Date : 20130423
Dossier : IMM‑6258‑12
Référence : 2013 CF 412
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 23 avril 2013
En présence de madame la juge Simpson
ENTRE :
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JOZSEF KOTAI
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Jozsef Kotai [le demandeur] sollicite, conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], le contrôle judiciaire de la décision datée du 5 juin 2012 [la décision] par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.
[2] Pour les motifs exposés ci‑dessous, la demande sera accueillie.
Le contexte
[3] Le demandeur, âgé de 31 ans, est un citoyen de la Hongrie d’origine ethnique rom. Sa demande d’asile est fondée sur des années de discrimination, de harcèlement et des menaces de la part de skinheads dans sa ville natale, Miskolc. De nombreuses menaces reçues et rencontres intimidantes ainsi qu’une agression sont exposées en détail dans son Formulaire de renseignements personnels [FRP]. Le demandeur soutient également avoir été constamment harcelé par la police locale qui l’interceptait souvent et lui demandait de présenter ses pièces d’identité. Même s’il avait un emploi lorsqu’il a quitté la Hongrie, le demandeur a témoigné qu’il était extrêmement difficile pour les Roms de trouver du travail en Hongrie. Il a aussi expliqué qu’en 2009 il a été victime d’intimidation et de menaces au travail de la part de ses collègues, ce qui lui a fait craindre pour sa sécurité. Les menaces en question découlaient de l’agression à coups de couteau d’un Hongrois par un groupe de Roms qui avait été largement médiatisée. Craignant pour sa sécurité, son l’employeur l’avait muté dans une autre section de l’entreprise.
[4] Lorsqu’il a été ainsi menacé, le demandeur a commencé à envisager la possibilité de quitter la Hongrie et a décidé d’épargner de l’argent et de venir au Canada. Il est arrivé au Canada le 23 février 2010 et a présenté sa demande d’asile quelques jours plus tard. Le demandeur affirme qu’il craint de retourner en Hongrie parce qu’il continuera de faire l’objet de harcèlement de la part de la police. Il craint également d’être agressé et affirme qu’il devra vivre dans la crainte constante de violence de la part des skinheads et des nationalistes.
La décision
[5] La décision de la Commission comportait une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur ainsi qu’une conclusion portant que celui‑ci n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection adéquate de l’État en Hongrie.
Analyse
[6] Le demandeur a indiqué dans son FRP qu’il avait été régulièrement intercepté et interrogé par la police. Il a expliqué que le harcèlement avait empiré au fil des ans. Il ressort de la transcription que, lorsqu’on lui a demandé à l’audience pourquoi ne pas avoir signalé l’agression survenue en 2003 (« l’agression »), le demandeur a répondu que [traduction] « pendant ces années‑là » la police l’avait souvent harcelé lorsqu’il sortait en public. Il a ensuite décrit un incident au cours duquel des policiers l’avaient intercepté trois fois en trente minutes. Le demandeur a été interrogé au sujet du moment où avait eu lieu cet incident et il a répondu que l’incident était survenu en 2006. Toutefois, il a mentionné à nouveau que les interactions avec la police allaient au‑delà de cette seule occasion. Plus tard au cours de l’audience, le demandeur a ajouté, en réponse aux questions de son avocat, que la police avait commencé à le harceler à la fin de son adolescence, à partir de 1998. Lorsqu’on lui a demandé à quelle fréquence il était intercepté par la police, il a répondu [traduction] « pratiquement tous les jours ».
[7] La Commission semble n’avoir pas tenu compte du témoignage du demandeur au sujet du harcèlement constant par la police. La Commission paraît avoir conclu à l’existence d’un seul incident de cette nature, qui était survenu en 2006. Selon la Commission, le demandeur évoquait dans son témoignage un seul incident de harcèlement survenu en 2006 pour expliquer son omission de signaler l’agression à la police en 2003, ce qui l’a amenée à mettre en doute sa crédibilité. Or, comme je l’ai expliqué ci‑dessus, la Commission n’a pas tenu compte des éléments de preuve présentés. Par conséquent, cette conclusion défavorable sur la crédibilité ne saurait être maintenue.
[8] La mauvaise compréhension du témoignage du demandeur par la Commission a également vicié son analyse de la protection de l’État. La Commission ne pouvait pas évaluer adéquatement l’omission du demandeur de s’adresser à la police alors qu’elle n’avait pas tenu compte de la preuve accablante au sujet du harcèlement régulier par la police. L’omission d’accepter le témoignage du demandeur a également amené la Commission à négliger la preuve documentaire corroborant les rapports du demandeur avec la police en Hongrie. Ces erreurs rendent déraisonnable la conclusion de la Commission relative à la protection de l’État.
[9] Aucune question n’a été proposée aux fins de certification aux termes de l’alinéa 74d) de la Loi.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE ce qui suit :
La décision est annulée et l’affaire est renvoyée pour nouvel examen à un tribunal différemment constitué de la Commission.
« Sandra J. Simpson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Semra Denise Omer
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM‑6258‑12
INTITULÉ : JOZSEF
KOTAI c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 20 mars 2013
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE SIMPSON
DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE : Le 23 avril 2013
COMPARUTIONS :
D. Clifford Luyt
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POUR LE DEMANDEUR
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Monmi Goswami
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
D. Clifford Luyt Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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