 âcres qui restaient constituent environ 60 % du territoire de la Ville de Deseronto.

 

[15]           M. Terry Kimmett, un résident de la région, est propriétaire d’environ 300 acres de la parcelle de Culbertson. En 1999, les demandeurs ont eu connaissance de l’existence d’une carrière d’agrégats sur les terres et ils ont demandé que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, le Procureur général provincial et le ministre délégué aux Affaires autochtones de l’Ontario, de l’époque, interdisent l’extraction d’agrégats, compte tenu de la revendication pendante. En mars 2007, certains membres de la partie demanderesse ont commencé à « occuper » les terres. Bien que l’occupation physique continue ait pris fin, la situation reste préoccupante pour toutes les parties.

 

            La réacquisition des terres de Turton Penn

 

[16]           En 1991, les parties ont conclu un règlement relativement à un litige concernant 200 âcres de la parcelle des Mohawks initiale à Shannonville (Ontario). Ces terres avaient été louées en 1835 à M. Turton Penn, un homme d’affaires, pour une période de 999 ans. Ces terres ont ensuite été sous‑louées et occupées par un grand nombre de tierces parties. Au cours des années 1970, les demandeurs avaient mis en doute la légalité des droits de teneur à bail des tierces parties qui occupaient les terres en question.

 

[17]           Un règlement a été conclu en 1991, au titre duquel la Couronne allait acquérir, à leur juste valeur marchande, les terres de M. Turton Penn au fur et à mesure qu’elles ont été mises en vente par des vendeurs intéressés et les avait ensuite restituées aux demandeurs. La réacquisition des terres s’est déroulée pendant une période d’environ quinze ans. Dans son affidavit déposé en preuve, le chef des demandeurs déclare qu’il croit que le modèle de réacquisition employé à l’égard des terres de M. Turton Penn [traduction] « ouvre la voie à un règlement fructueux de la revendication concernant la parcelle de Culbertson ».

 

            Les négociations

 

[18]           Les demandeurs ont présenté leur revendication au ministre au sujet de la parcelle de Culbertson en 1995. La revendication a été acceptée à des fins de négociation en 2003.

 

[19]           Le 30 juin 2004, le conseil de bande a adopté une résolution par laquelle il acceptait de négocier et, le 6 décembre 2004, les parties ont signé le protocole de négociation. L’article 2 du protocole prévoit que toutes les négociations seront confidentielles et sous toutes réserves :

[traduction]

2.01     Les parties conviennent que les négociations ont lieu « sous toutes réserves » et dans le but de parvenir à un règlement à l’égard de la présente revendication sans qu’il soit nécessaire de recourir aux tribunaux.

 

2.02     Tous les aveux, renseignements et/ou communications qui conduiront à des négociations, qui en découleront, ou qui seront obtenus dans le cours de celles-ci seront considérés comme privilégiés et confidentiels.

 

2.03     Ces aveux, renseignements ou communications ne pourront être produits en tant que preuve devant une cour de justice ou dans le contexte d’une instance quasi-judiciaire.

 

 

[20]           Les parties s’étaient régulièrement rencontrées entre 2004 et 2008. Depuis ce temps, aucun progrès n’a été réalisé.

 

[21]           Les demandeurs, par l’entremise d’un affidavit de leur chef, déclarent qu’ils n’ont pas le mandat de céder la terre. Dès leur entrée en fonction, le chef et le conseil ont fait le serment de protéger les terres contre la saisie. Par conséquent, le chef et le conseil n’accepteront pas un règlement pécuniaire qui les obligerait à céder les terres. La preuve, qui est étoffée par les observations orale et écrite des demandeurs, donne fortement à penser que ces derniers sont bien ancrés dans cette position.

 

[22]           Bien que les négociations aient été confidentielles, des représentants élus et des représentants du gouvernement ont fait certaines déclarations publiques à l’égard des paramètres de négociation à des journaux et lors d’assemblées publiques.

 

[23]           Dans une entrevue accordée au Belleville Intelligencer le 20 juin 2008, le député Daryl Kramp (Prince Edward - Hastings (Ontario)) a déclaré que le gouvernement [traduction] « ne peut acheter de terrains, et ce, peu importe la validité des revendications ». L’article explique que le Canada était à mener des négociations au sujet de la manière dont les terres pouvaient être restituées, après avoir reconnu que la revendication était valide, mais que les négociations étaient au point mort après que le Canada eut annoncé qu’il pourrait ne pas être capable de restituer l’ensemble des terres.

