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Date : 20130718

Dossier : T-279-07

Référence : 2013 CF 616

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2013

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

 

ZERO SPILL SYSTEMS (INT’L) INC.,

KATCH KAN HOLDINGS LTD.,

QUINN HOLTBY

et KATCH KAN RENTALS LTD.

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

614248 ALBERTA LTD.,

faisant affaire sous la raison sociale de

LEA-DER COATINGS,

BILL HEIDE,

faisant affaire sous le nom de CENTRAL ALBERTA PLASTIC PRODUCTS,

RAT PLASTIC LTD.

et 1284897 ALBERTA LTD.

 

 

 

défendeurs

 

 

ET ENTRE :

 

 

614248 ALBERTA LTD. et

1284897 ALBERTA LTD.

 

 

demanderesses reconventionnelles

(défenderesses)

 

et

 

 

 

ZERO SPILL SYSTEMS (INT’L) INC.,

KATCH KAN HOLDINGS LTD.,

et QUINN HOLTBY

 

 

défendeurs reconventionnels

(demandeurs)

 

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT MODIFIÉS

 

[1]               La présente action concerne des allégations de contrefaçon de deux brevets canadiens portant les nos 2,258,064 (le brevet 064) et 2,136,375 (le brevet 375), ainsi qu'un enregistrement de dessin canadien enregistré sous le numéro 86793 (le dessin 793), se rapportant tous à des produits de confinement de fluides de gisement pétrolifère sur lesquels les demandeurs revendiquent des droits. 

 

[2]               Le demandeur Quinn Holtby contrôle toutes les personnes morales demanderesses. Il est l'inventeur nommé dans le brevet 375 et le brevet 064. La demanderesse Zero Spill Systems (Int’l) Inc. (Zero Spill) est titulaire d'une licence non exclusive sur le dessin 793 et les brevets 375 et 064. Katch Kan Holdings Ltd. (KKHL) est cessionnaire du brevet 375 et du brevet 064 de M. Holtby. Suivant M. Holtby, Katch Kan Rentals Ltd. (KKRL) exploite une entreprise de location des produits brevetés sur le marché canadien, mais est inactive depuis la fin de 2008. Cette entreprise de location a été reprise par Katch Kan Ltd., laquelle n'est pas partie au présent litige.

 

[3]               Les demandeurs allèguent que le défendeur M. Bill Heide, faisant affaire sous les raisons sociales Central Alberta Plastic Products (CAPP) et Rat Plastic Ltd. (collectivement appelées, les défendeurs Heide) et la défenderesse 1284897 Alberta Ltd., exerçant ses activités sous le nom commercial de Lea-Der Coatings, ont contrefait le brevet 064 et le brevet 375 en fabriquant ou en vendant (ou les deux) des produits de confinement de fluides de gisement pétrolifère concurrentiels. Ils allèguent aussi que les défendeurs Heide ont contrefait le dessin 793 en fabriquant et en vendant un produit qui a essentiellement le même aspect que ledit dessin. Les demandeurs sollicitent des jugements déclarant valides les brevets en cause et le dessin 793.   

 

[4]               Les défendeurs Heide affirment uniquement que leurs produits ne créent pas de contrefaçon. Lea-Der Coatings affirme l'invalidité et l'absence de contrefaçon et a présenté une demande reconventionnelle visant à obtenir des jugements déclarant que le brevet canadien no 2,136,375 (le brevet 375) délivré à Quinn Holtby et cédé à la demanderesse KKHL, le brevet no 2,166,265 (le brevet 265) délivré à la demanderesse KKHL, et le brevet no 2,258,064 (le brevet 064) délivré à Quinn Holtby et cédé à la demanderesse KKHL sont invalides.

 

[5]               Au cours de la présente action, les demandeurs ont abandonné leur allégation selon laquelle les défendeurs avaient contrefait le brevet 265 ou le brevet canadien no 2,163,322, et l'action introduite par les demandeurs contre la défenderesse 614248 Alberta Ltd., a été réglée. 

 

Contexte général relatif aux revendications

[6]               Les produits visés par la présente affaire sont conçus pour capter des fluides qui sont libérés lors de fuites ou de déversements, dans le cadre de travaux d’exploitation de gisements pétrolifères. Le brevet 375 porte sur un plateau de confinement supérieur qui est fixé à la partie supérieure de la duse d’un appareil de forage qui fonctionne. La duse (habituellement désignée par l’expression « duse de fond à clapet ») est un tuyau vertical qui relie la fondation située au niveau du sol et un point situé juste au-dessous du plancher de l’appareil de forage. C’est dans la duse que sont logés la tige de forage ou le train de tiges qui permettent de découper le trou de puits. La duse présente généralement une géométrie de tubulure fendue dans le sens de la longueur, ce qui rend son démontage plus facile lorsqu’elle doit être retirée. Un fluide à base d’eau ou de pétrole est pompé dans le trou de puits afin de faciliter le forage. Ce fluide de forage est ensuite redirigé jusqu’au sommet du puits où une conduite de dérivation le fait passer sur des filtres afin d’en retirer les débris de forage. Le fluide traité est ensuite de nouveau pompé dans le trou de puits. 

 

[7]               Il est parfois nécessaire de retirer le train de tiges (ou garniture de forage) du puits, bien souvent lorsque le trépan doit être remplacé. Lorsque le train de tiges est retiré, les sections de la tige de forage sont désassemblées et empilées. Ce procédé provoque habituellement l’écoulement d’importants volumes de fluide de forage à l’extrémité de la tige. Si l’écoulement du produit déversé ne peut être adéquatement maîtrisé, les membres de l’équipe de forage peuvent être « aspergés par un jet de fluide » et les constituants de l’appareil de forage peuvent aussi être souillés. 

 

[8]               Fort de son expérience comme membre d’une équipe de forage, M. Holtby a constaté que les dispositifs utilisés pour capter le fluide de forage et réduire les fuites n’étaient pas efficaces. Il a donc conçu un boîtier léger pouvant se refermer autour de deux sections de la tige de forage qui sont désassemblées. Il a déposé une demande de brevet pour le produit qu’il appelle « Kelly Kan ». Le produit Kelly Kan protège les membres de l’équipe de forage en les empêchant d’être aspergés de fluide de forage et redirige l’écoulement de fluide à travers le plancher de l’appareil de forage, jusqu’à un endroit situé près du point supérieur de la duse. Le plateau supérieur de confinement du fluide qui est visé par le brevet 375 (le plateau supérieur Katch Kan) a été conçu par M. Holtby en 1994 afin de capter le fluide de forage redirigé, à travers le plancher de l’appareil, par le Kelly Kan. Selon sa conception, le plateau supérieur Katch Kan comporte deux demi-plateaux en plastique jumelés qui, lors de l’assemblage, forment une bague centrale qui encercle de manière parfaitement étanche un rebord en acier soudé au sommet de la duse. Le dispositif d’étanchéité est télescopique, car le plateau peut se déplacer dans une direction axiale par rapport au rebord de la duse, et ce, afin de compenser un certain abaissement du plancher de l’appareil de forage. Le fluide capté dans le plateau s’écoule directement dans la duse, d’où il peut être redirigé vers le circuit de recirculation. 

 

[9]               Le brevet 064 contient la description d’un plateau de confinement de fluides qui est fixé dans une section inférieure de la tige centrale du puits de pétrole. Le plateau inférieur Katch Kan a pour objet de capter les fluides qui s’écoulent de sections supérieures et de les évacuer vers un récipient de stockage. Un plateau inférieur peut généralement protéger une plus grande surface au-dessous du puits et il pourrait être moins profond en raison des facteurs limitatifs liés à l’espace disponible. 

 

[10]           Le modèle d’entreprise que les demandeurs ont prévu pour leurs plateaux de confinement supérieur et inférieur est principalement basé sur des activités de location à long terme et non sur des ventes inconditionnelles. 

 

[11]           Le 28 mai 1999, le commissaire aux brevets a autorisé, au nom de la société KKHL, la demande d’enregistrement pour le dessin industriel 793 portant sur un plateau de captage de fluides ou un plateau de tube de conduite. Le plateau de tube de conduite a pour objet de constituer un support horizontal pour les sections de la tige de forage qui sont désassemblées au niveau du sol. Lorsque les joints de raccordement ou les raccords du tube sont ouverts au marteau, tout fluide qui est libéré est capté dans la cavité du plateau sous‑jacent. La figure ci-dessous est l’illustration du plateau de tube de conduite Katch Kan qui figure dans l’enregistrement du dessin industriel 793 :

 

[12]           Le brevet 265 a été publié le 29 juin 1997. Les demandeurs n’affirment plus que ce brevet a été contrefait, mais la défenderesse 1284897 Alberta Ltd. sollicite un jugement déclarant ce brevet invalide. 

 

[13]           Le brevet 265 revendique un monopole sur une méthode de captage et de confinement des fluides qui s’écoulent d’une tête de puits sous forme de fuites et sur l’appareil permettant de parvenir à ces fins. Les revendications comportent la description d’un anneau circulaire et d’une bride extérieure qui est boulonnée à la tige centrale d’une tête de puits. Un récipient collecteur est fixé de manière étanche à la bride extérieure de l’anneau circulaire. Les fluides qui fuient de la partie supérieure sont captés dans le récipient collecteur et évacués vers un récipient de stockage. Le brevet 265 ne comporte aucune discussion sur la manière dont l’invention revendiquée diffère des méthodes antérieures de captage de fuites de fluides provenant d’appareils de forage, ou comment elle constitue une amélioration quelconque de ces méthodes. 

 

            Les défendeurs et leurs produits concurrents

[14]           Le défendeur Bill Heide exploite une entreprise sous deux dénominations commerciales, à savoir CAPP et Rat Plastic. CAPP exploite une entreprise de fabrication de plastique à l'aide d'un procédé de moulage rotationnel. Rat Plastic était à l'origine une entreprise constituée en personne morale mais, en 2012, M. Heide a acheté les actifs de la société et a continué d’exploiter l'entreprise sous forme d’entreprise à propriétaire unique. Rat Plastic exploite une entreprise de soudage des plastiques.

 

[15]           La société CAPP est l’entité commerciale qui fabrique les plateaux de tube de conduite qui, selon les allégations des demandeurs, contrefait le dessin 793. La société Rat Plastic produit des plateaux de confinement de fluides supérieurs et inférieurs qui, selon les allégations des demandeurs, contrefont respectivement le brevet 375 et le brevet 064. 

 

[16]           À une date indéterminée en 2005, M. Heide a rencontré M. Darrell Demers qui travaillait, à l’époque, pour la société à numéro 614248 Alberta Ltd., laquelle exerçait alors ses activités sous la raison sociale de Lea-Der Coatings. Monsieur Demers a demandé l’aide de M. Heide afin de concevoir et fabriquer des plateaux de confinement de fluides pouvant servir sur des appareils de forage pétrolier. Selon le modèle d’entreprise, M. Heide avait la responsabilité de fournir les produits susmentionnés à Lea-Der Coatings, laquelle assurait la vente desdits produits aux propriétaires et exploitants d’appareils de forage. À l’époque, M. Heide était au courant de l’existence des plateaux de confinement de fluides Katch Kan et il savait qu’ils avaient été brevetés. Il a effectué une recherche de brevets afin de déterminer la portée des brevets visant les produits Katch Kan et a ensuite entrepris la conception de prototypes de plateaux de confinement. En 2006, M. Heide, par le biais de Rat Plastic Ltd., produisait un plateau de confinement inférieur commercialement viable, et en 2007, il vendait des plateaux de confinement inférieurs et supérieurs à Lea-Der Coatings. À une date ultérieure, Lea‑Der Coatings a décidé de commercialiser une autre gamme de plateaux de confinement et Rat Plastic Ltd. a commencé à vendre directement les plateaux qu’elle produisait à ses clients. À l’heure actuelle, Rat Plastic vend ses plateaux en gros à Lea-Der Coatings (le nom commercial actuel de la défenderesse 1284897 Alberta Ltd.), tout en continuant à vendre directement ces mêmes produits à des utilisateurs finaux. 

 

[17]           Selon le témoignage de M. Heide, lorsqu’il reçoit une commande pour un plateau de confinement supérieur, il se rend sur le site du forage afin de déterminer quels sont les besoins particuliers du client. Au cours de sa visite, il discute avec le chef de chantier des facteurs limitatifs relatifs aux espaces restreints et aux dimensions de l’appareil. Il fabrique par la suite un plateau de confinement qui répond aux exigences du client. Le plateau de confinement supérieur de Rat Plastic constitue toutefois un modèle standard qui comporte deux demi-sections qui comprennent chacune sa propre cavité de confinement. Chaque demi‑plateau comprend une rainure arquée jumelée et ces deux rainures, lors de leur appariement, forment une ouverture centrale qui permet le passage de la duse. Les parois de confinement intérieures de chaque demi‑plateau s’aboutent et sont maintenues à proximité l’une de l’autre à l’aide de courroies. Il n’est pas nécessaire de fixer de manière étanche les demi-sections du plateau, car une bande d’étanchéité en surplomb recouvre les vides entre les plateaux et prévient les fuites de fluide. 

 

[18]           Quand les deux demi-sections du plateau supérieur de Rat Plastic sont réunies, elles forment aussi une bague circulaire descendante. Le bord d’attaque de la bague du plateau est inséré dans une bague en acier en saillie qui fait partie intégrante du rebord soudé dans deux morceaux situés près de la partie supérieure de la duse (la bague du rebord). La bague du rebord comporte des parois interne et externe entre lesquelles peut se loger la bague du plateau. La paroi interne présente des perforations par lesquelles les liquides qui tombent dans la cavité peuvent s’écouler dans la partie supérieure de la duse.

 

[19]           L’assemblage du plateau inférieur de Rat Plastic est quelque peu semblable, car il comprend deux demi-sections de plateau autonomes présentant des rainures arquées qui encerclent la tige centrale (ou le train de tiges) de l’appareil de forage. Les demi-sections de plateau s’aboutent à la surface de leurs parois internes et sont fixées en place au moyen d’un tendeur à vis. Le support passif des demi-sections de plateau est assuré par une base d’appui circulaire soudée à la duse de l’appareil de forage et par des courroies fixées à la structure aérienne de l’appareil de forage. Une bande d’étanchéité en surplomb empêche tout écoulement de fuites entre les parois du plateau aboutées. Chaque demi-section de plateau comporte un orifice d’évacuation distinct par lequel le fluide capté peut s’écouler vers un récipient de stockage. 

 

[20]           Toutes les caractéristiques susmentionnées sont illustrées dans le guide d’installation de la société Rat Plastic [pièce P28], lequel comprend la description de la méthode d’assemblage des dispositifs de plateau supérieur et inférieur, à savoir :

[traduction]

Les technologies existantes sont couramment employées dans le domaine, mais les dispositifs connexes sont encombrants, difficiles à installer et sujets aux fuites.

 

Nous offrons un dispositif qui est facile à installer et à l’épreuve des fuites. Le procédé d’installation est très simple. Une fois que le raccord d’écoulement en T a été modifié afin d’y intégrer notre dispositif, tout membre de l’équipe de forage peut installer le plateau supérieur en quelques minutes, tout comme le plateau inférieur d’ailleurs.

 

Notre dispositif permet de réaliser les tâches pertinentes sans avoir à assurer l’étanchéité des joints, car les fluides sont dirigés vers le raccord d’écoulement en T, là où il devrait naturellement s’écouler, et non en direction des joints où les fuites sont courantes.

 

Comme notre dispositif ne comporte pas la mise en place de joints d’étanchéité, il n’est pas nécessaire de prendre des mesures fastidieuses de réglage et d’ajustement qui visent à assurer l’étanchéité des joints. Un simple assemblage du plateau et celui-ci est prêt à être utilisé aux fins pour lesquelles il a été conçu.

 

 

[21]           Les étapes de l’installation courante des plateaux supérieur et inférieur de Rat Plastic sont illustrées à l’aide de quatre photographies, lesquelles ont été identifiées par M. Heide et constituent la pièce D19. 

 

[22]           Monsieur Demers a témoigné pour le compte de la société à numéro 1284897 Alberta Ltd. qui exerce ses activités sous la raison sociale de Lea-Der Coatings. Monsieur Demers avait été engagé comme vendeur par Lea-Der Coatings en 1997. À cette époque, Lea-Der Coatings appartenait à la défenderesse 614248 Alberta Ltd., et elle offrait aux exploitants d’appareils de forage des tapis de traction particuliers. En 2004, la société Nabors Drilling and Precision Drilling a communiqué avec M. Demers et lui a demandé d’examiner la possibilité d’élaborer des plateaux de confinement de fluides pouvant être utilisés sur les appareils de forage. 

 

[23]           Monsieur Demers avait fait le rencontre de M. Heide en 2005, au Calgary Gas and Oil Trade Show; ils avaient alors discuté de la conception et de la fabrication de plateaux de confinement de fluides en plastique moulé. Quelques semaines plus tard, après avoir consulté Nabors Drilling, M. Heide a élaboré le prototype de plateau supérieur de Rat Plastic. Selon les dires de M. Demers, il se fiait à M. Heide qui lui assurait que les plateaux de Rat Plastic ne constituaient pas une contrefaçon des brevets existants.

 

[24]           Lors des premières étapes de cette entreprise commerciale, Lea-Der Coatings a acheté directement des plateaux Rat Plastic en s’adressant à Rat Plastic Ltd. et elle les a revendus à des exploitants d’appareils de forage et des entrepreneurs connexes. Au début de 2007, M. Demers, par le biais de la société à numéro 1284897 Alberta Ltd., a acheté les actifs de la société à numéro 614248 Alberta Ltd. et a poursuivi ses activités d’achat et de vente de dispositifs de confinement de fluides Rat Plastic sous le nom commercial de Lea‑Der Coatings. 

