Date : 20121206
Dossier : IMM‑2580‑12
Référence : 2012 CF 1433
[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]
Toronto (Ontario), le 6 décembre 2012
En présence de monsieur le juge Martineau
ENTRE :
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NAWAL MUNDER KHEDER ALCHARIC, FANAR HATEM ZAKARNAH, FADI HATEM ZAKARNAH, DAWOOD HATEM ZAKARNAH ET DIANA HATEM ZAKARNAH
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La demanderesse principale, Mme Nawal Munder Kheder Alcharic (la demanderesse) et ses enfants sont des citoyens de la Jordanie. Ils ont demandé l’asile au Canada. Le 28 février 2012, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté leur demande parce que la demanderesse manquait de crédibilité, et parce qu’elle n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État.
[2] La demanderesse est née en Irak, elle y a fréquenté l’Université et y a travaillé comme enseignante. Elle a rencontré son ex‑époux après être déménagée en Jordanie. Ils se sont mariés en 1994 ainsi, la demanderesse a obtenu la citoyenneté en Jordanie. En 2000, l’époux de la demanderesse a commencé à travailler en Arabie saoudite. La demanderesse et leurs enfants sont enfin allés le rejoindre et ils ont vécu en Arabie saoudite en qualité de résidents temporaires. Ils disent que leurs difficultés ont commencé en 2008, lorsque le gestionnaire de l’époux de la demanderesse a été remplacé par un membre de la tribu Al‑Onayzi. La demanderesse l’a décrit comme un extrémiste religieux. Elle prétend que cet homme a harcelé et menacé son époux, qu’il lui a demandé de se convertir à l’Islam. Selon la demanderesse, la situation a dégénéré le 20 mai 2008, lorsqu’un groupe de personnes est entré avec violence dans leur résidence, a agressé son époux et a crié que la famille appartenait à la mauvaise religion et devait quitter l’Arabie saoudite. La demanderesse affirme qu’ils ne pouvaient pas aller à la police saoudienne parce que la police ne protégerait pas les étrangers, en particulier des étrangers chrétiens. La demanderesse croit qu’elle ne serait pas en sécurité en Jordanie parce que la tribu Al‑Onayzi est aussi présente dans ce pays. Selon la demanderesse, en tant que chrétienne, elle n’a aucune protection. La demanderesse s’est enfuie avec ses enfants au Canada et ils sont arrivés le 23 août 2008. L’époux ne pouvait pas quitter l’Arabie saoudite parce que son employeur détenait son passeport. Selon la demanderesse, elle a rompu toute communication avec son époux, et elle craint qu’il ne subisse un préjudice. Quoi qu’il en soit, depuis son arrivée au Canada, la demanderesse est maintenant divorcée de son époux.
[3] Les demandeurs demandent maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la Commission par laquelle leur demande d’asile a été rejetée. Il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9. En général, lorsqu’on tient compte de l’ensemble des éléments de preuve contenus dans le dossier, à tous égards, la Cour conclut que la décision de la Commission était justifiable, transparente et intelligible. Contrairement aux affirmations des demandeurs, l’analyse de la Commission tant en ce qui a trait à la crédibilité qu’en ce qui a trait à la protection de l’État n’est pas viciée. La présente demande doit donc être rejetée.
[4] Les conclusions de la Commission relatives à la crédibilité et à l’absence de risque sont bien énoncées et elles sont fondées sur les éléments de preuve contenus dans le dossier. Il n’était pas déraisonnable que la Commission conclue que la demanderesse n’était pas crédible, parce que son récit comprenait beaucoup d’invraisemblances, tandis que le témoignage donné par le frère de la demanderesse n’était ni crédible ni fiable, et les affirmations relatives au risque, faites par la demanderesse n’étaient pas étayées par les éléments de preuve documentaire ou contraires à ceux‑ci. En particulier, selon le témoignage du frère de la demanderesse, des hommes sont allés en Jordanie pour la chercher, ce que la Commission n’a pas cru pour de nombreuses raisons. La Commission a noté que quiconque serait à la recherche de la demanderesse et de ses enfants « aurait[…] su qu’ils n’étaient pas enregistrés en Jordanie et, par conséquent, qu’ils ne s’y trouvaient pas ». La preuve appuie cette affirmation. Selon le témoignage de la demanderesse, en cas de retour en Jordanie, elle devrait en particulier s’enregistrer auprès des autorités, et ses prétendus persécuteurs avaient accès au registre. De plus, il n’était pas déraisonnable que la Commission décide qu’il est culturellement inapproprié en Jordanie que des étrangers demandent où la demanderesse se trouvait. Ainsi, la Commission a décidé qu’il était invraisemblable que des hommes aient agi contrairement aux normes culturelles, tandis qu’il n’était pas crédible que les prétendus persécuteurs de la demanderesse aient « averti[…] les demandeurs d’asile de façon si ouverte que ceux‑ci sont en danger ». En guide d’observation définitive sur la crédibilité, la Commission a aussi mis en doute la raison pour laquelle la demanderesse était divorcée de son époux. Selon le témoignage de la demanderesse, elle estime qu’il était difficile qu’on lui pose des questions sur son époux lorsqu’elle avait recours aux services de santé et à l’école. La Commission a fait observer que le Canada est reconnu pour le fait qu’on n’y harcèle pas les mères célibataires en leur posant des questions sur leur époux ou leur conjoint. La Cour conclut que cette affirmation de la Commission n’était ni abusive ni arbitraire.
[5] Afin de se voir accorder l’asile, les demandeurs doivent aussi renverser la présomption selon laquelle leur pays d’origine est en mesure de leur offrir la protection : Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689. Par conséquent, la Commission a aussi examiné la question de savoir si la protection de l’État aurait pu être raisonnablement offerte en cas de retour de la demanderesse en Jordanie. En l’espère, la demanderesse n’a jamais subi de harcèlement ou de discrimination et encore moins de la persécution en Jordanie. En particulier, elle n’a jamais eu de problème avec la police. La demanderesse prétend que la tribu Al‑Onayzi a une grande influence dans la police, et que, en tant que femme qui n’a aucune affiliation tribale, elle n’a personne à qui se fier pour sa protection. La Commission a décidé que rien dans la preuve documentaire n’indiquait que la protection de la police en Jordanie dépendait d’une affiliation tribale quelconque ni que la tribu Al‑Onayzi était prédominante dans la police. La Commission a déclaré que « le christianisme est une religion reconnue en Jordanie; par conséquent, cette religion tombe sous la protection des autorités jordaniennes ». La Commission a aussi noté un cas où le gouvernement est intervenu pour résoudre une dispute tribale. De telles conclusions ou inférences ne sont pas déraisonnables vu les circonstances, et, encore une fois, elles sont étayées par la preuve.
[6] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. L’avocat n’a proposé aucune question de portée générale et la Cour ne certifiera aucune question.
JUGEMENT
LA COUR STATUE EN CES TERMES : la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.
« Luc Martineau »
Juge
Traduction certifiée conforme
Laurence Endale, LLM., M.A.Trad.jur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2580-12
INTITULÉ : NAWAL MUNDER KHEDER ALCHARIC,
FANAR HATEM ZAKARNAH,
FADI HATEM ZAKARNAH,
DAWOOD HATEM ZAKARNAH
ET DIANA HATEM ZAKARNAH
c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 5 décembre 2012
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : Le juge Martineau
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 6 décembre 2012
Comparutions :
Phillip J.L. Trotter
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POUR LES DEMANDEURS
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Aleksandra Lipska |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS |
William F. Pentney, Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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