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Date : 20130531

Dossier : T‑533‑13

Référence : 2013 CF 590

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie Britannique), le 31 mai 2013

En présence de monsieur Roger R. Lafrenière, protonotaire

 

ENTRE :

 

‘MAITREYA’ ISIS MARYJANE BLACKSHEAR,

LA DIVINE SAINTE‑MÈRE

DE TOUS LES ÊTRES/DE LA CRÉATION ET TOUS LES PATRIMOINES DES NATIONS ISIS

 

 

demandeurs

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE ET AL

LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU CANADA

ET PROCUREUR GÉNÉRAL

ROBERT DOUGLAS NICHOLSON

LE SOUS‑MINISTRE DE LA JUSTICE ET SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

WILLIAM F. PENTNEY

LE MINISTRE DE LA JUSTICE DE L’ALBERTA ET SOLLICITEUR GÉNÉRAL JONATHAN DENIS

LE SOUS‑MINISTRE DE LA JUSTICE

DE L’ALBERTA

RAY BODNAREK

 

 

défendeurs

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta, le ministre de la Justice, le solliciteur général de l’Alberta et le sous‑ministre de la Justice de l’Alberta (ci‑après appelés la Couronne de l’Alberta) sollicitent une ordonnance radiant la deuxième déclaration modifiée en application du paragraphe 221(1) des Règles des Cours fédérales (RCF) au motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable (alinéa 221(1)a) des RCF), et qu’il s’agit d’un acte de procédure scandaleux, frivole ou vexatoire (alinéa 221(1)c) des RCF).

 

[2]               Les principes applicables aux demandes de radiation sont bien établis et ne sont pas contestés. Pour statuer sur une requête en radiation d’un acte de procédure fondée sur l’alinéa 221(1)a) des RCF, il faut déterminer s’il est « évident et manifeste » que la demande ne révèle aucune cause d’action valable : voir Hunt c Carey, 1990 CanLII 90 (SCC), [1990] 2 RCS 959, [1990] ACS no 93, au paragraphe 32 (QL). Un acte de procédure peut aussi être radié en application de l’alinéa 221(1)c) des RCF parce qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire du fait qu’il fait état de si peu de faits que le défendeur ne sait comment y répondre : Kisikawpimootewin c Canada, 2004 CF 1426 (CanLII).

 

[3]               Dans le cadre d’une requête en radiation d’un acte de procédure au motif qu’il ne révèle aucune cause d’action valable, il faut tenir pour acquise la véracité des allégations qui sont susceptibles d’être établies : Hunt c Carey Canada Inc, [1990] 2 RCS 959. Toutefois, cette règle ne s’applique pas aux allégations fondées sur des suppositions et des conjectures : Operation Dismantle Inc c La Reine (1985), 18 DLR (4th) 481 (RCS), aux pages 486‑487 et 490‑491. La déclaration devrait être interprétée de façon libérale sans s’attarder aux anomalies rédactionnelles, mais la Cour n’a pas à accepter comme vraies de simples allégations, des allégations factuelles pouvant être considérées comme scandaleuses, frivoles ou vexatoires ou des arguments juridiques présentés sous le couvert d’allégations factuelles.

 

[4]               Les allégations figurant dans la déclaration de 84 pages sont pour la plupart inintelligibles et par conséquent difficiles à résumer. La demanderesse dit être la [traduction] « divine Sainte‑Mère de tous les êtres/de la Création ». Elle prétend aussi être la seule en droit et en mesure de par ses qualifications d’occuper le Siège de Rome. La demanderesse réclame par ailleurs des dommages‑intérêts contre la Couronne de l’Alberta et la Couronne fédérale au nom des [traduction] « nations tribales Tiamat Ki‑Earths Kaneh Bosm signataires et des patrimoines des nations ISIS (Independent Spiritual International Signatory) » s’élevant à la somme astronomique de cent huit quadrillions de dollars. La demanderesse réclame ces dommages‑intérêts pour violation d’engagements, d’obligations fiduciaires et fiduciales, séquestration et autres injustices.

 

[5]               La demanderesse demande également que lui soit immédiatement cédée sa compétence originale et définitive sur les lois anciennes des mères de clan (Ancient Clanmother Laws); que soient liquidés sur le fondement de l’equity tous les actifs globaux par l’intermédiaire de la Banque des règlements internationaux; qu’il soit immédiatement reconnu qu’elle est la divine Sainte‑Mère et que lui soit cédée la société matriarcale; que tous les patrimoines des nations ISIS soient informés de leur héritage; qu’on s’abstienne de tenir tout propos blasphématoire contre la Sainte‑Mère, la Reine des Cieux et delta9Lucifer; que son retour en tant que divine Sainte‑Mère soit annoncé par des déclarations publiques et privées; et que tous agissent conformément aux ordres de l’exécutrice administrative générale (EAG) et veillent à ce que toutes les nations tribales signataires et chacun des patrimoines des nations ISIS puissent à nouveau jouir de leur vie immortelle, pure, paisible, bienheureuse et abondante.

 

[6]               L’article 174 des RCF dispose que les actes de procédure doivent contenir un exposé concis des faits pertinents sur lesquels la partie se fonde. L’article 181 des RCF dispose que les actes de procédure doivent contenir des précisions sur chaque allégation qui y figure. L’article 182 précise que la déclaration doit définir la nature des dommages‑intérêts. Ces dispositions imposent donc au demandeur l’obligation d’exposer les faits pertinents révélant une cause d’action valable, qui fait entrer en jeu quatre exigences fondamentales : a) chaque acte de procédure doit exposer des faits et non pas simplement des conclusions de droit; b) il doit exposer les faits pertinents et ne pas contenir de faits dénués de pertinence; c) il doit exposer des faits, non les éléments de preuve qui serviront à étayer ces faits; d) il doit exposer les faits avec concision.

 

[7]               La deuxième déclaration modifiée contrevient à tous égards aux règles relatives aux actes de procédure. Plutôt que d’énoncer tous les faits pertinents révélant une cause d’action valable, elle est constituée d’affirmations réduites à leur plus simple expression, de simples déclarations et de conclusions.

 

[8]               La deuxième déclaration modifiée s’apparente à [traduction] « un argument commercial pseudojuridique » ou litige fondé sur un ACPJ de la nature de celui qui est décrit dans la décision du juge en chef adjoint Rooke de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta dans Meads c. Meads, 2012 ABQB 571 (CanLII), 2012 ABQB 571, [2012] A.J. no 980 (QL) (Meads), qui n’a aucun sens ou effet sur le plan juridique et qui est dénué de pertinence.

 

[9]               La deuxième déclaration modifiée comporte plusieurs des caractéristiques de la stratégie ACPJ, dont les suivantes :

 

(a)                Des désignations bizarres – dans la déclaration, la demanderesse se désigne comme étant :

 

(i)                 La divine Sainte‑Mère de tous les êtres/de la Création (dans l’intitulé);

 

(ii)               Dieu ainsi que la primauté du droit (page 1, dernier paragraphe);

 

(iii)             La responsable du « C’anupa Peace Pipe » qui est le « Treaty of Life » (pages 52‑53, paragraphe 239);

 

(iv)             La mère de clan principale du clan de l’Ours des nations tribales Tiamat Ki‑Earths Kaneh Bosm (page 80, paragraphe i);

 

(v)               La Mère d’ISIS (Independent Spiritual International Signatory) (page 80, paragraphe 1);

 

(vi)             La seule scribe du « Crowned Heir Temple Thorne » (page 81, paragraphe k);

 

(vii)           « Isis Genesis’ Return of the Dragon Queen by Divine Blood Terra Covenant » (page 81, paragraphe k);

 

(viii)         L’EAG de l’acte de fiducie du « private SUNKE Temple Trust » (page 81, paragraphe k).

 

(b)               Le recours à des formalités documentaires et des inscriptions inhabituelles, notamment des timbres de la Cour de la loi divine universelle (« DUL Court ») donnant à penser que les documents ont été produits;

 

(c)                Le recours à des expressions et des libellés particuliers : « Signatory ISIS Nation Estates », « DNA‑Land patent », « delta10mDNA »;

 

(d)               Le renvoi à des lois et à des documents juridiques étrangers désuets pouvant par ailleurs être pertinents : « The Camel’s Eye Treaty 408 A.D. »; « Ancient Clanmother Laws »;

 

(e)                Une adresse postale atypique : « Tribunal for Tiamat Ki‑Earths, Divine Universal Law Courts, DUL Charter Territory, Calgary (Alberta) ».

 

[10]           Comme il a été souligné dans Meads, au paragraphe 590 :

 

[traduction] […] lorsque des documents faisant état d’un ACPJ totalement déconcertant lui sont soumis, le tribunal peut adopter l’approche retenue dans Kisikawpimootewin c Canada, 2004 CF 1426, au paragraphe 9, 134 A.C.W.S. (3d) 396, et radier un acte de procédure fondé sur des arguments et des allégations incompréhensibles, lorsque le défendeur est [traduction] « dans l’embarras et incapable de se défendre » et que le tribunal [traduction] « est saisi d’une instance si mal définie qu’il ne peut discerner les arguments ou cerner des faits substantiels précis ».

 

[11]           Bien qu’il ne s’agisse pas en l’espèce d’un litige ACPJ, l’instance se fonde sur des allégations incompréhensibles similaires.

 

[12]           De plus, la Cour doit non seulement déterminer si les allégations révèlent une cause d’action valable, mais aussi le bien‑fondé de la demande et les raisons ayant conduit la demanderesse à l’introduire. Dans Pellikaan c Canada, 2002 FCT 221 (CanLII), [2002] 4 CF 169, le regretté protonotaire John Hargarve a conclu qu’un acte de procédure à l’égard duquel un tribunal ne pourrait que difficilement exercer un contrôle peut être radié au motif qu’il est vexatoire. Voici ce qu’il a dit :

 

Lorsqu’une déclaration est beaucoup trop générale et dépourvue de détails, de sorte qu’elle empêche le défendeur de mener une enquête ou de donner une réponse appropriée, elle peut fort bien être radiée. […] pareilles déclarations étaient fondamentalement vexatoires, car elles ne révélaient pas suffisamment de faits pour démontrer le fondement de la demande, de sorte qu’il était impossible pour le défendeur de répondre à la demande ou, de fait, pour un tribunal de réglementer l’instance. Pareille déclaration générale et englobante, qui est dépourvue de précisions à un point tel qu’un défendeur ne serait pas en mesure de rédiger une réponse, est fondamentalement vexatoire et ne donnera aucun résultat pratique. Il s’agit encore une fois d’un motif permettant de radier la déclaration.

 

[13]           Enfin, la demanderesse n’a pas qualité pour intenter une action fondée sur les droits collectifs de peuples autochtones. L’article 121 des RCF exige qu’une partie qui demande à agir en qualité de représentant se fasse représenter par un avocat, à moins que la Cour en raison de circonstances particulières n’en ordonne autrement.

 

[14]           L’action intentée par la demanderesse est fondamentalement vexatoire et constitue un abus du système. Dans les circonstances, il ne serait d’aucune utilité de se prononcer sur la question de savoir si notre Cour a compétence pour entendre le recours dans la mesure où il est institué contre la Couronne de l’Alberta. Comme une modification de la déclaration ne serait d’aucun secours, et que rien ne donne à penser que l’action pourrait être à nouveau intentée sous une forme acceptable, les actes de procédure de la demanderesse doivent être radiés, sans autorisation de les modifier.

 

[15]           Pour ce qui est des dépens sur la requête, je m’en tiens à l’approche adoptée par le juge en chef adjoint Rooke dans Meads, au paragraphe 631 :

 

[traduction] Je pense qu’il convient, lorsque cela est possible, que le tribunal saisi d’un litige ACPJ scinde les recours de façon à minimiser leurs impacts sur les parties innocentes. […] En deuxième lieu, il importe que les parties innocentes soient indemnisées pour les frais juridiques associés à un litige ACPJ. Si minimes soient-ils, les dépens devraient être adjugés à la partie qui est victime du recours à des stratégies mettant en jeu un ACPJ.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

 

1.                  La deuxième déclaration modifiée soit radiée, sans autorisation de la modifier.

 

2.                  Le recours intenté contre Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta, le ministre de la Justice et le solliciteur général de l’Alberta, Jonathan Denis, et le sous‑ministre de la Justice de l’Alberta, Ray Bodnarek, soit rejeté.

 

3.                  La demanderesse paie au procureur général de l’Alberta les dépens de la requête, établis à 500 $, taxes et débours compris.

 

 

« Roger R. Lafrenière »

Protonotaire

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑533‑13

 

 

INTITULÉ :                                                  MAITREYA’ ISIS MARYJANE BLACKSHEAR,
LA DIVINE SAINTE‑MÈRE DE TOUS LES ÊTRES/DE LA CRÉATION ET TOUS LES PATRIMOINES DES NATIONS ISIS c
SA MAJESTÉ LA REINE ET AL

 

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 31 mai 2013

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

 

‘Maitreya’ Isis Maryjane Blackshear et
Tous les patrimoines des nations ISIS

 

LA DEMANDERESSE
POUR SON PROPRE COMPTE

 

Martha Burns

 

POUR LA COURONNE DE L’ALBERTA

DÉFENDEURS

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

‘Maitreya’ Isis Maryjane Blackshear et
Tous les patrimoines des nations ISIS

 

LA DEMANDERESSE
POUR SON PROPRE COMPTE

 

William F. Pentney

Procureur général de l’Alberta

Calgary (Alberta)

 

POUR LA COURONNE FÉDÉRALE

DÉFENDEURS

 

Le ministre de la Justice et
procureur général de l’Alberta

Direction des services juridiques

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA COURONNE DE L’ALBERTA

DÉFENDEURS

 

 

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