 

[25]           En 2008, Lea-Der Coatings a ajouté une autre gamme de produits à ses articles, soit des plateaux de confinement de fluides fabriqués à partir de fibres de carbone, lesquels étaient offerts par la société Stealth Environment Filtration Systems (Stealth Environmental). Ces produits étaient commercialisés sous le nom commercial « Stealth ». Par la suite, Stealth Environmental a été acquise par la société Enviro Tek Manufacturing (Enviro Tek), laquelle a continué à produire les plateaux de confinement de fluides en fibres de carbone Stealth et à les vendre à Lea-Der Coatings. Selon M. Demers, lors de la réception d’une commande de dispositifs de confinement de fluides, les produits sont désignés comme des plateaux Rat Plastic ou Enviro Tek. Monsieur Demers ne participe pas aux étapes ultérieures ayant trait à l’identification des besoins particuliers des clients et à l’installation des produits. 

 

[26]           Le modèle d’entreprise des défendeurs est basé sur des activités de vente, plutôt que de location, de leurs dispositifs de confinement de fluides, auprès des opérateurs et des exploitants d’appareils de forage pétrolier.

 

            Les témoins experts

[27]           Les questions de validité et de contrefaçon qui ont été soulevées en l’espèce ont été abordées par les trois témoins experts, à savoir Anthony Wallace, James Seale et Brian Thicke. Les parties s'entendent au sujet des qualifications essentielles des témoins en question et leurs rapports ont été soumis sans aucune opposition. À mon avis, tous ces témoins étaient compétents pour témoigner sur les questions en litige qui n’étaient en tout état de cause, ni très techniques ni truffées de connaissances spécialisées. Un résumé général des principaux points de divergence entre le témoignage de ces témoins est reproduit ci‑après.

 

            Anthony Wallace

[28]           Monsieur Anthony Wallace compte de nombreuses années d’expérience dans l’industrie du forage pétrolier, expérience qu’il a acquise depuis 1962. Il a occupé divers postes au sein de plusieurs entreprises, dans des installations situées en de nombreux endroits. Ses antécédents professionnels comprennent le poste d’ingénieur de forage principal, chez la Hudson’s Bay Oil and Gas Company Limited, et, par la suite, celui de gestionnaire des travaux de forage et d’achèvement de puits, chez Gulf Canada. Monsieur Wallace détient un diplôme de premier cycle en génie chimique de l’Université de Birmingham et un MBA de l’Université de Calgary. Il enseigne aujourd’hui au Southern Alberta Institute of Technology, où il occupe un poste de chargé d’enseignement en forage, et occupe en outre le poste de président d’une société d’experts-conseils qui offre à des entreprises de par le monde des conseils portant sur l’exploitation des champs pétrolifères, ainsi que sur les applications techniques et les programmes de formation dans ce domaine. 

 

[29]           Monsieur Wallace est l'auteur de plusieurs rapports d'opinion qui ont été rédigés au nom des demandeurs et qui portent sur des questions d'interprétation, de validité et de contrefaçon ou qui ont été écris en réponse aux rapports d'opinion de MM. Seale et Thicke. 

 

[30]           Selon son témoignage, les revendications du brevet 375 comprennent un dispositif d’étanchéité annulaire télescopique qui empêche l’écoulement de fluides entre la bague du plateau et la duse (voir à la page 400). Tout comme les autres témoins experts, M. Wallace confirme que cet élément constitue une caractéristique essentielle du brevet 375, mais il n’est pas d’accord avec eux sur la question de savoir si cette caractéristique fait partie intégrante des plateaux de confinement supérieurs des défendeurs.

 

[31]           En comparant le brevet 375 et le plateau supérieur Rat Plastic, M. Wallace pouvait établir une certaine possibilité de mouvement télescopique. Sa conclusion était basée sur le fait qu’il considérait que le plateau supérieur Rat Plastic pouvait être maintenu en place dans la bague du rebord de réception en obtenant un ajustement serré (à friction) entre la paroi de la bague du plateau et une des parois de la bague du rebord (voir aux pages 435 et 436). Selon M. Wallace, ce genre d’assemblage pourrait créer [traduction] « un certain type de joint d’étanchéité » (voir à la page 438) et permettre un quelconque mouvement vers le bas ou un quelconque mouvement télescopique du plateau. Néanmoins, il ne pouvait expliquer avec certitude la raison pour laquelle la paroi interne de réception de la bague du rebord devait présenter des orifices d’évacuation, en présence d’un joint d’étanchéité de ce genre (voir à la page 440). 

 

[32]           Monsieur Wallace a apparemment accepté la validité de la méthode d’assemblage du plateau supérieur Stealth décrite par M. Kenworthy (voir à la page 416), mais il a tout de même affirmé que le plateau pourrait se déplacer selon un quelconque mouvement télescopique (voir à la page 415). Selon M. Wallace la notion de [traduction] « mouvement télescopique » présentée dans le brevet 375 serait contrefaite par tout mouvement du plateau Stealth qui serait produit par la compression de sa rondelle de joint. 

 

[33]           Dans son interprétation des revendications du brevet 064, M. Wallace a reconnu qu’une personne versée dans l’art comprendrait que l’indication ayant trait aux bords accouplés signifie [traduction] « deux bords réunis afin de former une seule cuvette », mais qui ne sont pas nécessairement joints à l’aide d’un mécanisme d’assemblage à rainure et languette (voir à la page 447). Un bord accouplé devrait toutefois être parfaitement étanche (voir à la page 448). 

 

[34]           Voici la transcription de la partie du témoignage de M. Wallace qui porte sur les quelques références du brevet 064 relatives à l’utilisation du produit, sur un puits de pétrole complété, plus particulièrement sur un arbre de Noël :

 

[traduction]

Q.        Vient ensuite l’élément suivant, selon lequel le plateau doit « être mis en place adéquatement autour d’un arbre de Noël ».

 

R.        Oui, monsieur.

 

Q.        Quelle est votre interprétation de cette expression, dans le cadre du présent brevet?

 

R.        Selon la terminologie couramment utilisée dans le domaine de l’exploitation des champs pétrolifères, l’arbre de Noël constitue un ensemble de soupapes et de robinets qui sont installés une fois que l’installation de forage est passée en mode de production contrôlée. Le présent brevet illustre clairement que le plateau est installé dans le BOP [bloc obturateur de puits], en fait, au sein même de l’ensemble de BOP. Et je dois maintenant préciser que j’ai changé d’idée au sujet de l’interprétation d’un arbre de Noël. Je crois que selon la terminologie, l’expression désigne, dans ce cas particulier, tout élément qui est installé au-dessus du rebord du tubage de surface, que ce soit un ensemble de BOP ou une tête de production.

 

Q.        Et en quel endroit particulier un ensemble de BOP se trouverait-il?

 

R.        Sur un appareil de forage ou sur un appareil d’entretien, lors des travaux d’achèvement. [aux pages 448 et 449]

 

 

L’opinion en question a été renforcée par la présence, dans le brevet 064, de diagrammes qui illustrent le plateau inférieur breveté utilisé dans un ensemble de blocs obturateurs de puits (BOP) dont la configuration n’est pas celle qui est généralement observée dans un arbre de Noël classique de puits de pétrole complété (voir à la page 454)

 

[35]           Monsieur Wallace a traité du fait que le dispositif de Rat Plastic utilise deux plateaux distincts munis de parois d’aboutement en signalant que le résultat obtenu est le même que dans le cas du brevet 064, soit l’utilisation de deux sections de plateau qui sont réunies autour d’une conduite de tête de puits (voir à la page 457).

 

[36]           En comparant le dessin 793 et le plateau de tube de conduite de la société CAPP, M. Wallace a expliqué dans son témoignage que [traduction] « les deux sont conçus avec la même fonction, soit celle de soulever les raccords de conduite au-dessus du sol et de fournir une surface de piégeage pour toute fuite possible [de liquide ou de fluides] », et il a affirmé aussi que [traduction] « les deux semblent avoir le même aspect » (voir à la page 469)

 

[37]           Selon M. Wallace, les plateaux de confinement des défendeurs contrefont le brevet 375 ou le brevet 064 et le plateau de tube de conduite de CAPP contrefait le dessin 793.

 

            James Seale

[38]           Monsieur Seale est un ingénieur qui possède de l’expérience professionnelle dans le domaine de la conception d’appareils de forage. Les défendeurs Heide ont retenu les services de M. Seale afin qu’il fournisse un avis professionnel sur l’interprétation des revendications des brevets 375, 265 et 064. On lui a aussi demandé de donner son opinion afin d’établir si les plateaux supérieurs et inférieurs Rat Plastic constituent des contrefaçons des brevets 375 et 064

 

[39]           Monsieur Seale n’avait pas reçu toutes les instructions nécessaires sur la bonne façon d’interpréter les brevets. Conséquemment, il a simplement signalé les différences qui existent entre les revendications des brevets et les produits des défendeurs Heide et il a interprété une certaine part de la teneur des revendications

 

[40]           Selon les indications de M. Seale, une des principales différences qui existent entre le plateau supérieur Rat Plastic et les revendications du brevet 375 a trait à la méthode de fixation du plateau à la duse. Le brevet 375 contient la mention d’un mécanisme d’étanchéité qui permet au plateau de suivre un mouvement télescopique en réponse au déplacement de l’appareil de forage lors du réglage de sa mise en place. Dans le rapport de M. Seale daté du 31 mars 2011 [pièce D20], une distinction est établie entre cet aspect du brevet 375 et l’assemblage du plateau supérieur Rat Plastic, à savoir :

[traduction]

Le « plateau du haut » ou « plateau supérieur » de la société Rat Plastic utilise une bague soudée à la partie supérieure de la duse, le plateau supérieur étant inséré dans celle-ci à peu près de la même manière qu’un entonnoir est inséré dans un bocal afin de le remplir sans écoulement. En d’autres mots, le dispositif Rat Plastic ne forme pas un joint d’étanchéité avec la duse, mais son action repose sur le fait que le plateau supérieur, une fois inséré dans la bague, permet de rediriger dans la duse les fluides déversés.

 

[41]           Lors de son interrogatoire principal, M. Seale a fourni les explications suivantes relativement à cette distinction :

[traduction]

R.        À mon avis, l’aspect principal serait ... l’expression « surface d’étanchéité interne cylindrique », laquelle, selon les indications qui suivent, assure un joint d’étanchéité annulaire avec la duse. Or, le... le dispositif Rat Plastic, le plateau supérieur, qui était...qui a la même fonction, selon ma compréhension des faits, le dispositif Rat Plastic est inséré dans une bague dilatée située au haut de la duse, un peu comme un entonnoir inséré dans une bouteille, d’après ce que j’ai compris, ce qui ne permet pas d’assurer un joint d’étanchéité, et certainement pas en contact avec une surface interne. Comme l’anneau interne de cette bague métallique présente de nombreux orifices, il ne sert pas à grand-chose de former un joint d’étanchéité, en fait. [à la page 1323]

 

[…]

 

R.        Le joint d’étanchéité annulaire qui …conviendrait serait celui-ci, et je cite : « Une surface d’étanchéité interne cylindrique, et deuxièmement, en fournissant un joint d’étanchéité annulaire, troisièmement, en assurant la fixation adéquate du joint d’étanchéité annulaire à la... à une duse de fond à clapet située au‑dessous d’une ouverture de la plateforme de forage. » Donc, c’est là une description d’un joint d’étanchéité formé entre le plateau et la duse, lequel n’existe pas dans le cas du produit de la société Rat Plastic.

 

Q.        Bien.

 

R.        Et il y a répétition, là encore, dans le cas de l’élément suivant : « (...) Quatrièmement, en positionnant les rainures semi-circulaires sur les deux côtés de la duse, la surface d’étanchéité interne cylindrique de la bague cylindrique s’y engageant et pouvant avoir un mouvement télescopique ... » Cette fois encore, la manière dont le produit de Rat Plastic est fabriqué, il n’est pas... sa conception n’en fait pas un élément télescopique. Il repose dans la bague en question et celle-ci lui sert de support.

            En ce qui concerne la revendication 2, elle est assez semblable, et, là encore c’est la... la surface d’étanchéité interne, selon moi qui est... qui constitue un élément clé dans ce cas, lequel, là encore, n’existe pas dans le cas du produit de la société Rat Plastic. [à la page 1324]

 

 

Q.        Bien. Très bien. Dans la revendication 1, les parties de la revendication qui portent sur le joint d’étanchéité annulaire débutent à la ligne numéro 15. Voici ce qui y est indiqué : « Deuxièmement, en fournissant un joint d’étanchéité annulaire, troisièmement, en assurant la fixation adéquate du joint d’étanchéité annulaire à une duse de fond à clapet située au‑dessous d’une ouverture de la plateforme de forage. » Ces descriptions de la formation d’un joint d’étanchéité annulaire et de la fixation adéquate dudit joint, que peuvent-elles nous apprendre, dans le cadre de l’interprétation du présent brevet?

 

R.        Il doit bien exister une manière de former un joint parfaitement étanche entre le plateau et la duse, et dans le cas de ce produit, sa configuration particulière exige de former un tel joint, car sinon le... les fluides déversés qui ont été piégés s’écouleront à l’extérieur de la duse, par conséquent, il faut que le dispositif soit étanchéisé pour fonctionner adéquatement. [à la page 1326]

 

 

[42]           Lors de son contre-interrogatoire, M. Seale a rejeté l’idée proposée selon laquelle un certain joint d’étanchéité pouvait être obtenu avec le plateau supérieur Rat Plastic, en créant un ajustement serré (à friction) entre la bague du plateau en plastique et la bague du rebord en acier. Il a signalé que [traduction] « le joint d’étanchéité obtenu serait de piètre qualité, car l’ajustement ne serait pas assez serré pour constituer un bon joint liquide » (à la page 1356). Interrogé sur la question de savoir si la mention d’un joint d’étanchéité annulaire, dans le brevet 375, supposait une étanchéité parfaite, M. Seale a répondu qu’un tel joint supposait [traduction] « une étanchéité aux liquides assez élevée » (à la page 1356). En ce qui a trait à la question du mouvement du plateau, il a reconnu qu’il existe des moyens de soulever le plateau supérieur Rat Plastic au-dessus de son point d’appui habituel, sur la bague du rebord, mais il a précisé que cette approche n’est pas une « partie inhérente » de la conception du produit (à la page 1353). 

 

[43]           Monsieur Seale a trouvé plusieurs différences entre les revendications du brevet 064 et les plateaux inférieurs Rat Plastic, notamment les suivantes :

a)         Les revendications du brevet 064 indiquent que l’appareil est utilisé sur un [traduction] « puits de pétrole complété ». Les plateaux inférieurs Rat Plastic étaient utilisés sur des appareils de forage et non sur des puits de production. 

b)         Le brevet 064 contient la description de deux demi-plateaux qui sont réunis de manière étanche le long d’un « bord d’accouplement », tandis que le dispositif de Rat Plastic utilise deux plateaux indépendants ou autonomes dont les parois intérieures sont réunies par aboutement, sans accouplement des éléments ou formation d’un joint d’étanchéité.

 

[44]           Selon le témoignage principal de M. Seale, les nombreuses références du brevet 064 ayant trait à l’utilisation d’un plateau sur un [traduction] « puits de pétrole complété » qui doit être « mis en place adéquatement autour d’un arbre de Noël » signifient que la portée des revendications était de ce fait restreinte à son utilisation sur un puits de production et qu’elle ne pouvait conséquemment être élargie afin d’englober son utilisation sur un appareil de forage. Selon M. Seale, un arbre de Noël ne peut être présent que sur un puits complété et pas sur un appareil de forage. Il a aussi expliqué que les revendications indépendantes du brevet 064 contiennent la description d’une cavité de confinement unique formée par la réunion de deux demi-plateaux et la formation d’un joint d’étanchéité. Le plateau inférieur Rat Plastic est composé de deux plateaux indépendants dont les parois intérieures sont réunies par aboutement, mais qui ne requièrent pas la formation d’un joint d’étanchéité à leur interface. 

 

            Brian Thicke

[45]           Monsieur Brian Thicke est le président de la firme Anderson and Associates Consulting Engineers Inc. Il est ingénieur spécialisé en génie mécanique. Il fournit souvent des conseils à ses clients sur la conception de produits et la question de la contrefaçon de brevets.

 

[46]           La société à numéro 1284897 Alberta Ltd. a retenu les services de M. Thicke afin d’interpréter les revendications des brevets 375 et 064 et d’établir si les plateaux de confinement Rat Plastic et Stealth contrefont ces revendications. On lui a aussi demandé de comparer les brevets des demandeurs et l’art antérieur afin d’évaluer la validité des brevets 375, 064 et 265. Monsieur Thicke est le témoin expert qui a fourni le plus clair et le plus convaincant de tous les témoignages des experts

 

[47]           Tout comme M. Seale, M. Thicke a relevé plusieurs différences entre les revendications des brevets 375 et 064 et les plateaux de confinement supérieurs et inférieurs Rat Plastic et Stealth.

