Federal Court |
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Cour fédérale |
Date : 20121121
Dossier: IMM-8575-11
Référence : 2012 CF 1341
Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2012
En présence de monsieur le juge Lemieux
ENTRE :
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ABDELKADER KEBCHE
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partie demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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partie défenderesse
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction et Faits
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la part du demandeur Abdelkader Kebche, un citoyen de l’Algérie, à l’encontre de la décision rendue le 28 octobre, 2011 par un membre de la Section de la protection des réfugiés (le Tribunal) de ne pas lui reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger.
[2] Le demandeur témoigne que les personnes qu’il craint sont des membres du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat, maintenant devenu Al-Qaeda au Maghreb Islamique (le Groupe) en raison de son refus de financer ses activités et d’avoir dénoncé ce Groupe aux autorités.
[3] Le Tribunal juge le demandeur crédible et qu’il s’en suit qu’il a établi selon la prépondérance de la preuve, les allégations principales au soutien de sa demande mais n’a pas établi un lien entre le préjudice appréhendé et un motif lié à la Convention ni qu’il serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitement ou peines cruels et inusités.
[4] Le Tribunal résume les faits allégées comme suit; faits qu’il puise du formulaire de renseignement personnel (FRP) du demandeur :
Le demandeur était propriétaire d’une entreprise de taille moyenne dans la construction depuis 2004. En octobre 2007, il a été extorqué de la somme de 500,000 dinars algériens par un groupe d’hommes masqués prétendant aider les « moudjahidines ». Quelques 18 mois plus tard, au mois de mars 2008, un même groupe d’hommes s’est de nouveau présenté pour exiger une somme de 800,000 dinars que le demandeur a refusé de payer. Il a été emporté dans un lieu désert dans les montagnes où il a été torturé pendant trois jours. Le 20 mars, il a accepté de faire le paiement s’ils le relâchaient et lui permettaient de rassembler l’argent auprès d’amis, ce qu’ils ont fait. Le demandeur a immédiatement informé la gendarmerie nationale, puis il s’est enfui vers la capitale, Alger, située à 200 km de son domicile à Chleff. Profitant d’un forum internationale se tenant dans la ville de Québec, il a obtenu un visa d’affaires le 14 avril 2008, puis a voyagé vers le Canada le 16 mai 2008. Trois mois plus tard, il a demandé l’asile en alléguant la crainte d’être tué s’il retournait dans son pays.
[Notre soulignement]
II. La Décision du Tribunal
[5] Le Tribunal fonde sa décision sur trois motifs :
1. Le demandeur n’est pas un réfugié selon la Convention; il n’a pas établi que l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27) (LIPR), s’appliquait aux circonstances de sa cause. L’article 96 de LIPR se lit :
96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :
a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;
b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.
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96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,
(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or
(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.
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2. Le demandeur n’est pas une personne à protéger sous l’article 97 de LIPR parce-que il est visé par le paragraphe 97(b)(ii); le risque dont il est exposé est un risque généralisé. L’article 97 de LIPR se lit comme suit :
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :
a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;
b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :
(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,
(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,
(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,
(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.
(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection. |
97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally
(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or
(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if
(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,
(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,
(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and
(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.
(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection. |
[Notre soulignement]
3. Alternativement, le demandeur n’a pas établi l’absence d’une possibilité d’un refuge interne (PRI).
(a) Le critère d’évaluation pour une PRI
[6] J’estime utile d’aborder en premier lieu la question de savoir si le demandeur a démontré selon la balance des probabilités qu’il n’existait pour lui aucune PRI en Algérie.
[7] Il est bien établi que l’existence d’une PRI suffit en soi pour débouter un revendicateur d’asile (Voir Judge c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1089 et Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1360, para 2).
[8] Il est aussi bien établi que l’existence d’une PRI comporte deux volets : (1) y a-t-il une possibilité sérieuse que le demandeur puisse être persécuté dans les lieux considérés comme une PRI; et (2) serait-il déraisonnablement difficile pour le demandeur, eu égard à toutes les circonstances de l’espèce, de se rendre à l’endroit lui offrant apparemment une PRI (Voir Chowdhury c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 18).
[9] Le juge O’Keefe s’est exprimé dans l’arrêt Sokol c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1257, au paragraphe 38 :
La Commission a‑t‑elle eu tort de conclure qu’il existait une PRI?
