Date : 20121219
Dossier : T‑208‑12
Référence : 2012 CF 1508
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2012
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
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ANGELA MITCHELL
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demanderesse
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et
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AGENCE DU REVENU DU CANADA
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défenderesse
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MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT
I. INTRODUCTION
[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent de révision de l’Agence du revenu du Canada (ARC) a rejeté la contestation, de la demanderesse, d’une décision faisant suite à un processus de sélection qui était, d’après la demanderesse, arbitraire.
II. LE CONTEXTE
[2] La demanderesse a posé sa candidature à un poste de chef d’équipe, Programme TPS/TVH de l’ARC. Le concours relatif à ce poste prévoyait un exercice de simulation visant à évaluer les bonnes relations interpersonnelles [BRI]. La simulation des BRI comprenait une description factuelle de trois pages et a été notée par deux évaluateurs. La note de passage était de 70 %; étant donné que les BRI étaient notées sur 50, il fallait obtenir 35 pour réussir.
[3] Les évaluateurs ont utilisé une clé de notation et une clé de correction. La clé de notation invitait les évaluateurs à répondre à des questions précises, par exemple : [traduction] « le candidat a‑t‑il mentionné qu’il était nécessaire de faire la promotion du travail d’équipe? »; « le candidat a‑t‑il établi et conservé de bonnes relations et une bonne communication avec les autres, c’est‑à‑dire Gavin, le chef de section […] ». La clé de correction exposait les critères à utiliser pour juger la qualité générale de chaque réponse.
[traduction]
Des points ne seront pas accordés à chacun des critères, mais les critères ci‑dessous seront pris en compte pour juger de la qualité générale de chaque réponse :
‑ tenir compte des caractéristiques personnelles des autres et entretenir des relations positives avec eux;
‑ établir et préserver des relations bonnes et productives avec les subordonnés, les pairs et les superviseurs;
‑ obtenir de bons résultats grâce aux interactions avec les autres;
‑ être sensible et réactif tout en étant ferme si la situation l’exige;
‑ traiter avec tact les personnes ayant des personnalités difficiles ou rebelles.
[4] Les notes associées à la clé de correction de la demanderesse contenaient des commentaires sur ses forces et ses faiblesses, constatées au vu des réponses aux questions posées dans l’exercice de simulation. La demanderesse a obtenu 25/50 et a été, pour cette raison, sa candidature n’a pas été retenue.
[5] La demanderesse a exercé son droit de recours de premier niveau – une demande de rétroaction individuelle. Ce recours ne peut être exercé que pour le motif que la décision était « arbitraire ». La notion d’arbitraire est définie de la façon suivante :
De manière irraisonnée ou faite capricieusement; pas faite ou prise selon la raison ou le jugement; non basée sur le raisonnement ou une politique établie; n’étant pas le résultat d’un raisonnement appliqué aux considérations pertinentes; discriminatoire (c’est‑à‑dire, selon les motifs de distinction illicite énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne).
Dans la décision de premier niveau, il a été conclu que la demanderesse n’avait pas fait l’objet d’un traitement arbitraire.
[6] La demanderesse a alors exercé son droit de recours de second niveau – Révision de la décision. C’est sur cette décision que porte le présent contrôle judiciaire. La décision du réviseur a porté sur la plainte de traitement arbitraire de la part des évaluateurs. Le réviseur a pris note de la nature de la plainte de la demanderesse, du fait que celle‑ci ne pouvait savoir combien elle avait obtenu pour chaque élément, question ou critère particulier. L’explication qu’a fournie le réviseur à la demanderesse au cours d’une rencontre personnelle a été que les évaluations s’effectuaient de façon holistique et globale.
[7] Dans sa décision, le réviseur confirme avoir rencontré les membres du Comité de sélection pour examiner les préoccupations soulevées.
[8] En fin de compte, le réviseur a conclu que la méthodologie et les outils d’évaluation choisis pour ce processus ainsi que l’évaluation elle‑même étaient appropriés. Le réviseur a conclu que la demanderesse n’avait pas fait l’objet d’un traitement arbitraire.
[9] La demanderesse conteste la décision du réviseur parce qu’il n’a pas suivi les Lignes directrices sur les méthodes d’évaluation du Programme de dotation en personnel de l’ARC (document non daté), qu’il a omis d’examiner chaque question de la clé de notation et chacun des critères de la clé de correction et qu’il n’a pas agi conformément aux principes de dotation. La demanderesse se plaint en réalité du fait qu’elle n’a pas pu faire correspondre chaque élément de la clé de notation et de la clé de correction à un commentaire ou à une évaluation et que les commentaires présentés par les évaluateurs regroupaient les questions ou les combinaient et qu’ils avaient adopté une approche plus globale pour l’évaluation des aptitudes et des capacités.
III. ANALYSE
[10] La norme de contrôle pour ce genre de décision a été établie dans Wloch c Canada (Agence du revenu), 2010 CF 743, au paragraphe 21, et la Cour a décidé qu’il s’agissait de la raisonnabilité. Les parties en ont convenu.
[11] La question préliminaire concernait l’admissibilité des notes qu’avait prises la demanderesse de ce qui s’était dit aux différents niveaux de révision. Ces notes n’ont pas été transmises au réviseur, mais elles ont pour but d’étayer l’affirmation selon laquelle le réviseur n’a pas examiné toutes les allégations de la demanderesse.