 

[48]           Selon M. Thicke, les principales différences constatées entre les revendications du brevet 375 et le plateau supérieur Rat Plastic portaient sur l’absence d’étanchéité entre le plateau et la duse, l’utilisation de deux plateaux indépendants et la méthode de fixation du plateau à la duse. Il a signalé qu’il ne serait d’aucune utilité d’assurer l’étanchéité entre la bague du plateau Rat Plastic et la bague du rebord, car le dispositif fonctionne comme un entonnoir et qu’un joint d’étanchéité efficace, à l’épreuve des fuites, ne pourrait de toute façon être obtenu. Il a conclu sur ce point en disant [traduction] « qu’il n’y a pas de dispositif d’étanchéité annulaire, et qu’il n’est pas nécessaire que le modèle Rat Plastic présente une surface d’étanchéité » (à la page 1552). En ce qui a trait à la possibilité que le plateau Rat Plastic ait la capacité d’effectuer un mouvement descendant, M. Thicke a affirmé ce qui suit :

[traduction]

 

Q.        Très bien. Et en ce qui concerne le dernier élément de la revendication 1?

 

R.        « Et permet un mouvement axial afin de faciliter la mise en place adéquate de la plateforme de forage. » Oui, il repose sur la partie supérieure de la bague. Les plateaux sont déposés, ils sont installés par-dessus une bague. Il n’y a pas possibilité de mouvement axial ou de mouvement télescopique entre les plateaux Rat Plastic et la... la duse, et encore moins avec un quelconque dispositif d’étanchéité qui n’existe pas. [à la page 1552]

 

 

[49]           Monsieur Thicke a fait la même observation au sujet de l’installation du plateau supérieur Stealth. Après avoir examiné la pièce correspondant à un plateau supérieur Stealth entier, y compris sa bride d’étanchéité et de montage, il en a déduit que l’ensemble est conçu pour être fixé en place autour de la duse et qu’aucun mouvement axial n’est possible. Cette idée a été éclaircie dans l’échange suivant :

[traduction]

 

            Il... Il n’y a aucune possibilité de mouvement télescopique dans le cas de ce plateau particulier. Tout mouvement est restreint par la partie inférieure du plateau et par la bride située au bas de la bague, il est fixé... le joint d’étanchéité est maintenu en place et ne peut se déplacer en même temps que le plateau. Et il ne peut se déplacer... le joint d’étanchéité ne peut pas plus se déplacer par rapport à la duse, car le rebord de cette dernière s’insère en cet endroit, ce qui ne permet aucun mouvement. Conséquemment, le mouvement de glissement qui est requis dans le cas du brevet 375 n’est pas possible dans ce cas-ci. [à la page 1559]

 

 

[50]           Selon M. Thicke, toute pression considérable s’exerçant vers le bas sur le plateau supérieur Stealth entraînerait une perte de l’intégrité du dispositif d’étanchéité annulaire.

 

[51]           Monsieur Thicke a aussi identifié des différences entre les plateaux inférieurs des défendeurs et les revendications du brevet 064. Il a encore une fois observé que le brevet 064 comporte la description d’une cavité de confinement unique, qui est formée en réunissant de manière étanche les deux demi-sections de plateau, tandis que le dispositif de plateau Rat Plastic intègre deux plateaux indépendants qui sont aboutés sans toutefois créer un joint d’étanchéité. Tout comme M. Seale, il a observé que la portée des revendications du brevet 064 comprend l’utilisation de plateaux inférieurs sur un puits de pétrole complété ou sur un arbre de Noël, et, de ce fait, que l’utilisation d’un plateau inférieur Rat Plastic ou Stealth sur un appareil de forage ne constituerait pas une contrefaçon. 

 

            Art antérieur et emploi antérieur

[52]           L’existence de plateaux pouvant être séparés, dont la fonction est de capter les déversements et les fuites de liquides provenant de puits pétroliers, et plus particulièrement de têtes de puits, est clairement établie dans l’art antérieur. De tels dispositifs étaient aussi utilisés au Canada, et ce, au moins depuis les années 1980. Un survol de l’art antérieur se trouve dans la demande de brevet Gayaut, déposée aux États‑Unis le 3 janvier 1995. Le contexte du brevet en question contient la description du problème et la manière dont celui-ci a été abordé, à savoir :

[traduction]

Il est certes important de réduire au minimum les fuites de fluides autour des puits terrestres et marins. Le problème est identique pour les deux types de puits, car les déversements de fluides peuvent entraîner la pollution du milieu ambiant. Dans le cas des puits marins, les fluides peuvent polluer les eaux entourant le puits, tandis que dans celui des puits terrestres, ce sont les sols entourant le puits et parfois les eaux souterraines qui peuvent être contaminés. Le problème est particulièrement critique dans le cas des puits de pétrole et de gaz et d’autres puits utilisés pour des matières nocives et dangereuses.

Lors des travaux de forage et d’entretien des puits, des fluides contenant des hydrocarbures et d’autres produits chimiques s’échappent du tubage du puits et entraînent des déversements. Ainsi, lors du forage du puits, lorsque la tige de forage est retirée du trou de forage, des boues de forage qui contiennent des hydrocarbures et d’autres produits chimiques peuvent s’échapper. Lors de travaux de reconditionnement du puits, le retrait du tube de production peut aussi provoquer des déversements de liquides. Lors du pistonnage (nettoyage) du puits, d’importants volumes de fluides peuvent être repoussés de force à la surface et entraîner des déversements.

 

L’efficacité des mesures permettant de réduire au minimum les déversements autour des puits pétroliers, ainsi que les avantages que présentent ces mesures, sont reconnus depuis longtemps. Dès 1871, des brevets étaient délivrés pour des inventions ayant trait à la récupération de l’huile des tubes retirés des puits. On donnait divers noms à ces dispositifs, par exemple puisoirs ou collecteurs d’huile, cuvettes, bacs et récipients, qui avaient tous comme fonction de prévenir les déversements. Le brevet américain n° 113,638 accordé à Dewey le 11 avril 1871, révèle que cette technologie est presque aussi ancienne que les puits pétroliers. Les progrès réalisés dans l’industrie pétrolière ont graduellement entraîné le perfectionnement des dispositifs servant à capter les déversements de fluides autour d’un puits. Par exemple, le brevet américain n° 1,448,172 de Wellensiek, délivré le 13 mars 1923, contient l’illustration d’un collecteur de fluides déversés qui est monté sur la paroi extérieure du tubage du puits pétrolier. Le brevet accordé en 1924 à Schuyler (brevet américain n° 1,507,628) comporte l’illustration d’un collecteur de fluides déversés qui est fixé à l’aide de colliers de serrage à la paroi extérieure du tubage. Le collecteur comporte de multiples sections et entre celles-ci, des rebords et des joints d’étanchéité qui facilitent son installation et son retrait.

 

En ce qui a trait aux puits situés en mer, les brevets américains n° 1,811,761 et n° 1,867,030, respectivement accordés à Roberts le 23 juin 1931 et le 12 juillet 1932, et le brevet américain n° 2,077,044, accordé à Grace le 13 avril 1937, contiennent des illustrations de cuvettes et de dispositifs situés au-dessous du plancher de forage, dont la fonction est de capter des liquides déversés. Le brevet 761 de Roberts comporte la description d’une pompe utilisée pour évacuer l’huile et les boues de forage se trouvant dans la cuvette. Le brevet 030 de Roberts comprend la divulgation de la conduite 46 et de la pompe 47 dont la fonction est celle d’un collecteur de fluides déversés. Le dispositif apparaissant dans le brevet 044 de Grace comporte un dispositif d’étanchéité compressible qui est fixé autour du tubage à l’aide de colliers de serrage (« FIG. 7 ») et un tuyau d’évacuation 38 qui est relié à une pompe ou un bac de vidange adéquat afin de retirer les fluides se trouvant dans le bac de récupération.

 

Le brevet américain n° 3,023,808 accordé à St. John en 1962 et le brevet américain n° 4,949,784, accordé à Evans en 1990, illustrent des dispositifs montés sur la paroi extérieure du puits. Le brevet américain n° 5,121,794, accordé à Hibdon et ses collaborateurs le 16 juin 1992, contient la description d’un dispositif qui comporte une bride intégrée dans la partie inférieure, ce qui permet de la boulonner dans la structure du puits, entre deux surfaces bridées opposées. Le brevet américain n° 5,121,796, accordé à Wigington le 16 janvier 1992, comporte l’illustration d’un dispositif de captage de fluides qui est boulonné à une plaque, laquelle est soudée à la paroi extérieure d’une section de tubage boulonnée au puits.

 

Il est donc évident que le problème en question et un grand nombre de solutions connexes existaient déjà.

 

 

[53]           Le brevet Gayaut contient la description d’une invention qui constituerait une amélioration de l’art antérieur. Il porte sur un récipient ou une cuvette en sections qui peuvent être fixés de manière peu serrée, mais néanmoins étanche, autour de la conduite de la tête de puits. Le dispositif a pour fonction de capter les fuites de fluides provenant de la tête de puits et de les rediriger vers des récipients adéquats. Selon la description détaillée de l’invention, la cuvette de confinement constituerait un dispositif adéquat qui pourrait être utilisé avec des tubages de puits pétrolier, des tiges ou tubes de puits pétrolier, et d’autre matériel fixé au tubage de puits, y compris les blocs obturateurs de puits (BOP). Le seul élément requis est une section tubulaire dans laquelle peut être fixée la bague du plateau. Le modèle en sections du dispositif permet de l’installer sans avoir à désassembler la tête de puits. Il est généralement monté en un endroit situé au-dessous du plancher de forage du puits. L’étanchéité entre le rebord de la bague et le tuyau auquel elle est fixée est assurée au moyen d’une rondelle de joint. Voici la description de la méthode de fixation de la bague de la cuvette à la colonne montante :

[traduction]

Le choix de la bride cylindrique est effectué en tenant compte du fait que son diamètre doit lui permettre d’être fixée de manière lâche autour de la paroi extérieure de sections tubulaires qui se retrouvent couramment sur des puits en exploitation. L’espace autour du dispositif annulaire (ou l’ajustement lâche) peut être comblé, au sommet, avec un matériau de garniture adéquat (non illustré), afin de former un joint étanche ou un couvercle, tel qu’illustré aux figures 5 et 6. Une autre solution consiste à utiliser un dispositif anti-éclaboussure ou une jupe, ou les deux, avec ces réalisations.

 

Si le récipient de la présente invention est monté sans avoir à le boulonner directement sur le puits ou sans avoir à l’y fixer avec du matériel, il est possible de le faire tourner ou de le déplacer le long de la section tubulaire afin qu’il occupe un emplacement adéquat où il ne gêne pas les travaux exécutés dans le puits. De plus, un tel support, qui peut se fixer autour de la section tubulaire d’un puits pétrolier déjà en place, ne requiert en aucun cas le désassemblage d’éléments du puits. Dans certains cas particuliers, lorsque des éléments du puits doivent être désassemblés afin d’installer la cuvette d’évacuation, ces activités peuvent provoquer des déversements et polluer le milieu. Ces problèmes peuvent être évités en utilisant le récipient en cas de déversement élaboré par le demandeur de brevet. En outre, l’ajustement lâche du dispositif sur la section tubulaire d’un puits déjà en place rend la présente invention polyvalente, car il n’est pas nécessaire d’apparier exactement un filetage donné ou la géométrie particulière d’un boulon de bride.

 

 

[54]           Il est ensuite précisé, dans le brevet Gayaut, que la divulgation n’est fournie qu’à titre d’exemple et que des modifications apportées à la forme, aux dimensions et à la disposition des pièces feront l’objet de revendications particulières.

 

[55]           Le brevet Schuyler, délivré en 1924, contient aussi la description d’un dispositif dont la fonction est de capter les fluides déversés provenant d’un puits de production. Le brevet Schuyler vise une cuvette de récupération en sections et un entonnoir descendant montés en un endroit situé au-dessous du plancher du puits et fixés à une colonne montante pour pétrole, avec des rebords semi-cylindriques superposés étanchéisés à l’aide de morceaux de caoutchouc ou de matériau de garniture. Une ouverture dans l’entonnoir descendant permet l’écoulement par gravité des fluides captés, jusqu’à un réservoir de stockage.

 

[56]           Le brevet Arterbury, délivré en 1991, contient une description semblable d’une cuvette de confinement en deux morceaux communicants, dont la fonction est de capter les fuites de fluides provenant de puits de production de pétrole ou de gaz, tout comme le brevet Pearce, délivré en 1993, le brevet Norris, délivré en 1994, et le brevet Wigington, délivré en 1992. 

 

[57]           Les défendeurs ont appelé trois témoins, soit Robert Sawyer, Keith Wachter et Wayne Anderson, afin qu’ils témoignent de l’utilisation antérieure de dispositifs de confinement de fluides. Ils ont tous trois fourni des témoignages concordants, sans aucune contradiction, qui établissent que des dispositifs de confinement de fluides supérieurs et inférieurs étaient déjà couramment utilisés sur les appareils de forage au Canada, au cours des années 1980. Les dispositifs en question étaient fabriqués sur mesure afin de pouvoir les adapter aux appareils de forage auxquels ils étaient fixés. Les plateaux utilisés avaient de nombreuses formes et dimensions. Certains dispositifs ne comportaient qu’un seul plateau, mais selon M. Sawyer, après l’éruption survenue en 1984 à l’installation de forage de la société Nabors, située à Lodgepole, l’industrie a été forcée d’utiliser des duses et des dispositifs fixés au plateau qui peuvent être séparés en deux sections distinctes. Cette mesure a été adoptée afin de faciliter le démontage de la duse en cas d’entretien d’urgence.

 

[58]           Monsieur Keith Wachter a témoigné pour le compte des défendeurs Heide. Il travaille pour la société Savanna Drilling à titre de directeur de chantier et est responsable de la gestion d’une petite flotte d’appareils de forage. Il était auparavant chef d’installation de forage pour la même entreprise. Il a accumulé environ 10 ans d’expérience globale reliée aux travaux réalisés sur des installations de forage, ce qui comprend aussi son travail de foreur pour Nabors Drilling. 

 

[59]           Selon le témoignage de M. Wachter, il possède des connaissances pertinentes sur les dispositifs de confinement de fluides utilisés avec les appareils de forage, y compris les dispositifs offerts par les demandeurs. Il a travaillé sur des installations de forage où des plateaux inférieurs Katch Kan étaient employés, mais il n’a jamais utilisé des plateaux supérieurs. Selon M. Wachter, les entreprises pour lesquelles il a travaillé fabriquaient habituellement sur mesure leurs plateaux de confinement supérieurs et les fixaient à la duse à l’aide de colliers de serrage semi-circulaires et un dispositif d’étanchéité en caoutchouc (appelé raccord à collier Victaulic). Lors de son contre‑interrogatoire, M. Wachter a indiqué qu’en une occasion particulière, un entrepreneur assurant l’exploitation de l’installation de forage ne voulait pas louer un plateau inférieur Katch Kan, en raison des frais encourus. Il a mentionné que cette personne avait d’abord envisagé de fabriquer un plateau inférieur, mais qu’il avait ensuite décidé d’acheter un plateau inférieur Rat Plastic. 

 

[60]           Monsieur Robert Sawyer a acquis une vaste expérience de travail sur les installations de forage, et ce, depuis 1968. Il a travaillé à titre de maître sondeur (chef d’installation de forage) pour la société Nabors Drilling pendant un certain nombre d’années. En 1986, il est devenu directeur de chantier et assurait la supervision de plusieurs installations de forage situées en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan. En 1997, il a occupé le poste de directeur des projets de forage et assurait, à partir des bureaux de Nabors, l’exploitation de nombreuses installations de forage (un nombre qui pouvait parfois totaliser 20)

 

[61]           Selon le témoignage de M. Sawyer, il savait déjà, au début des années 1970, que des plateaux de confinement de fluides étaient utilisés sur les appareils de forage. Voici la manière dont il a décrit les plateaux de confinement de première génération et leur montage :

[traduction]

Q.        D’après votre expérience, vous souvenez-vous de l’utilisation de plateaux de confinement de fluides?

R.        Oui, oui.

Q.        Et de manière générale, quels types de plateaux étaient employés?

R.        Au début... au cours des premières années, c’étaient des plateaux en métal de diverses formes, soit circulaires, rectangulaires ou carrés... qui étaient fabriqués par un soudeur et fixés au‑dessus de la duse, du raccord fileté de forage, autour du raccord fileté de forage, enfin qu’importe, afin d’assurer le confinement des fluides... pour les empêcher de s’écouler sur le plancher de l’appareil de forage, là où la mise en place des raccords, entre autres activités, était exécutée.

Q.        Et est-ce qu’ils utilisaient... y avait-il des plateaux supérieurs et des plateaux inférieurs ou...

R.        Oui, en effet. Certains plateaux étaient situés juste au‑dessous des poutres de la table de rotation et d’autres, plus bas, sur le bloc obturateur de puits.

Q.        Et de quelle époque parlez-vous dans ce cas-ci?

R.        La première fois que j’ai observé un tel dispositif, c’était en 1970, sur l’installation de forage Brinkerhoff 40; c’était un plateau circulaire d’environ 37 pouces de circonférence et d’une hauteur de deux pieds... ou plutôt de deux pieds et demi.

Q.        Bien. Et il s’agissait d’un plateau supérieur?

R.        Oui, il reposait à l’intérieur du raccord fileté de forage.

Q.        Il reposait à l’intérieur du raccord fileté de forage?

R.        Oui.

[aux pages 1388 et 1389]

 

[62]           Monsieur Sawyer a identifié, à l’aide de photographies, une série de plateaux de confinement supérieurs fabriqués sur mesure qui étaient utilisés par Nabors Drilling, et ce, au moins depuis le milieu des années 1980 [voir la pièce D5, aux pages 1001 à 1004 et aux pages 1016 à 1021]. Tous ces plateaux étaient fabriqués à partir de deux demi‑sections qui sont fixées de manière étanche à l’aide de brides d’aboutement ou d’un mécanisme d’assemblage à rainure et languette. Ils étaient tous fixés à la section supérieure de la duse, au moyen d’un joint soudé ou d’une bague étanche entourant la duse. L’exemple présenté à la pièce D5, onglet 92 aux pages 1018 à 1021) est un dispositif qui utilise un collier de serrage à libération rapide et un joint d’assemblage à rainure et languette entre les deux demi‑plateaux, avec un produit de silicone comme matériau d’étanchéité. Voici la description, fournie par M. Sawyer, de la manière dont un tel plateau supérieur était fixé à la duse :

[traduction]

R.        Habituellement, on fabrique d’abord une petite demi‑section semicirculaire de quatre à... de quatre à cinq pouces... ensuite un morceau de fer plat est plié et soudé à cette pièce, et le tout est intégré à la partie supérieure du raccord fileté de forage. Une fois l’ensemble fixé au raccord fileté de forage, il faut boulonner le tout, ce qui produit... une sorte de joint étanche. Il s’agit ensuite de simplement appliquer un produit de silicone sur le pourtour, et un chiffon, du bran de scie, ou toute autre matière semblable, fait l’affaire pour assurer le maintien, et de cette manière il n’y aura pas de fuites de fluide entre le raccord fileté de forage et aucun fluide ne s’écoulera jusqu’aux blocs obturateurs de puits (BOP).

