Date : 20130429
Dossier : IMM-2894-12
Référence : 2013 CF 435
Ottawa (Ontario), le 29 avril 2013
En présence de monsieur le juge O'Reilly
ENTRE :
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EMIL GRAIDER
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Aperçu
[1] En 2009, monsieur Emil Graider a quitté Israël afin d’éviter le service militaire. Il prétend être un objecteur de conscience. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande d’asile, car elle n’a pas cru sa prétention selon laquelle il était un véritable objecteur de conscience. De plus, la Commission a conclu qu’il ne s’était pas prévalu des recours dont il disposait en Israël.
[2] Monsieur Graider prétend que l’évaluation de la crédibilité faite par la Commission était déraisonnable, comme d’ailleurs sa conclusion selon laquelle il pouvait trouver une protection en Israël. Il me demande d'annuler la décision de la Commission et d'ordonner qu’un tribunal différemment constitué réexamine sa demande.
[3] Je conclus qu'il n'est pas justifié d'annuler la décision de la Commission. La Commission a tiré des conclusions pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, je ne peux pas conclure que ses conclusions étaient déraisonnables.
[4] Les questions en litige sont les suivantes :
1. L’appréciation faite par la Commission de la crédibilité de M. Graider était-elle déraisonnable?
2. La conclusion de la Commission selon laquelle M. Graider pouvait se prévaloir de la protection de l'État était-elle déraisonnable?
II. Le contexte factuel
[5] Monsieur Graider a commencé à faire son service militaire obligatoire en 1998. Il affirme qu’il a subi un choc psychologique après avoir vu des soldats israéliens tirer sur des Palestiniens non armés. Il a pris un congé temporaire de son service, puis il a refusé de revenir. Il a été arrêté environ deux semaines plus tard. Il affirme qu’il a été battu et qu’on lui a refusé des traitements médicaux. Il a été traduit en cour martiale et a été condamné à 10 semaines de détention. De plus, il a subi des insultes et a été victime de harcèlement jusqu’à la fin de son service obligatoire en 2001.
[6] Entre 2001 et 2009, M. Graider a réussi à éviter de servir dans la réserve, soit parce qu’il était aux études, soit parce qu’il était blessé. Toutefois, il a reçu un avis de se présenter en septembre 2009 et il n’avait plus aucun motif de refuser. Il a décidé de quitter Israël et de demander l'asile au Canada.
III. La décision de la Commission
[7]
La
Commission a souligné que l’exposé écrit de M. Graider ne faisait pas mention
du fait qu’il était objecteur de conscience. Elle n’a pas accepté l’explication
de M. Graider voulant que son avocat précédent lui eût dit qu’il n’était
pas nécessaire de mentionner ce renseignement dans cet exposé. La Commission
était également préoccupée par le fait que M. Graider était incapable de
soumettre une preuve documentaire corroborant qu’il avait été traduit en cour
martiale.
[8]
De
plus, la Commission n’était pas convaincue que M. Graider, après avoir été
traduit en cour martiale, a pu éviter de commettre, au cours de son service
militaire, des actes qu’il jugeait inacceptables. La Commission a conclu que,
vraisemblablement, il a continué d’accomplir les tâches militaires habituelles.
[9]
Les
dossiers que M. Graider a produits démontraient qu’il était présent dans son
unité militaire, même après avoir quitté Israël. La Commission n’a donc accordé
que peu de poids à ces documents.
[10]
La
Commission a fait mention des recours dont disposaient les objecteurs de
conscience en Israël. M. Grainer pouvait se prévaloir de divers mécanismes de
plainte; il pouvait notamment demander d’être exempté du service militaire ou demander
de faire un service civil.
[11] Dans sa conclusion, la Commission a souligné que le fait qu’un véritable objecteur de conscience soit poursuivi et se voit infliger une peine n’équivaut pas forcément à de la persécution. La Commission a conclu que M. Grainer n'avait ni la qualité de réfugié ni la qualité de personne à protéger.
IV. La première question
en litige – l’appréciation faite par la Commission de la crédibilité de
M. Grainer était-elle raisonnable?
[12]
Monsieur
Graider prétend que la Commission a conclu de manière déraisonnable que sa
prétention selon laquelle il est un objecteur de conscience n’était pas
crédible. Bien qu’il n’ait pas employé précisément le terme « objecteur de
conscience » dans son exposé, il a clairement mentionné qu’il était opposé
au service militaire.
[13]
Monsieur
Graider prétend également que la Commission a écarté à tort les dossiers
militaires qu’il avait soumis à l’appui. Ils démontraient qu’il était considéré
comme étant [traduction] « absent
du service sans autorisation ».
[14]
À
mon avis, les conclusions de la Commission étaient raisonnables. M. Graider ne
s’est pas décrit comme étant un objecteur de conscience. Il a plutôt simplement
déclaré qu’il avait été très troublé par les événements dont il avait été
témoin pendant qu’il faisait son service militaire. Il n’a fait aucune allusion
à aucune objection d’ordre moral ou politique au service militaire et, par
conséquent, la Commission pouvait raisonnablement conclure qu’il n’était pas
véritablement un objecteur de conscience.
[15] En ce qui concerne les dossiers militaires de M. Graider, ceux-ci contenaient certaines inscriptions qui indiquaient qu’il était absent sans autorisation. Toutefois, certaines autres inscriptions, faites pendant que M. Graider se trouvait au Canada, mentionnaient qu’il était dans [traduction] « l’unité ». Manifestement, la présence de M. Grainer n’était pas fidèlement consignée dans ces dossiers. La Commission avait le droit, dans les circonstances, de leur accorder peu de poids à titre de preuve que M. Grainer avait fait son service militaire.
V. La deuxième question en litige - la conclusion de la Commission selon laquelle M. Grainer pouvait se prévaloir de la protection de l'État était-elle déraisonnable?
[16]
Monsieur
Graider prétend que les recours dont la Commission a fait mention ne sont pas
adéquats. En fait, le juge James Russell, en ce qui concerne le comité qui
examine les demandes émanant d’objecteurs de conscience en Israël, a dit que
celui-ci est de « nature opaque, que ses décisions ont un caractère
fortuit et qu’il est difficile d’y avoir accès » (Kirichenko c Canada
(Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 12, au paragraphe
50). De plus, aucune solution de rechange au service militaire n’est offerte
aux objecteurs de conscience.
[17]
À
mon avis, compte tenu de la preuve, la conclusion de la Commission était raisonnable.
La Commission s’est fiée à une preuve documentaire postérieure à la décision Kirichenko.
Cette preuve faisait notamment mention d’un [traduction]
« comité militaire spécial » qui accorde des exemptions du service
militaire aux objecteurs de conscience ou qui recommande que ceux-ci soient
affectés à des postes de non-combattants.
[18]
Ce
comité a été constitué à la suite d’un jugement rendu en mai 2009 dans lequel la
Haute Cour de justice israélienne a reconnu les droits des objecteurs de
conscience. Par conséquent, M. Grainer avait la possibilité de demander une exemption
ou une réaffectation avant de quitter Israël.
VI. Conclusion et dispositif
[19] La Commission a conclu avec raison que la prétention de M. Graider selon laquelle il était objecteur de conscience manquait de crédibilité. De plus, son autre conclusion, selon laquelle, en Israël, des solutions de rechange sont offertes aux objecteurs de conscience, était raisonnable. En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier et aucune n’est certifiée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.
« James W. O’Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2894-12
INTITULÉ : EMIL GRAIDER
c
MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 24 janvier 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS : Le 29 avril 2013
COMPARUTIONS :
Roy C. Amadi
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POUR LE DEMANDEUR |
Kareena Wilding
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Roy C. Amadi Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR |
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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