Date : 20121121
Dossier: IMM-8365-11
Référence : 2012 CF 1348
Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2012
En présence de monsieur le juge Lemieux
ENTRE :
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BRAHIM CHABIRA
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] Brahim Chabira est un citoyen de l’Algérie. La décision qu’il conteste par moyen de cette demande de contrôle judiciaire est celle de l’agente principale d’immigration Judith Gaumont, en date du 2 novembre 2011, refusant sa demande de résidence permanente au Canada basée sur des motifs humanitaires fondés notamment sur son établissement au Canada entre 1989 et 1994 et de 1997 à aujourd’hui, ainsi que les risques de son retour en Algérie liés à la famille Chafia mais aussi liés au Département du renseignement de la sécurité en Algérie (le DRS).
II. Les Faits
[2] Le demandeur est entré la première fois au Canada le 6 juin 1989 muni d’un visa.
[3] En juin 1992, il demande l’asile; il craint la famille Chafia qui le menace en raison de sa relation avec Samira Chafia. Il quitte le Canada en 1995 pour vivre en Algérie après avoir été débouté en 1994 par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) et par la Cour fédérale le 28 février 1995, qui refuse sa demande d’autorisation.
[4] En 1997, Monsieur Chabira revient vivre au Canada mais sans statut. Il travaille illégalement au Canada jusqu'à ce qu’il obtienne un permis de travail en 2004.
[5] En 2004, il dépose une première demande de résidence permanente basée sur des considérations humanitaires (demande CH); celle-ci a été refusée, étant incomplète.
[6] Le 26 mars 2009, il dépose sa deuxième demande CH. Le 2 novembre 2011, l’agente d’immigration Gaumont refuse cette deuxième demande.
III. La Décision Contestée
[7] L’agente introduit ses motifs en écrivant :
Le demandeur demande à être dispensé de l’obligation de faire partie d’une des catégories réglementaires afin de déposer sa demande de résidence permanente à l’intérieur du Canada et ce, en raison de la présence de motifs d’ordre humanitaire. Le demandeur a le fardeau de démontrer que sa situation personnelle est telle que les difficultés qui découleraient du rejet de cette demande de dispense sont inhabituelles et injustifiées ou démesurées.
Il importe de souligner que, tel que spécifié dans le guide IP5 portant sur les demandes pour circonstances d’ordre humanitaire, toute évaluation des circonstances d’ordre humanitaire favorable est une réponse exceptionnelle à un ensemble particulier de circonstances.
(a) Son établissement
[8] Les motifs de l’agente sur l’établissement du demandeur se résument ainsi :
1. Elle reconnaît que M. Chabira est au Canada depuis près de 15 ans et qu’il a un bon dossier civil canadien (aucune accusation pendante, ni condamnation);
2. Elle remarque que M. Chabira documente son emploi de restaurateur entre 2004 et 2008; sa formation de chauffeur de taxi en 2006; qu’il exerce ce métier depuis; et qu’il soumet fidèlement ses rapports d’impôt;
3. Elle constate cependant : « … que le demandeur a eu des revenus annuels d’emploi peu élevés et qu’il a connu plusieurs périodes de chômage au cours des dix dernières années »;
4. Elle reconnaît que les perspectives d’emploi en Algérie sont limitées, mais ajoute : « Toutefois, bien que M. Chabira affirme craindre des difficultés en Algérie, il n’a pas démontré de façon satisfaisante que son séjour au Canada lui a permis d’être à l’abri de telles difficultés »;
5. Elle accorde un faible poids à l’argument présenté par M. Chabira qu’il fait partie de la société canadienne en jouant au soccer et en montrant de l’intérêt pour les activités locales. Selon l’agente : « Or, cette allégation n’est pas appuyée par de la preuve, telle qu’une lettre de son association de soccer ou des connaissances que le demandeur fréquente lors d’activités dans sa communauté »;