Q.        Bien. En ce qui a trait aux colliers de serrage à libération rapide que vous avez mentionnés, savez-vous à quelle époque ceux‑ci étaient employés?

R.        C’était plus tard... selon moi, entre le milieu et la fin des années 1980, c’est à cette époque qu’ont été commercialisés les colliers de serrage à libération rapide, qui étaient très pratiques, car on n’avait plus à boulonner le tout, et il n’était plus nécessaire d’avoir des clés là‑haut et de les manipuler à des hauteurs où se trouvent les raccords, soit des hauteurs allant de 15 à 20 pieds.

Q.        Bien. Alors comment... comment ce plateau particulier était-il utilisé sur l’appareil de forage?

R.        Comment il était utilisé?

Q.        Oui. Comment était-il...

R.        Voyons... Il s’agissait simplement de soulever les deux demi‑sections, de les placer sur le raccord fileté de forage et de les boulonner en place, et ainsi, en cas de fuite de fluides, vous comprenez, autour de la table de rotation, là où se trouve le plancher de l’appareil, le fluide s’égoutterait dans ces plateaux et ensuite, il irait simplement... comme la partie supérieure du plateau en question couvrirait toute la partie supérieure du raccord fileté de forage, tous les fluides s’écouleraient de cette section jusqu’à la partie inférieure du raccord fileté, à travers le plancher. [aux pages 1397 et 1398]

 

[63]           Selon le témoignage de M. Sawyer, Nabors Drilling avait acheté des plateaux de confinement de fluides de la société Katch Kan à la fin des années 1990. Par après, lorsque Katch Kan a limité ses activités à la location de plateaux, Nabors a commencé à acheter des plateaux à la société Lea-Der Coatings

 

[64]           Monsieur Wayne Anderson est un contremaître en soudage travaillant pour la société Nabors Drilling. À partir de 1980, M. Anderson travaillait sur une base contractuelle pour Nabors et pour d’autres entreprises de forage, mais il y a neuf ans, Nabors l’a embauché

 

[65]           Selon le témoignage de M. Anderson, il a fabriqué un plateau de confinement de fluides, vers 1980, pour la société Montgomery Drilling, sur son installation de forage numéro 49. Par la suite, il a continué à fabriquer des plateaux en tôle d’acier semblables, de diverses formes et tailles. Certains des dispositifs ne comportaient qu’un plateau, tandis que d’autres comprenaient deux demi-sections de plateau fendu qui étaient boulonnées. Certains modèles étaient conçus pour être intégrés dans une duse et certains autres, pour être soudés ou fixés à l’aide de colliers de serrage à la duse ou à un rebord de duse. Il a aussi fabriqué des plateaux inférieurs à partir desquels les fluides captés sont évacués dans des réservoirs de stockage. Monsieur Anderson décrit les méthodes de fixation des plateaux dans l’échange suivant :

[traduction]

Q.        Qu’est-ce qui assure le soutien des plateaux sur les... les plateaux que vous avez fabriqués, qu’est-ce qui les maintient en place sur un appareil de forage, sur une duse ou sur tout autre élément pertinent?

R.        Chaque personne avait sa méthode particulière. Certains s’assuraient de la présence d’une petite bride ou d’un petit rebord sur lesquels ils pouvaient les déposer, tandis que d’autres personnes les fixaient à l’aide de colliers de serrage sur l’anneau circulaire.

Q.        Et dans votre cas?

R.        J’ai utilisé différentes méthodes. C’est...

Q.        Pouvez-vous décrire ces méthodes?

R.        J’ai fixé des plateaux sur le dispositif annulaire à l’aide de colliers de serrage, j’en ai fabriqués qui reposaient sur la partie supérieure de la duse, j’en ai soudés certains sur la partie supérieure de la duse, et j’ai aussi fabriqué des bagues au haut de la duse afin d’y boulonner les plateaux ou de les fixer avec des colliers de serrage.

Q.        Comment pouvez-vous... que voulez-vous dire, quand vous affirmez que vous avez fabriqué des bagues? Qu’est-ce que vous... que voulez-vous dire?

R.        J’ai fabriqué des bagues sur... en fait, des bagues qui ont été soudées sur la duse et sur lesquelles... un plateau pouvait être fixé, de manière étanche, à l’aide de colliers de serrage.

Q.        Et vous affirmez que la bague est soudée directement sur la duse?

R.        Oui. [à la page 1439]

 

[66]           Selon le témoignage de M. Anderson, il a aussi employé diverses méthodes pour réunir des plateaux fendus en deux demi-sections, y compris l’utilisation de brides d’aboutement et de joints d’assemblage à rainure et languette étanchéisés avec un produit de silicone ou un quelconque autre matériau de garniture. Lorsqu’on a demandé à M. Anderson d’examiner les photographies d’un certain nombre de modèles de plateaux supérieurs fabriqués sur mesure, il a indiqué que ces modèles étaient semblables aux plateaux qu’il fabriquait déjà au début des années 1980. Il fabrique encore de tels plateaux pour Nabors, en utilisant de l’acier et de l’aluminium, et il connaît aussi d’autres entrepreneurs travaillant pour des entreprises de forage qui fabriquent leurs propres plateaux. Aucun élément de ce témoignage n’a été directement contesté lors du contre‑interrogatoire

 

[67]           Les éléments de témoignage susmentionnés établissent que les premiers dispositifs de confinement de fluides étaient habituellement fabriqués avec des tôles d’acier, mais que par la suite, on a commencé à utiliser l’aluminium à cette fin. Les plateaux étaient souvent composés de deux demi-sections qui étaient fixées en place en réunissant leurs bords d’aboutement et en les fixant de manière étanche avec un matériau d’étanchéité ou un produit de silicone. Les bords pouvaient être accouplés à l’aide d’un joint d’assemblage à rainure et languette ou en utilisant simplement des brides parallèles qui étaient étanchéisées et boulonnées. Dans le cas des dispositifs de plateaux supérieurs, les bagues du plateau pouvaient être insérées dans la duse, ce qui entraînait un effet tunnel, ou elles pouvaient être soudées ou boulonnées à la duse ou à une bride fixée à la partie supérieure de la duse.

 

[68]           Certains des premiers dispositifs présentent plusieurs caractéristiques communes avec le brevet 375, y compris l’utilisation de plateaux fendus qui sont fixés à la partie supérieure de la duse afin de capter efficacement les fluides de forage et d’assurer leur recirculation. Ces dispositifs utilisaient des plateaux de confinement de diverses formes et tailles. Les premiers plateaux supérieurs étaient fixés à la duse dans un assemblage essentiellement statique, mais en employant diverses méthodes de fixation. Une de ces méthodes consistait à simplement insérer les sections de la bague du plateau dans la cavité de la paroi interne de la duse. Cette géométrie particulière constituait en fait un entonnoir. Bien que ce modèle en entonnoir présentât un inconvénient, soit la modification possible des dimensions internes de la duse, il constituait tout de même un exemple d’emploi antérieur de plateau de confinement de fluides supérieur. Les autres méthodes de fixation comprenaient le soudage et le boulonnage de la bague du plateau, directement sur l’ouverture supérieure de la duse ou sur une bride horizontale soudée à la duse. Je conclus sans aucune hésitation que les dispositifs de plateaux de confinement supérieurs et inférieurs étaient bien connus dans l’art antérieur et des plateaux de confinement fabriqués sur mesure étaient largement utilisés dans l’industrie, et ce, au moins depuis le début des années 1980

 

[69]           Au moins un document d’art antérieur présenté par les défendeurs contient la description d’un joint d’étanchéité mobile utilisé dans une application semblable à celle du brevet 375. Le brevet Ward, délivré en 1981, comporte la description d’un type d’appareil ayant l’aspect d’un entonnoir, qui peut capter les fluides de forage qui s’écoulent vers le haut, à partir d’un puits. Les fluides qui se déverseraient en débordant par‑dessus l’ouverture supérieure du puits (ou la duse) sont captés par un membre tubulaire externe et redirigés vers un orifice d’évacuation qui mène au circuit de recirculation. Ce dispositif présente certains éléments semblables à ceux du plateau supérieur du brevet 375, le plus important étant le dispositif d’étanchéité télescopique qui permet un déplacement axial du membre tubulaire externe par rapport au tuyau interne qu’il entoure. Il existe toutefois au moins deux différences importantes. L’invention visée par le brevet Ward n’est pas conçue pour capter des fluides de forage qui sont déversés au‑dessus du plancher de l’appareil de forage et le dispositif d’étanchéité télescopique doit être gonflé pour fonctionner adéquatement.  

 

            Le brevet 375 – Interprétation

[70]           L'interprétation des revendications de brevet est la première étape dans tout procès en matière de brevets. Il incombe au tribunal d'interpréter les revendications en se plaçant du point de vue du lecteur versé dans l'art et d'identifier les éléments essentiels de l'invention. Il est nécessaire de départager ce qui est essentiel de ce qui ne l'est pas, parce que la contrefaçon peut être démontrée malgré l'omission ou la substitution de caractéristiques non essentielles. C'est la substance de l'invention qui importe (Free World Trust c Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 RCS 1024 [Free World Trust], et Western Electric Co. c Baldwin International Radio, [1934] RCS 570, aux paragraphes 57 à 59 (disponible sur CanLII)). 

 

[71]           Le libellé des revendications doit être interprété de manière téléologique et dans le but d'atteindre un résultat équitable tant pour le breveté que pour le public (Whirlpool Corporation c Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 RCS 1067, au paragraphe 49). Les mots employés dans les revendications doivent être examinés en fonction de l'ensemble du mémoire descriptif sans toutefois tenter d'élargir ou de rétrécir la portée du texte des revendications. En d'autres termes, un libellé limitatif doit l'emporter sur la description plus large de l'invention que l'on trouve dans le mémoire descriptif. Les mots doivent également être interprétés à la lumière des connaissances générales de l'observateur averti et bien informé. Ces principes ont été résumés dans l'arrêt Free World Trust, précité, au paragraphe 51 :

51     Cet aspect est plus particulièrement examiné dans les arrêts Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, 2000 CSC 67, et Whirlpool Corp. c. Maytag Corp., [2000] 2 R.C.S. 1116, 2000 CSC 68, rendus concurremment. L’interprétation des revendications avec le concours d’un destinataire versé dans l’art donne au breveté l’assurance que certains termes et concepts seront considérés par le tribunal à la lumière du témoignage d’un expert concernant leur sens technique. Les mots choisis par l’inventeur seront interprétés selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu leur donner et d’une manière qui est favorable à l’accomplissement de l’objet, exprès ou tacite, des revendications. Cependant, l’inventeur qui s’exprime mal ou qui crée par ailleurs une restriction inutile ou complexe ne peut s’en prendre qu’à lui‑même. Le public doit pouvoir s’en remettre aux termes employés à condition qu’ils soient interprétés de manière équitable et éclairée.

 

 

[72]           Les revendications du brevet 375 doivent être interprétées en date du 23 mai 1996, c'est‑à‑dire à la date de publication du brevet. Elles doivent être interprétées du point de vue de la personne moyennement versée dans le domaine.

 

[73]           Les parties s'entendent essentiellement sur les qualifications essentielles de la personne versée dans l'art. Il s'agit d'une personne qui possède une vaste expérience sur le terrain en matière de supervision et d'exploitation de plates-formes de forage ou encore d'un ingénieur possédant de l'expérience en exploitation ou en conception de plates-formes de forage. J'accepte la description de la personne fictive versée dans l'art proposée par M. Thicke au paragraphe 17 de son rapport (voir annexe E23) et je constate qu'elle ne diffère pas grandement de celle proposée par M. Wallace.

 

[74]           Les demandeurs allèguent que les défendeurs ont contrefait les deux revendications du brevet 375. La revendication numéro 1 porte sur une méthode de modification d’un appareil de forage existant au moyen d’une cuvette de collecte, dont la conception permet de capter des déversements de fluides de forage pouvant se produire à la tête du puits lors de son exploitation et d’assurer leur recirculation. La revendication numéro 2 porte sur le dispositif de confinement de fluides. Voici le libellé des revendications en question :

 

[traduction]

1.                  Méthode de modification d’appareils de forage existants au moyen d’une cuvette de collecte, selon les étapes indiquées ci-après :

 

            premièrement, en fournissant un corps en forme de cuvette qui comporte deux sections, chacune des deux sections comportant un rebord intérieur à rainure semi-circulaire et à bague semi-cylindrique correspondante, les bagues semi-cylindriques en question ayant des surfaces internes, des mécanismes de blocage étant fournis pour assurer la fixation en place des rebords intérieurs par aboutement de telle manière que les bagues semi-cylindriques s’accouplent pour former une bague cylindrique ayant une surface d’étanchéité interne cylindrique;

 

            deuxièmement, en fournissant un joint d’étanchéité annulaire;

 

            troisièmement, en assurant la fixation adéquate du joint d’étanchéité annulaire à une duse de fond à clapet située au-dessous d’une plateforme de forage;

 

            quatrièmement, en positionnant les rainures semi‑circulaires et les bagues semi-cylindriques correspondantes sur les côtés opposés de la duse, la surface d’étanchéité interne cylindrique de la bague cylindrique s’y engageant et pouvant avoir un mouvement télescopique, par rapport au joint d’étanchéité annulaire, et en utilisant les mécanismes de blocage pour assurer la fixation en place des rebords intérieurs par aboutement, de telle manière que le fluide de forage provenant de la plateforme de forage soit capté dans le corps en forme de cuvette et dirigé dans la duse, et, à mesure que la mise en place adéquate de la plateforme s’effectue, le déplacement de ladite plateforme est facilité par le mouvement de la surface d’étanchéité interne cylindrique de la bague cylindrique, par rapport au joint d’étanchéité annulaire.

 

2.                  Une cuvette de collecte pour appareils de forage comprenant les éléments suivants :

 

            un corps peu profond en forme de cuvette qui comporte deux sections, chacune des deux sections comportant un rebord intérieur à rainure semi-circulaire et à bague semi-cylindrique correspondante, de telle manière que les rebords intérieurs des sections réunies par aboutement forment une ouverture généralement circulaire présentant une bague cylindrique correspondante, ladite bague cylindrique ayant une surface d’étanchéité interne cylindrique;

 

            des mécanismes de blocage assurant la fixation en place des rebords intérieurs par aboutement;

 

            un joint d’étanchéité annulaire comprenant une section de fixation interne et une section d’essuyage externe, la section de fixation étant adaptée afin d’assurer la fixation à une bride de duse et la section d’essuyage assurant l’enclenchement de la surface d’étanchéité interne, la surface d’étanchéité interne cylindrique de la bague cylindrique pouvant avoir un mouvement télescopique, par rapport au joint d’étanchéité annulaire, ce qui permet le déplacement du corps en forme de cuvette par rapport à la duse lorsqu’une force est exercée vers le bas sur le corps en forme de cuvette, à la suite de la mise en place adéquate de la plateforme de forage.

 

 

[75]           D’après les témoignages de leurs témoins experts, les parties ne s'entendent pas sur la signification et l'importance de plusieurs des termes employés dans les revendications. Pour les motifs qui suivent, j'estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner chacun des points de divergence en ce qui concerne l'interprétation, étant donné qu'il y a une caractéristique du brevet 375 au sujet duquel les témoins s'entendent et qu'ils jugent essentielle et qui est reconnue comme étant déterminante.

 

[76]           Nul ne conteste le fait que le concept inventif intrinsèque du brevet 375 porte sur la capacité du plateau supérieur de se déplacer selon un mouvement télescopique, par rapport à un joint d’étanchéité annulaire fixe (voir les témoignages de M. Wallace, à la page 420, et de M. Thicke, à la page 1543). Les deux revendications du brevet 375 ont trait à la capacité qu’a le plateau de confinement de s’ajuster automatiquement sans compromettre l’intégrité du joint d’étanchéité formé entre le plateau et la bride de la duse. L’expression « mouvement télescopique » est utilisée pour décrire la capacité du plateau de se déplacer selon un mouvement axial, et ce, entre les valeurs limites des dimensions réelles ou de celles de blocage de la surface d’étanchéité de la bague du plateau. Il est à tout le moins implicite, dans les revendications, que la notion de joint d’étanchéité suppose un agencement des pièces qui prévient toute fuite (voir à ce sujet les témoignages de M. Seale, à la page 1325, de M. Thicke, à la page 1574, et de M. Wallace, à la page 400). De fait, le brevet 375 contient la description particulière d’un agencement de pièces qui forment un joint d’étanchéité et qui comprennent une bride fixée à la duse, avec un anneau de réception dans lequel loge une rondelle de joint. L’ensemble est appuyé sur la rainure interne de réception de la bague du plateau et est conçu pour glisser à l’intérieur des valeurs limites établies des dimensions de la bague. Le libellé des revendications du brevet ne laisse pas entendre que leur portée englobe tous les agencements d’étanchéité mobiles disponibles pour cette application particulière et il n’est pas permis aux demandeurs de proposer une interprétation élargie basée sur l’« esprit de l’invention » (Free World Trust, précité, au paragraphe 31). L’expression « mouvement télescopique » est utilisée pour décrire la capacité du plateau de se déplacer selon un mouvement axial prévu et commandé, et ce, entre les valeurs limites des dimensions réelles ou de celles de blocage de la surface d’étanchéité de la bague du plateau. L’expression n’englobe pas la notion d’un quelconque mouvement minimal non expliqué du plateau qui a lieu au début du processus de défaillance du produit. En outre, en ayant choisi un moyen particulier qui permet de tirer avantage du mouvement du plateau et de distinguer ainsi l’invention de l’art antérieur, il n’est pas permis aux demandeurs d’accroître la portée des revendications en question afin de s’assurer un monopole sur tout produit qui permettrait d’obtenir le même résultat (Free World Trust, précité, aux paragraphes 32 et 73). 

