Date : 20130607
Dossier : IMM-8752-12
Référence : 2013 CF 617
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 7 juin 2013
En présence de madame la juge Mactavish
ENTRE :
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MIROSLAV SKORIC, MARIJANA MEDIC SKORIC et PETAR SKORIC
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Miroslav Skoric, son épouse Marijana Medic Skoric et leur fils Petar Skoric sont des citoyens de la Croatie qui prétendent être persécutés par des citoyens ordinaires, des skinheads, des nationalistes et les autorités en raison de l’origine ethnique rom de M. Skoric.
[2] Comme je l’expliquerai ci‑dessous, je suis convaincue que la conclusion de la Commission portant que M. Skoric n’a pas établi qu’il était effectivement un Rom était raisonnable, tout comme l’était sa conclusion selon laquelle le fait pour M. Skoric d’avoir tardé à quitter la Croatie et de s’être réclamé à plusieurs reprises de la protection de cet État réfutait l’existence d’une crainte subjective de persécution. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
Identité de M. Skoric
[3] L’identité d’un demandeur d’asile est une question de fait relevant « entièrement de la compétence de la Commission », et une conclusion raisonnable tirée à cet égard est déterminante pour l’issue de la demande : Balde c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 438, [2006] ACF no 550, au paragraphe 26.
[4] M. Skoric a reconnu devant la Commission qu’il ne parlait pas la langue des Roms, et qu’il ne s’habillait pas différemment de la majorité des Croates. La Commission a également fait observer que, contrairement à de nombreux Croates d’origine rom, M. Skoric avait la citoyenneté croate, avait occupé un emploi et n’avait pas vécu dans un secteur où vivaient beaucoup de Roms. Tous ces facteurs ont raisonnablement amené la Commission à remettre en question l’identité de M. Skoric en tant que Rom.
[5] La Commission a reconnu que M. Skoric avait été en mesure de décrire deux congés roms, mais elle a conclu qu’il convenait d’accorder peu de poids à cette preuve, car toute personne pouvait facilement avoir accès à ces renseignements sur Internet. Le fait que la Commission ait demandé à M. Skoric de fournir des renseignements à cet égard ne rend pas cette conclusion déraisonnable.
[6] Bien que le fait que le demandeur ait été incapable de fournir des renseignements quant aux coutumes roms ait pu indiquer qu’il n’était pas Rom, l’inverse n’est pas nécessairement vrai. Autrement dit, il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure que le fait que le demandeur pouvait fournir certains éléments de preuve à cet égard n’établissait pas nécessairement qu’il était Rom. Il incombe par ailleurs à la Commission de décider du poids qu’il convient d’accorder à la preuve, et il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau cette preuve. M. Skoric ne m’a donc pas convaincue que l’intervention de la Cour est justifiée à cet égard.
[7] Tout en reconnaissant qu’aucune pièce d’identité n’est délivrée aux Roms en Croatie, la Commission a également exprimé la réserve selon laquelle M. Skoric n’avait présenté absolument aucun document l’identifiant comme Rom. Plus particulièrement, la Commission a souligné que rien dans la preuve n’indiquait que M. Skoric avait à un moment quelconque communiqué avec une organisation de soutien aux Roms, que ce soit en Croatie ou au Canada, pour qu’elle l’aide à établir son identité rom.
[8] M. Skoric s’élève contre le fait que cela ne lui a pas été expressément mentionné à l’audience concernant le statut de réfugié. Il incombe toutefois au demandeur de produire une preuve satisfaisante de son identité, fardeau dont M. Skoric ne s’est pas acquitté. En outre, M. Skoric n’a pas trouvé d’explication susceptible de l’aider qu’il aurait pu fournir à la Commission à cet égard.
[9] L’identité rom de M. Skoric était un élément central des demandes d’asile présentées par la famille. Étant donné qu’il n’a pas convaincu la Commission qu’il était effectivement d’origine rom, il était raisonnablement loisible à la Commission de rejeter les demandes.
Crainte subjective
[10] Je suis également convaincue que la conclusion de la Commission sur la question de la crainte subjective était raisonnable, et constitue un deuxième motif, indépendant, justifiant le rejet des demandes d’asile de la famille.
[11] La Commission a souligné que M. Skoric avait fait des voyages en Serbie, en Slovénie et en Grèce entre 2005 et 2009, mais qu’il était toujours retourné en Croatie. La Commission a pris acte de l’explication fournie par M. Skoric selon laquelle il n’était pas au courant du fait qu’il pouvait demander l’asile dans ces autres pays, ainsi que de son allégation portant que, de toute façon, la situation des Roms dans ces pays n’était pas meilleure qu’elle ne l’était en Croatie.
[12] Quoi qu’il en soit, la Commission a conclu que, s’il avait été réellement exposé à une menace à sa vie et incapable d’obtenir l’aide de la police, M. Skoric ne serait pas retourné à plusieurs reprises en Croatie. La Commission était également convaincue que le fait que la famille ait tardé à quitter la Croatie décrédibilisait davantage l’allégation de crainte subjective de persécution. La Commission a donc conclu que le récit des demandeurs n’était pas crédible.
[13] À mon avis, la Commission a dûment pris en considération les explications données par M. Skoric en ce qui concerne le fait que la famille ait tardé à quitter la Croatie. Il est vrai que la Commission n’a pas mentionné tous les motifs donnés par M. Skoric pour justifier son départ tardif. Quoi qu’il en soit, la Commission n’est pas tenue de mentionner tous les éléments de preuve, si une cour de révision peut comprendre les motifs de la décision : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, au paragraphe 14.
[14] La Commission en l’espèce a pris acte de l’allégation de M. Skoric selon laquelle il ne savait pas comment quitter la Croatie ou qu’il pouvait demander la protection de la Serbie, de la Slovénie ou de la Grèce. Elle a également pris acte de son allégation portant qu’en tout état de cause, la situation des Roms était la même dans ces pays. Elle a néanmoins conclu que, si M. Skoric avait véritablement vécu les problèmes qu’il prétendait avoir vécu, il était raisonnable de s’attendre, compte tenu de son niveau d’instruction, à ce qu’il ait pris des mesures concrètes pour quitter la Croatie avant 2011.
[15] Les motifs de la Commission permettent à la Cour, siégeant en contrôle judiciaire, de comprendre le fondement de la décision. À la lumière de la preuve soumise à la Commission, la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs n’avaient pas démontré qu’ils avaient une crainte subjective de persécution est raisonnable parce qu’elle fait partie des issues acceptables.
Conclusion
[16] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je suis d’accord avec les parties pour affirmer que l’affaire ne soulève aucune question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Anne L. Mactavish »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-8752-12
INTITULÉ : MIROSLAV SKORIC ET AL c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 22 mai 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : La juge Mactavish
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 7 juin 2013
COMPARUTIONS :
Wennie Lee
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POUR LES DEMANDEURS
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Asha Gafar |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
LEE & COMPANY Immigration Advocacy, Counsel and Litigation North York (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS |
WILLIAM F. PENTNEY Sous‑procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR
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