Date : 20130125
Dossier : IMM-2644-12
Référence : 2013 CF 63
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2013
En présence de monsieur le juge O’Reilly
ENTRE :
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FATIMA KANIZ, MAKKI AMNA, MAKKI MAMOONA, MUHAMMAD OMER
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Aperçu général
[1] Les demandeurs forment une famille qui est arrivée au Canada depuis le Pakistan en 2006. Mme Fatima Kaniz est la mère de deux filles, Amna et Mamoona Makki, et d’un garçon, Muhammad Omer. Lorsqu’elle a quitté le Pakistan, la famille comprenait le mari de Mme Kaniz, M. Raja Ali Muhammad, qui est le père d’Amna, de Mamoona et de Muhammad Omer.
[2] La famille a revendiqué l’asile en alléguant sa crainte de persécution religieuse au Pakistan. La demande d’asile a été rejetée par un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, mais une nouvelle audience a été ordonnée par la Cour à la suite d’une procédure de contrôle judiciaire.
[3] En avril 2009, avant la nouvelle audience, la police s’est présentée chez les demandeurs à la suite d’un différend familial. M. Muhammad fut accusé de voies de fait, mais les accusations ont plus tard été abandonnées. Mme Kaniz et M. Muhammad se sont plus tard séparés.
[4] En 2010, M. Muhammad a informé la Commission que la demande d’asile déposée par la famille était fausse. La Commission a donc séparé la demande de M. Muhammad de celle du reste de la famille. Mme Kaniz a modifié son Formulaire de renseignements personnels (FRP) pour y préciser qu’elle craignait les violences de M. Muhammad. À la deuxième audience, la Commission devait donc considérer la revendication initiale fondée sur la crainte de persécution religieuse, ainsi que les allégations nouvelles de violence familiale.
[5] La Commission a estimé, se fondant sur les omissions et les contradictions du témoignage de Mme Kaniz, que la preuve produite par celle-ci manquait totalement de crédibilité. Selon la Commission, Mme Kaniz n’était ni une réfugiée ni une personne à protéger. Comme les trois enfants s’appuyaient sur la preuve produite par leur mère, la Commission a conclu que leurs demandes d’asile devaient elles aussi être rejetées.
[6] Les demandeurs font valoir que la Commission a commis une erreur dans ses conclusions touchant leur crédibilité, qu’elle n’a pas examiné la preuve en tenant compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, et qu’elle a rejeté à tort les demandes d’asile des enfants, lesquelles étaient fondées sur une preuve autonome. Ils soutiennent que la décision de la Commission était déraisonnable et ils me demandent d’annuler cette décision et d’ordonner une nouvelle audience.
[7] Je reconnais que la Commission n’a pas accordé une attention suffisante aux demandes d’asile des enfants. Dans cette mesure, je ferai droit à la présente demande de contrôle judiciaire. Je ne suis pas convaincu cependant que les conclusions de la Commission touchant la crédibilité des demandeurs étaient par ailleurs déraisonnables ou que la Commission n’a pas appliqué les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe.
[8] Les points litigieux sont les suivants :
1. Les conclusions de la Commission sur la crédibilité étaient-elles déraisonnables?
2. La Commission s’est-elle abstenue d’appliquer les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe?
3. La Commission s’est-elle abstenue de considérer les demandes d’asile d’Amna, de Mamoona et de Muhammad?
II. La
décision de la Commission
[9] Les 31 pages de la décision de la Commission portent pour l’essentiel sur l’évaluation de la preuve produite par Mme Kaniz. La Commission a relevé plus d’une douzaine d’aspects pour lesquels la preuve de Mme Kaniz était incomplète ou contradictoire. Qui plus est, Mme Kaniz n’avait pas précisé dans son FRP que M. Muhammad usait de violences physiques envers elle. Elle n’avait fait état que de violences verbales. Elle avait bien fait état d’agressions physiques sur son fils, mais elle a dit que son FRP aurait été trop long si elle y avait inclus des renseignements sur le fait qu’elle‑même subissait des violences physiques.
[10] La Commission a recensé maints autres exemples d’omissions et de contradictions. Elle a aussi fait état des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, mais a néanmoins estimé que la preuve produite par Mme Kaniz n’était pas crédible. Puisque les demandes d’asile des enfants étaient fondées principalement sur cette preuve, la Commission les a également rejetées.
III. Premier point – Les conclusions de la Commission sur la crédibilité étaient‑elles déraisonnables?
[11] Mme Kaniz fait valoir que la Commission a conclu à tort que la demande d’asile de la famille n’était pas étayée par une preuve crédible.
[12] Par exemple, la Commission a écarté la preuve contenue dans le rapport de police qui confirmait que des agressions avaient été commises par M. Muhammad. Le rapport mentionnait que Mme Kaniz portait des marques attestant des morsures. On pouvait aussi y lire que le procureur de la Couronne avait approuvé des accusations de voies de fait causant des lésions corporelles contre M. Muhammad, que Muhammad Omer avait été hospitalisé pour ses blessures et que la Société d’aide à l’enfance avait été informée de la situation. La Commission a également accordé peu de poids à un rapport de l’Hôpital pour enfants malades dans lequel l’auteur faisait état des violences qui avaient été infligées à Muhammad Omer par son père.
[13] À mon avis, les conclusions de la Commission touchant la crédibilité des demandeurs n’étaient pas déraisonnables. Les rapports de la police et de l’hôpital décrivaient simplement ce que leurs auteurs s’étaient fait dire; ils ne contenaient pas une preuve corroborante autonome. Et ils étaient d’ailleurs contredits par le témoignage de Mme Kaniz, qui était lui-même contradictoire.
IV. Deuxième point – La
Commission s’est-elle abstenue d’appliquer les Directives concernant la
persécution fondée sur le sexe?
[14]
La
Commission s’est référée à plusieurs reprises aux Directives concernant la
persécution fondée sur le sexe et a expliqué en quoi elles avaient influé sur
sa manière d’apprécier la situation. Mme Kaniz fait valoir que
la Commission s’est abstenue d’appliquer les Directives en ce sens qu’elle aurait
refusé de comprendre que son mari avait retenu des renseignements se rapportant
à certains de ses actes et que les violences exercées par son mari avaient pesé
sur son témoignage à elle.
[15] Je ne puis voir aucune erreur dans la manière dont la Commission a considéré les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Elle a pris en compte le bagage culturel de Mme Kaniz, elle a traité celle-ci avec sensibilité durant l’audience et elle lui a épargné l’obligation de donner le détail précis de ce qu’elle avait vécu. La Commission n’a pas reproché à Mme Kaniz son manque de connaissances; elle a plutôt trouvé que son témoignage était tout simplement contradictoire sous plusieurs aspects. Les Directives n’obligent pas la Commission à fermer les yeux sur une preuve contradictoire.
V. Troisième point – La
Commission s’est-elle abstenue de considérer les demandes d’asile d’Amna, de Mamoona
et de Muhammad Omer?
[16]
Mme Kaniz
fait observer que la Commission n’a pas tenu compte de la preuve distincte
appuyant les demandes d’asile de ses enfants.
[17]
Je
partage son avis. Muhammad Omer a témoigné qu’il craint son père et qu’il avait
tenté de se suicider à cause du climat délétère qui régnait à la maison. Mamoona
et Amna ont affirmé qu’elles craignaient d’être contraintes de consentir à des
mariages arrangés avec leurs cousins sunnites au Pakistan.
[18] La Commission n’a nullement évoqué le témoignage de Muhammad Omer. Elle n’a pas non plus fait état des observations indépendantes de la police, qui avait remarqué que Muhammad Omer présentait des égratignures et des contusions et qu’il avait dû être emmené à l’hôpital après avoir été agressé par son père.
[19] La Commission a bien fait état du témoignage de Mamoona qui disait craindre un mariage forcé, mais elle n’en a pas tenu compte parce que ce témoignage n’avait été produit qu’après que les demandes d’asile des demandeurs avaient été séparées de celle de M. Muhammad. Cependant, tel était le cas de toutes les nouvelles allégations des demandeurs se rapportant à la crainte que leur inspirait M. Muhammad. Il n’y avait aucune raison valable d’écarter les craintes exprimées par Mamoona et Amna du seul fait qu’elles avaient été exprimées à un moment plutôt qu’à un autre. Il était clair que de nouveaux motifs à l’appui des demandes d’asile n’auraient pu être invoqués qu’après que lesdites demandes avaient été séparées de celle de M. Muhammad.
VI. Conclusion
[20]
Les
conclusions de la Commission touchant la crédibilité des demandeurs n’étaient
pas déraisonnables, au vu de la preuve, et la manière dont la Commission a considéré
les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe ne l’était pas non
plus. Cependant, la Commission n’a pas examiné séparément les demandes d’asile
de Muhammad Omer, de Mamoona et d’Amna. Dans cette mesure, je ferai droit à la
présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé que
soit certifiée une question de portée générale, et aucune question du genre n’est
énoncée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. La
demande de contrôle judiciaire est accueillie en ce qui concerne les demandeurs
Muhammad Omer, Mamoona Makki et Amna Makki.
2. Aucune question de portée générale n’est soulevée.
« James W. O’Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2644-12
INTITULÉ : FATIMA KANIZ, ET AL
c
MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 20 novembre 2012
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 25 janvier 2013
COMPARUTIONS :
Bahman Motamedi |
POUR LES DEMANDEURS
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Sharon Stewart Guthrie |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Green and Spiegel, LLP Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS |
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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