 

[77]           Les demandeurs ont fait valoir que le brevet 375 comporte, entre autres éléments essentiels additionnels, la capacité de rediriger les fluides de forage dans la duse. Cette caractéristique est toutefois très courante dans le cas des plateaux de confinement supérieurs ayant fait l’objet d’emplois antérieurs. On pourrait dire que seule la présence du joint d’étanchéité télescopique décrit peut être considérée comme inventive et permet de distinguer les revendications du brevet 375 des produits largement utilisés depuis très longtemps.

 

[78]           Les questions qu’il nous reste à trancher en ce qui concerne cette importante caractéristique du brevet 375 sont les suivantes : la caractéristique était-elle antériorisée par l’art antérieur ou un emploi antérieur, aurait-elle été évidente pour une personne versée dans l'art et, dans l'hypothèse où les revendications sont valides, les plateaux supérieurs produits par les défendeurs créent-ils une contrefaçon du fait qu'ils intègrent un dispositif d'étanchéité télescopique?

 

            Validité – Principes généraux

[79]           Une des décisions de principe en matière d'antériorité est l'arrêt Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 RCS 265. Dans cet arrêt, la Cour énonce les deux questions essentielles auxquelles il faut répondre :

a)         L'objet de l'invention a‑t‑il été rendu public en totalité dans une même divulgation?

b)         À supposer que la divulgation ait été claire, aurait‑elle permis la réalisation de l'invention?

La Cour a précisé davantage ces questions aux paragraphes 25 et 27 :

25     … En ce qui concerne la divulgation, la personne versée dans l’art [traduction] « est censée tenter de comprendre ce que l’auteur de la description [dans le brevet antérieur] a voulu dire » (par. 32). À cette étape, les essais successifs sont exclus. La personne versée dans l’art se contente de lire le brevet antérieur pour en comprendre la teneur.

 

[…]

 

27     Dès lors que l’objet de l’invention est divulgué dans un brevet antérieur, on suppose que la personne versée dans l’art est disposée à procéder par essais successifs pour arriver à l’invention. Bien que de tels essais soient exclus à l’étape de la divulgation, ils ne le sont pas pour les besoins du caractère réalisable, car la question n’est plus de savoir si la personne versée dans l’art saisit la teneur de la divulgation du brevet antérieur, mais bien si elle est en mesure de réaliser l’invention.

 

 

[80]           Essentiellement, par antériorité, il faut comprendre que, dès lors qu'une invention a déjà été décrite publiquement, elle ne peut par la suite faire l'objet d'un monopole.

 

[81]           L'arrêt Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., précité, aborde également le critère de l'évidence et discute de l'approche à suivre au paragraphe 67 :

[…]

 

(1)       a)  Identifier la « personne versée dans l’art ».

 

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2)      Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3)      Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

 

 

(4)      Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité? 

 

 

[82]           Par évidence, on veut dire que, lorsque l'invention revendiquée n'était pas déjà connue, elle ne peut faire l'objet d'un monopole parce que la personne versée dans l'art n'aurait pas pu l'obtenir en se fondant sur l'antériorité ou sur un emploi antérieur. On trouve dans la décision rendue par le juge Roger Hughes dans l'affaire Janssen-Ortho Inc. c Novopharm Ltd., 2006 CF 1234, [2006] ACF 1535, aux paragraphes 109 à 113, un résumé très utile des principes à appliquer lorsqu'il s'agit d'analyser la question de l'évidence. Je suis particulièrement conscient de l'admonition souvent répétée que l'on ne peut recourir à une évaluation a posteriori pour faciliter l'évaluation de l'évidence.

 

            Brevet 375 – Validité

[83]           Je suis convaincu que l’antériorité et l’évidence ne rendent pas le brevet 375 invalide. Il vaut la peine de signaler que M. Thicke a reconnu qu'il n'avait pu trouver aucune antériorité ou utilisation antérieure pertinente. 

 

[84]           Bien que l’invention revendiquée reproduise intégralement de nombreuses caractéristiques qui étaient soit connues dans le domaine soit employées antérieurement, on ne peut en dire autant en ce qui a trait à l’intégration de son mécanisme d’étanchéité télescopique particulier. J’accepte le fait que le brevet Ward intègre un joint d’étanchéité télescopique dans une application semblable, mais le dispositif d’étanchéité utilisé par Ward est plus complexe et il doit être gonflé pour fonctionner adéquatement. Le joint d’étanchéité dont la description se trouve dans le brevet 375 est simple et, d’après ma compréhension des pièces et des témoignages pertinents, il est exclusif à cette application particulière. Je ne crois pas qu’une personne versée dans l’art, en se basant sur l’art antérieur, aurait été encline à utiliser le joint d’étanchéité télescopique, tel que décrit dans le brevet 375, de concert avec un plateau de confinement de fluides. Avant la publication du brevet 375, les plateaux de ce type étaient conçus et fabriqués pour être fixés de manière statique à une duse. Bien que des joints d’étanchéité télescopiques aient été mentionnés dans l’art antérieur, ces connaissances portaient sur des applications différentes ou alors sur des joints d’étanchéité d’un modèle plus complexe. On ne s’attendrait pas à ce qu’une personne versée dans l’art élargisse la portée de ses recherches au‑delà des antériorités qui étaient pertinentes pour le problème visé par le brevet en cause, et certainement pas pour l’étude de solutions établies en dehors du domaine (Wentzel Downhole Tools Ltd. c National-Oilwell Canada Ltd., 2011 CF 1323, [2011] ACF n° 1700, au paragraphe 160, conf. par 2012 CAF 333, [2012] ACF n° 1654).  

 

[85]           Compte tenu du dossier qui m'a été soumis, la défenderesse 1284897 Alberta Ltd. n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet 375 était invalide. 

 

            Les plateaux supérieurs des défendeurs constituent-ils une contrefaçon du brevet 375?

[86]           Les dispositifs de confinement supérieurs des défendeurs présentent plusieurs aspects assez semblables à ceux des caractéristiques décrites dans le brevet 375. Tous les plateaux sont montés en section sur la partie supérieure de la duse d’un appareil de forage qui fonctionne. Ils permettent tous de capter les fluides de forage dont l’écoulement est dirigé à travers le plancher du puits, et de les rediriger dans la duse, ce qui facilite leur recirculation. Tous les plateaux sont fixés en place sur la duse en employant une bague du plateau et une bride soudée de manière permanente à la duse.

 

[87]           Il existe toutefois d’importantes différences entre les dispositifs de confinement supérieurs des défendeurs et le dispositif de confinement du brevet 375. La plus importante est que la conception du plateau supérieur du brevet 375 en fait un mécanisme à autoréglage partiel. Si, durant la mise en place adéquate du plancher de l’appareil de forage, celui-ci repose sur la partie supérieure du plateau, ce dernier se déplacera vers le bas sans compromettre l’intégrité du joint d’étanchéité. C’est ce genre de conception qui permet à la bague du plateau qui descend d’avoir un mouvement télescopique par rapport au joint d’étanchéité qui est fixé au rebord de la duse. L’avantage que présente cette caractéristique est, en principe, que le plateau ne subirait pas une défaillance mécanique immédiate si le plancher de l’appareil de forage commence à exercer une pression sur lui. Elle offre ainsi à l’opérateur de l’appareil l’occasion de réajuster ou de remettre à niveau l’appareil afin de rétablir l’équilibre avant que le plateau de confinement ne soit endommagé.

 

[88]           La solution particulière découlant du brevet 375 exige le maintien, en tout temps, d’un joint étanche aux liquides entre la bague du plateau qui descend et le rebord de la duse. Le joint d’étanchéité est obtenu à l’aide d’une rondelle de joint flexible ou d’un dispositif d’étanchéité en caoutchouc solidement fixés en place dans une rainure du rebord de la duse. Comme la bague du plateau qui descend est plus profonde que la profondeur de la paroi de la bride d’étanchéité, le plateau peut se déplacer vers le haut ou le bas par rapport au joint d’étanchéité. Son mouvement est restreint par des butées horizontales placées au haut et au bas de la rainure de la bague du plateau, mais la structure permet quand même au plateau de bouger de quelques pouces.

 

[89]           La méthode qu’utilise le dispositif Stealth pour fixer le plateau supérieur à une duse comporte l’emploi simultané d’un joint d’étanchéité souple, une bague de plateau et une bride soudée à la duse. Le joint d’étanchéité souple comporte une étroite rainure intégrée. La garniture du joint d’étanchéité est enroulée autour de la bride de la duse, le bord d’attaque de cette dernière étant inséré dans la rainure du joint. Les deux parties du plateau de confinement sont ensuite réunies autour de la bride de la duse et elles sont étanchéisées. Les dimensions du joint d’étanchéité annulaire permettent de l’insérer parfaitement dans la rainure interne de réception de la bague du plateau. Dans ce dispositif, il y a accouplement efficace du plateau à la bride de la duse, ce qui implique que le plateau ne se déplace que très légèrement si l’appareil de forage repose sur celui-ci lors de sa mise en place. Selon le témoignage de M. Kenworthy, si le poids de tout l’appareil de forage exerçait une force sur le plateau, cela provoquerait la rupture du dispositif. C’est aussi l’avis de M. Thicke, selon son témoignage. Suite à ma propre évaluation des produits des défendeurs, j’ajoute foi à ce témoignage et je rejette celui de M. Wallace, dans la mesure où il a prétendu le contraire.

 

[90]           La méthode de fixation du plateau supérieur Stealth à la duse ressemble beaucoup plus, de par sa conception même, à celles de certains des exemples d’emploi antérieur décrits par les représentants de l’industrie qui ont témoigné et à l’art antérieur, plutôt qu’à la méthode décrite dans le brevet 375. Selon ces éléments d’emploi antérieur, il était courant de fixer des plateaux de confinement supérieurs au sommet d’une duse en utilisant une bague à ajustement serré (à friction) étanchéisée qui, selon l’étanchéité obtenue, pourrait aussi, théoriquement, se déplacer. Le brevet Schuyler contient aussi la description de cette même méthode. La portée des revendications du brevet 375 n’engloberait pas ces agencements particuliers, car ils n’intègrent pas un dispositif d’étanchéité télescopique de quelque nature que ce soit, et encore moins un agencement de composants décrit dans le brevet 375. 

 

[91]           La méthode utilisée pour fixer les deux demi-sections du plateau supérieur Rat Plastic à la duse diffère aussi grandement de la méthode décrite dans le brevet 375. Le dispositif de la société Rat Plastic ne comporte pas un joint d’étanchéité entre le bord d’attaque de la bague du plateau et la bague de réception de la bride de la duse. Le bord inférieur de chaque demi‑section de la bague du plateau s’insère plutôt en descendant, dans la rainure d’une bague de réception de la duse et y reste sans bouger. Les deux demi-plateaux sont alors solidement fixés l’un à l’autre à l’aide de courroies ajustables. Dans le cas de cet agencement particulier, il n’est pas nécessaire d’obtenir un joint étanche aux liquides entre la bague du plateau et la bague du rebord, car tout fluide piégé dans le plateau est redirigé directement dans la duse, par un effet d’entonnoir, en passant par les orifices d’évacuation de la paroi interne de la bague du rebord. Par conséquent, le plateau de confinement supérieur Rat Plastic n’est pas conçu pour présenter l’avantage du mouvement télescopique décrit dans le brevet 375, et en outre, il n’intègre pas un dispositif d’étanchéité entre le plateau et la bride de la duse.

 

[92]           Les demandeurs soutiennent que les deux plateaux de confinement supérieurs des défendeurs peuvent être utilisés de telle manière qu’ils permettent un quelconque mouvement vers le bas et, conséquemment, qu’ils contrefont effectivement la caractéristique télescopique du brevet 375.

 

[93]           Selon le témoignage de M. Wallace, un certain mouvement vers le bas est possible si le joint formé avec le plateau supérieur Stealth est comprimé, sous la force du poids du plancher de l’appareil de forage, lors de sa mise en place. Bien que j’accepte la possibilité que le joint d’étanchéité formé avec le dispositif Stealth subisse une certaine compression, le déplacement devrait être inférieur à un pouce avant que l’intégrité de la bague du plateau ne soit compromise par la bride sous-jacente de la duse, ce qui provoquerait la défaillance du plateau ou la rupture du joint d’étanchéité. Le dispositif de plateau supérieur Stealth n’a sûrement pas été conçu pour constituer un mécanisme télescopique ou pouvant se déplacer. Sa conception implique plutôt qu’il doit être solidement fixé à la duse, et ce produit ne tente en aucun cas de reproduire ou d’imiter le joint d’étanchéité télescopique décrit dans les revendications du brevet 375.

 

[94]           Bien que le site Web de la société Lea‑Der Coatings fournisse la description d’un avantage du dispositif de plateau supérieur Stealth, à savoir « (...) que tout déplacement de l’appareil de forage ne compromet pas [l’intégrité du joint] (...) », cet énoncé n’indique pas que l’avantage revendiqué est attribuable à un quelconque mouvement télescopique, et en outre, aucune caractéristique de cette nature n’est décrite dans les autres sections du matériel promotionnel. Il me semble plus probable que cet avantage revendiqué, tel qu’énoncé, a trait à la capacité du plateau ou du dispositif d’étanchéité de fléchir, jusqu’à un certain point au-delà duquel la défaillance du dispositif se produit.

 

[95]           Les demandeurs soutiennent que le plateau supérieur Rat Plastic peut aussi être mis en place afin de permettre un certain mouvement vers le bas. Ce résultat pourrait supposément être obtenu en réglant la bague descendante du plateau dans une position levée, au sein de la bague du rebord. Toute pression exercée vers le bas sur le plateau pousserait ainsi la bague du plateau plus profondément dans la bague du rebord, du moins jusqu’à ce que le fond du plateau ou sa bague du plateau ne repose fermement sur le rebord.

 

[96]           Les demandeurs basent leur interprétation sur des photographies qui semblent illustrer un écart entre la surface inférieure d’un plateau supérieur Rat Plastic et le bord supérieur de la bague du rebord. Selon leur interprétation, les photographies illustrent des installations pour lesquelles le plateau n’a pas atteint la position la plus basse et ne repose pas entièrement sur la partie supérieure du rebord.

 

[97]           Le problème, en ce qui a trait à ces photographies, est le fait que les installations en question forment un ensemble irrégulier ou qu’elles ne permettent d’établir clairement que le plateau ne repose pas sur le rebord. Selon les témoignages de M. Seale et de M. Thicke, le plateau Rat Plastic est conçu pour être appuyé sur le rebord et il ne comprend aucune caractéristique de conception qui permet de le maintenir dans une position levée ou suspendue et stationnaire. Selon ces témoignages et ma propre évaluation du dispositif de Rat Plastic, la géométrie du plateau et du rebord de réception ne permet pas de les assembler et de les serrer fermement. C’est plutôt le plateau qui descend, sous son propre poids, jusqu’à ce qu’il repose, comme prévu, sur le rebord de soutien. Une des photos, qui illustre la bague du plateau partiellement exposée, au‑dessus du bord supérieur de la bague du rebord, peut être expliquée par le fait que le fond de la bague du plateau repose sur le fond de la bague du rebord. Ce point de contact possible n’est alors pas visible.

 

[98]           Les demandeurs soutiennent aussi que la méthode particulière consistant à fixer le plateau supérieur Rat Plastic à la bague de réception du rebord de la duse devrait permettre de former un quelconque joint d’étanchéité annulaire, un concept qui est visé par cette référence dans les revendications du brevet 375. Monsieur Wallace a affirmé lors de son témoignage qu’un joint d’étanchéité peut être formé en serrant adéquatement la bague du plateau en plastique, ce qui la ferait adhérer à une des parois verticales de la bague du rebord et assurerait l’étanchéité du joint formé. Lors de son contre-interrogatoire, particulièrement au sujet de cet élément, il a admis qu’un tel ajustement serré (à friction) ne constitue pas un processus d’étanchéisation efficace ou souhaitable, et que la conception du produit de Rat Plastic ne comprend pas la formation d’un joint annulaire (voir à la page 534). 