Le critère à appliquer pour décider s’il existe une PRI comporte deux volets : (i) le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté ou d’être, selon la prépondérance des probabilités, victime de persécution ou exposé au risque d’être soumis à la torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans la région où il existe une PRI, et (ii) la situation dans la région où il existe une PRI doit être telle que, compte tenu de toutes les circonstances, il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de s’y réfugier (voir Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1993 CanLII 3011 (CAF), [1994] 1 C.F. 589, [1993] A.C.F. no 1172 (C.A.) (QL)).
[10] Le juge Boivin dans Guerilus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 394 s’est exprimé comme suit au paragraphe 20 :
Il incombait aux demanderesses de démontrer pourquoi, selon la prépondérance des probabilités, elles risquent sérieusement d’être persécutées dans une partie du pays où il y aurait une possibilité de refuge intérieur (Thirunavukkarasu). Les demanderesses doivent franchir un seuil très élevé afin de démontrer que la PRI est déraisonnable. Tel qu’expliqué dans Ranganathan c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2000 CanLII 16789 (CAF), [2001] 2 C.F. 164, 266 N.R. 380 (C.A.F.), ci-dessus au par. 15 :
« …Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lien sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. L’absence de parents à l’endroit sûr, prise en soi ou conjointement avec d’autres facteurs, ne peut correspondre à une telle condition que si cette absence a pour conséquence que la vie ou la sécurité du revendicateur est mise en cause… »
(b)
La Décision du Tribunal sur le PRI:
[11] Selon le Tribunal, le demandeur a été invité à énumérer les raisons pour lesquels il ne pourrait pas « se rendre et s’installer dans une grande ville du pays, là où, selon la preuve documentaire, les forces de sécurité réussissent essentiellement à entraver l’action terroriste, en dépit de quelques attentats spectaculaires. À cet égard, le tribunal a suggéré la ville d’Annaba. En réponse, le demandeur a invoqué un obstacle : les Terroristes. Ils auraient signalé à son frère leur intention de ramener la tête du demandeur, peu importe où il se cacherait. Selon lui, ils profitent d’un réseau à travers le pays et même au-delà. Ils finissent toujours par trouver ceux qu’ils cherchent, raison pour laquelle il craint d’être éventuellement retracé et éliminé, peu importe où il se rendrait au pays. À cet égard, il a relaté, d’une part, l’expérience d’autres personnes qui ont été décapitées pour avoir trahi les Terroristes. À titre d’exemple, il a référé au directeur du collège d’enseignement de son village qui a fui chez sa sœur, au sud du pays, et a été retrouvé et tué, quatre ou cinq mois plus tard on 2005. »
[12] Selon le Tribunal, le demandeur a été invité à expliquer quels intérêts ceux-ci auraient à le rechercher à travers le pays, puis à déployer des ressources pour l’éliminer si jamais ils apprenaient où il vivait, le demandeur a répondu « leur crédibilité ». Selon eux, il les a trahit, mobile suffisant pour expliquer une sentence de mort tôt ou tard.
[13] Le Tribunal estime cependant que les :
Terroristes auraient d’autres préoccupations que de s’intéresser au demandeur aujourd’hui à Annaba. Autrement dit, le demandeur n’a pas établi l’intérêt de ceux-ci de le retracer et le cibler dans cette ville. Il arrive à cette détermination en tenant compte du contexte du terrorisme en général au pays et des circonstances particulières du demandeur, dont les éléments suivants :
• le fait que la ville d’Annaba est située à l’extérieur des endroits d’opérations habituelles des groupes terroristes. D’une part, la majorité des attaques terroristes ont lieu dans les zones rurales ou à l’extérieure des grandes villes. D’autre part, les régions les plus affectées par ces activités sont celles de la Kabylie et le sud du pays. En faisant cette détermination, le tribunal tient compte du fait que les médias ne rapportent pas tous les incidents impliquant des groupes terroristes. Cependant, compte tenu de la multitude des sources composant la preuve documentaire référée dans cette analyse, il estime que l’ensemble de cette preuve documentaire soutien le fondement factuel de cette détermination;
• le fait qu’Annaba est une des plus grandes villes du pays avec une population de plusieurs centaines de milliers de personnes;
• la distance de plusieurs centaines de kilomètres entre Annaba et le lieu où le demandeur a vécu à Chleff;
• le fait que le demandeur n’a jamais été associé à cette ville;