6. Le demandeur avance avoir plusieurs amis et même de la famille au Canada. L’agente note des lettres d’appui à son égard attestant ses qualités d’ami et de bon travaillant. Cependant, elle « constate toutefois que son père, sa mère, ses frères et ses sœurs sont tous à l’étranger, la plupart résidant en Algérie. Le seul lien familial que le demandeur semble avoir au Canada est une cousine. Toutefois, la preuve ne démontre pas avec satisfaction l’identité et le statut au pays de cette dite cousine, ni même les liens que M. Chabira entretient avec elle »;
7. À l’argument présenté par le demandeur qu’il a quitté l’Algérie depuis trop longtemps pour y retourner, l’agente estime qu’il n’a pas appuyé cette déclaration par de la preuve et ajoute : « Considérant par ailleurs qu’il a passé plus de la moitié de sa vie dans son pays d’origine, dont une partie de sa vie adulte, et considérant qu’une grande majorité de sa famille s’y trouve toujours, j’estime que le demandeur ne serait pas sans ressources s’il y retournerait »; et
8. Elle conclut sur le critère de l’établissement : « À la lumière des éléments de preuve au dossier du demandeur, je ne suis pas satisfaite que les difficultés liées à l’établissement de M. Chabira au Canada sont, en elles-mêmes, suffisantes pour justifier une dispense pour des motifs humanitaires ».
(b) Les Risques de Retour
[9] Avant d’évaluer les deux différents risques invoqués par le demandeur; les risques liés à la famille Chafia et ceux liés au DRS, l’agente écrit ceci :
Il importe de souligner que l’évaluation des circonstances d’ordre humanitaire diffère de l’examen des risques avant renvoi. Il s’agit ici d’évaluer tous les éléments de la demande et de décider si les facteurs de risque ou les facteurs autres que le risque pourraient équivaloir à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées.
(i) Risques Liés à la Famille Chafia
[10] Selon l’agente, le demandeur soutient qu’il est à risque aux mains de la famille Chafia suite au déshonneur qu’il a commis en ayant des relations sexuelles avec une des filles de la famille. Elle note cependant qu’en 1994 la Section du statut de réfugiés avait jugé son témoignage « pas digne de foi » et son histoire « peu crédible ».
[11] L’agente constate que le demandeur apporte un élément nouveau pour appuyer sa crainte; le kidnapping de son frère survenu le 20 juin 1995; un enlèvement en geste de représailles au demandeur suite « à une affaire entre [lui] et une famille dont les deux frères sont des terroristes ». Pour plusieurs raisons, l’agente est d’avis que M. Chabira ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer d’une façon probante qu’il serait toujours à risque aux mains de la famille Chafia y inclut le fait que dans d’autres demandes et sa demande ERRAR, M. Chabira n’a pas fait mention du kidnapping de son frère et le demandeur a vécu en Algérie de 1995 jusqu’en 1997 et ne rapporte pas avoir vécu des problèmes avec la famille Chafia.
(ii) Les Risques liés au DRS
[12] Le risque du DRS allégué par M. Chabira est fondé sur le fait qu’il a été témoin d’une conversation incriminante entre les membres du DRS, dont son ami Karim et qu’il est recherché encore à ce jour à cet effet.
[13] L’agente écrit :
J’ai lu avec attention l’affidavit du demandeur. Bien que j’attribue un certain poids aux déclarations faites sous serment par M. Chabira, je suis d’avis que ce document n’est pas suffisant, à lui seul, pour démontrer de façon probante les faits allégués.
J’ai regardé les lettres de ses deux frères Lounas et Messaoud Chabira. Je note dans la lettre de 2009 de son frère Lounas que celui-ci écrit que des « gengs etranges » (sic) recherchent toujours le demandeur, sans toutefois donner davantage de détails. La lettre est courte et peu détaillée. Elle ne précise pas depuis quand M. Chabira est recherché, ni la fréquence à laquelle des individus viennent s’informer de lui à sa famille. De plus, le demandeur soumet une copie et non l’original de la lettre, pas plus qu’il ne soumet une preuve d’envoi, telle qu’une enveloppe, prouvant qu’elle provient de l’Algérie.