 

[24]           Un agent de liaison communautaire dont les services avaient été retenus par le défendeur a tenu des réunions communautaires au sujet de la négociation. En mai 2007, des articles du Napanee Beaver et du Belleville Intelligencer reportaient des propos de l’agent de liaison, qui mentionnait que le Canada ne procéderait pas à une expropriation sur aucune des terres et qu’il ne forcera personne à vendre. Il expliquait aussi que tout règlement entraînerait probablement le transfert d’argent ou de terres de la Couronne non occupées à la bande : [traduction] « Si les Mohawks of the Bay of Quinte souhaitent accepter l’indemnité de règlement et faire des offres pour les terres aux personnes qui détiennent les détiennent, ils ont entièrement le droit de le faire. Ils peuvent aussi se tourner du côté du gouvernement par la suite et demander d’accorder le statut de réserve ».

 

[25]           Le ministre de l’époque, Chuck Strahl, a fait diverses déclarations aux médias concernant la position du gouvernement. Dans une entrevue radiophonique qu’il a donnée le 24 juin 2008 à la Quinte Broadcasting Company, il expliquait que le gouvernement n’effectuerait pas d’expropriation :

[traduction]

Des acheteurs consentants, des vendeurs consentants, vous savez les gens qui disent « bien, je suis disposé à vendre à la Première Nation et je serais ravi de leur vendre, je cherche à me débarrasser de la terre et je vais la vendre au prix courant ». L’argent que la Première Nation obtient du gouvernement fédéral leur permet d’utiliser une partie de cette somme pour acheter les terres. Ils veulent ajouter ces terres à leur réserve et lui donner le statut de réserve, c’est donc que ce que nous allons faire [sic] ».

 

 

[26]           Le ministre a expliqué, dans une autre émission diffusée le même jour, que les demandeurs pouvaient présenter la revendication au Tribunal des revendications particulières :

[traduction]

Ils vont faire l’enquête, la Première Nation peut présenter sa cause et la décision du tribunal aura effet de règlement. Mais, je répète, ce ne sera que de l’argent. Le processus de revendications particulières ne peut se conclure par un transfert de terres, seul de l’argent peut être accordé ».

 

 

[27]           Dans une lettre envoyée au rédacteur en chef du Belleville Intelligencer deux semaines plus tard, le ministre Strahl a écrit ce qui suit :

[traduction]

[…] les négociations visent la conclusion de règlements pécuniaires […] le Canada n’exproprie pas de propriétaires et n’achète pas de terres pour régler des revendications particulières. Lorsque les négociations avec les [demandeurs] ont commencées en 2004, la Première Nation avait accepté de négocier aux termes de la Politique sur les revendications particulières – une politique qui prévoit expressément une indemnisation pécuniaire.

 

 

[28]           Incidemment, je note que le ministre a raison lorsqu’il décrit les limites du Tribunal des revendications particulières. Le Tribunal peut uniquement accorder une indemnisation pécuniaire et ne peut ordonner la restitution de terres.

 

 

Les questions en litige

 

[29]           Il est facile de voir pourquoi il y a impasse. Les demandeurs ne céderont pas leur droit sur la parcelle de Culbertson. Cela signifie que l’une des possibilités de règlement dont les parties disposent aux termes de la Politique était exclue de la table des négociations dès le début. Le ministre, dans ce qui semble être une position différente que celle qu’il avait adoptée dans le contexte des négociations relatives aux terres de Turton Penn, affirme qu’il ne se portera pas acquéreur des terres et des maisons des propriétaires de résidence dans la parcelle de Culbertson. En résumé, le conseil n’acceptera pas un règlement pécuniaire qui nécessiterait la cession des terres, et le ministre n’achètera pas les terres. On comprend aisément pourquoi les négociations n’ont pas progressé au cours de la dernière décennie.