[12] Je conclus que cette preuve est admissible parce que la demanderesse soutient en partie qu’elle a été traitée de façon injuste et que le réviseur avait commis des omissions et des manquements. Tout comme dans les cas de violation de la justice naturelle, il est souvent impossible de prouver ce type d’allégation sur le fondement du dossier du tribunal. En fait, on conclut à l’absence d’une mesure ou à l’omission de certains éléments de preuve importants parce que le dossier du tribunal ne contient rien à leur sujet. Il est intéressant, sur le plan de l’équité, de faire remarquer que les notes de l’observateur de l’ARC ont été versées au dossier de la Cour. Me fondant sur les principes de la pertinence et de l’équité, j’estime que ce qui s’applique à l’un s’applique à l’autre, et je rejette la requête en radiation de certaines parties du dossier de la demanderesse.
[13] Malgré tout, cette décision favorable à la demanderesse n’a pas entraîné une décision favorable sur la demande de contrôle judiciaire.
[14] Sur le plan du processus, le réviseur a examiné les politiques internes de l’ARC et a compris l’élaboration de la simulation des BRI et son emploi. L’examen des commentaires présentés par les évaluateurs fait ressortir une corrélation suffisante entre ces commentaires et les questions et critères utilisés. On sait clairement sur quoi se sont fondés les évaluateurs pour arriver à leur conclusion.
[15] La demanderesse n’a pas le droit d’exiger qu’on utilise un format particulier pour l’évaluation. Il n’existe pas d’obligation qu’il y ait un commentaire pour chaque question. Ce n’est pas le genre d’exercice pour lequel il y a lieu d’utiliser le genre de format matriciel que réclame la demanderesse.
[16] Comme la Cour d’appel l’a fait observer dans McGregor c Canada (Procureur général), 2007 CAF 197, aux paragraphes 51 et 52, le processus d’évaluation des compétences et traits de caractère pour accorder une promotion n’est pas une fonction mathématique, mais est en grande partie une affaire d’opinion.
51 Toutefois, parmi les capacités et les qualités personnelles exigées pour les postes à pourvoir, il y a lieu de mentionner la capacité de diriger une équipe multidisciplinaire de ressources humaines, la capacité d’établir des partenariats et des relations de travail efficaces avec les principaux intervenants, la capacité de communiquer efficacement oralement et par écrit et la souplesse du comportement. Obliger le jury de sélection à expliquer dans les moindres détails les considérations ayant joué un rôle dans la note attribuée pour chacune des capacités et qualités personnelles évaluées rendrait le processus encore plus laborieux. Ainsi que le juge Pratte l’explique dans l’arrêt Blagdon à la page 623 :
Le simple fait que le comité d’appel, s’il avait siégé à titre de jury de sélection, serait parvenu à une conclusion différente de celle du jury de sélection ne constitue pas un motif suffisant pour accueillir l’appel. Il faut bien comprendre que l’appréciation du mérite de différentes personnes, fonction attribuée au jury de sélection, ne peut être réduite à une fonction mathématique; dans bien des cas, c’est une affaire d’opinion. Il n’y a aucune raison pour préférer l’opinion d’un comité d’appel à celle d’un jury de sélection.
[Non souligné dans l’original.]
52 À mon avis, le comité d’appel a correctement appliqué ces principes lorsqu’il a rejeté l’argument de M. McGregor, au paragraphe 43 de sa décision :
[traduction]
Le jury de sélection n’avait pas à justifier combien de points pouvaient être attribués relativement à chacun des outils de sélection employés pour évaluer une qualité déterminée. La raison d’être de l’évaluation globale est de permettre au jury de sélection d’examiner tous les renseignements fournis par le candidat. Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, l’évaluation ne peut être réduite à une fonction mathématique.
[17] Dans une autre décision de sélection non liée à la présente demande qu’a citée la demanderesse, un tiers indépendant chargé de réviser la décision de sélection en question a conclu qu’il était erroné d’utiliser des évaluations globales. La demanderesse s’appuie sur ces commentaires pour faire valoir que l’on retrouve dans sa propre affaire les mêmes erreurs, mais cet argument ne peut être retenu. Non seulement les révisions effectuées par des tiers indépendants ne constituent pas des précédents, mais encore elles ne valent que pour les faits particuliers de l’affaire en cause. Elles n’établissent que l’opinion d’un tiers; en l’absence d’une preuve appropriée et d’un contre‑interrogatoire sur cette preuve, ce commentaire n’est guère utile.
[18] Dans l’affaire dont est saisie la Cour, le réviseur disposait de tous les documents pertinents, il a fait enquête sur le processus, parlé aux personnes concernées et est arrivé à une conclusion qu’il pouvait raisonnablement tirer.
IV. CONCLUSION
[19] Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée sans frais.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑208‑12
INTITULÉ : ANGELA MITCHELL
et
AGENCE DU REVENU DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 6 novembre 2012
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS : Le 19 décembre 2012
COMPARUTIONS :
Steven Welchner
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POUR LA DEMANDERESSE
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Hélène Robertson
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POUR LA DÉFENDERESSE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
WELCHNER LAW OFFICE PROFESSIONAL CORPORATION Avocats Ottawa (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE
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William F. Pentney Sous‑procureur général du Canada Ottawa (Ontario)
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POUR LA DÉFENDERESSE
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