• le fait que le demandeur n’a pas établi avoir un profil particulièrement important ou de nature, de part sa famille ou d’autres facteurs, y compris le fait que celle-ci soit connue dans le petit village où elle habite, à faire de lui une personne facile à retracer dans un pays de plus de 30 millions de personnes ou une personne dont la valeur aux Terroristes justifierait l’effort de le retracer;
• le fait que le demandeur n’a pas établi avoir un profil particulier en Algérie et donc vraisemblablement susceptible de justifier que les Terroristes s’acharnent sur lui in particulier. À cet égard, la preuve documentaire signale i) que ces groupes extorque régulièrement les gens pour financer leurs activités et ii) que leurs cibles principales sont les autorités, et particulièrement les forces de sécurités, contre qui ils sont en guerre (alors que le demandeur n’a même pas fait son service militaire);
• le fait que le demandeur n’a pas établi qu’il représente une menace aux Terroristes ou qu’il est un obstacle à l’atteinte de leurs objectifs politiques ou idéologiques;
• le fait que les terroristes ne jouissent pas d’un soutien populaire significatif et que le demandeur est vraisemblablement une personne parmi des milliers qui sont ou ont été en situation de conflit avec ces groupes terroristes en raison d’un refus d’obtempérer à leurs demandes ou d’une dénonciation portée à leur égard;
• le facteur dissuasif que représentent les autorités policières, qualifiées généralement d’efficaces dans le maintien de l’ordre en dépit de problèmes de corruption dans la fonction publique;
•
la
capacité de frappe réduite des groupes terroristes, notamment dans les grandes
villes, en raison de la lutte menée avec succès par les autorités contre eux.
À cet égard, le tribunal est conscient que les terroristes demeurent une
préoccupation importante an Algérie. Ils continuent à se livrer à des
attaques, s’en prenant régulièrement et principalement aux autorités
algériennes, et particulièrement aux forces de sécurités déployées pour les combattre.
Toutefois, bien que ce terrorisme domestique n’ait pas complètement été
éliminé, la preuve documentaire
rapporte dans sont ensemble que les autorités ont sensiblement réduit la
capacité des groupes de terroristes à opérer sur le terrain, et plus
particulièrement dans les grandes villes comme Annaba. Ce résultat a été atteint
grâce, d’une part, à des opérations menées par les services de sécurité et,
d’autre part, à une politique de main tendue à ceux disposés à renoncer au
terrorisme. Au cours des dernières années, le gouvernement s’est engagé de
manière ferme et non équivoque à lutter contre ces groupes et ses efforts se
son traduits par une amélioration substantielle de la situation sécuritaire au
pays depuis las guerre civile de 1992 à 2000. Cette amélioration se note tant
dans le nombre décroissant d’incidents et de victimes, que dans las
distribution géographique sensiblement rétrécie des incidents. Des ressources
considérables sont affectés à
cette lutte et le pays, qui joue un rôle de leader sans la région à cet égard,
fait des efforts importants afin de maintenir la sécurité nationale. De plus,
il atteint des résultats concrets : les personnes soupçonnées de faire
partie d’un groupe terroriste sont arrêtées, détenues, accusées et traduites
devant la justice. D’autres sont tués dans des confrontations avec les forces
de sécurité, dont près de 500 selon certaines sources en 2010;
• le fait qu’en dépit du vent de changement qui souffle dans la région du Maghreb, de demandeur n’a pas établi la probabilité que le pays bascule vers un situation où ses autorités se désintéresseraient ou ne parviendraient plus à lutter efficacement contre la menace terroriste;
•
le
délai de temps s’étant écoulé depuis la dernière manifestation d’intérêt de la
part des terroristes, soit à la
mi-2008, il y a plus de trois années; et
• l’absence d’intérêt manifesté par les terroristes envers la famille du demandeur depuis cette période, laquelle famille demeure encore aujourd’hui dans la même résidence où il habitait aussi autrefois.
[14] Le Tribunal a conclu :
… que le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau d’établir une possibilité sérieuse de persécution pour l’un des motifs prévus à la Convention s’il vivait à Annaba, ni le risque d’y être l’objet de menace à sa vie, de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités s’il devait s’y rendre et s’y installait aujourd’hui.
[15] Quant au deuxième volet de l’analyse du PRI, le Tribunal souligne que M. Kebche n’a pas soulevé des problèmes autre que sa crainte vis-à-vis les terroristes; il n’a pas établi que la ville d’Annaba serait un lieu irréaliste, inaccessible où objectivement déraisonnable pour lui.