 

[99]           L’affirmation de M. Wallace, lors de son témoignage, selon laquelle le plateau supérieur Rat Plastic peut être utilisé de manière à constituer une contrefaçon, est très discutable. La méthode de fixation du produit de Rat Plastic ne nécessite aucun joint d’étanchéité, car elle repose sur l’effet d’entonnoir du dispositif. Ce que les demandeurs et M. Wallace ont essayé d’illustrer n’est pas la formation d’un joint d’étanchéité réel entre le plateau supérieur et la duse, mais plutôt un moyen de positionner le plateau permettant à ce dernier de se déplacer vers le bas. Je ne crois pas qu’un tel montage à ajustement serré (à friction) constituerait un joint d’étanchéité télescopique, comme le laisse entendre M. Wallace. Les témoignages de M. Thicke et de M. Seale étaient convaincants sur ce point. J’accepte particulièrement le fait, établi par M. Thicke lors de son contre-interrogatoire (voir aux pages 1682 et 1683), que personne ne tenterait d’utiliser les plateaux supérieurs des défendeurs de la manière que semble indiquer M. Wallace lors de son témoignage, afin de conférer au dispositif une quelconque capacité de mouvement, car ladite manière est très peu fiable : 

[traduction]

Q.        Et nous pouvons maintenant passer à l’élément suivant, soit « (...) qu’il n’y a pas de dispositif d’étanchéité annulaire ou de surfaces d’étanchéité ». Nous avons déjà discuté du sujet, mais je ne crois pas que vous possédiez toute l’information pertinente. Le prochain élément est celui selon lequel « (...) les deux plateaux de Rat Plastic reposent sur une bague et ne peuvent se déplacer dans une direction axiale si une force est exercée vers le bas ». Là encore, je... je crois que je dois vous... vous demander d’examiner une ou des situations hypothétiques. Si le plateau Rat Plastic repose dans la partie supérieure de la bague, avec un ajustement à friction, en supposant qu’une force s’exerce dans une direction axiale et que la mise en place de l’appareil de forage est uniforme, selon les besoins prévus qui vous semblent pertinents, il pourrait y avoir une pression qui s’exerce vers le bas sur l’ensemble, sur une certaine distance à l’intérieur de la bague, et la force de frottement, quelle que soit son importance, pourrait être entièrement compensée, et ce, que la force ait été obtenue à l’aide de tendeurs à vis ou de la bride extérieure, n’est-ce pas?

 

R.        Ou alors, le plateau serait endommagé ou une foule d’autres choses pourraient se produire.

 

Q.        Bien. Est-ce que mon hypothèse est possible?

 

R.        Si votre hypothèse est possible? Elle constitue une des nombreuses situations pouvant possiblement se produire.

 

Q.        Bien.

 

R.        Et les concepteurs et, par exemple, les ingénieurs et les gens de métier, ne voudraient jamais se fier au phénomène de friction, car il compte parmi les moins fiables de ceux-ci. Les forces de ce type nuisent à la bonne marche des procédés, quelle que soit l’approche adoptée. Oui, ce que vous laissez entendre est possible. Mais vous ne pouvez pas assurer l’efficacité de toute production en série à ce chapitre ‑ soit en se basant sur la friction, car il est impossible de garantir une bonne répétabilité des conditions, d’un... d’un cas à l’autre. Conséquemment, personne n’essaierait vraiment de fonctionner ainsi.

 

 

[100]       Selon le témoignage de M. Seale et celui de M. Thicke, aucun des deux plateaux de confinement supérieurs des défendeurs n’est conçu pour se déplacer avec un mouvement télescopique. Le plateau supérieur Rat Plastic repose simplement au fond d’une rainure, sur la paroi intérieure de la bride de la duse et aucun joint d’étanchéité n’est nécessaire pour assurer l’écoulement efficace du fluide, comme dans un entonnoir, du plateau de confinement vers la duse. Monsieur Thicke exclut la suggestion de M. Wallace, selon qui un joint d’étanchéité pourrait être formé en calant solidement la bague du plateau Rat Plastic sur l’un des bords de l’anneau de guidage du rebord de la duse. J’ajoute foi à l’affirmation de M. Thicke, selon qui un joint d’étanchéité de ce type est inutile, étant donné la conception particulière du dispositif de Rat Plastic, et qu’une telle approche n’entraînerait en aucun cas un avantage pratique. En résumé, le brevet 375 exige qu’un joint étanche aux liquides soit formé au point de contact entre la bague du plateau et le rebord de la duse, tandis qu’un tel joint n’est pas nécessaire dans le cas du dispositif de Rat Plastic. Bien que plateau supérieur Stealth comporte la formation d’un joint d’étanchéité entre la bague du plateau et la duse, le raccordement est fixe et non télescopique. 

 

[101]       Je rejette le témoignage de M. Wallace qui affirme le contraire. Lors de son témoignage, il s’est souvent exprimé en termes équivoques pour établir les comparaisons nécessaires, en utilisant certaines expressions, les suivantes par exemple :[traduction] « Je crois qu’il est possible que le dispositif [Stealth] puisse se déplacer (...) » (voir à la page 423); « Je soupçonne que (...) » (voir à la page 435); « (...) il semble que (...) » (voir à la page 437); « (...) ce qui laisse croire que (...) » (voir à la page 436); « je suppose que (...) » (voir à la page 435), « (...) mon instinct (...) » (voir à la page 438), « (...) c’est une affaire de degrés (...) » (voir à la page 439) et « (...) ce n’est pas une conception distincte de joint racleur (...) » (voir à la page 444). Le témoignage de M. Wallace n’était pas convaincant : il manquait de conviction. 

 

[102]       Selon leur interprétation des revendications du brevet 375, les demandeurs revendiquent un monopole sur les méthodes de fixation de plateaux de confinement supérieurs à des duses, qui ne comportent pas un quelconque dispositif d’étanchéité télescopique et qui ressemblent étroitement, ou peuvent même être identiques, aux méthodes de fixation déjà brevetées ou employées. La portée du monopole revendiqué engloberait les dispositifs de fixation qui sont conçus pour être maintenus en place et qui ne se déplacent, essentiellement, que de manière aléatoire s’ils sont installés inadéquatement. Il est aussi intéressant de noter que, malgré les efforts déployés par les demandeurs pour fournir aux témoins un ou des exemples de la manière dont les dispositifs des défendeurs pourraient être modifiés afin de reproduire approximativement la caractéristique télescopique du brevet 375, aucun élément de preuve émanant de tiers n’a été fourni qui aurait permis de croire que ladite caractéristique permet réellement aux opérateurs d’appareil de forage de résoudre un problème pratique de fonctionnement. Il me semble que si cette caractéristique permettait à l’industrie de résoudre un problème pratique, l’incapacité des défendeurs de la reproduire les priverait d’un certain avantage matériel. Je me serais aussi attendu à ce qu’un témoin autre que M. Holtby puisse expliquer clairement comment la capacité du joint d’étanchéité télescopique décrit dans le brevet 375 de se déplacer sur une distance pouvant atteindre environ quatre pouces constitue un élément de fonctionnement pratique et, conséquemment, un avantage commercial[1]. À moins que la caractéristique télescopique ne permette de résoudre un problème pratique de fonctionnement, les défendeurs ou les opérateurs d’appareil de forage n’auraient aucune raison de régler le problème en installant les dispositifs des défendeurs d’une manière inhabituelle.

 

[103]       Le brevet 375 revendique, parmi les composantes essentielles de l’invention, un nouveau joint d’étanchéité télescopique qui permet vraisemblablement de régler un problème lié à la mise en place de l’appareil de forage. Dans la mesure où le problème en est un que l’industrie de forage cherche à résoudre, le dispositif du brevet 375 serait alors considéré comme supérieur aux systèmes de confinement de fluides des défendeurs. Mais puisque les demandeurs ont réclamé la protection conférée par un brevet pour l’innovation en question, comme caractéristique essentielle du brevet 375, ils ne peuvent ensuite prétendre que la vente de produits qui ne comportent pas ladite caractéristique constitue une contrefaçon (voir Free World Trust, précité, aux paragraphes 31 et 32).

 

[104]       Je suis convaincu que les dispositifs des défendeurs, qui servent à fixer leurs plateaux supérieurs à la duse d’un appareil de forage, diffèrent assez de la conception beaucoup plus perfectionnée du brevet 375 pour ne pas constituer une contrefaçon de la revendication 1 ou de la revendication 2.

 

            Brevet 064 - Interprétation

[105]       Le brevet 064 contient la description générale d’un plateau de confinement peu profond pouvant se séparer en deux sections, qui est fixé à un tuyau situé au centre d’un puits de pétrole. Les bords d’attaque des deux sections de plateau peuvent s’accoupler et former une cavité de confinement, laquelle est mieux délimitée par les parois verticales d’une bague arquée située au centre du plateau. La bague constitue le moyen de fixation du plateau à l’arbre de Noël d’un puits de pétrole complété. Le plateau comporte au moins une ouverture d’évacuation. Dans la divulgation du brevet, seul l’ancien brevet 265 de Holtby est mentionné et on y indique que la présente invention constitue une amélioration en matière d’installation simplifiée. Voici l’énoncé des revendications du brevet :

[traduction]

1.         Un appareil de confinement de fuites de puits de pétrole, pour un puits de pétrole complété, comprenant :

 

un corps peu profond, en forme de plateau, qui comporte au moins deux sections, chacune des deux sections (ou plus) présentant un bord qui ne constitue pas un bord d’accouplement et un bord d’accouplement, le bord qui ne constitue pas un bord d’accouplement possédant une paroi de confinement verticale, lorsque les deux sections (ou plus) sont accouplées pour former le corps susmentionné, la paroi de confinement verticale se prolonge autour d’un rebord périphérique du corps et délimite une cavité de confinement de liquides, le bord d’accouplement s’accouple à une autre des deux sections (ou plus), chacun des bords d’accouplement possédant une portion arquée, lors de l’accouplement des deux sections (ou plus) afin de former le corps susmentionné, les portions arquées forment une bague circulaire adaptée qui doit être positionnée autour d’un arbre de Noël;

 

au moins une des deux sections possédant une ouverture d’évacuation;

 

des anneaux d’accouplement servant à fixer ensemble, en les serrant, les bords d’accouplement.

 

2.         L’appareil, tel que défini à la revendication 1, pour lequel les anneaux d’accouplement situés dans la cavité de confinement de liquides comprennent :

 

une première partie d’au moins un anneau d’accouplement à raccord rapide en deux morceaux, le long du bord d’accouplement d’une des deux sections (ou plus);

 

une seconde partie d’au moins un anneau d’accouplement à raccord rapide en deux morceaux, le long du bord d’accouplement de l’autre section (de deux sections ou plus), de telle manière que l’accouplement de la première partie et de la seconde partie fixe solidement les deux sections (ou plus) pour former le corps.

 

3.         L’appareil, tel que défini à la revendication 1, pour lequel le bord d’accouplement d’une des deux sections (ou plus) présente une languette saillante et le bord d’accouplement de l’autre section (de deux sections ou plus) présente une rainure de réception où peut se loger la languette susmentionnée.

 

4.         L’appareil, tel que défini à la revendication 3, pour lequel un dispositif d’étanchéité se trouve dans la rainure de réception de la languette.

 

5.         L’appareil, tel que défini à la revendication 1, pour lequel au moins un plateau de piégeage de liquides se trouve au‑dessous de l’ouverture d’évacuation.

 

6.         L’appareil, tel que défini à la revendication 1, pour lequel la plupart des plateaux de piégeage de liquides communicants sont situés au‑dessous de l’ouverture d’évacuation, les limites des plateaux de piégeage en question se prolongeant au‑delà du bord périphérique du corps.

 

7.         L’appareil, tel que défini à la revendication 1, pour lequel un dispositif d’étanchéité se trouve sur la portion arquée des deux sections (ou plus).

 

8.         L’appareil, tel que défini à la revendication 1, pour lequel chacune des deux portions arquées présente un rebord saillant; lors de l’accouplement des deux sections (ou plus) pour former le corps, les rebords saillants forment un cylindre dont les caractéristiques dépendent de celles de la bague circulaire.

 

9.         Un appareil de confinement de fuites de puits de pétrole, pour un puits de pétrole complété, comprenant une combinaison des éléments suivants :

 

un assemblage de composants formant un arbre de Noël fixé solidement à une tête de puits :

 

un corps qui comporte au moins deux sections, chacune des deux sections (ou plus) présentant un bord qui ne constitue pas un bord d’accouplement et un bord d’accouplement, le bord qui ne constitue pas un bord d’accouplement possédant une paroi de confinement verticale, lorsque les deux sections (ou plus) sont accouplées pour former le corps susmentionné, la paroi de confinement verticale se prolonge autour d’un rebord périphérique du corps et délimite une cavité de confinement de liquides, le bord d’accouplement s’accouple à une autre des deux sections (ou plus), chacun des bords d’accouplement possédant une portion arquée, lors de l’accouplement des deux sections (ou plus) afin de former le corps susmentionné, les portions arquées forment une bague circulaire autour de l’arbre de Noël;

 

des anneaux d’accouplement servant à fixer ensemble, en les serrant, les bords d’accouplement;

 

le bord d’accouplement d’une des deux sections (ou plus), qui présente une languette saillante, et le bord d’accouplement de l’autre section (de deux sections ou plus), qui présente une rainure de réception où peut se loger la languette, avec un dispositif d’étanchéité qui se trouve dans la rainure de réception de la languette;

 

au moins une des sections qui forment la cavité de confinement de liquides, présentant une ouverture d’évacuation.

 

10.       L’appareil, tel que défini à la revendication 9, pour lequel la plupart des plateaux de piégeage de liquides communicants sont situés au‑dessous d’au moins une ouverture d’évacuation, les limites des plateaux de piégeage en question se prolongeant au‑delà du bord périphérique du corps.

 

 

[106]       Aux fins de la présente analyse, il est suffisant de simplement tenir compte du sens et de la portée des revendications 1 et 9 du brevet 064, car toutes les revendications restantes constituent des revendications dépendantes. 

 

[107]       Les demandeurs soutiennent que, malgré la description, dans le brevet 064, d’un plateau qui forme [traduction] « une cavité de confinement de liquides » pouvant être vidée au moyen d’ « au moins une […] ouverture d’évacuation », les revendications 1 et 9 devraient recevoir une interprétation large de manière à englober un modèle qui intègre deux plateaux autonomes qui ne forment pas un joint d’étanchéité lors de la réunion de leurs bords d’aboutement et dont l’évacuation est assurée par des dispositifs distincts. [Non souligné dans l’original.]

 

[108]       Monsieur Wallace, qui est d’accord avec l’interprétation élargie des revendications 1 et 9 qu’en font les demandeurs, a indiqué que, selon lui, elles englobent toute structure de plateau inférieur dissociable qui constitue un équivalent fonctionnel du modèle du brevet 064. Il a aussi affirmé que les expressions [traduction] « bords d’accouplement » et « bords qui ne constituent pas un bord d’accouplement » utilisées dans les revendications en question englobent des méthodes qui intègrent deux plateaux indépendants qui sont aboutés sans toutefois créer un joint d’étanchéité. 

 

[109]       Je ne souscris pas à l’interprétation que fait M. Wallace du texte des revendications. Bien que j’accepte le fait que la revendication 1 du brevet 064 n’englobe pas l’utilisation d’un mécanisme d’assemblage à rainure et languette, aux bords d’accouplement du plateau de confinement de liquides, une personne versée dans l’art comprendrait que le joint formé doit être étanche aux liquides. Un tel joint ne pourrait en aucun cas être obtenu par le simple aboutement de deux bords. Cette interprétation concorde avec l’emploi du terme [traduction] « accouplement » qui, dans le domaine de la mécanique, signifie que des pièces sont étroitement ajustées de manière adéquate. En matière de confinement de liquides, un tel ajustement (« étroit et adéquat ») correspond à un joint parfaitement étanche (qui prévient toute fuite) ou, selon le libellé des revendications 1 et 9, à la formation [traduction] « d’une cavité de confinement de liquides ». La manière dont le joint d’assemblage est formé et rendu étanche ne constitue pas une caractéristique essentielle de la revendication 1.

 

[110]       Les revendications 1 et 9 du brevet 064 contiennent une description sans équivoque d’un plateau qui, lors de son assemblage, forme une cavité de confinement parfaitement étanche, à partir de deux sections ou plus qui sont réunies et accouplées le long de leurs bords d’accouplement, et dont le contenu peut être évacué en passant par une ouverture. Je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire que l’utilisation de l’article indéfini [traduction] « une », dans ce contexte, devrait être interprétée comme signifiant « une, certaines ou n’importe quelle ». Le rédacteur a bien pris soin d’utiliser l’expression [traduction] « au moins deux » [ou, selon la syntaxe employée, « deux sections (ou plus) »] pour décrire les sections du plateau, et on peut donc supposer que cette approche suppose l’emploi du singulier en l’absence de cette expression particulière ou d’une expression semblable. C’est là une structure grammaticale très différente de celle examinée dans l’arrêt Bell Express Vu Ltd. Partnership c Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 34. Le terme [traduction] « accoupler », dans le présent contexte, désigne toute méthode de jonction qui forme un joint d’étanchéité ou parfaitement étanche (qui prévient toute fuite), que ce soit à l’aide d’un mécanisme d’assemblage à rainure et languette ou de tout autre mécanisme. Le breveté revendique un plateau dissociable dont les sections sont étanchéisées et réunies pour former une seule cavité de confinement. Cette combinaison particulière constitue un élément essentiel des revendications 1 et 9. 

 

[111]       Si l’on examine l’opinion initiale de M. Wallace, on constate qu’il interprétait le brevet 064 comme ayant une fonction prévue particulière, c’est-à-dire son utilisation sur un puits de pétrole complété. Il mentionne que le plateau est placé [traduction] « au-dessous des soupapes et robinets de l’arbre de Noël » et qu’il a la capacité d’être installé rapidement [traduction] « sans avoir à désassembler l’arbre de Noël ». Ce n’est qu’après avoir tenu compte des opinions de M. Seale et de M. Thicke qu’il a offert une interprétation de ces termes qui englobe l’utilisation de l’invention revendiquée sur un appareil de forage. Par la suite, son opinion consiste à affirmer que ces références particulières du brevet devraient, en fait, être ignorées, car un plateau pouvant être utilisé sur un puits de pétrole complété pourrait être adapté et servir sur un appareil de forage (voir au paragraphe 72 de son rapport fourni en réponse). Ultérieurement, il a aussi fondé son opinion sur trois dessins de la divulgation du brevet qui illustrent le plateau de confinement en présence d’un bloc obturateur de puits (BOP). Comme les BOP sont rarement employés sur des puits de pétrole complétés, M. Wallace affirme, dans son témoignage, qu’une personne versée dans l’art interpréterait les revendications du brevet de manière à ce qu’elles comprennent l’utilisation du plateau sur un appareil de forage. 