 

[30]           Pour conclure cet examen du contexte, il convient de mentionner que, bien que le chef et le conseil mettent l’accent sur le fait qu’il serait inacceptable pour eux de céder les terres, la décision d’accepter ou de rejeter une cession ne relève pas d’eux, mais plutôt des membres de la bande. Il se pourrait que la bande puisse accepter une offre si on leur propose des terres ayant une plus grande valeur ou un plus grand intérêt stratégique à long terme. Cela constitue évidemment une partie du paysage juridique à l’égard duquel la bonne foi de la position de négociation du ministre doit être appréciée.

 

[31]           Les demandeurs soulèvent deux questions litiges que je reformulerai comme étant celles de savoir si l’affaire est justiciable et si le ministre a satisfait à l’exigence d’agir de bonne foi.

 

 

Analyse

 

            La question préjudicielle

 

[32]           Le ministre sollicite une ordonnance radiant certaines parties de l’affidavit confidentiel du chef Maracle, au motif qu’il contient des éléments de preuve qui sont visés par le privilège de règlement et qui contreviennent aux modalités du protocole de négociation. Ces parties de l’affidavit divulguent la teneur des négociations et la correspondance connexe entre les parties.

 

[33]           Le privilège de règlement existe pour soutenir l’intérêt du public à encourager les parties à résoudre leurs différends sans avoir recours aux tribunaux. Le privilège protège les renseignements, plus particulièrement les aveux, que les parties se communiquent au cours des négociations. Il existe des exceptions restreintes au privilège de règlement, y compris dans les cas où la communication est nécessaire aux fins d’un intérêt public prépondérant.

 

[34]           Les conditions nécessaires à l’existence du privilège de règlement sont exposées dans l’ouvrage Sopinka et al, The Law of Evidence in Canada, 3rd ed., (Markham (ON), LexisNexis Canada Inc., 2009) :

 

[traduction]

(1)                Un litige était en cours ou envisagé.

(2)                L’intention expresse ou tacite des parties à la communication était qu’elle ne soit pas révélée au tribunal judiciaire en cas d’échec des négociations.

(3)                La communication avait pour objet le règlement amiable du différend.

[35]           Les trois conditions sont remplies. Bien que l’objectif de la négociation fût d’éviter le recours aux tribunaux, une telle possibilité a toujours existé. Les communications en cause avaient été faites dans l’intention qu’elles soient confidentielles et en vue de parvenir à un règlement, comme en font foi les modalités du protocole de règlement.

 

[36]           Le ministre invoque, en plus du privilège de règlement, les modalités expresses du protocole du règlement, qui a été reproduit précédemment. Le protocole prévoit que les renseignements et les communications qui découlent des négociations sont confidentiels et qu’ils ne pourront être produits en tant que preuve devant une cour de justice.

 

[37]           L’affidavit confidentiel du chef Maracle, y compris les communications « sous toutes réserves » et les déclarations concernant le déroulement négociations confidentielles qui y sont jointes, est inadmissible en preuve. Cet élément de preuve est régi tant par le protocole de négociation, auquel les parties ont librement adhéré, ainsi que par les principes du droit de la preuve relativement au privilège de règlement. Par conséquent, la négociation en elle‑même ne peut faire l’objet d’un contrôle, que ce soit à l’égard du droit administratif ou de tout autre fondement.

 

[38]           Cela dit, tout ce dont les demandeurs ont besoin pour plaider leur cause peut être tiré de renseignements auxquels le public a facilement accès. Le ministre et ses représentants ont fait des déclarations publiques à propos des négociations et de la Politique, y compris leur position concernant ce qui constituerait un règlement approprié de la revendication. De telles déclarations publiques sont par définition non confidentielles et elles sont dûment soumises à l’examen de la Cour. Fait plus important encore, les parties ont pu présenter devant la Cour tous leurs arguments concernant leur cause respective, sans avoir à recourir aux discussions visées par le privilège.

 

[39]           Cela ne veut pas dire que la Couronne peut invoquer des négociations relatives à un règlement pour se mettre à l’abri d’une allégation selon laquelle elle a contrevenu à son obligation de négocier de bonne foi. S’il existait des éléments de preuve à l’appui d’une telle allégation, l’important intérêt qui est jeu en l’espèce peut nécessiter l’examen du dossier du règlement pour établir si la Couronne s’est acquittée de son obligation de négocier de bonne foi. Ce n’est cependant pas le cas en l’espèce. Les éléments de preuve à l’appui de la présente demande sont accessibles dans le dossier public. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que la Cour examine la question de savoir si le fait d’assurer que la Couronne négocie de bonne foi l’emporte sur l’intérêt à protéger les communications visées par le privilège.



            L’affaire est-elle justiciable?

 

[40]           Les demandeurs soutiennent que la Cour peut, selon la Politique, superviser la négociation en cours, en vue de s’assurer que la Couronne agisse de façon honorable. Le ministre met l’accent sur le fait que le processus de revendications particulières constitue une solution de rechange volontaire au processus judiciaire et il soutient que les demandeurs devraient se retirer du processus de négociation et introduire une action s’ils ne sont pas satisfaits.

 

[41]           Il est bien établi que l’honneur de la Couronne est toujours en jeu dans ses rapports avec les peuples autochtones. La Couronne doit négocier de bonne foi, car son honneur est en jeu : Chemainus First Nation c British Columbia Assets and Lands Corporation, [1999] 3 CNLR 8 (CSCB), au paragraphe 26; Gitanyow First Nation c Canada, [1999] 3 CNLR 89 (CSCB), au paragraphe 7.

 

[42]           Dans l’arrêt Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73 (Nation haïda), la Cour suprême du Canada a expliqué, aux paragraphes 17 et 19, l’obligation d’agir honorablement qui incombe à la Couronne :

Les origines historiques du principe de l’honneur de la Couronne tendent à indiquer que ce dernier doit recevoir une interprétation généreuse afin de refléter les réalités sous‑jacentes dont il découle.  Dans tous ses rapports avec les peuples autochtones, qu’il s’agisse de l’affirmation de sa souveraineté, du règlement de revendications ou de la mise en œuvre de traités, la Couronne doit agir honorablement.  Il s’agit là du minimum requis pour parvenir à « concilier la préexistence des sociétés autochtones et la souveraineté de Sa Majesté » : Delgamuukw, précité, par. 186, citant Van der Peet, précité, par. 31.

 

[…]

 

L’honneur de la Couronne imprègne également les processus de négociation et d’interprétation des traités.  Lorsqu’elle conclut et applique un traité, la Couronne doit agir avec honneur et intégrité, et éviter la moindre apparence de « manœuvres malhonnêtes » (Badger, par. 41). […] 

 

 

[43]           L’arrêt Nation haïda a consacré l’obligation de consultation et d’accommodement qui incombe à la Couronne dans la gestion des forêts des îles Haida Gwaii, dans le contexte d’une affirmation non prouvée, mais crédible, que la Nation haïda avait mis de l’avant concernant un titre aborigène qu’elle détient sur la terre ainsi que leurs droits de récolter des cèdres rouges matures. Bien que les présentes circonstances ne concernent pas l’obligation de consulter et d’accommodement, les principes généraux de l’arrêt Nation haïda fournissent des orientations. Effectivement, la Cour suprême du Canada a clairement affirmé que l’honneur de la Couronne la lie, et ce, « [d]ans tous ses rapports avec les peuples autochtones ».

 

[44]           Les demandeurs invoquent aussi la décision Gitanyow First Nation (1999), qui a été rendue par la Cour suprême de la Colombie‑Britannique et qui concernait la négociation de traités. Le juge Williamson a délivré un jugement déclaratoire portant que la Couronne doit négocier de bonne foi. Il a mentionné que, bien les tribunaux doivent éviter de s’immiscer dans le processus de négociation lui‑même, ils peuvent aider à déterminer les obligations qui incombent aux parties. Le juge Williamson a aussi dégagé certains principes de la négociation de bonne foi, y compris l’absence de manœuvres malhonnêtes ou de motifs inavoués et la communication des renseignements pertinents. Dans une décision antérieure qui concernait les mêmes parties, la déclaration de la demanderesse avait été radiée, parce qu’elle avait été décrite comme une contestation de la position de négociation de la Couronne : Gitanyow First Nation c Canada, [1998] 4 CNLR 47 (CSCB).

 

[45]           De plus, dans la décision Chemainus First Nation c British Columbia Assets and Lands Corporation, [1999] 3 CNLR 8, le juge Melvin de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique. concluait que, bien que la Couronne ne soit pas assujettie à une obligation légale de négocier ou de parvenir à une entente, lorsqu’elle amorce des négociations, elle doit le faire de bonne foi.

 

[46]           L’obligation de négocier de bonne foi n’est pas une obligation propre à la Couronne. Bien que les peuples autochtones disposent de recours différents et ayant possiblement une plus grande portée dans les cas où la Couronne ne négocie pas de bonne foi, on s’attend à ce que les parties, qu’elles soient privées ou publiques, négocient de bonne foi, particulièrement lorsqu’on demande à la Cour d’ordonner un redressement ou d’intervenir. La Cour suprême du Canada, bien qu’elle s’exprimait dans le contexte de l’obligation constitutionnelle de consulter les Premières Nations, a récemment mentionné que ce dialogue était une composante de « obligation mutuelle de bonne foi » : Behn c Moulton Contracting Ltd, 2013 CSC 26, au paragraphe 42.

 

[47]           Les parties ont relevé uniquement une décision antérieure de la Cour au sujet de la Politique, soit Alexis Nakota Sioux Nation c Canada (Minister of Indian Affairs and Northern Development), 2006 FC 721. Dans cette décision, le juge Harrington a conclu que la décision du ministre de ne pas accepter la revendication de la nation Alexis Nakota Sioux à fins de négociation aux termes de la Politique était raisonnable.

 

[48]           J’accepte l’affirmation du ministre selon laquelle un tribunal ne peut ni examiner sa position de négociation ni la lui dicter. Cela constituerait une obstruction au processus de négociation. Cependant, comme l’a conclu le juge Williamson dans la décision Gitanyow, une déclaration peut être délivrée dans un cas où celle‑ci peut aider à clarifier les obligations juridiques des parties. En l’espèce, il faut rajouter le facteur de la Politique, qui crée une attente légitime quant à la manière dont les négociations se dérouleront. L’honneur de la Couronne est une question justiciable et la Cour peut aider à clarifier la teneur de cette obligation en l’espèce.

 

            Les exigences de la bonne foi

 

[49]           Les demandeurs prétendent que le ministre a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en déclarant qu’un règlement prévoyant la restitution de terres ne pouvait être envisagé. Les demandeurs soutiennent de plus que le ministre a manqué à son obligation de faire preuve de bonne foi en s’engageant dans ce qu’ils décrivent comme étant des « négociations superficielles », c.‑à‑d., prétendre de vouloir parvenir à une entente, mais, en réalité, n’avoir aucune intention de ce faire.

 

[50]           La Politique mentionne que si les terres de réserve n’ont jamais été cédées légalement, la restitution des terres constitue une issue possible de règlement. Comme il a été mentionné précédemment, la ligne directrice 3(i) prévoit ce qui suit :

Lorsqu’une bande requérante peut prouver que certaines de ses terres de réserve n’ont jamais été cédées légalement, ou autrement prises par autorisation légale, cette bande est indemnisée par la restitution des terres en question ou par le paiement de leur valeur au moment du règlement, sans égard aux améliorations qui ont pu y être apportées entre-temps.

 

 

[51]           La portée de ce libellé est limitée par l’énoncé selon lequel, à titre de « règle générale », aucune « dépossession » n’aura lieu à l’égard de tierces parties.

 

[52]           La Politique, dans sa version mise à jour en 2009, nécessite une « certitude et irrévocabilité » lorsqu’une revendication est réglée, mais elle ne va pas aussi loin que d’exiger la cession des terres visées par la contestation dans toutes les circonstances :

Les Premières nations doivent donc décharger le gouvernement fédéral de toute responsabilité à l’égard de la revendication. Il est également possible que les Premières nations doivent consentir à une cession, mettre fin au litige ou prendre d’autres mesures afin que la revendication ne puisse pas être renégociée ultérieurement.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[53]           Le ministre peut, dans n’importe quel différend, adopter la position de négociation selon laquelle les terres doivent être cédées. Cependant, la bonne foi dans les négociations exigerait une reconnaissance du fait que la Politique ne contient aucune interdiction générale quant à un règlement comportant une restitution de terres sans qu’il y ait cession. De plus, la Politique laisse la porte ouverte au fait que, dans les circonstances appropriées, l’expropriation puisse être nécessaire pour un règlement équitable de la revendication. Il n’existe pas non plus d’interdiction générale à la dépossession de tierces parties, mais plutôt uniquement un énoncé selon lequel les tierces parties ne seront en règle générale pas dépossédées.

 

[54]           Les demandeurs ne cherchent pas à ce que la Couronne procède par expropriation. Les demandeurs attirent l’attention sur le modèle employé au sujet des terres de Turton Penn et ils demandent que le ministre achète les terres de vendeurs consentants au fil du temps et qu’ils incorporent graduellement ces terres dans la réserve. Il n’appartient pas à la Cour de dire si cette possibilité devrait être acceptable ou non pour le ministre.

 

[55]           Je relève aussi que, suivant l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Chippewas of Sarnia Band c Canada (Attorney General), [2000] OJ no 4804, les cours de justice peuvent, parmi l’éventail des réparations qu’elles ont à leur disposition, ordonner la restitution des terres contestées lorsque les négociations en vue d’un règlement achoppent, selon le contexte factuel d’une affaire donnée.

 

[56]           Le ministre peut modifier la Politique et y supprimer la possibilité d’un règlement prévoyant la restitution de terres. Cependant, il ne peut accomplir une telle chose simplement en faisant des déclarations publiques qui contredisent la version de la politique publiée en 2009. La modification d’une politique publique sur laquelle les parties se fondent doit « s’articuler de façon tangible et intelligible » : Smith c Canada (Procureur général), 2009 CF 228, au paragraphe 37. Ce principe s’applique de manière frappante dans le contexte de la Politique, puisque celle‑ci constitue le cadre à l’intérieur duquel les négociations se déroulent.

 

[57]           Le ministre a choisi de faire des déclarations publiques concernant les négociations, que ce soit personnellement ou par l’entremise de représentants. Les conséquences de ces déclarations publiques ne peuvent être évitées. Le protocole de négociation n’a pas pour effet de soustraire à l’examen les déclarations faites au public, hors du cadre des négociations confidentielles. Malgré que le ministre soutienne que ces déclarations ne constituent pas un résumé exhaustif de sa position, il a bel et bien renoncé au privilège se rattachant aux négociations confidentielles, de sorte que la Cour peut replacer les déclarations publiques dans leur contexte. Par conséquent, le ministre doit assumer les conséquences liées à ces déclarations.

 

[58]           Les déclarations du ministre révèlent qu’il a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Plus particulièrement, sa lettre mentionne que, « le Canada n’exproprie pas de propriétaires et n’achète pas de terres pour régler des revendications particulières ». Cette déclaration a été faite en 2008, soit un an avant la publication de la nouvelle version de la Politique, laquelle réaffirmait la possibilité d’un règlement prévoyant la restitution de terres.

 

[59]           La Politique prévoit expressément la restitution de terres, l’indemnisation pécuniaire et une combinaison de ces solutions. Dans la mesure où le ministre interprète ou comprend à tort que la Politique exclut cette possibilité, il entrave l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Plus précisément, cela ne signifie pas qu’il doit conclure un règlement prévoyant une telle possibilité; il peut choisir de ne pas le faire. Outre le fait que la teneur des négociations de règlement soit visée par le privilège, le contrôle judiciaire de la manière dont ce pouvoir discrétionnaire est exercé devient un examen de la position adoptée par le ministre quant au fond des négociations. Le ministre doit cependant reconnaître la portée de son pouvoir discrétionnaire et le mandat qui lui incombe au titre de la Politique.

 

            La réparation appropriée

 

[60]           Je n’accepte pas la suggestion formulée par les demandeurs pour que je reste saisi des négociations et que j’en supervise les progrès. Je ne rendrai pas non plus un jugement déclaratoire relativement à la position de négociation que le ministre doit adopter ou qu’il doit envisager. Cela irait à l’encontre du protocole de négociation, qui commande la confidentialité, et constituerait une intrusion inappropriée dans le processus de négociation volontaire.

 

[61]           Un jugement déclaratoire peut être approprié lorsqu’il existe un litige réel entre les parties et qu’il peut avoir un certain effet concret dans la résolution des questions en litige. En l’espèce, une ordonnance déclaratoire aurait un certain effet concret dans la clarification de la portée de la Politique. Il est dans l’intérêt des deux parties de clarifier les possibles éléments de tout règlement qui pourrait survenir, afin que des parties puissent examiner l’éventail complet des possibilités à leur disposition.

 

[62]           Comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Solosky c La Reine, [1980] 1 RCS 821, « [l]e jugement déclaratoire est un recours qui n’est pas restreint par la forme ni limité par le fond et qui appartient à des personnes ayant un lien juridique dont découle une “véritable question” à trancher concernant leurs intérêts respectifs ».

 

[63]           Bon nombre des facteurs qu’une cour doit examiner pour déterminer s’il convient de délivrer un jugement déclaratoire jouent en faveur des demandeurs. Tout d’abord, la question est réelle et non théorique. Les négociations sont toujours en cours. Deuxièmement, les demandeurs ont un intérêt manifeste au prononcé d’un redressement, et le ministre a un intérêt réel à s’y opposer.

 

[64]           Cela nous conduit donc au troisième facteur, soit celui de savoir si le redressement aura quelque utilité. À cet égard, les parties ont des opinions opposées. Le ministre ne voit pas d’utilité à un simple jugement déclaratoire, puisque la position de négociation qu’il adopte relève de son pouvoir discrétionnaire. Cet argument amalgame deux questions distinctes : i) la substance de la position de négociation du ministre et ii) le cadre juridique qui régit les négociations. La première question n’est pas en cause; cependant, la deuxième l’est. Il est ardu d’en quantifier l’effet concret, mais dans les circonstances, l’intérêt de clarifier le droit ainsi que l’instrument de politique en cause satisfait à l’exigence d’utilité.

 

[65]           Il est utile de clarifier la portée de la Politique, et ce, même si le ministre garde le pouvoir discrétionnaire quant à la stratégie qu’il souhaite adopter. Dans le contexte de négociations qui semblent être au neutre depuis cinq ans, il existe un intérêt public à enlever toute incertitude du paysage des négociations.

 

[66]           Il n’existe pas une preuve suffisante permettant de conclure que le ministre a contrevenu à une obligation de bonne foi. Les demandeurs voudront peut-être s’adresser à nouveau à la Cour et y mettre de l’avant l’argument selon lequel les négociations d’un règlement devraient faire l’objet d’un examen et ils auraient alors à établir le manquement à cette obligation de bonne foi. Les règles de la Cour prévoient des mécanismes qui permettraient qu’un tel examen se fasse à huis clos. Il se peut qu’un tel examen établisse l’existence d’un manquement à l’obligation de négocier de bonne foi. Cependant, la présente affaire n’a pas été plaidée sous cet angle.

 

[67]           Pour conclure, la question de savoir si les parties continueront à négocier aux termes de la Politique, alors qu’aucun des modes de règlement disponibles aux termes de la Politique n’est acceptable pour la partie opposée, est en suspens. Le jugement déclaratoire de la Cour pourrait peut‑être rapprocher les parties d’une solution qui serait à la fois dans leur intérêt et dans celui du public.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que le jugement déclaratoire suivant est prononcé :

(1)                La Politique sur les revendications particulières permet un règlement entraînant la restitution de terres, notamment l’achat, par la Couronne, de terres appartenant à un vendeur disposé à lui vendre et la restitution des terres en question aux demandeurs.

(2)                L’obligation d’agir de bonne foi exige de la Couronne, dans ses rapports avec les demandeurs, de prendre acte de la distinction entre l’étendue des mesures administratives à sa disposition aux termes de la Politique, par opposition à la mesure qu’elle choisit d’adopter.

(3)                Les autres éléments de la demande sont rejetés.

(4)                Les observations relativement aux dépens devront être produites dans les 20 jours suivant la présente décision.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-951-10

 

INTITULÉ :                                      MOHAWKS OF THE BAY OF QUINTE

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES

                                                            ET DU NORD CANADIEN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (ON)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Les 18 et 19 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 18 juin 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Alan Pratt

 

POUR LES DEMANDEURS

 

M. David Cowie
M. Peter Nostbakken

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alan Pratt Law Firm

Dunrobin (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.