[16] Le Tribunal note aussi le haut taux de chômage, une culture du clientélisme et la cherté du logement qui nourrissent le mécontentement des jeunes. Il estime cependant comme suit :
Toutefois, cette preuve documentaire n’établit pas que ces obstacles ne sont pas raisonnablement surmontables, notamment pour une personne avec le profil du demandeur. Ce dernier ne fait pas partie d’une population vulnérable ou marginalisé dans sa société. Il est un homme musulman de 32 ans, célibataire, sans enfants, polyglotte, avec 14 années d’éducation formelle, une expérience de travail et d’entreprise et une grande famille ou pays. Il n’a pas allégué ni établi d’être physiquement ou mentalement inapte au travail et a paru au Tribunal être un homme intelligent et débrouillard.
[17] Le Tribunal termine sa décision en écrivant :
Pour toutes ces raisons, même si le tribunal acceptait que le demandeur avait établi une crainte, un risque ou une menace bien fondée de vivre dans sa ville d’origine – ce qui n’est pas le cas, le tribunal estime que le demandeur n’a pas établi l’absence d’une PRI dans son pays.
[Notre soulignement]
III. Les arguments des parties quant au PRI
(a) Ceux du demandeur
[18] Le demandeur soumet qu’il n’a aucune PRI en Algérie et que les membres du Groupe, une organisation terroriste importante, le trouverait n’importe où en Algérie. Il compare Annaba à la Capitale Alger, lieu où il s’est réfugié après avoir quitté sa région.
[19] Il souligne que Alger, à titre de siège du gouvernement lui apparaissait la plus sécuritaire puisque les militaires et policiers y sont concentrés en plus grand nombre. La preuve documentaire montre qu’Alger est la ville le plus sécuritaire en Algérie. Dans son affidavit déposé à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, il indique qu’il avait peur à Alger devant le grand nombre d’islamistes et « je craignait puisque j’avait dénoncé le Groupe ». Selon le demandeur, s’il ne peut se réinstaller à la Capitale sans crainte de persécution, il ne le peut pas à Annaba non plus.
[20] Selon le demandeur, il était important que la SPR se penche sur la nature du groupe persécuteur – un groupe terroriste extrêmement violent qui dispose d’une mobilité et qu’il est difficile de concilier que la SPR puisse reconnaître la véracité des allégués du demandeur mais lui refuser la protection sur une base spéculative que l’on comprendrait mal l’intérêt ou le motivation de ceux-ci.
(b) Ceux du défendeur
[21] Le défendeur soutient que le demandeur avait le fardeau de démontrer, sur la balance des probabilités, qu’il risquait sérieusement et personnellement d’être persécuté partout en Algérie et qu’il était objectivement déraisonnable pour lui de se prévaloir d’un refuge interne. Il cite l’arrêt Guerilus au paragraphe 20 que j’ai déjà reproduit dans ces motifs.
[22] Il souligne que le demandeur n’a déposé aucune preuve objective qu’il serait menacé à Annaba. Le fait que le Tribunal l’a jugé crédible ne suffit pas pour nier l’existence d’une PRI.
IV. Analyse et conclusion
(a) Le norme de contrôle
[23] La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable puisque la question de l’existence du PRI en l’espèce est fondée sur une appréciation des faits par le Tribunal; Dunsmuir c Nouveau-Bruswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, para 47 :
La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
(b) Conclusion
[24] J’estime que cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Le demandeur avait le fardeau de démontrer que le Tribunal avait commis une erreur dans l’appréciation de la preuve devant elle lorsqu’il a trouvé l’existence d’une PRI à Annaba. La comparaison d’Annaba avec Alger n’avance pas sa cause. Il n’y avait aucune preuve devant le Tribunal qu’il était recherché à Alger par le Groupe lorsqu’il habitait dans la Capitale. Je considère comme le Tribunal l’a perçu; sa crainte d’être retrouvé à Annaba n’était pas objectivement raisonnable. Qui plus est, le Tribunal était conscient de la nature du Groupe.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que cette demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question d’importance a été proposée.
« François Lemieux »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-8575-11
INTITULÉ : ABDELKADER KEBCHE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal, Québec
DATE DE L’AUDIENCE : 17 mai 2012
MOTIFS DE JUGEMENT
ET JUGEMENT: monsieur le juge Lemieux
DATE: 21 novembre 2012
COMPARUTIONS :
Me Stéphane Hébert
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
Me Diane Lemery
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POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Hébert, Tardif avocats s.e.n.c.r.l. Montréal (Québec)
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
William F. Pentney, Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec)
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POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |