Dossier : IMM-7643-12
Référence : 2013 CF 661
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 20 juin 2013
En présence de monsieur le juge Pinard
ENTRE :
SANDRA BROWN
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, à l’encontre de la décision rendue le 15 mai 2012 par un agent des visas (l’agent) du haut‑commissariat du Canada à Londres, en Angleterre. Dans cette décision, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).
[2] La demanderesse est âgée de 64 ans et est citoyenne du Royaume‑Uni. Dans sa demande, elle a demandé que l’agent substitue son appréciation au nombre de points obtenus, conformément au paragraphe 76(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), au cas où elle n’obtiendrait pas le nombre minimum de points pour se qualifier pour la résidence permanente.
[3] Selon l’évaluation de l’agent, la demanderesse a obtenu les points suivants :
Points attribués Maximum possible
Âge 00 10
Expérience 21 21
Emploi réservé 00 10
Études 22 25
Compétence dans les langues
Officielles 23 24
Capacité d’adaptation 00 10
TOTAL 66 100
[4] L’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas obtenu le nombre minimum de points pour se qualifier pour l’immigration au Canada, puisque le minimum de points requis était de 67.
[5] Conformément à la demande, l’agent a effectué sa propre appréciation qu’il a substituée à la grille. Il a conclu que les points attribués reflétaient correctement l’aptitude de la demanderesse à réussir son établissement économique au Canada.
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[6] Le paragraphe 76(3) du Règlement énonce ce qui suit :
76. (3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a). |
76. (3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada. |
[7] L’article 83 du Règlement prévoit ce qui suit :
83. (1) Un maximum de 10 points d’appréciation sont attribués au travailleur qualifié au titre de la capacité d’adaptation pour toute combinaison des éléments ci-après, selon le nombre indiqué : […] d) pour la présence au Canada de l’une ou l’autre des personnes visées au paragraphe (5), 5 points; […]
(5) Pour l’application de l’alinéa (1)d), le travailleur qualifié obtient 5 points dans les cas suivants : a) l’une des personnes ci-après qui est un citoyen canadien ou un résident permanent et qui vit au Canada lui est unie par les liens du sang ou de l’adoption ou par mariage ou union de fait ou, dans le cas où il l’accompagne, est ainsi unie à son époux ou conjoint de fait : […] (vi) un enfant de l’un des parents de l’un de leurs parents, autre que l’un de leurs parents, |
83. (1) A maximum of 10 points for adaptability shall be awarded to a skilled worker on the basis of any combination of the following elements: […] (d) for being related to a person living in Canada who is described in subsection (5), 5 points; and […]
(5) For the purposes of paragraph (1)(d), a skilled worker shall be awarded 5 points if (a) the skilled worker or the skilled worker’s accompanying spouse or accompanying common-law partner is related by blood, marriage, common-law partnership or adoption to a person who is a Canadian citizen or permanent resident living in Canada and who is […] (vi) a child of the father or mother of their father or mother, other than their father or mother, |
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[8] La seule question soulevée par la demanderesse dans la présente affaire est de savoir si l’agent a commis une erreur lorsqu’il a substitué son appréciation à la grille.
[9] La norme de contrôle relativement à une décision discrétionnaire d’un agent d’immigration concernant un visa de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est la raisonnabilité (Requidan c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 237, au paragraphe 12; Kisson c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2010 CF 99, au paragraphe 11).
[10] Pour déterminer si une décision est raisonnable, la Cour examinera « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi que « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 (Dunsmuir)).
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[11] La demanderesse soutient que, lorsqu’il a substitué son appréciation à la grille, l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait qu’il était fort probable que la demanderesse aurait bientôt deux fils à sa disposition au Canada pour lui fournir un soutien sur les plans financier et social. La demanderesse allègue que l’agent était au courant du fait qu’elle avait deux fils qui étaient rendus aux étapes finales de leur immigration au Canada.
[12] La demanderesse allègue que, si ce fait avait été pris en compte en même temps que le fait que la grille ne lui accordait qu’un point de moins que le nombre minimum, il y aurait eu des renseignements probants pour démontrer qu’elle réussirait probablement son établissement économique au Canada.