Quant à la lettre de son frère Messaoud, il est question que le demandeur « reste toujours sujet à des menaces proférées par des étrangers ». Comme dans l’autre lettre, l’auteur n’indique pas depuis quand les menaces ont commencé, ni quelle est la teneur de ces menaces. Il est écrit dans la lettre qu’en novembre 2010, deux individus ont interpellé un voisin pour lui poser des questions. Je note qu’il n’y a pas au dossier d’élément de preuve provenant dudit voisin venant corroborer ces faits.
[14] L’agente conclut :
À la lumière de ce qui précède, je ne peux qu’accorder une faible valeur probante aux lettres des frères du demandeur vu leur contenu qui m’apparaît vague et qui ne démontre pas de façon satisfaisante que le demandeur est encore activement recherché par le DRS et toujours à risque aux mains de ses membres.
Le demandeur soumet différents documents sur les pratiques douteuses du DRS et son non-respect des droits humains en Algérie. Certes, je reconnais, par le biais de la documentation fournie et consultée, que les membres du DRS ont usé de méthodes peu orthodoxes dans la lutte au terrorisme. En temps de guerre, ils ont procédé à l’enlèvement, la torture et à l’assassinat d’individus soupçonnés de terrorisme, ont attribué des crimes graves aux groupes islamistes alors qu’ils étaient en réalité le fait de leurs actions et ont éliminé ceux qui en savaient trop. Or, il apparaît aujourd’hui que les méthodes autrefois employées par le DRS soient très rares depuis la fin de la guerre civile, comme en fait foi le Country of Origin Information Report; Algeria du U.K. Home Office de 2011. Il apparaît que la disparition, la détention secrète, la torture et les assassinats arbitraires aux mains des autorités algériennes soient chose peu commune aujourd’hui en Algérie. Les documents soumis en preuve par le demandeur réfèrent d’ailleurs à des événements survenus en grande majorité durant les années 1990, raison pour laquelle je leur accorde une faible valeur probante. Ces documents ne sont d’ailleurs pas en lien avec l’histoire personnelle du demandeur.
[15] L’agent ajoute et conclut :
Certes, le DRS continue de jouir de certains pouvoirs au plan politique et au plan de la sécurité en Algérie. Aujourd’hui, comme il en est question dans la documentation fournie par le demandeur, les individus qui continuent à être à risque de subir des préjudices tels que ceux précédemment exposés sont ceux soupçonnés de terrorisme. Cependant, M. Chabira n’a pas fait la démonstration qu’il s’inscrivait dans une telle catégorie de personnes. Je suis donc d’avis que M. Chabira n’a pas soumis de preuve satisfaisante à l’effet qu’il est lui-même à risque d’être victime des pratiques maintenant peu répandues du DRS.
Ainsi, considérant l’insuffisance de preuve au soutien des allégations de M. Chabira et considérant que la preuve objective actuelle ne vient pas les corroborer, je suis d’avis que le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer un risque personnel qui constituerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées advenant un retour en Algérie.
(c) Risques en tant que demandeur d’asile débouté et risques liés à l’insécurité générale dans le pays
[16] Le demandeur allègue que le DRS est soupçonné de maltraiter les demandeurs d’asile déboutés lors de leur entrée au pays. L’agente rejette la prétention du demandeur. Elle estime qu’il s’agit de ceux qui sont soupçonnés de terrorisme qui sont à risque et que le demandeur n’a présenté aucune preuve qu’il était membre d’un tel groupe.
[17] De plus, l’agente a noté l’insécurité générale en Algérie mais que celle-ci s’était améliorée pour tous les Algériens et qu’il s’agissait d’un risque généralisé pour tous les Algériens et non seulement pour le demandeur.
