Date : 20130131
Dossier : IMM-3316-12
Référence : 2013 CF 106
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 31 janvier 2013
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
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GEZA OLAH GEZANE OLAH KRISZTIAN OLAH EVELIN DORINA OLAH ADRIENN BECSI ALEXANDRA VIVIEN OLAH GEZA OLAH ANDREA ERZSEBET PACZOK
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. INTRODUCTION
[1] Les demandeurs sont une famille de Roms hongrois qui allèguent la persécution et le besoin de protection en raison de leurs origines roms. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté leur demande d’asile et de protection. Il s’agit en l’espèce du contrôle judiciaire de cette décision de la Commission.
II. LES FAITS
[2] Les demandeurs ont relaté un certain nombre d’incidents subis par l’un ou plusieurs membres de la famille. Agressions et brimades à l’école, actes d’intimidation et attaques dont ils ont, à de nombreuses reprises, fait l’objet de la part de skinheads, et aussi le fait d’être interpellés par des agents de sécurité de supermarchés qui les soupçonnaient de vol à l’étalage. Seuls quelques-uns de ces incidents ont été portés à l’attention de la police qui, dans certains cas, n’y a pas donné suite.
[3] Pour appuyer leur revendication, les demandeurs ont invoqué l’exposé circonstancié de leur FRP, une documentation concernant la situation à laquelle font face les Roms hongrois ainsi que la lettre d’un psychologue. Selon ce psychologue, un des demandeurs manifestait des troubles de stress post‑traumatique (TSPT), tous éprouvaient une grande peur et manifestaient des signes d’anxiété, de dépression et de traumatisme psychologique. Les autres documents produits en preuve retracent l’histoire de la discrimination à l’encontre des Roms, font état du fait qu’en général, la police enquête bien sur les agressions, mais qu’en Hongrie, la justice pénale peine à reconnaître les crimes motivés par la haine.
[4] En rejetant la demande présentée par les demandeurs, la Commission a conclu que la question déterminante était de savoir si la crainte invoquée par les demandeurs était objectivement raisonnable. Cette question se scindait en deux quant au point de savoir si l’État était en mesure de protéger les demandeurs, et s’ils avaient pris toutes les dispositions raisonnables dans les circonstances afin de se prévaloir de cette protection.
[5] En ce qui concerne un des agresseurs des demandeurs condamnés à une amende, la Commission a estimé ne pas être en mesure de dire si l’amende en question avait été trop légère en raison de l’insuffisance de la preuve produite à l’appui. La Commission a relevé que l’agresseur avait été mis en accusation et condamné, ce qui a nui aux efforts des demandeurs qui entendaient réfuter la présomption de protection de l’État.
Dans le cas de la détention aux mains d’un gardien de sécurité, bien que la police se soit moquée de l’un des demandeurs, elle a tout de même fait enquête et produit un rapport sur l’incident. La Commission a conclu qu’il y avait eu un manquement des autorités au niveau local, mais qu’un seul manquement ne suffisait pas pour réfuter la présomption de protection de l’État.
[6] La Commission s’est alors penchée sur la question de la protection de l’État en Hongrie de manière générale, examinant non seulement l’action des organismes gouvernementaux, mais également les mesures prises en vue de la mise en œuvre des normes définies par la Communauté européenne, reconnaissant toutefois les difficultés auxquelles donne lieu, au niveau local, l’application de certaines lois.
[7] La Commission a, en dernière analyse, dit ne pas être convaincue que la Hongrie n’aurait pas accordé aux demandeurs la protection de l’État s’ils avaient cherché à s’en prévaloir. La Commission a noté le haut degré de développement de la démocratie en Hongrie, la tenue d’élections libres et équitables, relevant en outre l’indépendance et l’impartialité du système judiciaire. La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas pris toutes les mesures raisonnables pour que s’enclenche la protection de l’État.
III. ANALYSE
[8] Il a été convenu que les conclusions concernant la protection de l’État, sont, comme dans la décision contestée en l’espèce, essentiellement une question de fait, et qu’elles relèvent de la norme de contrôle de la « raisonnabilité ».
[9] La question déterminante étant la protection de l’État, la Commission n’était pas tenue de se livrer à une analyse détaillée relativement à la crainte subjective. Le rapport du psychologue confirme la crainte subjective éprouvée par les demandeurs, mais ne contribue en rien à l’analyse de la question de la protection de l’État. Sur ce point, la psychologue n’a pas une connaissance directe de l’adéquation de la protection de l’État, question qui n’est pas de son domaine.
[10] La Commission a fait preuve de compréhension lorsque les demandeurs ont fait le récit de ce qui leur était arrivé, mais a relevé, à juste titre, les cas, en 2002 et 2007, où les demandeurs n’ont pas porté à l’attention des autorités les incidents décrits.
[11] La Commission s’est livrée à l’analyse qui convient avant de se prononcer sur la question de la protection de l’État. Elle a examiné la législation et les organisations auxquelles les demandeurs auraient pu demander assistance, mais a également tenu compte de la réalité sur le terrain. Comme il s’agissait d’une démocratie développée, membre de l’Union européenne, elle a raisonnablement pu retenir la présomption de protection de l’État.
[12] C’est également raisonnablement que la Commission a pu conclure que, ne s’étant pas adressés aux autorités, les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de protection. La Commission n’a relevé aucun cas de refus péremptoire d’assistance, et les manquements (si tant est qu’il y en ait eu) étaient purement locaux, et non systémiques.
[13] C’est, de la part de la Commission, pure verbiage que de dire qu’il faut, pour réfuter la présomption de protection de l’État, présenter une preuve « claire et convaincante », car le critère applicable demeure celui de la prépondérance des probabilités (Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, [2008] 4 RCF 636, aux paragraphes 24 et 30). Ce qui importe le plus en l’espèce, c’est que la preuve incombait aux demandeurs. La formule « claire et convaincante » n’est d’aucune utilité en l’espèce, étant donné qu’en ce qui concerne la question de la protection de l’État, la Commission a appliqué le critère juridique qui convenait. Elle a conclu que, globalement, la protection de l’État était assurée et que les demandeurs n’avaient pas démontré, comme il leur appartenait de le faire, l’absence de protection de l’État, que ce soit de manière générale ou en ce qui les concerne particulièrement.
IV. CONCLUSION
[14] La demande de contrôle judiciaire sera par conséquent rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
Juriste-traducteur et traducteur-conseil
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3316-12
INTITULÉ : GEZA OLAH
GEZANE OLAH
KRISZTIAN OLAH
EVELIN DORINA OLAH
ADRIENN BECSI
ALEXANDRA VIVIEN OLAH
GEZA OLAH
ANDREA ERZSEBET PACZOK
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 18 décembre 2012
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS : Le 31 janvier 2013
COMPARUTIONS :
Mark Rosenblatt
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POUR LES DEMANDEURS
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Christopher Ezrin |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
MARK ROSENBLATT Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS |
WILLIAM F. PENTNEY Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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