[13] De son côté, le défendeur soutient que rien n’indique, dans le dossier de la demanderesse, qu’elle ait informé l’agent des visas que la raison pour laquelle elle demandait que l’agent substitue son appréciation au nombre de points obtenus était le fait que le traitement des demandes de résidence permanente de ses deux fils était presque achevé.
[14] En outre, dans l’affidavit souscrit par Jialan Pan, gestionnaire de cas au cabinet d’avocats Goldman Associates, déposé à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire, il n’y a rien qui indique que l’agent ait disposé des documents ayant trait aux demandes des fils de la demanderesse. Le défendeur affirme donc que les documents relatifs aux demandes des fils n’ont pas été présentés en bonne et due forme à la Cour et qu’on ne devrait pas leur accorder de poids.
[15] En réplique, la demanderesse soutient que le principal objet de l’affidavit de Mme Pan est de démontrer que, au moment où il a rendu sa décision, l’agent des visas avait accès au statut des demandes de résidence permanente des deux fils de la demanderesse et que ces éléments de preuve ont été régulièrement soumis à la Cour.
[16] Dans la décision Fernandes c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 243, au paragraphe 7, le juge suppléant Strayer a déclaré ce qui suit concernant l’objet d’une appréciation substituée à la grille, conformément au paragraphe 76(3) du Règlement :
[7] L’objet manifeste du paragraphe 76(3) est de permettre qu’on fasse exception au système de points lorsque l’aptitude du demandeur à réussir son établissement au Canada est plus grande que ne le reflète le nombre de points obtenu (voir, par exemple, Yeung c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. n° 1174, paragraphe 15). Pour pouvoir bénéficier de cette exception, le demandeur doit demander l’exercice du pouvoir discrétionnaire et présenter de bonnes raisons pour un tel exercice (voir Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. n° 1239, paragraphe 5). Ces raisons n’ont toutefois pas à être élaborées et peuvent consister en une simple description plus étendue des antécédents, des études, de l’expérience professionnelle et de la connaissance d’une langue officielle du Canada du demandeur (voir Nayyar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. n° 342, paragraphe 12).
[17] Je souscris à l’avis du défendeur selon lequel il n’y a aucune preuve dans le dossier établissant que les demandes des fils de la demanderesse faisaient partie du dossier dont disposait l’agent. Contrairement à ce qu’allègue la demanderesse, l’affidavit Pan n’atteste pas ce fait. L’affidavit de Mme Pan établit simplement que le cabinet d’avocats pour lequel elle travaille représentait les fils de la demanderesse dans le cadre de leurs demandes de résidence permanente et mentionne des dates importantes au sujet des demandes des fils de la demanderesse.
[18] Par conséquent, je ne suis pas convaincu que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte du statut des demandes des fils de la demanderesse. La demanderesse avait le fardeau de fournir les renseignements nécessaires à sa demande (Tikhonova c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 847, au paragraphe 11). Étant donné que le seul élément de contestation présenté par la demanderesse à l’encontre de la décision de l’agent est que celui‑ci n’a pas tenu compte d’une preuve dont, selon ma conclusion, il ne disposait pas, je suis d’avis que la décision de l’agent quant à l’appréciation substituée à la grille appartient aux issues possibles acceptables (Dunsmuir, précité).
[19] La décision de l’agent est donc raisonnable, et il n’y a rien qui justifie une intervention de la Cour.
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[20] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[21] Je souscris à l’avis des parties selon lequel il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire, présentée à l’encontre de la décision rendue le 15 mai 2012 par un agent des visas du haut‑commissariat du Canada à Londres, en Angleterre, est rejetée.
« Yvon Pinard »
Juge
Traduction certifiée conforme
C. Laroche, traducteur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7643-12
INTITULÉ : SANDRA BROWN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 8 mai 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 20 juin 2013
COMPARUTIONS :
Ian Goldman POUR LA DEMANDERESSE
Kim Sutcliffe POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Goldman Associates POUR LA DEMANDERESSE
Vancouver (Colombie‑Britannique)
William F. Pentney POUR LE DÉFENDEUR
Sous‑procureur général du Canada