Date : 20130524
Dossier : IMM‑8046‑12
Référence : 2013 CF 539
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 24 mai 2013
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE :
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WEN HAO WEI
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Le demandeur, citoyen chinois, demande l’asile au Canada à titre de chrétien, au motif qu’il craint subjectivement et a des raisons objectives de craindre d’être exposé, dans le cas où il serait obligé de rentrer à Tianjin en Chine, à plus qu’une simple possibilité de persécution au sens de l’article 96 de la LIPR ou à un risque probable au sens de l’article 97.
[2] Bien que la Section de la protection des réfugiés (SPR) ait conclu que le demandeur est chrétien, et que la persécution à l’endroit des chrétiens est fort répandue en Chine, elle a rejeté son allégation selon laquelle il était exposé à un risque prospectif en raison de la conclusion de fait suivante qu’elle a tirée au sujet de la crainte objective d’être exposé à un risque à son retour :
Le tribunal a examiné tous les documents soumis qui traitent de la situation des chrétiens en Chine, particulièrement les articles et les rapports traitant des arrestations et de la persécution. Le tribunal estime, selon la prépondérance des probabilités, que, si des arrestations ou des incidents liés à la persécution de chrétiens à Tianjin étaient survenus récemment, ces arrestations ou incidents de persécution seraient documentés par des sources fiables.
(Décision de la SPR, au paragraphe 9.)
[3] La portée que la SPR a accordée à la conclusion de fait est que, puisque la documentation ne fait aucunement état d’arrestations ou d’incidents récents, aucune arrestation ni aucun incident ne sont survenus récemment. Or, la conclusion est malencontreusement en contradiction directe avec le témoignage du demandeur selon lequel il a fui la Chine et demandé l’asile au Canada en raison de la descente du Bureau de la sécurité publique lors d’un rassemblement à l’église auquel il a participé le 10 janvier 2010. La SPR a traité ce témoignage comme suit :
Le tribunal a examiné attentivement la preuve documentaire et conclut, selon la prépondérance des probabilités, que la maison‑église que fréquentait le demandeur d’asile n’a jamais fait l’objet d’une descente par les autorités et, par conséquent, le demandeur d’asile n’est pas recherché par le Bureau de la sécurité publique pour cette raison. Pour évaluer la preuve documentaire, le tribunal s’est fondé sur les décisions rendues par la Cour fédérale dans Yu et Li. Comme il a été mentionné, la preuve documentaire portant sur Tianjin, d’où est originaire le demandeur d’asile, révèle que les chrétiens pratiquants s’exposent à un faible risque de persécution.
[Non souligné dans l’original.]
(Décision de la SPR, au paragraphe 14.)
Ainsi, la SPR a estimé que le demandeur avait menti au sujet des faits qui l’avaient mené au Canada, parce qu’ils contredisent la conclusion de fait. À mon avis, ce raisonnement est fondamentalement bancal.
[4] Le témoignage du demandeur est présumé être vrai à moins qu’il y ait une raison de douter de sa véracité (Maldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305), et le processus décisionnel qui a mené à la conclusion sur la crédibilité doit être rigoureux :
Selon moi, la Commission se trouvait dans l’obligation de justifier, en termes clairs et explicites, pourquoi elle doutait de la crédibilité de l’appelant. L’évaluation (précitée) que la Commission a faite au sujet de la crédibilité de l’appelant est lacunaire parce qu’elle est exposée en termes vagues et généraux (Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.), au paragraphe 6).
[Non souligné dans l’original.]
[5] Je suis d’avis que la conclusion de fait n’est que pure hypothèse : il n’y a pas de preuve directe au dossier qui permettrait d’établir et de vérifier sa véracité. La SPR se devait d’effectuer une analyse adéquate de la preuve au lieu d’utiliser une hypothèse, conformément aux normes exposées dans les arrêts Maldonado et Hilo. Le juge Russell explique pourquoi il était important de procéder ainsi dans la décision Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 157, au paragraphe 59 :
Le récit que le demandeur a fait de son arrestation et de sa détention était très important au regard de sa demande d’asile. Si ce récit est crédible, cela jette un doute sur l’analyse de la SPR selon laquelle il n’y a aucune preuve d’arrestation et de persécution de chrétiens au Fujian qui puisse étayer une décision favorable en vertu de l’article 96. Subsidiairement, cela pourrait démontrer l’existence d’un risque de préjudice à l’avenir au titre de l’article 97.
[6] Je conclus que la décision n’est pas raisonnable étant donné que la SPR n’a pas apprécié la crédibilité du demandeur conformément au droit.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la décision faisant l’objet du présent contrôle soit annulée et que l’affaire soit renvoyée pour nouvelle décision par un tribunal différemment constitué.
Il n’y a pas de question à certifier.
« Douglas R. Campbell »
Juge
Traduction certifiée conforme
Myra‑Belle Béala De Guise
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM‑8046‑12
INTITULÉ : WEN HAO WEI c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 22 mai 2013
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : Le 24 mai 2013
COMPARUTIONS :
Jayson Thomas
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POUR LE DEMANDEUR
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Rachel Hepburn‑Craig
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Levine Associates Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada
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POUR LE DÉFENDEUR
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