Date : 20130423
Dossier : IMM‑6538‑12
Référence : 2013 CF 413
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 23 avril 2013
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SIMPSON
ENTRE :
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ZHOU XUAN JIANG
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeur
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Monsieur Zhou Xuan Jiang [le demandeur] sollicite le contrôle judiciaire, sous le régime du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], de la décision en date du 18 juin 2012 par laquelle la Section d’appel de l’immigration [la SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] a rejeté l’appel qu’il avait formé contre une mesure d’exclusion prononcée le 9 avril 2010 par la Section de l’immigration, autre service de la Commission.
[2] Pour les motifs dont l’exposé suit, la présente demande sera accueillie.
Les faits
[3] Le demandeur, citoyen chinois âgé de 41 ans, est entré au Canada le 8 décembre 2003 en tant que conjoint parrainé de sa première femme. En mai 2006, il a attiré l’attention des autorités de l’Immigration lorsqu’il a présenté une demande de parrainage de sa deuxième femme aux fins de l’obtention de la résidence permanente au Canada. On a alors vite découvert qu’il s’était séparé de sa première femme moins d’un mois après son arrivée au Canada et qu’il s’était remarié en Chine en janvier 2006. Sa deuxième épouse et leurs deux enfants sont encore en Chine, où ils habitent chez les parents de la femme.
[4] À la suite d’un entretien du demandeur avec Citoyenneté et Immigration Canada [CIC], un délégué du ministre a établi en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi un rapport circonstancié le donnant comme interdit de territoire pour fausses déclarations, au motif qu’il avait épousé sa première femme à seule fin d’obtenir le statut de résident permanent au Canada. Le demandeur avait soutenu devant les agents de CIC que son premier mariage était authentique, mais il a admis à l’enquête qu’il avait contracté cette union afin d’acquérir un statut au Canada. En conséquence, il a été déclaré interdit de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi, et la Section de l’immigration a prononcé contre lui la mesure d’exclusion considérée.
[5] Le demandeur a contesté la mesure d’exclusion devant la SAI en invoquant des motifs d’ordre humanitaire. À l’audience de cet appel, tenue le 5 juin 2012, il a prié la SAI de prendre en considération son degré d’établissement au Canada et l’intérêt supérieur de ses deux neveux qui résident dans notre pays. La mère du demandeur a témoigné de vive voix en sa faveur, tandis que d’autres membres de sa famille, ainsi que son employeur et un collègue, l’ont appuyé par des déclarations écrites.
La décision contrôlée
[6] La SAI a d’abord précisé que l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose dans l’examen des motifs d’ordre humanitaire était guidé par la liste de facteurs que donne Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI no 4, et qu’enrichit Brar c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), [2009] DSAI no 2244.
[7] La SAI a évalué comme suit les effets respectifs des facteurs applicables :
1A. la gravité de la fausse déclaration : très défavorable
1B. le regret exprimé par le demandeur : très défavorable
2. le degré d’établissement au Canada : légèrement favorable
3. la famille et le soutien dans la collectivité : très favorable
4. l’intérêt supérieur des neveux : neutre
5. les difficultés à prévoir : légèrement favorable
Analyse
[8] Le demandeur avance un bon nombre d’arguments contre la manière dont la SAI a traité la preuve et apprécié les facteurs applicables. Cependant, la décision contrôlée ne me paraît entachée que d’une seule erreur. J’estime en effet que la SAI a commis une erreur de méthode dans son examen des facteurs susdits. La bonne manière de procéder consiste à examiner la totalité de la preuve pertinente relativement à chaque facteur, à établir l’effet favorable ou défavorable de cette évaluation pour l’appelant, puis à comparer les poids respectifs des facteurs afin d’arriver à une conclusion globale.
[9] En l’espèce, la SAI s’est trompée dans l’appréciation du deuxième facteur, soit le degré d’établissement, en omettant de lui attribuer un poids indépendamment des autres facteurs. Cette erreur apparaît au paragraphe 26 de la décision contrôlée, ainsi rédigé :
Compte tenu des actifs et de l’emploi à long terme de l’appelant, je suis convaincue que l’appelant est établi au Canada; cependant, l’importance que j’accorde à ce facteur est diminuée par le fait que, s’il n’avait pas fait de fausse déclaration, l’appelant n’aurait pas pu s’établir au Canada. J’accorde donc un poids favorable minimal à ce facteur.
[10] L’erreur de la SAI est d’avoir comparé le poids de la fausse déclaration à celui du degré d’établissement au moment de l’examen de celui‑ci et d’avoir de nouveau pris en considération la fausse déclaration au paragraphe 37 de sa décision, où elle formule la conclusion suivante :
Il n’est jamais facile de séparer les membres d’une famille, mais l’appelant ne peut s’en prendre qu’à lui‑même. J’ai attentivement évalué tous les facteurs en l’espèce, mais j’ai conclu que la gravité de la fausse représentation, en conjonction avec l’absence de remords de l’appelant relativement à son comportement, l’emporte selon moi sur tous les autres facteurs. Le fait d’accorder un sursis à la mesure de renvoi dans ces circonstances serait inutile.
[11] Le problème est ici que la SAI, en dernière analyse, a inscrit en double la gravité de la fausse déclaration, en l’utilisant d’abord pour réduire le poids attribuable au facteur du degré d’établissement, puis en la réutilisant dans son appréciation finale.
[12] Je ne puis considérer cette erreur comme négligeable, étant donné que si la SAI avait évalué le degré d’établissement indépendamment de la fausse déclaration, le compte final pourrait très bien avoir inclus deux notes « très favorable » et deux notes « très défavorable » plutôt que de se présenter comme nous l’avons vu plus haut. La SAI aurait donc peut‑être rendu une décision différente si elle n’avait pas commis cette erreur de méthode.
[13] Pour tous ces motifs, la présente demande sera accueillie.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La décision contrôlée est annulée et l’affaire est renvoyée à la SAI pour nouvel examen, conforme aux présents motifs, par un tribunal différemment constitué.
« Sandra J. Simpson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Édith Malo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM‑6538‑12
INTITULÉ : ZHOU XUAN JIANG
c
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 20 mars 2013
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE SIMPSON
DATE DES MOTIFS : Le 23 avril 2013
COMPARUTIONS :
Munyonzwe Hamalengwa
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POUR LE DEMANDEUR
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Laoura Christodoulides
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Munyonzwe Hamalengwa Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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