 

[112]       Cette fois encore, je ne suis pas d’accord avec M. Wallace. Le brevet 064 contient de nombreuses mentions ayant trait à l’utilisation du plateau sur un puits de pétrole complété, notamment les revendications 1 et 9. Il contient aussi plusieurs mentions ayant trait aux arbres de Noël et au captage de fuites de pétrole. Monsieur Wallace a donné une interprétation restrictive au texte des revendications en se basant sur des schémas du brevet qui illustrent l’emploi de l’appareil du brevet 064 dans un ensemble de BOP. Il a admis qu’un appareil de forage ne comporterait pas un arbre de Noël classique, mais que la présence d’un ensemble de BOP impliquait une utilisation élargie connexe. Je ne crois pas qu’une personne versée dans l’art donnerait une interprétation restrictive au texte clair utilisé dans les revendications du brevet en se fiant uniquement à une partie d’une illustration qui n’a absolument aucun rapport avec la représentation de l’invention. Je préfère, à cet égard, le témoignage de M. Thicke, lequel n’était pas disposé à ignorer le texte clair des revendications du brevet en fondant son opinion sur un dessin minimaliste (voir à la page 1580).

 

            Brevet 064 - Validité

[113]       Le brevet 064 contient la description d’un plateau de confinement de fluides dissociable qui est ajusté mécaniquement, de manière étanche, à un arbre de Noël et qui récupère passivement les fluides qui s’écoulent des sections supérieures. Les fluides captés s’écoulent ensuite par une ouverture d’évacuation. Les revendications comprennent des caractéristiques telles que des anneaux d’accouplement à raccord rapide, des joints d’assemblage à rainure et languette pouvant être étanchéisés, des plateaux de confinement en cascade pouvant communiquer et des bagues descendantes ou à parois verticales, avec ou sans dispositif d’étanchéité. 

 

[114]       Un plateau de confinement de fluides en sections, qui est fixé à la tige centrale d’un puits de pétrole ou d’un appareil de forage, ne présente aucun élément novateur. Le problème du confinement des fluides s’échappant des plateformes de forage et des puits de pétrole avait été résolu bien avant le dépôt de la demande de brevet 064. Les plateaux de confinement de fluides en section servant à effectuer la récupération passive de fuites de fluides au‑dessous du plancher d’un appareil de forage ou à une tête de puits étaient connus dans l’art antérieur et ils étaient aussi utilisés sur le terrain. Je n’ajoute pas foi au témoignage de M. Wallace, selon lequel il est possible de faire une distinction entre la promesse du brevet 064 et ce qui était déjà connu. Les différences qu’il a identifiées ne sont pas de nature inventive. Les modifications apportées aux dimensions des plateaux ou aux méthodes de jonction des plateaux, y compris l’emploi d’anneaux d’accouplement à raccord rapide, constituent des mesures d’adaptation courantes que toute personne versée dans l’art considérerait facilement comme telles et utiliserait, en tenant compte des besoins propres aux travaux d’installation. D’ailleurs, la présence d’un bon nombre de ces caractéristiques est évidente dans des photographies de plateaux inférieurs publiées bien avant le brevet 064, y compris les moyens permettant de joindre les deux demi‑plateaux de manière étanche et d’ajuster la configuration du plateau en fonction de l’espace disponible.

 

[115]       Même M. Wallace reconnaît que les procédés d’ajustement courants de ce type pourraient être effectués par une personne versée dans l’art et que d’autres solutions de remplacement pourraient être employées (voir l’expression [traduction] « mécanismes de blocage » à la page 399, l’expression « forme et taille », à la page 410, et l’expression « [mécanisme d’assemblage] à rainure et languette », à la page 446). 

 

[116]       J’accepte d’emblée le témoignage de M. Thicke sur ce point, et plus particulièrement la réponse qui suit (voir aux pages 1648 et 16149 de la transcription) :

[traduction]

R.        Oh!... désolé, le brevet 064 est... en fait, il ne permet même pas de résoudre un problème. Il correspond simplement à un assemblage de renseignements contenus dans l’art antérieur, sous forme de plateau qui peut être fixé à un arbre de Noël. À mon avis, il est assez évident qu’on peut se baser sur l’art antérieur pour... ou je dirais plutôt que c’est le genre de chose qui semble... disons, par exemple, que je suis un ingénieur qui travaille dans une centrale électrique et qu’on observe des fuites sous forme de gouttes... de l’eau qui s’égoutte d’une tige de soupape qui fuit, je me dirais simplement... c’est un problème qui peut être résolu par le personnel d’entretien. En d’autres mots, pouvez-vous fabriquer un plateau qui peut être solidement fixé en place et qui va nous protéger des fuites. C’est là l’essentiel du brevet 064... ça revient à demander à quelqu’un de fabriquer un tel dispositif. Voilà pour le point no 63.

 

 

[117]       À mon avis, le brevet 064 était antériorisé par le brevet Schuyler et le brevet Gayaut. Les deux brevets contiennent la description de plateaux de confinement de fluides dissociables qui sont fixés, en formant un joint d’étanchéité, à une conduite de tête de puits, au-dessous du plancher de forage du puits. Les plateaux des deux brevets sont vidés par évacuation. Les observations écrites des demandeurs, selon lesquelles l’invention revendiquée par le brevet Schuyler était primitive, encombrante et complètement différente de l’invention revendiquée par le brevet 064, ne tiennent pas compte d’un fait évident, soit que les deux brevets permettent d’atteindre le même objectif en employant exactement les mêmes moyens. 

 

[118]       Le brevet 064 était aussi antériorisé par l’utilisation antérieure de plateaux inférieurs, telle que décrite par les représentants de l’industrie qui ont témoigné. Ces plateaux antérieurs avaient de nombreuses formes et dimensions, et diverses méthodes de fixation et d’étanchéisation étaient employées. Même si aucun cas d’emploi antérieur ne constitue une copie exacte de l’appareil visé par le brevet 064, je suis convaincu que tout élément de la conception ou de l’assemblage du plateau inférieur du brevet 064 était manifestement évident pour toute personne versée dans l’art, et ce, bien avant le 7 juillet 2000. Sur ce point, je préfère le témoignage de M. Thicke à celui de M. Wallace (voir le témoignage de M. Thicke, aux pages 1632 et 1633).

 

            Brevet 064 - Contrefaçon

[119]       Les seules revendications invoquées par les demandeurs contre les défendeurs, s’agissant du brevet 064, sont les revendications 1, 3, 8, 9, 11 et 12. Les revendications 3 et 8 sont dépendantes de la revendication 1. Les revendications 11 et 12 sont dépendantes de la revendication 9. La revendication 9 est un amalgame des revendications 1, 3 et 5. 

 

[120]       Compte tenu de mon interprétation des revendications 1 et 9, je ne crois pas que le plateau inférieur Rat Plastic constitue une contrefaçon. Le plateau inférieur Rat Plastic ne suppose pas l’accouplement de deux bords aboutants d’un plateau afin de former une unique cavité de confinement. Il suppose plutôt la réunion de deux plateaux distincts, tout près l’un de l’autre, sans avoir à former un joint parfaitement étanche entre les deux. Les parois des plateaux sont réunies par aboutement et toute fuite interstitielle est bouchée à l’aide d’une bande d’étanchéité superposée. Bien que M. Wallace ait raison d’affirmer que le dispositif Rat Plastic exige la mise en place des deux plateaux, cet argument n’infirme d’aucune façon l’évidence même, c’est-à-dire que ce dispositif utilise deux plateaux de confinement qui sont réunis par aboutement, sans s’accoupler, et dont l’évacuation est assurée par deux mécanismes distincts. C’est là une distinction importante. De fait, on peut soutenir qu’en éliminant le joint d’étanchéité à l’interface des sections du plateau, le concept du dispositif Rat Plastic constitue une amélioration du concept du brevet 064.

 

[121]       Le texte des revendications du brevet 064 se limite à l’utilisation de l’appareil sur un puits de pétrole complété, lorsque le problème a trait à des fuites de pétrole et non à celles de fluides de forage. Il n’y aurait pas contrefaçon des revendications du brevet 064 si les défendeurs vendaient leurs produits de confinement en les destinant à être employés sur des appareils de forage ou des appareils d’entretien en exploitation. Selon les témoignages non contredits que j’ai entendus, les défendeurs n’ont pas offert leurs plateaux de confinement inférieurs comme produits pouvant être utilisés sur des puits de pétrole complétés et, apparemment, les demandeurs ne l’ont pas fait non plus. Par conséquent, il n’existe aucune preuve de contrefaçon de la part des défendeurs, en ce qui concerne la vente de ces produits.

 

            Dessin industriel 793 – Plateaux de tube de conduite

[122]       Les demandeurs allèguent qu'en fabriquant et en commercialisant les plateaux de tube de conduite pour la société CAPP, les défendeurs Heide ont contrefait leur droit et privilège exclusif sur le dessin 793, leur causant par conséquent un préjudice. Ils affirment également que le dessin 346 de Heide est invalide parce que les défendeurs Heide savaient qu'il s'agissait d'une copie du dessin 793 des demandeurs.

 

[123]       Les allégations des demandeurs ne fournissent aucun détail sur les caractéristiques protégées par le dessin 793, hormis l’énoncé selon lequel le plateau de tube de conduite de la société CAPP comporte les éléments suivants :

a)         quatre parois intérieures rectangulaires qui délimitent une cavité intérieure;

b)         une arête supérieure circonférentielle, située entre la section supérieure des quatre parois intérieures et la section supérieure des quatre parois extérieures correspondantes;

c)         les quatre parois extérieures susmentionnées étant inclinées, vers le bas et l’extérieur, à partir de l’arête supérieure;

d)         une série d’entailles semi‑circulaires également espacées étant formées à l’intérieur de l’arête supérieure, afin d’être situées sur le pourtour de l’arête.  

 

[124]       Les défendeurs Heide soutiennent que leur produit concurrent ne contrefait pas le dessin 793 parce qu'il ne [traduction] « ressemble [pas] au dessin 793 au point d’être confondu avec celui‑ci » et parce qu'il [traduction] « diffère sensiblement du dessin 793 ». 

 

[125]       Les éléments de preuve réunis par les demandeurs au sujet de la contrefaçon alléguée du dessin 793 n'étaient pas particulièrement utiles parce qu'ils n'abordaient pas la distinction établie en droit entre les caractéristiques du dessin qui étaient attrayantes sur le plan visuel de celles qui sont purement fonctionnelles ou utilitaires. Les demandeurs se sont essentiellement contentés de relever les similitudes évidentes entre le dessin 793 et le plateau de tube de conduite de la société CAPP, et de signaler l'aveu de M. Heide suivant lequel il s'était inspiré du plateau de tube de conduite de la société Katch Kan pour concevoir le sien[2]

 

[126]       Il n'y a aucun doute qu'il existe plusieurs similitudes entre le dessin 793 et le plateau de tube de conduite CAPP. Évidemment, les demandeurs bénéficient de la présomption de validité prévue au paragraphe 7(3) de la Loi sur les dessins industriels, LRC, (1985), c 1‑9, (la Loi). Il incombe néanmoins aux demandeurs de démontrer que le plateau de tube de conduite CAPP contrefait le dessin 793. 

 

[127]       Les éléments qui manquaient dans la preuve des demandeurs étaient ceux qui auraient établi que le plateau de tube de conduite de la société CAPP portait atteinte aux caractéristiques visuelles du dessin 793. Cet aspect est important parce qu'il est bien précisé à l'article 5.1 de la Loi que « les caractéristiques résultant uniquement de la fonction utilitaire d'un objet utilitaire » ne peuvent bénéficier de la protection prévue par la Loi. Le juge Richard Boivin a récemment examiné cette disposition dans l'affaire Bodum USA, Inc. c Trudeau Corp., 2012 CF 1128, [2012] ACF no 1310 :

45     Tel que précisé précédemment, et les parties s’entendent sur ce point, les dessins industriels protègent les caractéristiques visuelles mais ne protègent pas la fonction utilitaire, c’est-à-dire, dans ce cas-ci, l’espace entre les doubles parois (John S. McKeown, Fox, Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 4e éd, (Toronto : The Carswell Thomson Professional Building, 2009), à la p 811, c 31-9).

 

46     La protection offerte par le dessin industriel ne doit d’ailleurs pas être confondue avec la protection obtenue pour un produit ou un procédé par l’entremise d’un brevet. Comme l’admettent les demanderesses, les dessins industriels ne lui confèrent pas de monopole sur les verres à double paroi au Canada (Plan of argumentation of Plaintiffs/Defendants by Counterclaim, p 6). Ainsi, tel que l’enseigne l’affaire Sommer Allibert (UK) Limited and Another v Flair Plastics Limited, [1987] 25 RPC 599, à la page 625 (UK ChD, appel) [Sommer Allibert], les similitudes qui découlent de la fonction utilitaire ne sont pas prises en compte par la Cour dans son analyse de la contrefaçon :

 

[traduction]

Le tribunal a pour seule mission de trancher la question de savoir si la contrefaçon alléguée se présente sous la même forme ou selon le même modèle. Le tribunal doit éliminer la question de l'identité des fonctions, étant donné qu'un autre dessin peut être composé de pièces qui accomplissent les mêmes fonctions sans créer de contrefaçon. Dans le même ordre d'idées, pour trancher la question de la contrefaçon, le tribunal se doit d'ignorer toute similitude, voire même toute identité, entre le dessin enregistré et le dessin qui aurait été contrefait attribuable aux caractéristiques fonctionnelles du dessin.

                                                                                       [La Cour souligne]

 

 

[128]       Lors de son témoignage pour le compte des demandeurs, M. Wallace a en effet souligné les similitudes qui existent entre le dessin 793 et le plateau de tube de conduite de la société CAPP, bien que pour ce faire, il semble avoir utilisé le plateau de tube de conduite de la société Katch Kan comme point de comparaison et non le dessin 793. Cette approche l’a amené à conclure que les deux dispositifs étaient rectangulaires alors qu’en réalité, le dessin 793 illustre un plateau carré. 

 

[129]       Il ne subsiste toutefois aucun doute que le plateau de tube de conduite de la société CAPP ressemble beaucoup au dessin 793. Cependant, la question n’est pas de savoir si le plateau de tube de conduite de la société CAPP ressemble beaucoup au dessin 793, mais plutôt de déterminer si certaines des caractéristiques du dessin 793 dépassent le domaine exclusivement fonctionnel et se retrouvent dans le domaine esthétique, ou, selon Mainetti SPA c ERA Display Co. Ltd. (1984) 80 CPR (2d) 206, 2 CIPR 275, au paragraphe 30 [Mainetti], si elles supposent « un mélange d’éléments fonctionnels et d’éléments ornementaux ». Il est surprenant de constater que M. Wallace n’avait pratiquement rien à dire à ce propos. Il mentionne simplement dans son rapport l’utilité du produit illustré dans le dessin 793 pour [traduction] « recueillir les égouttures provenant des raccords de tuyauterie (des raccords-unions) [et pour] assurer le confinement des fluides s’écoulant des conduites lorsque les raccords sont désassemblés ». Sa conclusion consistait simplement à affirmer que [traduction] « cette utilisation est la même que celle du plateau de tube de conduite de M. Holtby » et que les produits de la société CAPP [traduction] « sont très semblables à ceux élaborés par M. Holtby ». Lors de son interrogatoire principal, M. Wallace a présenté essentiellement la même analyse :

[traduction]

Q.        Bien. Au bas de la page 4, vous décrivez les caractéristiques de conception du plateau de tube de conduite. Pouvez-vous nous dire... pouvez-vous indiquer à la Cour ce qu’elles sont?

 

R.        Les caractéristiques de conception sont les suivantes : le produit est un plateau rectangulaire qui est relativement plus large dans la section inférieure que dans la section supérieure, afin d’assurer sa stabilité; il comporte une série d’entailles semi‑circulaires dans la partie supérieure afin de permettre au tube d’y loger; il présente une section inférieure striée, afin d’assurer sa stabilité et sa résistance mécanique.

 

Q.        Et je suppose qu’on vous a aussi demandé de donner votre avis sur un plateau de tube de conduite fabriqué par la société C.A.P.P.?

 

R.        Oui, monsieur.

 

Q.        Et il est caché, mais est-ce que le plateau bleu, ici, est celui pour lequel on vous a demandé de donner votre avis ?

 

R.        Il semble bien. Je crois que c’est le cas, oui.

 

Q.        Bien. Et l’on utilise des joints d’étanchéité pendant un court moment, ici. Et selon vous, une inspection visuelle de ces plateaux démontre qu’ils sont très semblables. Il s’agit du deuxième paragraphe, dans la section sur le plateau de tube de conduite de la C.A.P.P. Sur quoi basez-vous votre affirmation?

 

R.        Non seulement sont-ils conçus pour réaliser la même fonction, soit soulever la zone de raccordement du tube au‑dessus du sol et fournir un moyen de piéger tout écoulement attribuable à de possibles fuites, mais ils ont le même aspect, ils sont physiquement semblables. Leurs dimensions sont à peu près les mêmes, et ce, pour toutes les sections. Ils présentent une seule entaille sur chacune des deux arêtes plus courtes et deux entailles sur chacune des deux arêtes plus longues. Ils possèdent une base plus large [par rapport à la section supérieure] afin d’en assurer la stabilité et, selon moi, ils sont identiques à l’illustration de la figure 1 du dessin industriel.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[130]       Par après, lors du contre‑interrogatoire effectué par Me Comba, celui-ci a énuméré à M. Wallace chacune des caractéristiques du dessin 793 qui présentent un élément commun avec le plateau de tube de conduite de CAPP, et pour chacune de ces caractéristiques, M. Wallace a reconnu quelle était sa fonction pratique (voir aux pages 511 à 516). On lui a ensuite demandé quelle était l’importance de deux caractéristiques du dessin 793 qui pouvaient présenter à la fois une fonction décorative et une fonction pratique, soit la présence de nervures ou de stries, sur la partie inférieure du plateau, et l’emplacement et la taille d’une poignée de levage. Monsieur Wallace a admis que ces caractéristiques conféraient au dessin industriel un [traduction] « aspect distinctif », mais il a aussi reconnu qu’elles n’étaient pas copiées dans le plateau de tube de conduite de la société CAPP (voir à la page 525). 

 

[131]       Ni M. Wallace ni M. Holtby n'ont, dans leur témoignage, décrit de caractéristique « strictement visuelle » qui ferait double emploi avec celles du dessin 793. Monsieur Heide a expliqué que les modifications qu'il a apportées au dessin du plateau de tube de conduite de la société CAPP étaient motivées par certaines lacunes fonctionnelles qui lui avaient été signalées au sujet du plateau de tube de conduite de la société Katch Kan qu'il avait élaboré.

 

[132]       Les témoignages et éléments de preuve dont je dispose ne permettent pas d’établir que les caractéristiques de conception communes au plateau de tube de conduite de la société Rat Plastic et au dessin 793 sont d’une autre nature que celle de la fonction pratique. Autant que je puisse en juger, en me basant sur les témoignages et éléments de preuve, les produits ont une fonction utilitaire dans un milieu industriel. Ils sont utilisés près du sol et présentent une base stable afin de faciliter les tâches effectuées au marteau. Les supports du plateau sont conçus pour pouvoir y loger adéquatement un train de tiges de forage. Des supports additionnels, perpendiculaires au tube, sont aussi accessibles afin de faciliter le déplacement du marteau. Un raccord de tuyau est positionné au‑dessus du plateau parfaitement étanche, lequel piège les fluides qui s’écoulent du raccord lorsque celui-ci est ouvert au marteau. Des ouvertures en forme de poignées permettent de soulever plus facilement les plateaux et leur forme particulière permet de les empiler, lorsqu’ils doivent être entreposés ou transportés. Les éléments de preuve susmentionnés ne sont pas surprenants étant donné qu’un tel plateau de tube de conduite est utilisé dans le secteur de l’industrie lourde, où l’apparence du produit ne devrait pas constituer un facteur déterminant dans le processus de décision d’achat (Mainetti, précité, au paragraphe 59).

 

[133]       Bien que j'accepte l'argument des demandeurs suivant lequel M. Heide s'est inspiré du plateau de tube de conduite de la société Katch Kan, une tentative d'imiter ne constitue pas une contrefaçon d'un dessin tant que l'imitateur ne va pas jusqu’à exploiter les caractéristiques esthétiques du dessin du concurrent (Carr-Harris Products Ltd. c Reliance Products Ltd., (1969) 58 CPR 62, 58 CPR 62, à la p. 84 [Carr-Harris Products Ltd]). 

 

[134]       Il ne me reste plus, dans le présent dossier, que les éléments de preuve établissant que les similitudes entre le plateau de tube de conduite de la société CAPP et le dessin 793 ne visent qu'un objectif purement fonctionnel. Si tant est que le dessin 793 comporte des caractéristiques visuelles, le produit de CAPP ne les reprend pas. Vu les éléments de preuve qui ont été portés à ma connaissance, je conclus que les demandeurs n'ont pas fait la preuve d'une contrefaçon, selon la prépondérance des probabilités.

 

[135]       Même si ma conclusion susmentionnée était erronée, je ne conclurais pas à la contrefaçon. Lorsqu'un dessin industriel incorpore des caractéristiques fonctionnelles fondamentales, des différences décoratives même mineures peuvent suffire pour soustraire le second dessin à la portée de l'enregistrement du dessin précédent (Carr-Harris Products Ltd, précité, à la page 84). À mon avis, les différences qui existent entre le dessin 793 et le plateau du tube de conduite de la société CAPP sont suffisantes pour démontrer que ce dernier ne contrefait pas le premier. 

 

            Brevet 265 - Interprétation

[136]       Aucun terme des revendications du brevet 265 n’est en litige. Les revendications contiennent la description d’un dispositif de confinement de fluides qui comporte une cuvette de piégeage fixée à un anneau circulaire et une bride qui sont boulonnés à la tige centrale d’une tête de puits. La cuvette de piégeage des fluides comporte un dispositif d’évacuation. La divulgation ne contient aucune mention de concept inventif ou de l’art antérieur. Le problème que permet de régler le brevet est essentiellement le piégeage et le confinement de fuites de fluides provenant d’une tête de puits. 

 

            Brevet 265 – Validité

[137]       Dans les observations des demandeurs présentées après l’instruction, ceux‑ci affirment que le brevet 265 présente, entre autres caractéristiques inventives, la capacité de détacher la cuvette de piégeage sans avoir à enlever l’anneau circulaire fixé à la tête de puits. Monsieur Wallace a indiqué qu’il était d’accord avec cet argument. Il a de plus affirmé que le brevet 265 était [traduction] « unique » puisque l’anneau circulaire était conçu pour offrir une capacité de pression nominale maximale. Son témoignage mettait l’accent sur cette caractéristique, notamment lorsqu’il affirmait que [traduction] « les revendications du brevet 265 visent à permettre l’installation de [la] bride dans le circuit de mise sous pression » (voir à la page 505). Ces deux avantages allégués ne sont aucunement mentionnés dans le brevet. De fait, rien n’indique clairement, dans la divulgation, que la cuvette de confinement, une fois mise en place, peut être détachée de la bride de manière indépendante, et rien ne précise l’utilité que pourrait avoir cette caractéristique. En ce qui a trait à une capacité de pression nominale adéquate, une personne versée dans l’art pourrait aisément supposer qu’un dispositif inséré dans le train de tiges de la tête de puits doit résister aux pressions de travail courantes et fonctionner efficacement dans ces conditions.

 

[138]       L’approche de M. Wallace, qui consiste à tenter de déceler dans les revendications des caractéristiques supposément avantageuses qui n’y sont pas décrites ou revendiquées, est fallacieuse. Le brevet 265 revendique uniquement une méthode simple permettant de récupérer les fuites qui proviennent des têtes de puits, soit une méthode qui est bien connue à la fois dans l’art antérieur et les exemples d’emploi antérieur. Les efforts déployés par les demandeurs pour élargir la portée de cette simple revendication témoignent de la faiblesse du brevet.  

 

[139]       Monsieur Thicke a effectué l’examen des antériorités, dont le brevet Norris, le brevet Hibdon et le brevet Wigington, et en a conclu que chacun de ces brevets aurait rendu le brevet 265 évident pour une personne versée dans l’art en 1997. Bien que les méthodes de fixation d’une cuvette de confinement décrites dans l’art antérieur diffèrent légèrement de la méthode décrite dans le brevet 265, les différences consistent en des mesures d’adaptation courantes et ne comportent aucune inventivité. Le témoignage de M. Thicke concorde avec les éléments de preuve fournis par les représentants de l’industrie au sujet des cas d’emploi antérieur, lesquels ont confirmé que diverses méthodes de fixation, y compris l’utilisation de brides de fixation, étaient bien connues avant 1997.

 

[140]       Pour les motifs qui précèdent, je conclus sans hésiter que le brevet 265 est invalide pour cause d'évidence. 

 

            Dommages-intérêts

[141]       Bien qu'il soit inutile d'examiner la demande de dommages-intérêts des demandeurs, je tiens à aborder, de manière subsidiaire, certaines des questions soulevées par les éléments de preuve qui m'ont été soumis. 

 

[142]       L'opinion formulée par M. McNally au sujet des dommages-intérêts pour manque à gagner soulève au moins deux problèmes majeurs. Le premier découle de son hypothèse suivant laquelle à chaque vente conclue par les défendeurs pour un produit de confinement concurrent correspond nécessairement une location perdue pour les demandeurs. Le second problème a trait à la méthodologie qu'il utilise pour arriver au taux d'utilisation des produits brevetés de la société Katch Kan qui, n'eut été la contrefaçon alléguée, auraient été loués sur le marché. Dans son rapport final, il se dit d'avis qu'un taux d'utilisation d'environ 60 p. 100 était approprié. Lors de son témoignage au procès, il a réduit ce chiffre de 10 p. 100.

 

[143]       Il n'y a aucun élément de preuve fiable qui permette d’étayer l'hypothèse qu’à chaque plateau vendu par un des défendeurs correspond une location perdue pour les demandeurs. La preuve démontre que le système de confinement Katch Kan n'était pas la seule option offerte sur le marché. Un nombre important d’exploitants d’appareils de forage utilisaient des systèmes construits sur mesure et d'autres fournisseurs vendaient des produits de confinement concurrents à des exploitants d’appareils de forage. Par exemple, M. Sawyer a expliqué qu'en sa qualité de surintendant du forage, il avait presque toujours fait construire un système de confinement des fluides au lieu d'acheter ou de louer les produits qui étaient par ailleurs disponibles sur le marché. Son choix était motivé par le fait qu'à son avis un système construit sur mesure était mieux adapté à ses exigences spécifiques. De toute évidence, il existait des solutions de rechange viables, en particulier pour l’exploitant d’appareils de forage qui cherchait à éviter des frais considérablement plus élevés ainsi que la charge administrative entraînée par une location. Suivant d'autres éléments de preuve, 40 p. 100 des clients des défendeurs n'avaient jamais loué de produits de la société Katch Kan. L'achalandage de ces clients en faveur des demandeurs serait vraisemblablement moins important que celui d'un client connaissant déjà bien le système de la société Katch Kan.

 

[144]       Ajoutons à tout cela le fait que, suivant la preuve, il existe une forte corrélation entre les produits vendus par les défendeurs et ceux loués par les demandeurs. La location d'ensembles de plateaux de confinement supérieurs et de plateaux de confinement inférieurs et de produits connexes représente environ 90 p. 100 du chiffre d'affaires des demandeurs. En comparaison, la vente de séries de plateaux de confinement supérieurs et de plateaux de confinement inférieurs représente à peine 8,8 p. 100 du chiffre d'affaires des défendeurs. Le reste du chiffre de ventes des défendeurs porte sur la fourniture de plateaux supérieurs ou inférieurs individuels, ce qui permet de penser que le consommateur qui achète les plateaux individuels des défendeurs a des exigences différentes de celles du client ordinaire qui achète le système de la société Katch Kan et qui opte habituellement pour le système de confinement intégral.

 

[145]       Il y a d'autres éléments de preuve qui démontrent que les activités de vente des défendeurs ne constituent pas une très bonne méthode de rechange pour estimer les activités de location correspondantes des demandeurs. Suivant les données historiques, lorsque les activités de vente des défendeurs ont diminué dans la même proportion que les activités d'exploration pétrolifère, les activités de location de Katch Kan ont tenu le coup. Monsieur McNally s'est dit d'avis que ce phénomène pouvait s'expliquer par le fait que les clients préféraient louer des systèmes au lieu de les acheter lorsque la conjoncture économique était difficile.

 

[146]       L'évaluation modifiée de M. McNally qui proposait un taux d'utilisation d'environ 50 p. 100 pour les produits de confinement brevetés Katch Kan n'est également pas fiable. Sa méthode consistait à examiner les factures de location de Katch Kan par période mensuelle et de calculer le taux d'utilisation mensuelle de ces produits pour chaque mois. Il faisait ensuite une moyenne pour obtenir le taux annuel à partir des taux d'utilisation mensuelle. Il éliminait de ses calculs les mois dans lesquels Katch Kan n'avaient aucun produit à louer. Cette méthode avait pour effet de gonfler considérablement le taux d'utilisation des produits de la société Katch Kan parce qu'elle ne tenait pas compte de l'inventaire des produits qui étaient disponibles, mais n'étaient pas activement loués. Une méthode d'analyse d'utilisation beaucoup plus fiable aurait consisté à tenir compte des périodes pendant lesquelles l'inventaire de produits brevetés de la société Katch Kan n'était pas utilisé. Cette méthodologie aurait permis de repérer l'utilisation effective de tous les produits de confinement brevetés pendant l'année et de déterminer à quelle fréquence les produits disponibles étaient inactifs. Monsieur McNally ne pouvait se prononcer sur la difficulté de cette façon de procéder, mais il a toutefois reconnu que les données nécessaires existaient effectivement dans les registres comptables de la société Katch Kan. Au cours du contre-interrogatoire fort efficace que lui a fait subir Me Comba, M. MacNally a admis qu'on aurait pu recourir à une méthode plus efficace pour calculer les taux d'utilisation.

 

[147]       Je conclus de ce témoignage que les tableaux d'utilisation produits par M. McNally démontrent uniquement les moments où les produits brevetés Katch Kan sur le marché ont été activement utilisés. Ce que ces données ne démontrent pas, ou ce dont elles ne rendent pas compte, sont les périodes de temps où ces produits sont restés inactifs après leur location.

 

[148]       L’impuissance de la société Katch Kan d'amener M. McNally à utiliser les meilleurs éléments de preuve disponibles pour mesurer l'utilisation effective de ses produits brevetés sur le marché ou même à vérifier la méthodologie utilisée m'amène à remettre sérieusement en question la fiabilité des données d'utilisation qui ont été produites et sur lesquelles M. McNally s'est fondé. Je ne dispose donc d'aucun élément de preuve qui me permettrait d'en arriver à un autre taux d'utilisation. À défaut d'élément de preuve à ce sujet, il est impossible d'évaluer les dommages-intérêts au titre du manque à gagner subi par les demandeurs en l'espèce.

 

[149]       S'il devient nécessaire de revoir la question des dommages-intérêts, j'entendrai de nouveau les parties sur des méthodes différentes de calculer les dommages-intérêts recouvrables par les demandeurs.

 

Dépens

[150]       Les parties ont demandé à la Cour de leur accorder la possibilité d'aborder la question des dépens après le prononcé de la présente décision. Les défendeurs auront dix jours pour me présenter leurs observations écrites. Les demandeurs auront sept jours pour répondre. Aucune observation ne devra dépasser dix pages de longueur.

 


JUGEMENT

LA COUR :

 

REJETTE l'action intentée par les demandeurs contre les défendeurs;

 

            ACCUEILLE la demande reconventionnelle présentée par la défenderesse 1284897 Alberta Ltd. à l’égard des brevets nos 2,166,265 et 2,258,064 et DÉCLARE invalides les brevets nos 2,166,265 et 2,258,064; REJETTE la demande reconventionnelle présentée par la défenderesse 1284897 Alberta Ltd. à l’égard du brevet no 2,136,375 et DÉCLARE valide ce même brevet.

 

            REPORTE l’examen de la question des dépens jusqu'à ce que la Cour ait reçu d'autres observations des parties.

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-279-07

 

INTITULÉ :                                      ZERO SPILL SYSTEMS (INT’L) INC., ET AUTRES

                                                            c

                                                            614248 ALBERTA LTD. ET AUTRES

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              Edmonton (Alberta)

 

DATES DE L'AUDIENCE :           8 au 12 avril 2013

                                                            15 au 19 avril 2013

                                                            22 au 24 avril 2013

                                                            30 avril et 1er mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 juillet 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Christopher Kvas

William Regan

Adrian Lambert

 

POUR LES DEMANDEURS

 

G. Bruce Comba

 

POUR LES DÉFENDERESSES

(CENTRAL ALBERTA PLASTIC PRODUCTS,

RAT PLASTIC LTD.)

 

Daryl W. Schnurr

Judy Fowler Byrne

POUR LA DÉFENDERESSE

(1284897 Alberta Ltd.)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Piasetzki Nenniger Kvas s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Emery Jamieson s.r.l.

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDERESSES

(CENTRAL ALBERTA PLASTIC PRODUCTS,

RAT PLASTIC LTD.)

 

Miller Thomson s.r.l.

Waterloo (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

(1284897 Alberta Ltd.)

 



[1]     M. Wallace a affirmé que la caractéristique télescopique [traduction] « fait partie intégrante du brevet et elle est conçue pour régler un problème très particulier » (voir à la page 420), mais il n’a pas indiqué que le problème en était un que l’industrie cherchait à résoudre. 

[2]     Monsieur Heide était un témoin raisonné et digne de foi. Il avait oublié certains éléments de preuve concernant sa conception du plateau de tube de conduite Rat Plastic, mais lorsqu'on lui a rafraichi la mémoire au sujet des éléments de preuve qu'il avait présentés au cours de son interrogatoire préalable, il a confirmé son témoignage sans peine. Il m’a donné l'impression d’une personne sincèrement motivée à livrer un témoignage précis et à admettre volontiers des points qui n'étaient pas nécessairement utiles à sa cause. Il n'était certainement pas utile à sa cause de reconnaître tout au long du déroulement de l'instance que les brevets Katch Kan représentaient des solutions innovatrices pour résoudre le problème d'écoulement de fluides des appareils de forage pétrolier. Sa défense est uniquement fondée sur le fait qu'il avait pris soin de ne pas copier les caractéristiques essentielles des brevets de la société Katch Kan.

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