IV. Les Arguments
(1) Du demandeur
[18] Le demandeur soumet que l’agente (1) a erré dans son analyse de la preuve au dossier; (2) a erré en ne convoquant pas le demandeur à une entrevue.
[19] Le premier argument du demandeur vise le rapport du U.K. Home Office de 2011 sur l’Algérie. Quoique l’agente ait reconnu que le DRS a déjà utilisé l’enlèvement, la torture et l’assassinat pendant la guerre contre des personnes qui détenaient des informations confidentielles et celles soupçonnées de terrorisme, elle constate, d’après ce rapport, que ces mesures ne sont plus utilisées depuis la fin de la guerre. Cependant, le demandeur maintient que l’agente a omis de mentionner d’autres éléments pertinents du rapport. Notamment, quoique ces mesures ne soient plus utilisées dans la plupart des cas, selon certaines sources, ces traitements se déroulent toujours pour ceux qui sont soupçonnés de terrorisme. Pour ces derniers, il y a toujours des arrestations arbitraires et aucune possibilité de procès équitable. De plus, les centres de détentions pour ces individus sont contrôlés par le DRS et la torture et autres traitements cruels sont toujours pratiqués secrètement. Finalement, le rapport indique que l’impunité envers les forces du DRS demeure un problème.
[20] En ignorant ces informations dans le rapport, le demandeur croit que l’agente a commis une erreur susceptible de révision. De plus, le demandeur croit que l’agente a erré en reprochant au demandeur de ne pas avoir produit de preuve comme quoi qu’il risquerait les représailles du DRS. Le demandeur croit qu’il s’agit d’un fardeau impossible à rencontrer, car il n’est pas possible d’obtenir une confirmation du DRS qu’il est recherché par cette agence.
[21] Le deuxième argument soulevé par le demandeur est fondé sur l’article 167 du Règlement de la LIPR. Dans ses motifs, l’agente mentionne que le demandeur n’a pas signalé dans sa première demande CH ni dans sa demande ERAR que son frère avait été enlevé en 1995 et qu’elle n’a pas d’information quant à la raison de cette omission. Le demandeur croit que ces reproches mettent en doute sa crédibilité.
[22] Selon le demandeur, en raison de ses doutes, elle aurait dû le convoquer à une entrevue pour obtenir plus d’information quant à l’enlèvement de son frère. Le demandeur invoque l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227) (RIPR) et argumente que selon cet article, une audience est possible s’il y a des doutes quant à la crédibilité du demandeur. Le demandeur croit qu’il était impossible de soumettre de l’information pour corroborer son histoire étant donné qu’il n’était pas au courant de ces doutes.
[23] L’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227) (RIPR) se lit :
167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :
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167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following: |
a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;
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(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act; |
b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;
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(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and |
c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.
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(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection. |
(2) Du défendeur
[24] Le défendeur cite l’arrêt Herrada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1003 au para 49 et l’arrêt Lee c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 413 au para 13 :
49 Il appartient à l'agent d'immigration d'évaluer les facteurs pertinents dans une demande pour motifs humanitaires et, lorsque toutes les questions ont été adéquatement examinées par le décideur de faits, cette Cour ne doit pas réévaluer la preuve. En effet, la décision dans une demande pour motifs humanitaires est une décision largement discrétionnaire et cette discrétion a été confiée au Ministre ou son délégué par le Parlement.
13 Je tiens à répéter encore une fois que la Cour ne peut intervenir à la légère dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire des agents d'immigration. La décision concernant une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire doit reposer sur une analyse des faits et sur la pondération de nombreux facteurs. J'estime que l'agent a pris en considération tous les facteurs pertinents au regard des motifs d'ordre humanitaire et qu'il n'a commis aucune erreur justifiant l'intervention de la Cour.
[25] Le défendeur remarque que le demandeur ne conteste pas l’appréciation de la preuve faite par l’agente concernant son degré d’établissement et ne conteste pas l’appréciation de la preuve faite par l’agente concernant les risques liés à la famille Chafia ainsi que les risques en tant que demandeur d’asile débouté et les risques liés à l’insécurité générale dans le pays. Selon le défendeur, le demandeur invoque seulement deux questions : (1) la première liée dans son analyse de la preuve au dossier relative aux risques liés au DRS; et (2) la deuxième en ne convoquant pas le demandeur à une entrevue.
[26] Le défendeur soumet que ces deux arguments sont sans fondement.
[27] Selon le défendeur, le rapport du UK Home Office de 2011 fait état d’arrestations arbitraires du DRS qui se poursuivent en tout impunité. Cependant, l’extrait du rapport cité par le défendeur dans son mémoire précise que le DRS continue d’arrêter des personnes soupçonnées de terrorisme, un fait que l’agente a bien reconnu en constatant que le demandeur n’a pas démontré faire partie d’une telle catégorie.
[28] Selon le défendeur, l’agente n’avait pas à convoquer le demandeur en entrevue et ceci pour deux motifs : (1) l’article 167 du RIPR ne s’applique pas aux demandes en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’Immigration et la Protection des Réfugiés (LC 2001, ch 27) (LIPR); et (2) l’article 167 du Règlement prévoit expressément qu’il ne s’applique que pour l’alinéa 113b) de la Loi qui ne concerne que les demandes d’examen des risques avant renvoi, ce qui a d’ailleurs été confirmé dans l’arrêt Doumbouya du juge Shore (Doumbouya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1186 [Doumbouya]).
[29] D’autre part, le défendeur soumet que le constat de l’agente ne vise pas le manque de crédibilité du demandeur, mais bien l’insuffisance de la preuve.
V. Analyse et conclusions
(a) La norme de contrôle
[30] La première question soulevée par le demandeur vise l’appréciation par le tribunal de la preuve devant lui. La norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision raisonnable. La Cour Suprême du Canada a expliqué, au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, ce que signifie une décision raisonnable :
47 La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l'origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n'appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d'opter pour l'une ou l'autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. [Je souligne]
[31] D’autre part, le juge Binnie, dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339 aux paragraphes 4 et 45, attire notre attention à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales (LRC 1985, ch F-7). Selon le juge Binnie, il ressort clairement de cet article que le législateur voulait qu’une conclusion de fait tirée par un organisme administratif appelle un degré élevé de déférence.
[32] La deuxième question soulevée par le demandeur vise l’interprétation de l’article 167 du RIPR. La norme de contrôle est celle de la décision correcte.
(b) Conclusions
[33] L’agente n’était pas obligée de convoquer le demandeur en entrevue et ceci pour deux motifs : (1) l’article 167 ne s’applique pas aux demandes en vertu de l’article 25 de la LIPR, il ne s’applique que pour l’alinéa 113b) de la Loi (voir l’arrêt Doumbouya précité); (2) l’agente n’a pas fondé sa décision sur un manque de crédibilité du demandeur mais plutôt sur l’insuffisance de la preuve quant au risque lié à la famille Chafia.
[34] Deuxièmement, l’agente n’a commis aucune faute dans son appréciation des faits. Les risques liés au DRS se limitent aux activités terroristes commises sur le territoire de l’État. Le demandeur n’a pas ce profil.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que cette demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question importante n’a été suggérée.
« François Lemieux »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-8365-11
INTITULÉ : BRAHIM CHABIRA
c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal
DATE DE L’AUDIENCE : 17 mai 2012
MOTIFS DE JUGEMENT
ET JUGEMENT: monsieur le juge Lemieux
DATE: 21 novembre 2012
COMPARUTIONS :
Me Didier Leroux
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
Me Caroline Doyon
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POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Didier Leroux Montréal (Québec)
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POUR LA PARTIE DEMANDERESSE |
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec)
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POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE |